Rebecca Makkai, Chapardeuse

Rebecca Makkai, Chapardeuse

Chapardeuse ! Ce livre n’a pas pu s’empêcher de faire sonner les alarmes à l’entrée des bibliothèques, ce qui m’a obligée à vider mes sacs sous l’œil goguenard des chargés de sécurité. Le taquin !

Des personnages mal fagotés pour la vie racontés au fil de phrases bizarrement fichues. Elles ont l’air normales, jusqu’à ce qu’au détour d’une virgule – ou d’une absence de virgule, qu’on se serait pourtant attendu à voir là – apparaisse un élément mystérieux qui paraît hors contexte. Ce style foutraque participe au charme de l’histoire, et finalement s’y adapte bien. Brinquebalante, touchante d’indécision et d’impuissance, elle suscite notre tendresse et notre empathie en ce que la vie a d’incertain et de mal rangé.

Les digressions façon  atelier d’écriture donnent des idées d’exercices pour aguerrir sa plume.

La bibliothèque, sa configuration, ses habitants, ont pris vie, et pour une amoureuse des rayonnages telle que moi, ce fut un bonheur. Un bel hommage à la lecture, activité salvatrice de bien des écueils.

 

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Joseph Conrad, Typhon, lu par Paul Barge

Joseph Conrad, Typhon, lu par Paul Barge

Dans un premier temps, j’ai écouté cette histoire de tempête dans des bus bondés et brinquebalants, transposition immédiate des conditions de navigation et de l’agrippement nécessaire à son voisin décrits par Joseph Conrad. Expérience plutôt décoiffante qui donne une dimension dantesque aux trajets quotidiens en transports en commun !

Pour le reste, je suis passée à côté de ce texte. C’est une littérature dure. J’ai été déstabilisée par le fait que je ne comprenais pas l’intention de l’auteur. Aime-t-il ses personnages ? Se raille-t-il d’eux ? Cherche-t-il simplement à dépeindre des caractères ?

Je garde une impression de confusion, dominée par l’image cauchemardesque de la masse informe des coolies chinois malaxée comme une pâte à pain dans un pétrin. Difficile de passer outre le mépris affichés pour ces hommes décrits comme férocement agrippés à leur argent alors que leur vie physique ne tient qu’à un fil.

Inutile de te dire que je n’était guère optimiste sur nos chances de mater ces va-nu-pieds s’il leur prenait la fantaisie de vouloir s’emparer du navire. Quand on a maille à partir avec une cargaison de chinois, ça n’est jamais une partie de plaisir ! (XII 7:07)

L’occasion de faire des recherches sur Joseph Conrad pour mieux comprendre ce qui m’a échappé.

 

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Michaël Ferrier, Kizu

Michaël Ferrier, Kizu

Éveillée par un enthousiasme généralisé des critiques du Masque et la Plume, je me suis mise en quête de Fukushima de Michaël Ferrier. Ne l’ayant point trouvé dans les rayons de ma médiathèque adorée, je me suis rabattue sur ce dernier.

Kizu a de grandes similitudes avec Le peintre d’éventail de Hubert Haddad. Une puissance humble et discrète servie par une belle écriture – précision du mot, finesse du dit, portraits délicats – menant à une sidération finale qui élargit le champ.

Là où Hubbert Haddad distillait sa poésie, Michaël Ferrier cultive un humour distancié irrésistible. Sous le regard indifférent des coquillages roses du rideau de douche de sa salle de bain, le narrateur entre dans une sarabande de la débandade adroitement observée et décrite. Un court livre pour une expérience humaine largement partagée et rarement si bien exposée.

 

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Anna Gavalda, L’échappée belle, lu par Cécile Cassel et 8 comédiens

Anna Gavalda, L’échappée belle, lu par Cécile Cassel et 8 comédiens

Un texte qui semble avoir été écrit exprès pour une interprétation audio… et qui, au-delà de ça, n’a pas un grand intérêt en lui-même.

À la façon d’un feuilleton radiophonique, les comédiens en rajoutent, batifolent, dansent au milieu d’une musique guillerette, variée, très présente et originale.

Malgré tout, la perpétuelle agitation, les voix portées par l’excitation, le gnangnan dégoulinant et la fadeur du propos fatiguent rapidement.

 

 

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Anthony Horowitz, La maison de soie, lu par François Montagut

Anthony Horowitz, La maison de soie, lu par François Montagut

L’intrigue à ses débuts n’affole pas la curiosité. Sherlock ressuscité navigue dans des eaux très classiques autant par leur forme littéraire que par leur mise en place. Et puis, mine de rien, ça se complique…

Anthony Horowitz respecte l’œuvre d’origine en gourmet, sans que son amour ne le paralyse ou ne le fasse fondre de vénération sirupeuse. Il aimerait bien, des fois, prendre quelques libertés, comme dans ce passage où il s’interroge sur la vie de Mme Hudson. Une digression à son sujet serait tellement tentante… mais il se retient, sans doute par fidélité à ses engagements envers les ayant-droits.

Mes oreilles ont frétillé et se sont accrochées aux écouteurs, et c’est tout ce que j’en attendais.

 

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Umberto Eco, Comment voyager avec un saumon

Umberto Eco, Comment voyager avec un saumon

J’ai vu ici et là sur le net ce livre cité dans des discussions du type : Quel est le livre qui vous a fait le plus rire ?. Le titre était aguicheur, l’auteur de bon aloi, je me suis jetée dessus comme un pivert sur une fourmilière.

En fait de délicieux goûter, j’ai trouvé le pain rassi. Beaucoup de ces pochades ont vieilli : fax, portable, internet ne sont plus porteurs des déboires décrits. Les imbroglios administratifs, sujets fiables en matière de cocasserie font sourire, sans plus. Umberto Eco, râle, grognonne, ronchonne, un brin moqueur, un chouïa condescendant, sûr de son bon droit, sur un tas de sujets divers. Le livre finit sur des histoires dans lesquelles seuls les universitaires se retrouveront et des amusements d’intellectuels certes brillants et érudits, mais qui ne provoquent chez moi aucune jouissance des synapses.

J’ai passé deux bons tiers du livre à saute-mouton. Le saumon n’était même pas vivant.

 

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Irène Némirovsky, Le bal, lu par Irène Jacob

Irène Némirovsky, Le bal, lu par Irène Jacob

Une belle voix, sans heurts, maîtrisée jusque dans les tempos rapides. Mme Kampf est bien campée, agaçante à juste dose, délicatement manipulée par la lectrice, qui aurait pu en faire une mégère mais s’en abstient.

La cruauté est subtile, s’insinue à tous les étages de la vie des personnages. Antoinette n’est finalement que l’expression d’un environnement où l’apparence a remplacé le fait d’être vivant. Elle ne trouve une voie vers l’intériorité et la maturité que dans les larmes silencieuses qui un jour remplacent ses pleurs bruyants d’enfant. Par quel biais exister, affirmer sa présence et son originalité à un monde qui les nie? Elle choisira de jouer sa partie avec les armes en vogue autour d’elle.

 

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Sophie Loubière, Dernier parking avant la plage

Sophie Loubière, Dernier parking avant la plage

Un titre évocateur de soirs d’été enchanteurs, la radio résonnant dans la cuisine, quand les programmes de France Inter prennent leurs quartiers de juillet et d’août avec des émissions improbables et créatives, d’autant plus goûteuses qu’elles sont éphémères.

Sophie Loubière est aussi charmante à l’écrit qu’à l’oral. D’une plume efficace mais mutine, toute en détails mais ludique, elle combine un polar sans prétentions mais addictif. Les personnages prennent comme des blancs en neige, la lecture reste légère malgré la dureté du fond de l’histoire. On en sort égayé et contenté.

Très réussi dans son genre.

 

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S. J. Watson, Avant d’aller dormir, lu par Françoise Cadol

S. J. Watson, Avant d’aller dormir, lu par Françoise Cadol

J’ai fini par comprendre l’intérêt de la fonction lecture rapide de mon baladeur mp3. Et ce livre m’y a grandement aidée. Quelle traversée du désert ! D’un côté il y a la mise en place de l’intrigue… et de l’autre sa résolution. Entre les deux ? Du récit sans consistance, aussi plat qu’une carte postale, qui n’offre aucun grain à moudre aux neurones.

C’est une littérature de l’immédiateté. Le lecteur se retrouve assimilé au chien de Pavlov : stimulus-réaction. Simulation des émotions de bases pour salivations réactionnelles efficaces et momentanées : peur, empathie, inquiétude, soulagement. L’héroïne, ingénue, prude, petit animal effaré entre deux hommes dont on se doute bien que l’un des deux est le Grand Méchant Loup, nous lit un journal intime auquel on ne croit pas une minute vu le détail de conversations interminables qu’il est censé rapporter de mémoire. Les pistes lancées à l’attention du lecteur sont tellement grossières qu’on les balaye d’un geste de la main comme une mouche agaçante.

Dommage que ce livre soit aussi mauvais, il y avait du potentiel dans cette idée d’une mémoire manipulée par des photos et des récits tronqués.

 

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Jack Kornfield, Bouddha mode d’emploi

Jack Kornfield, Bouddha mode d’emploi

Jack Kornfield plonge dans le fonctionnement de l’être humain avec lucidité et enthousiasme. Loin d’être rébarbatif, son exposé est émaillé d’anecdotes et d’histoires habilement réparties qui contrebalancent les passages plus austères et rendent son manuel infiniment vivant.

Car c’est bien d’un manuel de travail dont il s’agit ici. Les principes traditionnels (karma, aversion, attachement…) sont éclairés d’un jour concret et actuel, à portée de main. Il met en lumière le fait que même s’il est possible de connaître des expériences spirituelles intenses – dont il parle avec clarté et pragmatisme – on est bien obligés de réintégrer ensuite sa vie quotidienne sous peine de se fourvoyer. La désintégration miraculeuse des blocages et des névroses est un conte pour enfants. Patience, attention et longueur du temps de l’esprit sont seuls compagnons vers un équilibre lumineux et une intégrité bien vécue. Une vision sans doute plus proche du vécu du Bouddha historique que celles véhiculées pas les traditionalistes de tout poils. Car Bouddha était un homme de son temps comme nous le sommes aujourd’hui, et force est de réinventer à chaque environnement les conditions d’une pratique fructueuse et digne.

[La vertu] signifie que nous nous conduisons avec honnêteté, intégrité, passion et détermination dans tout ce que nous entreprenons. La vertu est la force puissante, et même farouche, qui ennoblit les individus. (456)

Au-delà de la peur, entretenue, manipulée, qui fait tourner le monde consumériste et les intégrismes, choisir le principe d’incertitude offre une alternative révolutionnaire. Être à l’aise avec l’insécurité, la clé d’une véritable liberté ?

Nous pouvons planifier, prendre soin, veiller et répondre. Mais nous ne pouvons pas contrôler. (510)

 

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