David Garnett, La femme changée en renard, lu par Micheline Presle

David Garnett, La femme changée en renard, lu par Micheline Presle

Quelle gourmandise que la voix de Micheline Presle, un vrai gâteau à la fraise… claire, limpide, charmante, magnant avec art le souffle et le tempo, tout entière vouée au texte…

Une histoire sans prétentions qui s’écoute le temps d’un après-midi. Ce monsieur bien comme il faut qui finit par préférer sa femme sous forme d’animal sauvage plutôt que pomponnée et parfumée est assez amusant; la renarde est joliment décrite. Pourquoi le livre ne s’appelle-t-il pas La femme changée en renarde, d’ailleurs ?

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Sophie Chauveau, Fragonard, lu par l’auteur

Sophie Chauveau, Fragonard, lu par l’auteur

J’ai eu du mal à suivre l’histoire, au début. Sophie Chauveau a une lecture fluide, continue, sans aspérités, qui demande un effort d’attention, car il n’y a pas de balise pour réveiller l’attention. Les récits d’enfance, d’adolescence et d’apprentissage sont dilués et peinent à avancer, on écoute d’une oreille.

La description du Louvre et de la vie incertaine et précaire des artistes qui y sont hébergés a été le passage qui m’a le plus interpellée. J’ai aimé ce paradoxe entre honneurs royaux, prestige des prix de l’Académie, et pauvreté de la vie quotidienne. La personnalité de Fragonard, amoureux des animaux et des enfants, menant sa maisonnée dans un joyeux foutoir, ayant du mal à rentrer dans les cases et n’essayant pas vraiment, défendant son intégrité et son indépendance d’esprit tant bien que mal, me l’ont rendu éminemment sympathique.

La traversée de la Révolution, de la terreur et des cahots historiques qui s’ensuivent est plus âpre, trop longue à mon goût.

Je me suis beaucoup ennuyée à l’écoute de ce livre, mais paradoxalement j’en garde une image lumineuse. J’ai regardé sur internet les tableaux de tous les peintres cités : Chardin, Boucher, Van Loo… Je me suis amusée devant les mignonnes peintures érotiques. J’ai fait des recherches sur Sartine, qui fait une apparition très discrète – Quoi, le lieutenant de police des Nicolas Le Floch a vraiment existé ??. C’est un livre qui me laissera une impression profonde et durable.

Ce qui me dérange dans la lecture pré-digérée qu’on nous vend par camion actuellement c’est qu’on a pas le loisir de s’ennuyer, de faire des efforts, de se questionner, de laisser l’esprit vagabonder, d’être dérangé… c’est une littérature aux mécanismes grossiers et efficaces, superficiels.

Quel bonheur que l’ennui !

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Linda Lê, À l’enfant que je n’aurai pas

 

Linda Lê, À l’enfant que je n’aurai pasDemandez à Linda Lê d’écrire une lettre d’une quarantaine de pages et vous obtiendrez ce que l’huile essentielle est au romarin : une densité et un parfum sublimés.

J’aime décidément son écriture, elle déclenche en moi des affinités électives qui me donnent des fourmillement dans le stylo. Comme Jean-Marie Le Clezio ou Jane Austen avant elle, son écriture me semble si bien accordée à ce que j’aurai à dire que j’aimerai la lui emprunter le temps d’un roman.

Je m’éclate à noter toutes ces phrases qui contiennent des mots inconnus ou dont l’usage ne m’est pas familier. Antienne, délabyrinther, hypocoristique ou grognonner sont autant de petits délices consignés à exploiter – peut-être – un jour de désœuvrement.

D’une sincérité brute et sans concession, habitée d’une humilité que seul suscite le travail en profondeur, Linda Lê expose sa violence intime, nue sur la page. Avec sa dégaine d’une iroquoise qui a avalé son parapluie (19), elle n’en oublie pas moins de déposer des touches réjouissantes d’humour et d’autodérision et de manier la virgule avec dextérité.

Poignant.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Roy Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père, lu par Michael Lonsdale

Roy Lewis, Pourquoi j’ai mangé mon père, lu par Michael Lonsdale

Le titre est intriguant. Le titre est diablement bien trouvé. Le titre doit être pour beaucoup dans le succès du livre.

Comme beaucoup de mes congénères, j’étais tenaillée par la soif de savoir de quoi il retournait. Une première tentative de lecture du livre papier s’est soldée par un abandon. L’écoute audio étant le remède ultime à tout livre récalcitrant, c’est par ce biais que j’ai découvert le fin mot de l’histoire. Fin mot carnassier.

J’ai essentiellement été agacée par cette histoire. Je ne peux pas dire que je n’ai pas souri une ou deux fois, notamment à l’évocation de l’émergence des techniques de drague anthropoïdes : Gonflez vos poitrines, comme les ramiers, ou vos joues, comme les crapauds-buffles, ou bien faites virer vos fesses au vermillon, quelque-chose comme ça !. C’est peut-être manque de second degré de ma part, mais coller une mentalité et des émotions moderne sur nos ancêtres ne m’a pas paru drôle. Les pithécanthropes ont bon dos ! Similaire à l’anthropomorphisme où l’on fait dire tout et n’importe quoi aux animaux, je n’aime pas ces méthodes qui utilisent les personnages comme des objets, sans égards pour leur intégrité. Quelques bonnes formules peut-être, mais un livre assez vain dans l’ensemble, aux rebondissements très attendus et pré-digérés pour que le lecteur n’ai pas trop d’efforts à faire.

La lecture intimiste et douce de Michael Lonsdale m’a paru décalée et inappropriée. Curieux choix d’interprétation.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Neil Gaiman, Anansi boys

Neil Gaiman, Anansi boys

Je cherche depuis longtemps des auteurs dans la veine de Terry Pratchett, drôles, inventifs et de bonne facture. En fouinant sur le net, j’ai vu que le-dit Pratchett avait écrit un livre à quatre mains avec Neil Gaiman. Ni une ni deux, nous voilà partis à la découverte de cet auteur.

Le roman est agréable et facile à lire, un bon divertissement.

Neil Gaiman se réapproprie les animaux totémiques des peuples premiers avec habileté. L’esprit des contes traditionnels est bien rendu, particulièrement dans la scène des cavernes. On sent qu’il a lu, apprécié et digéré ce fond mythique et qu’il en a assez compris le sens pour s’en servir dans un roman contemporain.

S’il n’y avait ces propos désobligeants sur les hermines et les mulots en page 452, mon adhésion serait entière.

Les histoires sont comme les araignées, avec leurs longues pattes, et les histoires sont aussi comme les toiles d’araignées dans lesquelles l’homme s’englue mais qui ont l’air si jolies quand on les voit sous une feuille, dans la rosée du matin, élégamment reliées les unes aux autres, chacune à sa voisine. (63)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Colum McCann, Et que le vaste monde poursuive sa course folle, lu par Denis Wetterwald

Colum McCann, Et que le vaste monde poursuive sa course folle, lu par Denis Wetterwald

Je n’ai pas vraiment accroché au fil du funambule.

Première impression : la voix déclame, se récrie, s’agite comme si elle cherchait à argumenter, à convaincre, à s’impliquer dans un débat d’idées. Fatigant.

Une atmosphère très new-yorkaise dans laquelle errent des êtres sans espérances, fragiles, égarés, incertains. Déprimant.

Claire m’a touchée le temps d’un chapitre. Le passage de fin autour des petites-filles m’a déçue. Comme une espèce de rattrapage vers un peu d’espoir, mais qui ne convainc pas.

Les situations prennent naissance au début du livre et se poursuivent par surprise un peu plus loin, sous un point de vue différent. Une construction intéressante mais qui m’a semblé un peu brouillonne et pas tout à fait aboutie. Le livre aurait gagné à être plus concis, plus ramassé, plus dense. Dommage.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Clarice Lispector, Le seul moyen de vivre

Clarice Lispector, Le seul moyen de vivre

J’ai beaucoup aimé l’écouté de l’audiolivre L’imitation de la rose, et j’avais envie de poursuivre ma découverte de l’univers de Clarice Lispector. Il n’y avait à la bibliothèque que ce recueil de lettres. Ce n’est pas le meilleur livre à aborder quand on ne connaît pas l’auteur. Il faut vraiment s’intéresser à elle pour accrocher avec le livre.

