John Gierach, Danse avec les truites

Massif de l’Aigoual, lac des Pises

Au retour des chaleurs estivales tant redoutées, s’est développé en moi une furieuse envie d’eau qui a débordé jusqu’aux étages littéraires. Quoi de mieux qu’une virée de pêche à la mouche en ce cas ? Rivières chantantes, petits matins dérobés à la clarté du jour et aventures vespérales, échappées de plein air par un de ces jours gris, lugubre, qui est d’ordinaire le meilleur moment pour les éclosions – de quoi combler le manque de contact avec une nature fraîche et frémissante qui est pour l’heure à la peine sous le soleil cuisant et desséchant de juillet.

Le stillhunting est l’art de se tenir tout à fait immobile tout en marchant. (102)

J’ai trouvé les deux premières nouvelles bizarrement traduites puis me suis vite consolée avec la suite. Dans ce volume, John Gierach fait des pas de côté en insérant des récits de chasse. Son ton décalé les rend aussi plaisants que ses histoires de pêche – Pan sait pourtant que je n’ai pas d’affinités particulières avec cette activité (avec la pêche non plus, d’ailleurs !). J’ai beaucoup apprécié son chapitre sur la grouse bleue dans lequel il raconte qu’il a fini par adopter une sorte de gymnastique éthique à l’égard de cet oiseau. Là où la morale s’imposerait, brute et intransigeante, l’éthique expérimente, quitte à être maladroite. Tout cœur humaniste en harmonie avec l’aspect dérisoire et absurde de l’existence se reconnaît dans cette gymnastique.

Je pense que cette fascination que j’éprouve pour le gibier, de même que pour les poissons ou les oiseaux, relève d’une sorte d’envie. Ils vivent en harmonie avec le monde sauvage comme jamais je ne pourrai le faire avec toute la technologie à ma disposition, avec mes besoins de confort et mon pauvre corps maladroit dépourvu de poils. (157)

A l’heure où les populations d’éphémères sont en diminution continue, les livres de John Gierach, qui leur rend indirectement hommage, nous font entrevoir l’impact désastreux de cette disparition silencieuse.

Massif de l’Aigoual – Lac des Pises

Le mont Aigoual

Massif de l’Aigoual

Mare des Pises – Agrions

 

Ce n’est pas à proprement parler une information dénuée d’intérêt, c’est juste une pièce trop petite dans un puzzle bien trop grand, un peu comme quand, toutes les deux ou trois générations, il pleut des grenouilles. (…) Un de mes amis prétend qu’essayer de comprendre ce genre de phénomène est comme enseigner le chant à un cochon : ça peut être intéressant au début, mais c’est une perte de temps, et pour finir ça ennuie beaucoup le cochon. (147)

La différence entre être perdu ou être momentanément désorienté est simplement une question d’état d’esprit. Si vous voyez la chose comme un problème intéressant à résoudre, cela devient une erreur d’aiguillage temporaire; si vous faites une crise, vous êtes perdu. (161)

 

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