Alice Munro, Un peu, beaucoup, pas du tout

Alice Munro, Un peu, beaucoup, pas du tout

Je n’ai pas tout à fait retrouvé l’Alice Munro qui m’est familière. L’écriture dense, travaillée, incisive. Il faut dire, et je crois que c’est la première fois que je note cet argument dans une critique, ce n’est pas une habitude de ma part pour excuser les auteurs, que la traduction semble quelque peu négligée. Il suffit de lire :

Il avait refusé, sans donner d’explication, mais elle l’avait compris qu’il pensait que le temps manquait pour s’en servir. (66)

Paul Gibbings ne s’était pas attendu que Nina lui fît des ennuis. (159)

Ce que Mike se rappelait était différent de ce que je me rappelais. (185)

pour se dire que la précision de la langue n’a pas été une priorité. Plus brouillon, plus fouillis que d’habitude. Une construction confuse par endroits. Des mots qui ne sonnent pas juste. Mais aussi, et là il s’agit bien des choix de l’auteur, des histoires plus complexes et des conclusions optimistes, tendres, auxquelles je n’étais pas habituées. L’atmosphère est douce-amère, apaisée.

Il y avait un danger chaque fois que je me trouvais à la maison. C’était le danger de voir ma vie par d’autres yeux que les miens. (123)

Alice Munro semble n’avoir peur d’aucun sujet. Elle sait tirer toute la substance d’une situation psychologique donnée. Audacieuse, elle tisse des histoires fortes et originales. Les limites à ne pas franchir dans les conversations de famille, sous peine de voir tomber la gêne, ce drap mortuaire tendu au-dessus de la table. Les manipulations conscientes de nos fantasmes, de la perduration des émotions au-delà des faits. Un angle atypique sur la maladie d’Alzheimer où la moralité est dépassée par la réalité humaine.

Le fait curieux dans mes relations avec ces nouvelles (et celles des autres recueils), c’est que j’en oublie très vite les tenants et les aboutissants une fois le livre refermé. Seul perdure cet esprit lucide qui incite à être plus présent et attentif au déroulement des interactions humaines…

 

Ce contenu a été publié dans Explorations littéraires. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *