Michèle Lesbre, Écoute la pluie

Michèle Lesbre, Écoute la pluie

Le format du livre et la douceur de son papier me rappellent les romans pour la jeunesse, saveurs inégalables des premières joies de lectures.

Michèle Lesbre nous propose une longue nuit chaotique empreinte de désordre et de déambulations parisiennes. Le texte ne manque pas de charme, mais peine à tenir ses promesses. L’auteure évoque et cite la violence et l’égarement mais ne les transmet pas. On aimerait bien partager le bouleversement de cette femme, mais de souvenirs amoureux en évocations familiales, du temps d’une danse à l’instantané d’une photographie, on a plutôt l’impression de bavarder autour d’un thé que d’errer dans le déchirement soudain d’un réalité bousculée.

Une ballade intérieure qui manque de noirceur pour que l’espace lumineux sur lequel elle se termine soit vraiment flamboyant, par contraste.

 

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Nicolas Gogol, Le nez, lu par Mathurin Voltz

Nicolas Gogol, Le nez, lu par Mathurin Voltz

Nicolas Gogol est décidément une valeur sûre. Quand un sentiment de médiocrité littéraire plane dangereusement autour de la bibliothèque et de la table de chevet, tel une mouche ivre, ouvrir un de ses livres redonne une échelle de valeur fiable.

Densité des personnages, des lieux, du drame, mise en éveil du cerveau : l’art de l’écrivain est indéniable. Le textes est riche de plusieurs niveaux de lecture possibles.

Mathurin Voltz, dont je n’avais pas du tout apprécié la lecture sur un roman de Jérôme Ferrari, nous plonge ici en plein désarroi avec habileté. L’assesseur de collège Kovaliov est si démuni, si désorienté, que le pathétique de sa situation a des échos dans notre propre expérience. Comme quoi le livre fait parfois le lecteur…

 

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Camilla Läckberg, La sirène, lu par Jean-Christophe Lebert

Camilla Läckberg, La sirène, lu par Jean-Christophe Lebert

Que de bébés, que de marmots, quelle débauche d’enfantements ! Même les personnages secondaires n’y échappent pas. Cela donne un côté attachant au polar,  met en balance la noirceur des crimes et la puériculture, mais on ne peut pas dire que Camilla Läckberg lésine sur la population en bas-âge. De quoi remplir une école !

Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas pris un réel plaisir à écouter un de ses polars. J’ai trouvé La sirène dense, foisonnant, intriguant. Le lien qui unit Christian et Alice est spécial, ambivalent et original.

Si nous avons droit à un énième tueur schizophrène (leur fichera-t-on un jour la paix ?), le traitement en est pour une fois délicat.

Par contre, le montage audio ne laisse pas assez de souffle entre les paragraphes quand il y a un changement de personnages et de situation. Les phrases s’enchaînent, les dialogues se télescopent, les situations se rentrent dedans et les personnages se mélangent irrémédiablement… Ce qui donne des enchaînements du genre :

Le ton employé dans les lettres était menaçant et son ami pouvait être en danger ! » Tu as été obligée de décommander quelqu’un ? « Éric mordilla la téton de Cécilia. (piste V 12:23)

Curieux choix… pour gagner de la place sur les CD ?

 

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Christian Bobin, Le Très-bas, lu par Michael Lonsdale

Christian Bobin, Le Très-bas, lu par Michael Lonsdale

J’apprécie beaucoup Michael Lonsdale en tant qu’acteur, mais curieusement je n’accroche pas avec ses lectures. Sa voix est belle, profonde, paisible, et cependant assez uniforme. L’écoute génère un état nuageux qui n’est pas désagréable, certes, mais quelques nuances, quelques débordements la rendraient plus intéressante sur le long fil d’un livre.

J’ai trouvé que ce roman était un objet ciselé, refermé sur lui-même. Les phrases ne tiennent la route que dans le cercle fermé qu’il forme. Des mots simples sont posés comme points de repères et peu à peu remplis du sens que l’auteur veut leur donner : amour, mère, enfant, père, saint, femme, nu, Dieu, guerre… Ils se figent dans leur définition désincarnée.

Les hommes tiennent le monde, les mères tiennent l’éternel qui tient le monde et les hommes. (piste II 5:05)

Les places sont marquées, irrémédiablement, dans une vision coincée, idéalisée et autistique de l’enfantement, de l’éducation et de l’amour.

La vision du fou, définit par son rapport à la mort, contrairement au visionnaire lié à la vie, me semble très artificielle.

Le fou est dans la compagnie des morts. Il a son visage tourné vers l’ombre. Plus rien ne lui arrive que du passé. Il ne peut se lier à rien, ni personne. Il ne peut nouer aucune histoire vivante avec les vivants. (piste VII 2:40)

Sur François d’Assise, Les onze Fioretti de François d’Assise de Roberto Rossellini sont beaucoup plus rigolos et sans doute plus proches de la réalité.

 

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Dominique Sampiero, Les encombrants

Dominique Sampiero, Les encombrants

Gare d’Albi

Une écriture poétique, qui se mêle aux arbres, à la terre, à l’herbe et les enlace.

Ici les êtres sont d’argiles : Trois fermiers responsables de la pluie, du beau temps et de toutes les terres environnantes. […] Une poignée d’enfants, en pagaille ou en rang, désirés ou tombés du ciel. Une veuve pour se souvenir. Un alcoolique pour oublier. (32) Et Jean, l’amant de la pluie, qui vit librement, dans les limites de son égarement : La parole est si forte en lui qu’elle écrase sa langue et la tient serrée contre son palais, attachée à un piquet comme une chèvre. Les hommes et les femmes du village le prennent pour un idiot. (37)

Une jolie peinture de la sensualité naissante de l’adolescence.

La brutalité finit par faire poindre ses épines au milieu des champs de blé, mais le traitement littéraire ne trahit pas sa tendresse pour autant. Très beau !

 

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Lisa Gardner, La maison d’à côté, lu par Élodie Huber

Lisa Gardner, La maison d’à côté, lu par Élodie Huber

Élodie Huber a une bien jolie voix, toute en subtilités au niveau des dialogues.

Elle nous invite à la suivre dans un roman policier tendant vers le Mary Higgins Clark mâtiné d’Harlequin avec fille sexy, mari au charme ténébreux, quartier bourgeois et disparition qui vient bouleverser la structure familiale.

On s’offre quelques coquineries en début de livre pour émoustiller la lectrice :

Elle repensa au buffet. Et au sexe ! Une étreinte torride, violente, où elle en prendrait pour son grade. Elle avait envie de pétrir un cul dur comme de la pierre (commentaire personnel : Bof !), envie de bras comme des sangles d’acier entourant ses hanches (Rebof !), de la brûlure d’un visage d’homme mal rasé entre ses cuisses. (piste II 4:18)

Inutile de vous lancer dans cette écoute pour les passages torrides, c’est le seul ! Je ne voudrai pas être accusée de publicité mensongère…

Le personnage d’Haidan est très touchant dans son triste étiquetage de délinquant sexuel.

Plusieurs suspects apparaîtront au fil du récit, accompagnés chacun d’un mystère. Un suspens raisonnable nous tient en haleine jusqu’au bout. On prend son mal en patience puis les événements déferlent tous en même temps à quelques chapitres de la fin. Passé quelques révélations larmoyantes, le dénouement n’étonne pas beaucoup si on a été attentif.

La morale est sacrifiée, mais l’amour et la petite famille sont sauvés. Un arrière goût légèrement écoeurant. Cet esprit de vengeance justifiée ne me botte pas.

 

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Julia Deck, Viviane Élisabeth Fauville

Julia Deck, Viviane Élisabeth Fauville

Un roman court, bien écrit, et surtout très bien construit. Le glissement du sujet, du je au elle ou au vous passe sans qu’on s’aperçoive sur le coup du changement. Très habilement mené. Le titre lui-même donne quelque hésitation : est-ce Viviane ou Julia qui a écrit le livre ? On pourrait inverser titre et nom d’auteur sans que cela choque. Et c’est bien là le propos : la glissade, le sentiment de superfluité.

Un roman d’une honnête tenue, qui suscite un intérêt raisonnable mais ne va pas jusqu’à enflammer l’enthousiasme.

 

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Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome, lu par Jean-Pierre Garel

Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome, lu par Jean-Pierre Garel

J’ai eu quelques problèmes de digestion avec le précédent opus de Jérôme Ferrari que j’ai écouté, mais le site Book d’Oreille et les éditions Thélème m’ayant envoyé celui-ci suite à un concours, j’ai fait honneur au cadeau.

On retrouve dès le départ les champs de vocabulaire similaires à ceux de Un dieu un animal. Le champs nauséeux d’une part : miasmes, glaires, fétide, putréfaction, rancœur, infecte. Le champs religieux d’autre part : archange, miséricorde, démon, châtiments, Dieu, bénédiction. Mais ici les personnages se démènent assez pour se dégager de la lourdeur sémantique vers la piste 4 et accéder à une certaine existence. Existence toute relative cependant, vies insignifiantes entre lesquelles passe régulièrement le doigt de Dieu pour leur rappeler qu’elles ne sont que les instruments d’un propos plus vaste.

Jérôme Ferrari joue les entomologistes divins et sans amour, épinglant, écartelant, observant l’agitation de ses personnages-insectes avec le regard distancié et supérieur du démiurge amateur de tripailles. Le Christ rime toujours avec cadavres, l’union sexuelle avec mort ou nécessité sordide.

Quand au propos lui-même :

Pour qu’un monde nouveau surgisse, il faut d’abord que meurt un monde ancien. Et nous savons aussi que l’intervalle qui les séparent peut être infiniment court, ou au contraire, si long que les hommes doivent apprendre pendant des dizaines d’années à vivre dans la désolation. (I 18:48)

il ne m’a pas convaincue. C’est une vision étriquée, figée, sans profondeur, niant la liberté individuelle.

Je partage la perplexité exprimée par Nelly Kaprièlian au Masque et la Plume quant au succès de ce livre.

Jean-Pierre Garel est très bien. Sa lecture fluctue en vaguelettes qui vont et viennent au rythme de sa respiration, sur un fond de douceur qui ne se ride pas quelque soit la tempête qui sévit en surface.

 

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Gustave Le Rouge, Le mystérieux docteur Cornélius, lu par Bernard Petit

Gustave Le Rouge, Le mystérieux docteur Cornélius, lu par Bernard Petit

Je pensais retrouver les bruitages rigolos qui m’avaient séduites dans les Mille et un fantômes parus aux même éditions, mais que nenni. Une lecture très classique ici, qui sert un texte fidèle aux feuilletons du XIXe – début XXe.  On croisera des vols de rubis, des savants manipulant la magique électricité, des méchants habiles mais néanmoins sournois et des fous qui se prennent pour des chats ou des aéroplanes.

Le docteur Cornélius, sculpteur de chair humaine,  redressait les nez crochus, diminuait les oreilles copieuses, agrandissait les yeux, rapetissait les bouches, exhaussait les fronts. Il va exercer ces talents à des fins malveillantes à la lueur bleue des lampes à vapeur de mercure… pendant qu’au lunatic asylum, on soumet les malades à la salle de frigothérapie, indispensable dans le traitement de l’hypocondrie et la neurasthénie aigue.

Si l’on s’amuse de ces détails d’époque, l’histoire plaira surtout aux amateurs du genre. Pour ma part, j’ai renoncé à écouter le deuxième CD, j’avais eu ma dose avec le premier.

 

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Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck, lu par Sylvain Machac

Philippe Claudel, Le rapport de Brodeck, lu par Sylvain Machac

J’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser à ce pauvre Brodeck. Et au moins autant de difficultés à aller jusqu’au bout du récit. Non pas que les thèmes abordés ne soient prometteurs. Mais la forme traîne en longueur. Ce Brodeck est semblable à une pastèque : rouge appétissant mais finalement plein d’eau, il manque de corps et de densité.

Être innocent au milieu des coupables, c’était en somme la même chose que d’être coupable au milieu des innocents. (X 5:02)

Un obscur village. Une atmosphère pesante et soupçonneuse. Beaucoup d’odeurs dont on préfère lire le descriptif plutôt que de les sentir véritablement. Des êtres épais qui ont des difficultés à assumer leurs actes. Il se crée une conscience collective sensible et réactive qui tue le témoin venu de l’extérieur – mais pourquoi cet Anderer ne s’est-il pas carapaté tant qu’il en était encore temps ? Naïf idiot ou personnages symbolique qui n’a pas besoin d’être cohérent aux yeux de l’écrivain ? – et demandent à un des leurs, marginal à leurs yeux, de mettre leur acte en mot. D’un côté ils tentent d’effacer leur culpabilité et leur honte en tuant l’étranger, et d’un autre côté, ils cherchent une extériorisation qui les soulagerai et structurerai leur mémoire.

Le prêtre, au milieu de ce cloaque, a fini par prendre le rôle d’homme égout, le seul qu’on lui accorde.

Nettoyant sa chasuble avec du savon et une brosse chiendent, il nous dit avec humour :

 La bière ne laisse pas de tâches, pas plus que l’eau de vie, tandis que le vin… En plus, juste sur la croix. Si je ne parviens pas à l’estomper, des nigauds et des bigotes y verrons un symbole. On croule déjà sous les symboles dans notre commerce, pas besoin d’en rajouter. (XVII)

Le mystère des renards m’a laissée sur ma faim – ou j’en ai raté la conclusion. L’assertion selon laquelle les renards tuent par plaisir m’a parue un peu légère.

 

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