Guillaume Le Touze, Attraction

Guillaume Le Touze, Attraction

Le résumé du quatrième de couverture ne rend pas justice au livre. On s’attend à une histoire assez sage et on se retrouve spectateur de scènes crues où l’indécence des corps frôle la spontanéité amorale.

La réalité est une question de point de vue. (149)

Effectivement… et il y a du flottement !

Irène entre dans une relation dans laquelle on ne peut compter sur aucune forme de convenance, ce qui lui permet d’errer à sa guise entre fantasme et modelage de la réalité, jusqu’à entraîner avec elle son compagnon. La frontière s’efface. On ne sait plus ce qui est du récit et ce qui est de l’extrapolation.

La nostalgie, cette façon de pleurnicher sur le passé sous prétexte qu’on a tout simplement eu le privilège de vieillir quand d’autres sont morts avant d’obtenir ce luxe, met Irène en colère. (48)

Très vite, la jeune-fille découvre avec ravissement, au contact de ce couple de vieux et de leurs voisins du même âge, la liberté de ne rien faire, de regarder s’égrainer le temps avec la jubilation propre à ceux qui savent capter toutes les nuances d’enchaînements d’un instant à l’autre. (106)

Mon monde intérieur est la scène d’un théâtre où les acteurs sont un peu trop fardés, leur jeu mélodramatique est certes outré, mais je les aime parce qu’ils font preuve de conviction. Au rythme des entrées et des sorties, des deus ex machina, ils se démènent pour donner corps à leurs personnages et les rendre plus vrais que nature. (136)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Agota Kristof, Le grand cahier, lu par Eric Herson-Macarel

Agota Kristof, Le grand cahier, lu par Eric Herson-Macarel

C’est un texte difficile que celui de ce grand cahier. Pas dans sa forme, qui est simple et agréable, mais dans son propos. Il est d’une crudité et d’une lucidité froide et coupante, comme de la glace.

Les  jumeaux de l’histoire sont avides de réalité :

Nous ne prions jamais, vous le savez bien, nous voulons comprendre.

Intelligents, débrouillards, pleins de maturité, ils se transforment peu à peu en enfants témoins, jauge d’une humanité douloureuse, à l’image des capucines que l’on plante dans le potager pour canaliser les pucerons.

Mais sagesse sans compassion est dangereuse, comme diraient nos amis vajrayanistes..

Fascinant. J’ai hâte d’écouter le deuxième tome.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Justine Lévy, Mauvaise fille, lu par Marielle Ostrowski

Justine Lévy, Mauvaise fille, lu par Marielle Ostrowski

Marielle Ostrowski nous offre un moment vibrant de sensibilité et d’émotion.

L’entrée en matière est à la fois émouvant et drôle, j’ai tout de suite accroché. Tendre, ironique, douloureux, méchant, acide, violent, lucide, le carambolage des sentiments épanche son flot entre bébé et hôpital.

La seule chose marrante quand tu es sous chimio, c’est que les moustiques t’emmerdent plus, pas fous ! (piste XVII 3:04)

La scène du gynécologue futur papa m’a beaucoup amusée.

C’est écrit à la va-comme-je-te-pousse, mais on marche… jusqu’au décès de la mère. Après, on sent le rajout, l’exploitation du filon, la rallonge d’eau sur le vieux sachet de thé pour obtenir un livre d’une taille raisonnable.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Recette : fondant au cynorrhodon

 
Il nous faut :
 
– 100 g de beurre
– 120 g de farine
– 70 g de sucre
– 2 œufs
– 1/2 sachet de levure
– 100 g de gelée de cynorrhodons
 
Fondant au cynorrhodon

 ♣ Mettre le four à préchauffer, 150°

♣ Battre les œufs et le sucre au fouet

♣ Rajouter la farine et la levure, mélanger

♣ Rajouter le beurre fondu, mélanger

♣ Rajouter la gelée, mélanger

♣ Verser dans un plat, 30mn au four, thermostat 150°

 

Publié dans Hors sujet | Laisser un commentaire

José Luìs Peixoto, Livro

José Luìs Peixoto, Livro

J’ai lu ce roman en deux fois.

La première fois, je n’ai pas vraiment ressenti d’affinités tout en reconnaissant l’originalité et l’inventivité de l’écriture. Quand je l’ai repris, deux semaines plus tard, je me suis tout de suite retrouvée immergée dedans.

Curieux.

Une écriture par petites touches impressionnistes à travers lesquelles chemine la trame narrative qui parfois s’y fond. Il n’y a plus de frontière entre les émotions, les lumières, les pensées, les bâtiments, les sens, les pigeons. Tout est dit dans l’immédiateté de l’instant. José Peixoto donne à sentir la vie comme une pelote de laine emmêlée. Cela donne au premier abord une impression de bouillie. Mais finalement ce doit être une vision assez proche de la réalité de notre perception. Les êtres semblent n’avoir que peu de poids sur ce qui leur arrive, ils sont brinquebalés par un faisceaux d’influences comme graine de pissenlit dans le vent.

Le second chapitre du livre est plus libre, plus personnel. José Peixoto s’amuse à intervertir lecteur / narrateur / auteur. C’est un carnet de notes vivant où sont jetés réflexions, questionnaires, souvenirs, et une très jolie et touchante dédicace au lecteur sur les deux dernières pages.

Les livres de Constantino disposaient de nouvelles étagères. Dans ma tête, j’embrouillais la façon de les ranger. Je n’avais pas beaucoup de goût pour l’ordre alphabétique. J’ai toujours aimé chercher les livres, je n’ai pas envie de savoir où ils sont, il me suffit de savoir qu’ils existent. (265)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Jean Teulé, Les lois de la gravité

Jean Teulé, Les lois de la gravité

Je n’avais pas l’intention de revenir vers Jean Teulé. Un concours de circonstances m’ayant fait gagner ce livre sur la page des éditions Pocket, nous y revoilà tout de même. J’ai failli me dire que j’avais bien fait,  c’était sans compter sur la deuxième moitié du livre.

La mise en place est très visuelle :  le portrait du berger allemand, l’ascenseur qui sent l’urine, le café Le grand vertige. Jean Teulé pose avec soin des éléments qui lui serviront de repères tout au long de l’histoire. Il joue sur les mots, avec le symbolisme : le mari, menaçant de se suicider en sautant par le balcon, se tient debout entre les géraniums et les pensées molles (15). Dans l’enthousiasme du bon mot, Jean Teulé en fait un peu trop. Cela pose l’ambiance, mais c’est aussi agaçant. La femme arrivant au commissariat :

Dessous, elle porte un tee-shirt noir à manches longues en coton stretch. Le col, loin de la gorge, fait ressortir son cou dégagé de condamnée. (21)

Ou :

Dans la ruelle insalubre en face, un arbre, éperdument, jette ses bras au ciel car le lierre, à la longue, l’étrangle. (77)

La rencontre entre la tension de la femme et la nonchalance désabusée et agacée du policier donne lieu à quelques scènes amusantes. Ce Shéhérazade en uniforme est un personnage plutôt bien trouvé… jusqu’à ce qu’entre en scène le cocktail d’éther, d’alcool et de fortifiant pour porcs. C’est alors la débandade, la fuite en avant dans la cruauté, le grotesque, le sale, le moche inutile. Dommage.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Nancy Kress, L’une rêve, l’autre pas

Nancy Kress, L’une rêve, l’autre pas

La couverture est très rebutante, mais le titre était intriguant et les les prix décernés indiqués en quatrième de couverture nombreux.

Il y a de l’idée… mais aucune écriture. Il y a tellement d’intentions dans ce roman qu’il n’en reste que le squelette. On y trouve des thèmes éculés (la différence, le rejet, le racisme, le repli identitaire), de longs exposés théoriques, des rapports entre les personnages coupés au couteau à dent, des émotions basiques, des théories fumeuses sur le sommeil.

Une fois que Clem, le prémammifère, avait terminé de se remplir l’estomac et de faire gicler son sperme autour de lui, le sommeil le tenait immobile et hors d’atteinte des prédateurs. (22)

L’interview qui figure à la fin du livre est sympa.

ACTUSF : Était-ce difficile pour une femme d’être publiée ?

NANCY KRESS : La science fiction accepte très bien les écrivains féminins. Lorsque vous pouvez accepter des extraterrestres verts, un autre genre humain ne demande pas d’efforts. (160)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Michèle Desbordes, La demande, lu par Lionel Epaillard

Michèle Desbordes, La demande, lu par Lionel Epaillard

Une lecture inutilement lyrique, laissant traîner systématiquement les dernières syllabes des phrases pour donner de l’emphase, me donne d’emblée l’envie de laisser tomber la version audio pour le livre papier (une fois n’est pas coutume !).

Tout est très lent dans ce livre. La mise en place est patiente, touche par touche. Michèle Desbordes nous offre des impressions, des images, des ambiances, par petits traits de couleurs.

On se doute qu’il va arriver quelque-chose, on l’attend même, car le descriptif impersonnel finit par lasser et l’écoute vire à la bouillie de mots…

… la fin nous laissera sur une déception !

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Jérôme Ferrari, Un dieu un animal, lu par Mathurin Voltz

Jérôme Ferrari, Un dieu un animal, lu par Mathurin Voltz

Ils ne parviennent qu’à bâtir un temple vide dédié au culte d’un fantôme. (piste 6, 3:11)

Jérôme Ferrari décrit très bien ce que m’inspire son livre : un exercice qui n’est finalement qu’inconsistance.

Car ce n’est pas parce qu’on écrit des phrases telles que :

et qu’elle l’a suivi partout où tu as été, sous le règne du Dieu unique dont l’étreinte est infiniment plus terrifiante que celle des dieux défunts, car il est le dieu des armées, le dieu des blattes et des rats etc. (piste 7 17:41)

qu’on fait un livre solide, ancré et inspiré.

Apocalypse, évangile, archange, dieux oubliés, déesse antique, Jérôme Ferrari ne lésine pas sur le vocabulaire. Tout cet attirail philisophico-religieux est associé à un autre champs lexical beaucoup plus morbide : vérités infâmes, écœuré, nausée. Les descriptions de scènes choquantes, d’une femme qui vomit en faisant l’amour à des amas de corps sanglants sont foison.

Cette intellectualisation cultivée, prétentieuse, égocentrée, détachée de l’expérience réelle du monde et du cœur de l’humanité me rappelle « Dans les forêts de Sibérie » de Philippe Tesson. En beaucoup plus violent et infiniment plus glauque.

Mathurin Voltz a beau employer un ton lénifiant, évangélisateur, calme et convaincant, appuyant avec force sur de pseudos vérités, l’écoute n’en reste pas moins éprouvante. Je n’apprécie pas du tout que l’on me malmène ainsi pour du vent.

Je remercie chaleureusement Babelio et les éditions Thélème de m’avoir envoyé ce livre pour ma première Masse Critique. La critique littéraire ne serait pas un plaisir complet s’il n’y avait de temps en temps une chronique féroce à écrire !

[Écouté dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Jean-Paul Dubois, Hommes entre eux, lu par Jacques Frantz

Jean-Paul Dubois, Hommes entre eux, lu par Jacques Frantz

Je ne sais plus où j’ai lu que ce roman était drôle. Un conseil de lecture sur Facebook, peut-être… L’auteur dudit conseil devait être doté d’un solide sens de l’humour noir…

Les 15 premières pistes sont lentes, tristes, lues d’une voix morne et soporifique. Une mélancolie sexuelle carabinée suinte de toutes les pores du texte. On se doute qu’il va se passe quelque-chose, à un moment ou à un autre, mais 15 pistes de mise en place, c’est long…

Puis… la rencontre. Enfin, la pseudo rencontre entre un français urbain et un trappeur canadien buriné au grand air, pseudo confrontation masculine de testostérone, de tension et de non-dit, car mis à part la tempête, le face-à-face manque de force. Elle est pas mal cette tempête, d’ailleurs. Ces vents censés révéler les choses cachées pendant toute une vie, censés secouer son bonhomme pour le faire sortir de ses limites. Il y aurait eu une belle poétique à exploiter, tout un livre à écrire avec cette tempête. Mais non, le thème est évoqué puis tombe à plat. La tempête opportune enferme les deux hommes en tête à tête, a des effets miraculeux sur la santé (physique, parce qu’au niveau du mental…) de l’un, ce qui lui permet par la suite de clore le livre sur un acte sanglant et animal inspiré par Klaus Kinski qui tombe comme un cheveu sur la soupe.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire