Jean Carrière, L’indifférence des étoiles

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Comment le sens pourrait-il atteindre l’indicible ? (p 179)

On retrouve un peu le Jean Carrière de Retour à Uzès avec ces flots intérieurs qui se déversent dans des tourbillons torturés. Mais le propos s’est décentré sur un personnage extérieur bien construit. Le style, du reste, a changé. Il s’écoule, fluide, dansant, en phrases incroyablement longues, à lire au fil de l’onde…

Peut-être faut-il avoir tout perdu et être démuni de tout ce qui donne un sens à la vie pour que l’écriture obtienne la force nécessaire à l’envie de tout repêcher dans les profondeurs de notre naufrage. (176)

C’est un roman complexe, porté par ce questionnement sur le temps récurent dans le travail de l’auteur, mais nourri aussi de pages flamboyantes et transcendantes sur la plénitude, la création et la quête d’absolu.

Il me fit part avec véhémence d’une théorie selon laquelle la littérature n’était qu’un art mineur, puisque contraint par la nécessité d’être accessible à une majorité de lecteurs. Selon lui, la seule façon d’échapper à ce carcan, était : premièrement de n’avoir aucune ambition sociale, deuxièmement de faire comme si l’on s’adressait au seul interlocuteur qui vaille, même si l’on n’était pas assuré que cet interlocuteur existât : Dieu en personne. (179)

Jean Carrière n’épargne pas son public – Dieu a-t-il besoin d’être ménagé ? Il tourne autour du nombril de Gabriel et des cloaques métaphysiques où il se complaisait rageur, cherchant à défendre ses visions, avec des mots chargés d’idées, des paragraphes un tantinet larmoyant, des phrases étouffe-lecteur. Mais quand on survit à cette littérature, à cette sublimation forcenée des êtres et des choses, on se trouve enlacé par un élan extraordinairement habité et vivant. On prend la mesure de ce qu’a dû vivre cet homme, dont les livres sont pour une grande part des déchirures autobiographiques.

Il n’y avait sans doute pas deux personnes au monde aussi riches que lui : il possédait tout et tout le possédait. Il n’avait besoin que de respirer, de voir, d’entendre, et de goûter la saveur alerte et épicée de l’air qui touchait son visage et lui apportait toujours des nouvelles fraîches des quatre coins de son univers. (82)

J’ai eu du mal à m’en extirper…

Mais son instinct lui disait que ces affranchis, si bien rompus aux ruses de la vie sociale dont le collège était un microcosme, ne connaîtraient jamais le goût naturel de l’existence. (35)

Mais il savait que souvent les dieux se vengent en exauçant nos vœux, sans doute parce que nos vœux n’expriment que nos faiblesses. (330)

 

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