Gilles Vigneault, Étraves

Gilles Vigneault, Étraves

Lent, léger, doux et mélancolique. La poésie de Gilles Vigneault est parole d’un monde intérieur qui se mêle au firmament. Ciel et sentiments se mêlent, nuages et émotions passent et se dissolvent. Les saisons se télescopent à l’image du temps intérieur où passé et futur ne vivent qu’au présent. La fragilité de l’existence tremblotte comme ces lumières d’hiver, pâles et lumineuses de neige. C’est parfois lourd à parcourir, tant le chagrin et le regret du passé imprègnent certaines sections. C’est souvent mystérieux et insondable, moins facile d’accès que Balises. On garde le plaisir d’une parole ancrée à bon port, d’un auteur qui parle de chez lui, quand tant d’écrivains aujourd’hui ne parlent plus que d’une virtualité sortie de l’écran de leur ordinateur.

L’arbre qui bouge et fait
semblant que c’est le vent

L’homme qui parle et fait
semblant que c’est lui-même. (135)

Et nos corps en dérive
Iront de par la ville
Iront de par la vie
En quête de la grève
Ou vivre la sagesse
Et la paix des épaves. (167)

 

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Carlos Ruiz Zafon, Le jeu de l’ange, lu par Frédéric Meaux

Carlos Ruiz Zafon, Le jeu de l’ange, lu par Frédéric Meaux

L’histoire n’est pas mauvaise, au début. Une certaine étrangeté, des maisons obscures. Une ambiance s’installe. Frédéric Meaux colle bien à la personnalité du narrateur. Petit à petit, on sombre cependant insensiblement dans une torpeur née du vide de ces pièces immenses, sans fondations. J’ai décroché aux alentours de la piste 40. Aucune ambition, aucune proposition littéraire. Tout juste de la pâte de surimi à laquelle on a rajouté un parfum artificiel pour lui donner une apparence de goût.

À ranger dans le carton ennui standardisé au goût insipide.

 

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Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné, lu par Philippe Herisson et 11 comédiens

Victor Hugo, Le dernier jour d’un condamné, lu par Philippe Herisson et 11 comédiens

La musique est pesante, plombante, désespérante. Dès le début, elle alourdit l’atmosphère. Sa récurrence à tous les coins de piste finit par taper sur les nerfs et devenir crispante. Philippe Herisson l’accompagne d’un ton mélodramatique et déprimé. Je n’accroche vraiment pas du tout avec ce type de lecture théâtrale, tout en émotion appuyée, surchargée. Abandon rapide même si le texte a l’air beau… Direction la version papier !

 

 

 

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Maurice Genevoix, Raboliot

Maurice Genevoix, Raboliot

Devant une telle écriture, je suis restée scotchée. Je ne m’y attendais pas. Elle m’est tombée dessus comme un paquet de neige glissant d’un arbre. Non seulement Maurice Genevoix utilise du patois, bouscule les genres, mais il s’amuse aussi avec la langue et invente le terme qui lui manque : une fourrure peladeuse, des tanches dégouttelantes, les doigts entrefermés. Pas une page de tournée sans ouvrir le dictionnaire.

Habité, physique, nourri d’humus et de brumes matinales, c’est un roman incarné, solide. Les personnages ont du coffre, de la consistance, des bras, des jambes, des trognes. Raboliot est un animal des bois, instinctif, les moustaches frémissantes, jouissant de la liberté qu’offrent les taillis, écoutant les bois respirer comme ils respirent quand les hommes n’y sont pas. Les descriptions sont superbes, évocatrices, pointant les détails qui mettent tout de suite le paysage en place, rappelant ce que nos sens ont perçu dans des circonstances similaires. Le brouillard, les mottes de terre spongieuses, l’élasticité des ronces habitent notre perception du monde et débordent sur l’imagination. Ce roman respire toute la force d’âme de l’auteur. Dignité et intégrité y sont défendus avec noblesse.

Un véritable éblouissement.

Un putois a beau être fin, il n’est pas libre de ne pas puer. (23)

 

 

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Sofia Oksanen, Purge, lu par Marianne Epin

Sofia Oksanen, Purge, lu par Marianne Epin

Marianne Epin a un joli timbre de voix, bien reconnaissable. De sa diction claire et rythmée, elle nous fait pénétrer dans ce récit sobre aux menaces sournoises. Les fantômes du cagibi volettent au milieu des mouches de la cuisine et pondent leurs œufs dans la viande. L’ambiance est délétère. Elle est aussi mélancolique et prudente, ronde et douce, comme la musique qui accompagne la lecture. Quand la rudesse de l’Histoire rejoint les saloperies ordinaires, les êtres se débattent pour survivre. Regards furtifs, printemps précoces deviennent les signes de menaces larvées. Aliide est un personnage intéressant, si ordinaire dans ses trahisons. Un livre habité.

