Emmanuelle Pagano, Un renard à mains nues

Emmanuelle Pagano, Un renard à mains nues

J’avais pris la bonne résolution de lire cet été des auteurs que j’aime au lieu de laisser aller ma curiosité vers le premier bouquin venu me faisant de l’œil sur les étals de la médiathèque. Peine perdue. Résolution non tenue, frémissement du cœur en vue ! J’ai eu un véritable coup de foudre pour l’écriture d’Emanuelle Pagano.  Les descriptions de sensations, d’états d’être, sont fines et précises. Elle nous parle de la translation de la conscience de soi, de l’imprégnation des bruits, de l’air, des choses vues. Elle met les mains dans la crasse, les ordures, avec délicatesse, douceur et respect, réaffirme la dignité de la complexité humaine au sein du monde standardisé.

Portraits de quelques pages, dialogues intérieurs, personnages qui resurgissent à l’improviste dans des relations interpersonnelles qu’on ne soupçonnait pas, le procédé est exactement le même que dans le nullissime Heureux les heureux. Sauf qu’ici il y a une voix aux accents particuliers qui murmure tendrement à l’oreille du lecteur, des portraits habités bien que dépenaillés, l’amour du livre et de lecture, un travail sur l’écriture, une magie qui pétille de tous ses feux. Yasmina Reza peut aller se rhabiller.

Il s’assoit. Il est très sale, il pue, il a un visage mangé de poils et de cheveux, et, sous eux, un drôle d’air angélique, très doux, blanc cassé. Un blanc cassé pas terre, plutôt une sorte de lueur atténuée par la confusion des poils et la crasse qui la recouvrent. Il est si barbu qu’on pourrait de loin et par inadvertance , le croire cagoulé. Il est tellement fangeux que j’imagine sa peau comme un terreau où planter des fleurs, son haleine comme un fertilisant, tout son corps à jardinier. (86)

 

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