« Structures de l’identification de la personne dans ses rapports avec la propriété et leurs déterminismes »

— inspiré des travaux de Gérard Mordillat
«  Le monde et sa propriété  »
ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022

«  Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’Homme, mais pas assez pour assouvir son avidité.  »

Mohandas Karamchand Gandhi

En “venant au monde”[1], nous sommes propulsés dans ses rapports avec la propriété et leurs déterminismes, dans lesquels la personne va peu ou prou devoir développer son identification, on pourrait dire avant même le début de sa conception, pour s’adapter et assurer sa pérennité … !

Dès lors “le désir naturel du vivre” va s’inscrire dans ce schéma, et il va être plus ou moins complexe selon les lieux géographiques, les situations et les époques, et nous nous bornerons à la nôtre, même si d’autres époques et lieux peuvent venir donner leurs éclairages en ce temps présent .

Ce que propose cet essai, c’est de mettre en parallèle et dans leurs perspectives réciproques, le monde de « la propriété » et une démarche spirituelle maturanteet innovante [2].

Cette proposition nécessite une bonne connaissance du sujet pour la première perspective et une suffisante pratique des fonctionnements de l’Humain pour aborder la seconde perspective.

L’objet de la recherche serait de voir et comprendre comment ces deux perspectives peuvent s’imbriquer, voire s’articuler autour d’une vie d’Homme vers son accomplissement.

Une alternative au “droit absolu” du pouvoir dans la “propriété privée” qui met en danger actuellement le Vivant sur la Terre de tous, est devenu un impératif dont la jeune génération ne pourra faire l’économie d’un investissement et une lutte acharnée face à la violence prédatrice du néo-libéralisme régnant, destructeur de propriétés (notamment “les [biens] communs”) au nom de la croissance économique.

Car il y a un grand risque d’une organisation de société en ce qui concerne la “transition écologique” à fort potentiel d’injustices, tels que basés sur des modèles comme la Chine actuelle, c’est à dire un État très centralisé autoritaire et tyrannique, profondément anti-démocratique, qui entre en alliance avec le secteur dit “privé” et son capital d’investissement.

Ainsi pour soutenir une lutte d’une telle ampleur, l’Homme investi d’une dignité renouvelée va nécessairement devoir se maturer et “ne plus se raconter d’histoires”, se situer et se vivre surtout, dans sa plénitude d’être humain s’accomplissant dans la détermination de sa responsabilité de son Humanité là où il a vu le jour.

Car « si nous ne faisons rien, procrastinons à longueur de temps, nous serons emportés et submergés par le flot surgissant d’évènements de tous ordres qui nous engloutirons », c’est aussi simple que cela, la Terre restera ce qu’elle a toujours été une puissance régénératrice et féconde, avec ou sans notre espèce !

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[1] Nous autres humains sommes « l’animal inachevé ». Notre nature est ouverte et malléable à souhait et nous ne cessons de découvrir ce dont nous sommes capables. Bien que pourvus d’un corps humain à la naissance, nous n’avons pas encore toute notre humanité. Devenir humain signifie découvrir tout notre potentiel et apprendre à vivre avec. Pour cela, “nous devons mettre au monde”* plus que ce que nous sommes vraiment, et devenir plus ouverts à ce que la vie nous offre.

Toute la gamme des capacités humaines est à exploiter. Nous avons besoin de force, d’ardeur et de ténacité pour persévérer et faire avancer les choses …

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* dans le sens de “maïeuticien(e)” [“d’accoucher” de notre propre Humanité.]

p. 27, « Le Chemin de l’Amour conscient » “Une voie sacrée”, John Welwood – Éditions Le Souffle d’Or © oct. 2010

http://camisard.hautetfort.com/media/01/00/1480267140.pdf

et …

« Psychologie de l’Éveil », John Welwood – Éditions de la Table Ronde © Gap 2003

http://camisard.hautetfort.com/media/02/01/1989754899.pdf

« Entre ciel et Terre » Échappatoire Spirituelle

« Les enfants au cours de leurs premières années, quand ils ne peuvent pas encore reconnaître ni exploiter pleinement la puissance de leur être plus vaste, “l’ego” est alors une structure de contrôle que nous développons pour des raisons de survie et de protection. Ce moi pense qu’il est le maître et cette croyance procure un sentiment de stabilité et de sécurité nécessaire au développement de l’enfant.

L’“ego”sert donc un but utile de développement, telle une sorte d’homme d’affaires ou de gestionnaire qui apprend et maîtrise les méthodes ayant cours dans le monde. Cependant, la tragédie de l’ego est que nous commençons à croire que ce manager — ce “je/soi”de façade qui est en interface avec le monde — est qui nous sommes. On peut comparer cela au gérant d’une société qui prétend en être le propriétaire. Cette prétention crée de la confusion vis-à-vis de qui nous sommes réellement.

Il y a là un côté poignant. En tant qu’imitation de notre véritable nature, l’ego est un moyen d’essayer d’être. Si la vraie force pour faire face aux circonstances difficiles nous fait défaut, nous essayons d’être forts — en nous crispant et en nous renfermant. Comme nous manquons de véritable confiance, nous tentons de prendre de l’avance ou d’avoir le dessus — en faisant du forcing et en bousculant. N’ayant pas directement connaissance de notre valeur, nous essayons d’être aimés — en nous compromettant, en essayant de sauver nos parents ou de faire plaisir aux gens. Toutes ces tentatives peuvent être des moyens d’adaptation utiles durant l’enfance, car elles procurent un semblant des réelles ressources intérieures avec lesquelles nous ne sommes pas encore totalement en contact. »

p. 70

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[2] La voie et les voies « Une boussole dans le brouillard », Gilles Farcet – Éditions du Relié © 2019

« Si je devais m’en tenir à une phrase et une seule, je dirais ceci : La voie a pour objet de faire émerger un sujet responsable et aimant capable de participer selon sa vocation propre à la guérison plutôt qu’à la maladie du monde.

J’ajouterais qu’il existe des degrés de maturation intérieure : depuis l’émergence d’un sujet digne de ce nom jusqu’à ce que diverses traditions considèrent comme l’ultime libération. On notera que je définis l’objet de la voie du point de vue de la relation et non d’un état de conscience particulier. La qualité de relation procède en effet du degré de conscience, et le plus sublime des états de conscience est vain s’il ne se traduit pas en qualité de relation. Cela dit, un ermite — vocation exceptionnelle — peut, de par sa qualité de communion silencieuse, être davantage en relation qu’un attaché de presse…

La voie n’est pas une religion, en cela qu’elle transcende les religions et traditions spirituelles. Elle est présente à l’origine de toute religion ou tradition spirituelle dont elle est le cœur caché et, avec le temps, oublié, mais aucune religion ou tradition n’en détient le monopole. Elle s’y manifeste sous différentes formes.

Je parle ici de “la voie”, on pourrait bien entendu parler aussi “des voies”. Chaque voie spécifique est une déclinaison, une manifestation de “la voie”, un possible chemin vers un but qui transcende toutes les voies. »

p. 17/18

https://versautrechose.fr/blog3/wp-content/uploads/2022/05/citations.pdf

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Ses racines dans les sociétés actuelles, dites “modernes” :

I – «  Inviolable et sacrée  »

 

la Révolution de 1789, « La propriété “sacrée” » et le contexte qui l’a vu naître …

« La propriété “sacrée” » : ici il faut entendre la chose “sacrée” sans rapport avec de la “sainteté”, ce qui est mis en avant c’est la notion séculière, celle d’un droit humain. Ce droit est entendu comme “inaliénable” en ce sens qu’il ne se réfère pas spécialement au cadre social, qui ne serait donc qu’un droit du citoyen, mais bien plutôt un droit “naturel”.

De fait, une certaine noblesse ayant rejoint le Tiers-État, celle-ci était soucieuse d’obtenir une indemnisation pour les biens dont la Révolution la dépouillait …

L’article II (de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) garantit les “droits naturels”. Cet article renvoie à autre chose que la seule propriété matérielle.

La propriété du travail de la terre vient dans le mixage de l’un par l’autre et le fruit des efforts justifiant l’appropriation et devient un droit exclusif d’exploitation.

Le fruit du “travail”, des efforts, devient en ce sens un droit exclusif de propriété.

John Locke (1632 – 1704) considère que les êtres humains ont la “propriété” d’eux-même, pour lui c’est un principe fondamental. Cette idée nourrit la Révolution et se propage dans le continent européen fondé sur “trois piliers” : désacralisation du pouvoir temporel, l’état de droit (la séparation des pouvoirs et “égalité” [de principe du moins] devant la Loi), et le troisième axiome, la “propriété privée”, ces “idées révolutionnaires” étaient essentiellement promues par la bourgeoisie. Cela s’articule autour de la vision que le squelette juridique sera “mis en chair” par la propriété privée établissant l’état de droit. L’hétéronomie[1] du vivre ensemble ne relevant plus d’un ordre théocratique et créant ainsi un “vide” (ou une absence), celui-ci doit trouver à se combler dans le champ de l’expression des libertés soumises aux débats, une cohérence autour de la “propriété privée” devenue dès lors en ce sens, le “bien” ambigu du tissu social.

— “propriété privée” et “droit naturel” relèvent-ils d’une absurdité de fond ?

John Locke serait-il dans l’erreur … ? La confusion entre ce qui entre en “possession” et ce qui est de la “propriété privée” … et après lui ce confusionnisme n’a fait que se répandre et se développer.

(prise de possession et la propriété) la notion de “propriété privée” est une relation entre des personnes à propos des “choses”, et non pas le “saisir des choses” pour se nourrir, élaborer des structures au moyen d’outils, etc … propriété et possession se réfèrent à des notions très différentes.

Le profond du paradoxe des « déclarations d’indépendance » des U.S.A., une société esclavagiste s’appropriant par la violence [en fait un génocide toujours dénié aujourd’hui, comme en Australie] les terres des populations autochtones alors qu’ils étaient de fait “en pleine propriété” du point de vu du “droit naturel”, celui des peuples premiers sur leurs terres ; comment “sacraliser” les uns tout en dépossédant les autres ! Ainsi, dans le droit des U.S.A. le droit de “propriété privée” n’est pas “sacralisé”.

La “propriété” a une Histoire … sa source en Occident vient des juristes romains, la “propriété privée” en se sens ce structure dans l’exclusivisme du rapport à la “chose” dans la dynamique économique de l’époque, basée en partie sur l’esclavage.

Tombé en désuétude dans l’effondrement de l’empire romain, le XIme siècle verra resurgir “propriété privée” dans le “droit canon” sous le Pape Grégoire VII, à travers le premier état européen qu’est l’Église Catholique avec ses clercs, calqué sur le droit romain.

Sous la Révolution de 1789 est énoncé que : le propriétaire « ne peut pas faire ce qu’il veut ». La libre utilisation de la “propriété privée” est bornée aux libertés et droits des autres.

Ceci disparaît sous l’Empire en la personne de Napoléon Bonaparte, qui réduit cet aspect dans un contenu pur du positivisme matérialiste Comtien. C’est l’avènement du “propriétaire souverain”, d’un droit “absolu” (art. 544 sur la “Propriété”). La “Propriété” est l’âme de la législation (Portalis 1746-1807), le fondement de l’ordre social, pierre angulaire de la mentalité de la société qui se met en place.

Le dominium* (droit romain de propriété) est différent du droit d’usage.

* (le dominium ex iure quiritium correspond à une quasi souveraineté, il est davantage une puissance qu’un droit d’appropriation au sens moderne du mot ; et la propriété n’a jamais été considérée à Rome comme un pouvoir illimité dans le temps et dans l’espace.)

Les choses de la “Propriété” dans son sens fort d’omnipotence, sont résorbées dans un état d’absorption vers le/s personnes propriétaires qui par extension s’identifient à lui/eux comme faisant partie de lui/eux mêmes et ainsi aller jusqu’à s’y confondre … !