Les premières lettres sont décousues, spontanées, directes. On y trouve quelques fulgurances sur la vie intérieure, la folie et la mort qu’elle frôle dans son travail littéraire.

La naissance des ses enfants marque un changement dans le style. Les lettres sont plus structurées, plus apaisées. On sent une grande tendresse dans celles qu’elle adresse à son fils. On finit sur des conseils d’écriture à une petite-fille de 9 ans, touchantes, pleines de respect et d’encouragement.

Dommage qu’on ne puisse pas donner ce qu’on ressent, parce que j’aimerais vous donner ce que je ressens comme une fleur. (86)

Tu as besoin de savoir si tu es déjà une écrivaine. Mais ne t’occupe pas de ça, fais comme si tu ne l’étais pas. Je te souhaite d’être connue et admirée seulement d’un groupe raffiné quoique grand de personnes éparpillées de par le monde. Je te souhaite de ne jamais atteindre la cruelle popularité parce que c’est mauvais et ça envahit l’intimité sacrée du cœur des gens. Écris sur l’œuf parce que c’est sûr. C’est sûr aussi d’écrire sur une étoile. Et sur la chaleur que les animaux nous donnent. (177)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Delphine de Vigan, Les heures souterraines, lu par Marianne Epin

Delphine de Vigan, Les heures souterraines, lu par Marianne Epin

Je me suis retrouvée projetée 15 ans en arrière, dans les couloirs interminables du métro et du RER parisien : minutie des détails, atmosphère, rien ne manque à l’évocation.

Dans l’histoire de Mathilde, le glissement subtil et insidieux de la réalité qui finit par rendre sa situation passée incertaine et trop lointaine pour être encore appréhendée est très habilement amené. Marianne Epin est en  adéquation avec Mathilde. Elle joue de bonne volonté, de ténacité, d’effarement, de perte de prise sur la réalité avec justesse.

Paris aux grandes dents qui croque et qui broie, il n’aurait pas fallut que l’audiolivre dure plus longtemps, le roman est tout de même éprouvant.

J’ai beaucoup apprécié l’interview de l’auteur qui suit la lecture.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Madeleine Chapsal, Deux soeurs, lu par Élodie Huber

Madeleine Chapsal, Deux soeurs, lu par Élodie Huber

L’aspect psychologique, fouillé, étalé, exposé, décortiqué inquiète un peu sur le départ. L’idée d’être embringuée dans un manuel de dissection mentale fait frissonner. Mais la description est tellement juste, Emma tellement désarmée !

Madeleine Chapsal réussit à dépeindre avec minutie et un profond respect les rapports de pouvoir pouvant s’établir dans une famille, le processus de glissement vers la rancœur, la jalousie, la haine, leurs ramifications se prolongeant sur plusieurs générations. Elle met la souffrance en évidence et donne une intuition de ce qui aurait pu être évité. J’y ai totalement reconnu certains mécanismes vécus ou observés dans ma famille, ce qui en a fait une écoute poignante et libératrice à la fois.

L’interprétation d’Élodie Huber est délicate, elle sème les silences à bon escient.

Aspect non négligeable, on apprend au passage tout un tas de  subtilités concrètes et administratives à propos des héritages.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Elisa Brune, Fissures, lu par Lara Cowez

Elisa Brune, Fissures, lu par Lara Cowez

Elisa Brune pratique la peinture au couteau. Trois gestes, quatre mouvement : une histoire.

On aimerait souvent qu’elle continue, mais il faut se laisser aller à la frustration, la laisser s’évanouir, pour pouvoir goûter sans entraves ces cartes postales d’ici.

Lara Cowez s’amuse, pique, ironise, joue les langues de vipère. Je l’ai trouvée particulièrement mutine sur les portraits d’hommes. C’est peut-être simplement que je les ai plus  appréciés que ceux des femmes : Le polonais, Les mots-croisés. Une légère exagération des faits donne naissance à un humour subtil et complice.

Certains récits sont épouvantables : L’accouchement, Le mariage. Crus et un peu raides. Mais marquants.

Assez riche pour être réécouté plusieurs fois.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire