Julien Blanc-Gras, Dans le désert

J’ai beaucoup ri, au début, quand il s’est agi de faire un choix entre ennui et décapitation; puis plus rien… bug de la connexion malicieuse avec Julien Blanc-Gras. J’en suis restée tout éplapourdie ! Je me suis dit que cela venait de moi, que je n’étais pas dans un bon état d’esprit. J’ai essayé de reprendre le livre à différents moments de la journée, de varier les humeurs… en vain. Ma sensibilité restait platement terrée dans une ternitude anormale. Mais finalement, je n’étais pas en cause ! Sur le pont des Soupirs en plastique du Villagio, nous nous sommes retrouvés, l’écrivain et moi. Ce centre commercial, emblème de rien, a miraculeusement provoqué une micro-crise existentielle qui a redonné de l’allure au livre. Mon coeur s’en est trouvé tout réchauffé, à en éclairer les pages pour lire dans le noir. Parfois sombrer revivifie.

L’adultère est tabou; il est toutefois répandu. (…) Paradoxalement, l’infidélité féminine est facilitée par les tenues couvrantes. Il suffit de changer de sac et de chaussures pour se déplacer incognito. J’ai entendu des histoires concernant des mères de famille que je n’ose même pas retranscrire ici. Lorsque le réel compte moins que l’apparence, une forme de double pensée se met en place. (105)

Cette franche retrouvaille avec le je après un début plus conventionnel où les idées s’alignaient les unes derrière les autres comme des wagons, anime quelques chapitres parfois touchants – les ouvriers surexploités – souvent facétieux, à son image de lutin voyageur humaniste. Julien Blanc-Gras, dans son hasardeuse et laborieuse recherche d’interactions humaines sème quelques remarques justes, directes et simples sur le Qatar. S’il ne nous donne pas vraiment les clés pour ouvrir les portes de la compréhension – lui-même semble ne pas les avoir vraiment trouvées -, il fait jaillir quelques étincelles sur ce qu’est ce pays en fragile construction d’identité derrière ses étalages ostentatoires où le présent semble instantanément balayé par le vent.

 

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