Valérie Clo, Les gosses

Valérie Clo, Les gosses

Dans Les gosses, Valérie Clo dépeint le quotidien d’une mère qui a le moral dans les chaussettes. Les situations pathétiques se succèdent, l’auteure force le trait dans le second degré sur les faiblesses immatures de cette quadragénaire embringuée dans un fatras familial foufou et ingérable. L’angoisse déboule sans prévenir. Le vide des instants face à la mort certaine la prennent à la gorge. Dommage que ce thème se dilue finalement dans une névrose des rides un peu ridicule.

Du haut de mes trente-huit ans, j’ai ressenti une impression de déculpabilisation par rapport à l’adolescence avec ce livre. La cruauté inconsciente, l’égoïsme naturel de cette période de la vie sont mis en scène sans fards.

Selon son humeur ou ce qu’elle vit, elle oscille entre une naïveté désarmante et une dureté terrifiante. (21)

Il m’aurait emballée s’il avait été plus original. Les thèmes abordés et les caractères décrits ont un arrière-goût de Fais pas ci, fais pas ça, jusqu’à cette vocation militaire qu’on a déjà vue traitée dans la série télé. Si cette écriture généreuse et enjouée servait une plus grande créativité, le résultat serait chatoyant.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

 

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Ray Bradbury, Fahrenheit 451, lu par Thierry Blanc

Ray Bradbury, Fahrenheit 451, lu par Thierry Blanc

Voilà le genre de livre qu’on connaît sans jamais l’avoir lu. Tellement classique qu’à vrai dire on ne sait plus. On a des images, des impressions, des mots, des phrases en tête, mais l’a-t-on jamais ouvert ? Heureusement que les livres audio sont là pour dépoussiérer les neurones.

Je me suis tout de suite trouvée alpaguée :

Une nuit, il se tourna vers Mildred. Elle ne dormait pas. Une mélodie ténue dansait dans l’air. Son coquillage de nouveau enfoncé dans l’oreille, elle écoutait des personnages lointains, en des lieux lointains, yeux grands ouverts, fixés sur les ténébreuses profondeurs du plafond. (XI 2:40)

Avec mes écouteurs dans les oreilles et mon baladeur à la main, je n’avais pas l’air fine !

Et de fait, c’est une histoire incroyablement actuelle. L’addiction aux écrans… on est en plein dedans. La déshumanisation de la vie sociale, l’infantilisation généralisée, une culture réduite aux émotions et à la stimulation sensorielle… autant de pistes servies par un récit fort, prenant, rondement mené. Je ne m’attendais pas à aimer autant ce roman.

Un seul bémol concernant l’audition : la musique de style série B est très agaçante.

 

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Jean-Paul Malaval, La villa des thérébinthes, lu par Colette Sodoyez

Jean-Paul Malaval, La villa des thérébinthes, lu par Colette Sodoyez

Dès le début, la couleur est annoncée :

Mais, par un singulier paradoxe, il n’est que les maris tyranniques qui sont regrettés, puisque les autres s’estompent dans la mémoire à force qu’on ne puisse rien leur reprocher. (I 1:05)

Allons bon ! Nous voilà embarqués dans une vision doloriste, résignée, misérabiliste de l’existence. Enfin surtout du côté des femmes… L’homme est plus rugueux, brutal, fait de tourbe et de pierre. Et la femme aime être empoignée dans des étreintes vigoureuses par des hommes mal dégrossis qui souillent leurs jupes immaculées…

Un soupçon d’Harlequin, de l’amour à la Lady Chatterley, un bourbier dans la veine traditionaliste, régionaliste option vieille France. Une lecture au ton dramatisant et une écriture surfaite n’arrangent rien.

Abandon par KO à la neuvième piste.

 

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Johan Theorin, L’écho des morts, lu par François Tavares

Johan Theorin, L’écho des morts, lu par François Tavares

Les vagues, le brouillard, les phares, le vent, tiennent un rôle prépondérant dans ce polar maritime. Après coup, je ne sais plus s’il y avait des bruitages ou si le souffle de la tempête n’a vécu que dans mon imagination. Tout en ambiance, un soupçon de fantastique, une finesse des personnages qui prennent corps sans lourdeur ni artifices, il s’écoute d’une traite.

François Tavares est d’une grande habileté pour interpréter les voix. Son maman ! va continuer à retentir de manière inquiétante pendant longtemps dans mes souvenirs d’auditrice.

Ne boudons pas notre plaisir : je me suis régalée !

 

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Michèle Halberstadt, La petite, lu par l’auteur

Michèle Halberstadt, La petite, lu par l’auteur

Les mots et l’esprit d’une enfant de 12 ans renfermée sur elle-même sonnent juste, la narration est claire et délicate. Le délai d’incubation des somnifères m’a paru, comme à d’autres chroniqueurs de Babelio, un peu long, mais encore faudrait-il vérifier d’un point de vue médical. D’une qualité honnête et propre, qui ne suscite cependant ni enthousiasme, ni curiosité éveillée, ni mouvement des idées.

 

 

 

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Éric Chevillard, Du hérisson

Éric Chevillard, Du hérisson

Portée par l’enthousiasme amoureux que m’inspirait l’autofictif, j’ai approfondi ma connaissance de son œuvre avec le hérisson.

L’animal, un sac à puces amateur de limaces et de charognes, petit goinfre nécrophage sale comme un peigne est décrit de manière fort réaliste et sans illusions sur sa personne. Le naturaliste y trouvera son compte.

Ce texte improbable a une forme primesautière. Éric Chevillard exerce sa verve à toutes vapeurs. Il rebondit de mot en mot, cale une anecdote par-ci, un élément autobiographique par-là, saute du hérisson à la poire et de la poire aux omnivores. Éléphant, hirondelles, loir, autruche, pipistrelle, taupe et Dieu – dans ses déboires d’obsessionnel compulsif – s’invitent à la fête.

Quand je vois un lion rugir, c’est communicatif, je baille. (22)

Nous retiendrons l’idée d’un manteau en peau de hérisson permettant de se rouler en boule quand le besoin s’en fait sentir.

Fantaisiste et créatif.

 

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Éric Chevillard, L’autofictif voit une loutre

Éric Chevillard, L’autofictif voit une loutre

J’ai découvert il y a peu les éditions de l’Arbre vengeur. Un bibliothécaire inspiré en avait disposé toute une collection sur une table. Aguichée par l’étalage, j’avais enfourné dans ma besace Algernon Blackwood et Éric Chevillard.

Je suis tombée en amour de ce dernier.

Taquin, rieur, l’autofictif exerce son intelligence ciseleuse avec une précision de brodeuse. Le mot est précis, les pirouettes virevoltent. Il bouscule les automatismes de pensée, les associations d’idées, en introduisant des éléments parasites. On s’amuse, on s’interroge, on reste perplexe, on applaudit. Voici un livre qui rend le lecteur vivant !

Pour le plaisir :

Le plan, à l’entrée du cimetière, est constellé de têtes d’épingles : ce sont les grands hommes (154)

Un aphorisme qui s’applique comme un gant aux aventures sibériennes de Sylvain Tesson  :

Il invite tout le monde à venir voir dans quelle austère et parfaite solitude il s’est retiré. (220)

J’aimerai bien qu’on m’explique celui-ci  :

La Reblochonnade attend toujours Platon. (11) ??

Dans sa merveilleuse générosité, Éric Chevillard distille quotidiennement ses réjouissantes créations à cette adresse : http://l-autofictif.over-blog.com/

Un site qui accompagne avec bonheur le thé du petit déjeuner !

 

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Grégoire Delacourt, La liste de mes envies, lu par Odile Cohen

Grégoire Delacourt, La liste de mes envies, lu par Odile Cohen

Ce livre m’a laissée sur un malaise. Quelle violence des sentiments ! Sous couvert d’une historiette provinciale, se draine une histoire de vengeance bien raide. Il n’y a du reste pas beaucoup d’amour dans ce livre. Jocelyne ne semble attacher d’importance qu’à  son sentiment de sécurité. Crispée, pusillanime, elle s’agrippe à ce qui constitue son monde familier. Odile Cohen met en voix une femme inquiète, dénuée de vie intérieure, qui ne trouve son équilibre qu’à travers son confort matériel, ses repères et ses habitudes.

Grégoire Delacourt explique dans une interview qui suit la lecture :

Je voulais une femme qui entre le rêve et la réalité va choisir la réalité. (XLV 7:25)

Moi ce qui m’intéressais dans « La liste de mes envies » c’est l’argent… c’est pas tant l’argent pour sa valeur d’argent qui m’intéressait que la métaphore de quelque-chose de possible. (XLV 7:57)

Une conscience lucide de la réalité : le repli sur son petit monde rassurant ?

L’espace du possible : un danger qui menace l’équilibre établit et qu’il vaut mieux éviter ?

Le vol commis par son mari donnera à Jocelyne le prétexte qui lui manquait pour avancer d’un pas : dépenser un peu d’argent. Ce pas qu’elle n’avait pas le cran de faire par elle-même, elle va le justifier par le rejet et la condamnation de cet homme, que personne ne cherchera d’ailleurs ni à comprendre, ni à aider, ni à pleurer et qui est traité avec un mépris total, tant par les protagonistes que par l’auteur – jusqu’à la condamnation à mort.

Vieillot, rétrograde, moralisateur et sec de cœur.

 

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Algernon Blackwood, L’homme que les arbres aimaient

Algernon Blackwood, L’homme que les arbres aimaient

L’autre jour, à la médiathèque, j’ai trouvé une table parsemée de petits livres aux couvertures qui m’ont sauté aux yeux. Il s’agissait de publications de l’Arbre vengeur. Titres, couvertures inusitées et résumés accrocheurs m’ont séduite, j’en ai attrapé deux.

Jolie découverte ma foi que cet homme que les arbres aimaient. Lovecraft est cité en référence dans l’introduction, et effectivement, on retrouve ce charme désuet magnifiquement porteur d’atmosphère. L’intrication des mondes est palpable. Des êtres mystérieux et évanescents se laissent entrevoir. Les êtres humains les plus influençables glissent dans une fascination morbide pour les univers situés au-delà de notre espace-temps.

Les événements mystérieux surgissent devant ceux qui, par don d’émerveillement ou par imagination en guettent l’arrivée. Mais la plupart des gens passent devant des portes entrebâillées en les croyant closes et ne prennent pas garde aux vagues frémissantes du rideau des apparences qui dissimule le monde des causes premières. (313)

Les personnages passent d’une terreur à une autre avec constance. Des sanglots de terreur retentissent; une expression de véritable terreur ou un tremblement de terreur assaillent les personnages; une terreur assez effrayante survient. De manière générale, nous avons affaire à une terreur entretenue sans cesse. Algernon Blackwood n’a pas peur du mot et sa récurrence est assez impressionnante. Il l’équilibre parfois d’une atmosphère d’horreur, d’une vieille impression d’horreur ou de l’horreur la plus affreuse, mais dans une moindre mesure.

Et je serai assez curieuse d’entendre le Danube :

émettre cet étrange son sifflant qui lui est particulier et qu’on attribue au frottement des galets à la surface de son lit, tant son cours est rapide. (30)

 

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David Grossman, Tombé hors du temps

David Grossman, Tombé hors du temps

J’écoutais nonchalamment L’humeur vagabonde, à l’heure du repas, lorsque j’ai été interpellée par les propos de l’interviewé. Son doux rapport à la mort et la compassion qui en découlait naturellement ont tracé un sillon qui m’a menée jusqu’à son livre.

C’est un récit chamanique. Mêlant théâtre, poésie et roman dans un cercle de mots qui émergent du brouillard, David Grossman danse une chorégraphie de douleur et de perte. Des êtres pleins de souffrance sortent de l’ombre, se montrent, appellent leurs morts, entrent dans une transe libératoire. Ils cherchent l’espace et la respiration des mots justes, fouissent la terre et s’y étendent, nus, pour approcher la compréhension.

Comment la vie et la mort
Se tiennent l’une en face de l’autre,
Aspirent l’une à l’autre,
Se touchent
S’entrelacent
À la racine de leur nudité. (148)

 

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