Patrick Deville, Peste et choléra, lu par l’auteur

Patrick Deville, Peste et choléra, lu par l’auteur

Ce livre m’a furieusement rappelé Des éclairs de Jean Echenoz. Même biographie froide et désincarnée d’un scientifique. L’auteur décrit des situations avec recul et ironie. Il survole des portions de temps et d’espace en les manipulant de ses doigts d’entomologiste ou de Dieu omniscient.

L’effet est accentué par la lecture de Patrick Deville. Il parcoure son texte d’une voix égale, méticuleuse, presque mécanique.

J’avais, à l’écoute du Masque et la Plume où ce livre a fait l’unanimité, engrangé l’idée d’une histoire aventureuse avec des bateaux parcourant les mers, écrite dans une envolée romanesque. Que nenni ! Nous sommes ici plus proches d’un Que sais-je que d’Elizabeth Goudge. C’est la première fois que je rencontre une telle déconvenue.

J’ai laissé tomber vers la moitié. À ranger dans le carton ennui élégant et de bon goût avec les livres de Jean Echenoz et de Philippe Labro.

 

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Alphonse Allais, Nouvelles, lu par Pierre Bellemare

Alphonse Allais, Nouvelles, lu par Pierre Bellemare

Alphonse Allais semble avoir eu régulièrement des problèmes de loyer. Il a en tout cas réfléchi avec application à la manière de se dépêtrer des logeurs en attente de leur argent. On apprend aussi, à travers ces nouvelles, à allumer la bacchante. Activité beaucoup plus frivole et réjouissante. Les nouvelles sont courtes et se précipitent vers l’essentiel sans en rajouter. Certaines chutent excellemment. Pierre Bellemare, en conteur expérimenté, sait nous embobiner l’imagination. Le ton est parfois trop enjoué, va vers le bruyant, mais on lui pardonne, car il est généreux et s’il s’emporte un peu trop, ce n’est que par enthousiasme. Un bon divertissement.

 

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Henri Troyat, Le vivier

Plateau du Lévézou, chemin des éoliennes - Henri Troyat, Le vivier

Plateau du Lévézou, chemin des éoliennes

Henri Troyat frise le grotesque et la caricature sans jamais y céder vraiment. C’est habile. Cette légère exagération des caractères donne du corps aux personnages tout en en préservant le réalisme.

Étant donné mon expérience dans l’aide à domicile, j’ai particulièrement goûté les rapports entre Mme Chasseglin et Mlle Pastif. La crise de nerfs de cette dernière m’a été délicieuse.

J’ai beaucoup aimé l’aspect psychologique du roman. Henri Troyat excelle à décrire les relations humaines malsaines. La servilité, la lâcheté, l’appropriation, la jalousie… Finalement, aucun de ces personnages n’a réellement conscience des autres en-dehors d’un intérêt personnel immédiat. Situations mainte fois rencontrées dans la vie et parfaitement mises en scène ici  dans une histoire qui ne manque pas de suspens.

Je me demande si Henri Troyat a inventé le nom de toutes ces patiences ou si elles existent vraiment.

Philippe écoutait, regardait une Mlle Pastif que la seule présence de Mme Chasseglin avait transformée en petite vieille bavarde, obséquieuse, follette jusqu’à l’écœurement, et ne savait que répondre. Et plus Mlle Pastif multipliait ses mines et ses exclamations, plus il s’enfonçait dans une immobilité et un mutisme stupides. Il se sentait séparé de sa tante et de Mme Chasseglin par l’exhaussement et la lumière qui séparent les acteurs du spectateur enfermé dans l’ombre, en contre bas. (18)

 

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Jean Anouilh, Fables

Montjaux, dolmen de Jonquayrolles - Jean Anouilh, Fables

Montjaux, dolmen de Jonquayrolles

Jean Anouilh est l’ami du petit déjeuner. Lues le nez dans le bol de thé et la lampe calée entre les tartines chaque matin, ces fables mettent les neurones en train pour la journée. J’ai testé en couple pendant 2 mois et ce fut un vrai plaisir. Une surprise guillerette, piquante, ironique ou méchante chaque jour au lever.

Concises, rythmiques, sans un mot de trop, elles sonnent juste. Les caractères sont finement vus, habilement rendus. Qui n’a pas croisé un rat portant beau, poil lustré et ras ou un bernard-l’hermite présentant l’âme émue des propriétaires ? Jean Anouilh renouvelle et modernise la fable avec bonheur. Certes ses morales frisent souvent la cocasserie, mais on ne s’en amuse que plus !

Dévorée par son cher pasteur,
L’écrevisse, enfin, connut le bonheur.
Le Seigneur a toujours pitié des pécheresses. (84)

Mon problème désormais c’est que j’y ai pris goût. Textes courts, rythmés et amusants, que lire au petit déjeuner ?

Qui dira un jour, d’aventure,
Les noirs méfaits de la littérature
Qui traite des bons sentiments ?
C’est elle qu’on devrait interdire aux enfants.
Je préfère qu’ils lisent Sade. (90)

 

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Maurice Genevoix, Tendre bestiaire

Maurice Genevoix, Tendre bestiaire

Maurice Genevoix nous raconte des histoires nourries de sève drue. Ces mémoires-bestiaire ou mémoires-herbier comme il les appelle lui-même, se découpent en courts chapitres de souvenirs articulés autour d’une bête à plume, à poils ou à élytres. J’ai retrouvé l’atmosphère de Un jour. Il nomme précisément ce qu’il y a autour de lui à l’aide d’un vocabulaire des campagnes qu’on a oublié.

Les premiers chapitres s’égarent en émerveillements appuyés et rêveurs.

C’est un enchantement pour les yeux. La grâce, la force et l’efficacité touchent ici à la perfection. (le chevreuil p46)

Mais peu à peu, la densité de l’expérience reprend ses droits. Les évocations se font alors de plus en plus impressionnistes. L’auteur avance par petites touches avant de dévoiler tout à fait son sujet. Paradoxalement, je pense que son amour de la chasse et de la pêche l’ont préservé d’un lyrisme trop envolé. Ils lui permet de rester au fait des réalités de la vie des animaux. Il les considère d’égal à égal, avec tendresse.

L’intérêt des textes est inégal. J’ai surtout apprécié ceux qui évoquaient des animaux – chevreuil, sanglier, lapin au derrière preste envirgulé de blanc, … – que je côtoie par chez moi et qui me sont familiers. Mais dans la globalité, Maurice Genevoix offre une vision du monde dans laquelle on entre à pas feutrés, dont on ressort par inattention. Un livre à relire pour se sentir vraiment participer de cette union délicate avec la nature.

« Canets ! Canets ! » Petits bipèdes jaunes et bruns, souples du cou à pouvoir, du bout du bec, se gratter le sommet du crâne. (146)

 

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Joseph Kessel, Les amants du Tage

Montjaux, dolmen de Jonquayrolles - Joseph Kessel, Les amants du Tage

Montjaux, dolmen de Jonquayrolles

Quel roman épouvantable !
J’adorais les livres de Joseph Kessel quand j’avais 11/12 ans. J’ai été fort dépitée de le retrouver si balourd 28 ans plus tard.

L’aventurier ombrageux, à la simplicité primitive, mâle ténébreux qui cache des souffrances indicibles en son sein, rencontre une jeune-femme séduisante et fine mais tout aussi tourmentée. De cas de conscience en  jalousie, les ficelles de leur relation sont grosses comme des cordages de bateau. L’écriture fiévreuse nous entraîne dans du pathos de roman de gare bâclé. Cornichon sur le gâteau rassi, la fin, tout en expiation des péchés est d’une inspiration judéo-chrétienne effroyable.

 

Antoine avait souvent vécu en solitaire. Mais autrefois, c’était un comportement, un penchant spontanés. Maintenant, au creux de la solitude naturelle, une seconde solitude s’était formée, étroite, étouffante. Antoine se sentait d’une espèce, d’une substance qui n’étaient plus celles des autres hommes. (11)

 

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Jean Carrière, L’épervier de Maheux

Plateau du Lévézou, chemin des éoliennes - Jean Carrière, L’épervier de Maheux

Plateau du Lévézou, chemin des éoliennes

Il faut s’accrocher pour démarrer. Les phrases ne sont pas simples. Jean Carrière nous offre une langue râpeuse, rude et tellurique, toute de cailloux et de douleurs. Le pays est lourd, âpre, peu enclin à la présence humaine. C’est un endroit où il n’est pas de maîtresse branche ni de poutre à portée de main qui n’aient offert au moins une fois la tentation d’y accrocher un bien vilaine corde. Une peinture du pays cévenol qui sort des sentiers touristiques.

Le vieux Reilhan, taiseux lunaire, trouve sa consolation dans la navigation à travers les grands espaces avec enfin le ciel immense pour lui seul » quand il peut emprunter un cheval pour labourer ses champs hauts. Samuel, le benjamin, cultive son handicap par mollesse et se débat avec une mère omniprésente. Abel, l’aîné, est un ours des montagnes buté. Il s’acharne à tirer avec un mauvais fusil sur une cible inaccessible. Les personnages secondaires ont autant de densité que les personnages principaux. Ils marquent, frappent l’imagination de leur réalité.

Le médecin, surtout, personnage cynique, cultivé, au regard distancié, parsème le roman de ses commentaires, témoin désabusé mais aimant à sa façon. L’irréalité des apparences matérielles face à la vie de l’esprit, la valeur dérisoire de l’être humain écrasé par les parois de la montagne, la superficialité de la vie courante, l’habitent à le hanter.

Il vaudrait mieux être une pierre que ce nous sommes. (315)

Un de ces bouleversements littéraires qui remuent l’intérieur comme il en arrive rarement. J’ai été soufflée.

Prenons un exemple : un beau matin, des messieurs très calés décident qu’il faut soigner les crétins du Haut-Pays (tenus pour tels) : ces énergumènes baveurs et ravis qu’on rencontre parfois là-haut assis au pied d’un arbre, et qui ont avec les papillons ou le vent de mystérieux conciliabules, les empêchent de dormir. Soigner, c’est- à-dire essayer d’ajuster le comportement d’un zèbre qui vit au milieu de ses chèvres dans un isolement presque total, sur celui du premier couillon venu, et d’ailleurs parfaitement abruti par les cohues, le tiercé, les bistrots ou le cinéma. On voit qu’il ne s’agit pas du même animal. Guéris, c’est-à -dire bons pour l’abrutissement général, on les renvoie chez eux. (22)

Le monde autour de lui continuait à vivre sur sa lancée personnelle qui n’était pas celle des hommes, insoucieuse et sans projet, tout entière dans la gloire d’un instant de création qui durait depuis quelques milliards d’années. (296)

 

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Jules Romain, Les copains

Jules Romain, Les copains

Je n’ai pas été bon public pour ce livre. Burlesque, loufoque et potache, il a tout pour être sympathique. L’écriture se tient : jeux de mots et chemins de traverse poétiques travaillés et créatifs.

Une petite route se tortillait de plaisir entre des boqueteaux et des prairies. (89)

Mais je ne suis pas un jeune-homme des années 20. Il a certainement faire bondir dans les chaumières en son temps (de jubilation ou d’indignation selon le lecteur). La société corsetée entre service militaire et imprégnation religieuse qu’il égratigne a eu du plomb dans l’aile depuis et je trouve le texte daté. Seule la scène flamboyante de la cathédrale n’a pas vieilli. Le sermon incitant les brebis au labourage des sillons et au pétrissage des boules de neige n’est toujours pas d’actualité presque cent ans plus tard, loin s’en faut. Les coincés de la chasuble courent encore les rues.

 

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L’épopée de Gilgamesh, lu par Thierry Hancisse

L’épopée de Gilgamesh, lu par Thierry Hancisse

Les aventures du héros mésopotamien sont faciles à aborder à travers ce livre audio. Elles sont condensées et retranscrites dans une langue moderne. Les musiques et les dialogues sont soignés, le rendu se situe entre le feuilleton radiophonique et le cinéma. Thierry Hancisse porte l’épopée d’un élan alerte et chevaleresque. À son écoute, j’ai pu me familiariser avec ce mythe centré sur la dualité Gilgamesh / Enkidu. On suit bien la progression entre férocité, dualité et apaisement final.

 

 

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Edgard Allan Poe, Une descente dans le maelström, lu par Jean Topart

Edgard Allan Poe, Une descente dans le maelström, lu par Jean Topart

Une brève aventure tellurique. Edgard Allan Poe, secondé par la lecture appuyée de Jean Topart, nous met en situation dans le tourbillon infernal. Du suspens, du mystère, le texte nous tient en haleine. On admire le sang froid du marin. Je n’ai pas tout à fait accroché avec le ton fiévreux, précipité, martelé, de Jean Topart, mais comme c’est très court, je m’en suis accommodée. Il ne manque pas d’habileté pour manier la langue, parfois grandiloquente, et rendre les images marquantes.

 

 

 

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