Michèle Lesbre, Le canapé rouge, lu par Kriss Goupil

Michèle Lesbre, Le canapé rouge, lu par Kriss Goupil

Kriss Goupil a une voix ténue, timide, discrète qui paraît faible en début d’écoute puis finit par s’imposer. Elle laisse couler la fugacité des êtres, des relations humaines, des histoires, au fil de sa narration. Elle entre en résonance avec ces pensées qui vagabondent dans un voyage géographique autant qu’intérieur. Comment soigner le désenchantement, rattraper le temps ? Il y a beaucoup de tendresse et de sensibilité dans ce texte. Une vieille dame sur un canapé rouge. Carte postale d’une atmosphère mentale passagère qu’on prend plaisir à recevoir et à contempler.

 

 

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Jonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, lu par Philippe Résimont

The Rijksmuseum, Amsterdam RP-P-1896-A-19368-194 - Jonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, lu par Philippe Résimont

The Rijksmuseum, Amsterdam RP-P-1896-A-19368-194

Il faut vraiment que j’arrête d’écouter des best-sellers. Quelle perte de temps ! Je me suis accrochée jusqu’au bout parce que ce livre audio fait partie de la présélection 2013 du Prix Lire dans le noir. J’aurai pu m’abstenir.

Le récit est bien construit, proprement écrit, comme une bonne rédaction, mais si vide… Cela se veut burlesque, atypique, caustique, irrévérencieux, ce n’est que du camembert au lait pasteurisé. Pas de réel mordant, pas de méchanceté crasse, d’ironie dérangeante, rien que du prémâché jetable et confortable. Jonas Jonasson frôle l’humour noir mais ne l’utilise qu’à dose homéopathique pour ne pas secouer son lecteur. Moi j’aime quand la littérature me secoue et me dérange. Sinon ce n’est qu’un produit commercial. Au feu !

 

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Philippe Labro, Les gens, lu par l’auteur

Philippe Labro, Les gens, lu par l’auteur

Froid, analytique, urbain. Semblable à un étal de poissonnier en inox. Philippe Labro pose des caractéristiques sur ses personnages sans mystère, sans fioritures, de façon brute et nette, métallique. Parfois une petite morale, de discrets commentaires sur le manque d’amour, l’insignifiance des vies face aux grands drames, apparaissent dans le fil de l’histoire. L’interview n’éclaire rien de ce roman lisse comme un maquereau.

À ranger dans le carton ennui élégant et de bon goût avec Jean Echenoz.

 

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P.D. James, La mort s’invite à Pemberley, lu par Guila Clara Kessous

P.D. James, La mort s’invite à Pemberley, lu par Guila Clara Kessous

P.D. James s’est offert le plaisir de jouer avec les personnages et l’univers de Jane Austen. La mise en place est lourde. Plutôt que de faire un résumé clair et concis du roman de Jane Austen ou que de démarrer sur un récit dans lequel on puisse pénétrer immédiatement, elle livre un texte bourré de références, sans intérêt narratif en soi. L’histoire ne démarre réellement que vers la piste 11. On est déjà essoufflés.

Je n’ai jamais compris qui était le mort. Les ficelles sont épaisses, les potins et les commérages vont bon train. C’est long, bavard, lent. P.D. James flatte les aristocrates, centre du monde, bienfaiteurs et protecteurs de leur personnel de maison. Cette image idyllique des rapports maîtres bienveillants / domestiques dévoués m’a agacée. Comme tout ce livre, d’ailleurs, qui n’est pas à la hauteur des talents de P.D. James.

Guila Clara Kessous lit comme on marche sur la pointe des pieds. Elle fait un pas précautionneux suivi d’un élan vers l’avant. Certaines voix sont batraciennes. On visualise, à les entendre, un colloque de nuit autour d’une mare plutôt qu’une discussion dans un salon anglais.

 

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Honoré de Balzac, Le médecin de campagne, lu par Pierre Aussedat

Honoré de Balzac, Le médecin de campagne, lu par Pierre Aussedat

Je connaissais Honoré de Balzac plus charnu, plus épais. Le récit et le style sont fluides, la vision est idyllique, Napoléon et la religion sont encensés. À tel point que je me suis demandée si Honoré de Balzac avait réellement écrit ce livre.

Les temps sont aux médecins paternalistes et à l’hygiénisme. Pour assainir les campagnes de leurs tares, on déporte les crétins ailleurs. Où ? On ne saura pas. Mais quand on connaît les asiles pour aliénés de l’époque…

Tout le roman est parcouru de leçons théorique visant à un assainissement général. Propreté, famille, maternité, travail. Le peuple, masse ignorante et souffrante doit rester à sa place. Et n’a surtout rien à dire.

De tout ceci découle la nécessité d’une grande restriction dans les droits électoraux, la nécessité d’un pouvoir fort, la nécessité d’une religion puissante qui rende le riche ami du pauvre et commande au pauvre une entière résignation. (XLIII 7:20)

Honoré de Balzac était un homme de son temps… écouté aujourd’hui son programme politique fait plutôt froid dans le dos.

 

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Agnès Desarthe, Comment j’ai appris à lire

Agnès Desarthe, Comment j’ai appris à lire

Agnès Desarthe s’est appliquée à retrouver des sensations, des étapes, à reconstruire des processus. Bonne élève, elle planche sur son sujet, le décortique et crée une linéarité artificielle. C’est maladroit, laborieux, les ficelles sont tellement grosses qu’on se prend les pieds dedans. Elle s’en défend, mais je n’ai pu m’empêcher de trouver son rapport à elle-même complaisant et snob. Sa dissection manque d’offrande au lecteur. Ça sonne faux.

… et puis, à quelques pages de la fin, la fluidité, la présence et le naturel pointent leur nez. La vie rejaillit quand elle parle de son travail de traductrice.

 

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André Dhôtel, Le pays où l’on arrive jamais

André Dhôtel, Le pays où l’on arrive jamais

Le pays où l’on arrive jamais fait partie de ces romans soit disant pour enfants tellement croisés sur les rayonnages, chez les amis, dans la famille, qu’ils me sont devenus familiers sans que je puisse me rappeler vraiment si je les ai ou ne les ai pas lu. Le souvenir d’une antique déception me semble associé à celui-ci. Rouvert à la faveur de l’été, il m’a enchantée.

Le tout début est délicieux. Le rapport de mépris institué entre la bonne société et les forains incontrôlables est finement décrit.

La langue est belle, le récit construit. André Dhôtel ne cherche pas à en faire trop. Il affectionne les broussailles, les murs à franchir en secret. Il cultive le temps qui passe autant que les péripéties. Gaspard, Théodule, Hélène bataillent pour préserver leur intégrité malgré ceux qui font obstacles à leurs aspirations (souvent avec les meilleurs intentions). Le livre finit sur une ode à la vie et à une certaine idée de la liberté, n’en déplaise à ceux qui déplorent l’originalité du monde.

Je comprends finalement pourquoi je n’ai pas pu aimer ce livre quand j’avais une dizaine d’années. Ce parfum d’enfance qui émeut l’adulte ne touche pas l’enfant. Il faut avoir vécu pour apprécier ce roman.

– Tu n’as pas besoin d’avoir confiance en moi, dit Gaspard. Je ne suis bon à rien.
– Personne n’est bon à grand-chose.
(105)

 

 

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Pauline Réage, Histoire d’O, lu par Valérie Lang

The Rijksmuseum, Amsterdam BI-F-B-SCHOLEN-1025-XVI-2 - Pauline Réage, Histoire d’O, lu par Valérie Lang

The Rijksmuseum, Amsterdam BI-F-B-SCHOLEN-1025-XVI-2

Quelle histoire déchirante d’humiliation, de soumission et de jeux de pouvoir ! Plutôt qu’un texte érotique, je trouve que c’est le récit du lent délitement d’une femme, son renoncement à exister, sa destruction volontaire avec la complicité d’hommes et de femmes de peu de scrupules. Il y a bien une certaine justesse dans ce désir féminin de s’offrir, qui m’a touchée, mais je ne peux pas dire que cela m’ait vraiment plu. Il aurait fallu un peu d’humour, de joie amoureuse, de décalage, ou au moins une écriture sensible pour être charmée. C’est littérairement plat, descriptif, esthétique (focalisation sur les matières et la couleur rouge), d’une froideur intellectuelle malgré le propos. Plus proche de la chirurgie que de la sensualité. Un livre érotique, certes, par ses descriptions, mais qui laisse un goût amer dans la bouche.

Valérie Lang a une belle voix nasale. Elle change de rythme au grè du texte. Le tempo est parfait. La lecture est posée. Très agréable. Elle a trouvé la sobriété adéquate pour ce texte violent et cru. On a l’impression d’écouter une histoire anodine si on n’y prête pas garde.

[Écouté dans le cadre du Prix Lire dans le noir 2013]

 

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Gilles Vigneault, Balises

Gilles Vigneault, Balises

Petit plaisir singulier que de tomber sur un livre aux pages liées, à l’ancienne, que les précédents lecteurs n’avaient pas toutes coupées. C’est donc le cutter en main que j’ai parcouru ce recueil de poésies, retrouvailles tranchantes avec un genre littéraire depuis longtemps évanescent dans mon paysage livresque. J’étais pourtant très poète, avant que ne sonne ma dixième année. Lecture, écriture, la rime m’était naturelle et familière. Et puis la vie…

Gilles Vigneault écrit une poésie simple et accessible, idéale pour ceux qui en ont oublié le langage et souhaitent renouer avec lui. La forme est classique, le vocabulaire coule, la ponctuation est discrète. Le recueil passe insensiblement d’une première partie toute imprégnée de mélancolie amoureuse à une seconde partie qui m’a beaucoup plus parlé. Observation de la nature, tentatives d’être, d’écarter les brouillards du paraître. L’approche du silence par l’observation des feuilles de bouleau. Les métamorphoses de l’être qui suivent le rythme du changement de forme des nuages. Douceur.

Je me mettrai un jour
À travailler vraiment
Et mon premier souci
Sera de surveiller la forme des nuages
(89)

 

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Michaël Ferrier, Fukushima récit d’un désastre

Michaël Ferrier, Fukushima récit d’un désastre

Les fissures et les lézardes de Kizu reprennent leur course zigzagante sur les murs des maisons. Avec plus d’ampleur et de déchirement.

Il est assez rare, dans sa vie, de pouvoir marcher dans un désastre. (127)

Sons, odeurs, sensations physiques, Michaël Ferrier aborde le tremblement de terre par tous les sens. Et en restitue une description majestueuse. Petite chose secouée et malmenée par une puissance qui le dépasse, l’homme retrouve le savoir animal, la science de Lascaux. La réalité est bouleversée, le trivial côtoie le tragique.

Un trivial, qui loin de reprendre son cours, une fois les grands bouleversements passés, est lui-même amputé. Michaël Ferrier met en exergue avec une grande justesse la demi-vie imposée aux gens de la région de Fukushima, une demi-vie présentée comme nouvelle normalité.

Car les morts de Fukushima ne sont plus des morts : ce sont des déchets nucléaires. (232)

Il fallait une grande habileté pour restituer une telle expérience avec finesse et force. Michaël Ferrier a fait son boulot d’écrivain avec noblesse et élégance.

 

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