Keisuke Hada, La vie du bon côté

Keisuke Hada, La vie du bon côté

C’est le type de livre dont la lecture est pénible et qui ne prend sens qu’à la dernière page. Mais un sens fulgurant qui étreint et donne envie de reprendre les choses depuis le début. Sauf que si on s’y aventure, on trouve la lecture toujours aussi douloureuse… juste nantie d’une pincée de compréhension en plus.

C’est écrit au rabot à bois, à longs traits bruts, sans finesse. Le ton adolescent déstabilise quand on sait que le narrateur a vingt-huit ans. Il est si puéril… il élabore des raisonnements alambiqués tout à fait déconnectés du réel. Tous les personnages, d’ailleurs, semblent naviguer dans un no man’s land froid où la communication est agressive et la conscience humaine absente. D’où un sentiment de malaise. On y trouverait vite du mauvais goût. Mais on sent aussi qu’il nous manque des clés japonaises pour être réceptif aux échos que ce texte renvoie sur la société de là-bas.

Questionner un parent âgé sur son passé était beaucoup plus gênant que de se comporter grossièrement avec un parfait inconnu. (136)

Le grand-père est traité comme un objet. Il ne semble subsister aucun lien de familiarité, ni souvenirs partagés, ni tendresse d’une vie vécue ensemble, avec sa famille. Kento, son petit-fils, est complètement névrosé. Il voit l’envahissement de l’espace public par les vieux comme un encombrement répugnant et menaçant. Un transfert du mépris qu’il éprouve pour lui-même, provisoirement inutile socialement ? De ce miroir de faiblesse, il va tirer une obsession pour la remise en forme. Obsession morbide et mécanique. C’est cette complexité qui est intéressante. De sa fascination égocentrée pour la déchéance sous couvert de compassion il va tirer un élan pour réembrayer une vie professionnelle. Oui mais quelle vie… emploi jetable, immeuble de béton, un enfer blanc privé de jour comme de nuit… Il ne retrouve finalement que la force d’être fonctionnel dans un univers utilitariste. Ce roman est un constat de vide, d’inutilité et de faillite humaine épouvantable.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

 

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