Le latin de mon jardin – Diane Adriaenssen

Le latin de jardin n’est pas le latin de Virgile. (22)

Je suis tombée amoureuse de ce livre. Quel crève-cœur que de le rendre à la bibliothèque au bout des deux mois impartis ! J’aurai aimé encore le caresser, le câliner, l’explorer sous toutes ses délicates facettes. L’étymologie m’enchante et les plantes de mon jardin sont la sève de mon existence. L’alliance des deux en fait un objet de délices. Il faut dire aussi que les textes qui le parsèment pétillent d’humour et de finesse d’esprit. On en vient à envier ces artistes de la botanique qui ont tout inventé quand ce domaine était encore en fusion – Aristote, Théophraste d’Erèse, Dioscoride, Pline l’Ancien, Leomart Fuchs, et bien sûr Carl von Linné. On rêve de découvertes au côté des aventuriers de la bouture partis au loin pour découvrir des plantes inconnues (juste pour le plaisir de jouer à la fleur bleue un instant, le voyage ne devait pas être si rigolo que ça). Mais restons raisonnable et à notre mesure. Glaner des graines au cours de modestes escapades ou pratiquer des échanges sur internet en est une version moderne déjà charmante et stimulante.

Aujourd’hui, le Code international de nomenclature botanique stipule qu’un nom botanique peut provenir de n’importe quelle source, et être constitué de manière totalement arbitraire. De la sorte, on trouve des acronymes d’instituts scientifiques, et même des noms très plaisants, qui ne veulent absolument rien dire. Un exemple amusant est celui du Quisqualis (du latin quis ?, qui ? et qualis ?, de quelle sorte ?), dont il existe au moins une trentaine d’espèces. (13)

Je serai bien tentée aussi de me servir de ce latin créatif pour qualifier les spécimens de mon entourage par un nom de genre et un épithète, à la manière amérindienne… ce qui convient aux plantes pourrait fort bien s’appliquer au bipède…

La recherche sémantique et étymologique promet des surprises. Quelques plantes perdront irrémédiablement leur aura dans l’exercice, comme le pauvre myosotis, qui n’est qu’une oreille de souris, ou le fier orchis, réduit à une paire de testicules ! (5)

Le Code établit qu’un nom de genre ou d’espèce peut avoir n’importe quelle origine, même arbitraire. Que ce nom vienne du latin, du grec, d’une langue indigène, d’un nom de personne, d’un lieu géographique, ou même d’une anagramme, il sera toujours réputé latin. C’est pourquoi nous parlons de latin botanique alors que Aucuba et Akebia sont japonais, Ananas est brésilien, Catalpa vient des Indiens d’Amérique, Amélanchier fut repris du provençal et Armeria est d’origine celte. (19)

À une époque lointaine et poétique, où notre pragmatisme n’avait pas encore élevé de barrières infranchissables entre le divin et le mortel, entre l’animal et le végétal, être changé en plante fut le sort de plus d’un. Cette métamorphose résultait de la jalousie ou du courroux des dieux, ou, au contraire, de leur compassion. Epoque bénie où les scènes de ménage et le sang versé faisaient pousser tout un jardin ! (180)

 

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