 

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Claudie Hunzinger, La survivance

Claudie Hunzinger, La survivance

Quelques phrases alambiquées qui en faisaient trop pour ce qu’elles avaient à dire m’ont d’abord d’abord fait froncer le nez. Le côté attachant du livre a cependant rapidement pris le pas. Ces deux sauvages unis par la littérature, bipèdes des terriers dévorés par les tiques, ont fait naître en moi un sentiment de fraternité et de tendresse. Si ma précarité n’est pas la même, l’essentiel de ma vie n’est pas loin de celle décrite. Comment ne pas craquer alors devant cette ivresse du dépouillement, cette tentative de trouver une place juste et digne face aux assauts de la réalité, ces expérimentations culinaires ? Rien ne nous appartient jamais, nous ne sommes que des invités au milieu des cerfs dont les brames ressemblent à d’énormes bâillements. Le vécu est à fleur de peau, la connaissance de la nature réelle. Si quelques phrases encore m’ont fait grimacer, comme :

Il comprenait les crottins déposés dans un coin par un ânesse, moulés comme autant de biscuits sombres et d’un parfum obscur, méditatif, compatissant (221),

ce fut une expérience de lecture agréable et empreinte d’humaine connivence, à la fin délicate et pudique.

 

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Hélène Grémillon, Le confident, lu par Carole Bouquet, Sara Forestier, Jacques Weber et Hélène Grémillon

Hélène Grémillon, Le confident, lu par Carole Bouquet, Sara Forestier, Jacques Weber et Hélène Grémillon

J’ai bien fait de participer au comité de lecture section classique pour le prix Lire dans le noir 2013, parce que jusqu’ici les livres présélectionnés pour la section nouveautés ne m’emballent pas beaucoup.

Nous nous trouvons ici avec un livre très romanesque. Il est construit sur plusieurs voix mais les changements de point de vue n’apportent pas grand-chose de neuf, on tourne en rond. On s’attend à des surprise, mais elles ne viennent pas.

Intéressant d’apprendre qu’en 1938 l’éducation sexuelle avait été interdite pour mieux relancer la natalité. On misait sur l’ignorance des filles pour mieux les engrosser ?

L’interprétation est très bonne mais ne rattrape pas une histoire qui m’a parue bien longue tant elle ne tient pas ses promesses.

 

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Will Henry, Smoke

Will Henry, Smoke

C’est un roman d’aventures facile à lire qui ne fait pas dans la dentelle. Du sang, des tripes, de l’amour parsemé d’embûches, du sexe contrarié, des baoum badaboum ! Du western de série B avec pour toile de fond les concessions minières des chercheurs d’or. Les hommes sont virils et épais, la jolie femme porte souvent des chemises de nuit transparentes.

Mc Lennon abattit sur l’épaule du Kid une claque qui aurait estropié un grizzly d’un an. (57)

Murrah Star, connu pour avoir « des couilles mieux accrochées que les racines d’un sapin centenaire » a une jolie relation avec son loup, seul espace de finesse dans ce monde de brutes. C’est écrit au couteau à huîtres, les métaphores sont de circonstances.

Mais de retour dans la brume glacée de Front Street, son excitation et son mince espoir tombèrent pour se figer comme un poisson pêché à travers un trou dans la glace. (148)

Un charme sous-jacent malgré tout.

 

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Gilda Piersanti, Roma Enigma, lu par Hélène Lausseur

Gilda Piersanti, Roma Enigma, lu par Hélène Lausseur

La voix douce d’Hélène Lausseur apaise la violence du récit et par là-même le met en valeur. Les dialogues sont fluides sans qu’elle force artificiellement sa voix. L’intrigue sort de l’ordinaire. Gilda Piersanti ne cherche pas à épater le lecteur. L’action est soutenue sans être chargée. Gabriele est intriguant. On se trouve dans le même état d’esprit que Mariella face à lui. On se demande où il veut en venir. Il évolue imperceptiblement au fil de l’histoire avant de se dévoiler tout à fait. Un polar nourri de finesse et de pâtisseries à la crème à savourer tranquillement.

 

 

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Gérard Demarcq-Morin, Le Boutefeu, lu par Thierry Schmitt

Gérard Demarcq-Morin, Le Boutefeu, lu par Thierry Schmitt

Thierry Schmitt a un ton juste et posé. Il raconte comme on le ferait au coin d’un feu ou à la fin d’un repas dominical prolongé. Des musiques variées et agréables agrémentent l’écoute. Le parler est fleuri. De jolies expressions nourries de terre, d’écorces et de fleurs. Le diable traîne ses guêtres dans le village de Montclus, met le feu à certaines, noue les aiguillettes des autres. La tension monte, l’étranger est montré du doigt… Pas trop mal pour du roman régionaliste, même si ça reste lourd et gluant.

 

 

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