Démocratie et “propriété absolue” sont donc assez contradictoires. La “propriété absolue” est excluante de toute forme de débats. La démocratie elle, est le lieu même des possibilités de dialogues et d’éventuels changements si cela s’avère constructif dans le vivre ensemble, donc de la fonction sociale de la propriété. La propriété se doit d’être englobée dans l’intérêt de la communauté.

Deux perceptions de la propriété s’affrontent donc, d’une part la “propriété absolue” avec un/des propriétaire(s) “souverains”, d’autre part un droit de propriété qui s’insère dans le jeu des relations sociales. Octobre 2020, nous passons d’une perspective subjectiviste de la propriété comme étant une “émanation de la/les personnes(s)” à une vision plus objective dans laquelle cette propriété devient une affectation à un objectif, un but. Cette vision de la propriété requiers une notion fraternelle de solidarité, et non plus une attitude despotique d’un “droit quasi divin, d’un « moi/ego omnipotent »” !

Pierre-J. Proudhon (1809-1865) – La propriété est multiple, elle est universelle dans le concept de la Révolution Française de 1789, mais dans sa pratique, elle est individualisante. Elle prétend protéger les petites gens tout en garantissant la domination des puissants ! Proudhon qui y voit une liberté, la dénonce ainsi élaborée comme un “vol”…

La définition possible de la propriété ; s’il n’y a pas une définition universelle de la chose, chaque société produit “sa définition” de la propriété : cette propriété est la relation d’appartenance entre des personnes relativement aux choses dont elles disposent. Après tout est question de conception de ladite chose …

Nous ne sommes pas tout seuls propriétaires des choses ! Nous sommes dans une dimension intertemporelle de la propriété en ce sens que les chose ne viennent pas de rien pour retourner à rien, il y a une forme de continuité dans ces choses.

le concept propriété entendu comme tel n’a pas toujours existé, les sociétés dites “premières” avaient une perception très différente de celle actuellement globale, et avaient une tout autre notion que celle en somme réductrice de “propriété absolue” dans leur façon d’utiliser les biens de la communauté et des personnes la constituant.

Dans le droit féodal, il n’existait pas de distinction entre “impérium” (pouvoir juridique politique sur les personnes) et “domium” (pouvoir juridique civil de la propriété), la propriété était enserrée dans des règles générales.

Dans sa vision fondamentale le capitalisme vise à l’augmentation constante de ses ressources ce qui dans nos sociétés actuelles génère au moins deux problèmes majeurs. Premièrement, l’Anthropocène et les limites des ressources de notre planète Terre, et l’avidité qui vont dépasser le point de rupture de la régénération naturelle si nous restons dans la dynamique actuelle ; en outre deuxièmement cela génère un gouffre grandissant d’inégalités d’une minorité au détriment non seulement des populations, mais qui plus est des équilibres naturels de la Terre. En effet le produit du Capital augmente sans cesse en se reproduisant, bien plus rapidement que ce que le travail par lui-même peut engendrer dans le même laps de temps.

Le Capital lui-même détruit violemment, par la nécessité du changement de sa propre essence, des paramètres de la sacro-sainte propriété (voir les “mouvement des enclosures” [Pays de Galles et d’Écosse], fin du XVIe siècle au XVIIe siècle) : des droits de propriété ont été détruits au nom de la croissance économique.

Autour donc de cette notion réductionniste de “propriété absolue”, la violence est factuelle.

Le principe même de l’économie est induit dans la notion de “rareté”. La possession d’une chose par nature est dans un mode d’exclusion, mais peut dans le cadre sociétal donner lieu à plusieurs déclinaisons, dont le partage … Par contre, dans la notion de “propriété absolue” plus rien de tout cela, c’est un vase clôt hermétique, de la prolongation d’un « moi » tyrannique et sans partage possible, laissant juste la possibilité éventuelle d’un “don”, plus ou moins généreux, intéressé, équivoque en tous cas.

Quand nous instituons une exclusion sur l’arbitraire, nous générons une dynamique qui glisse très rapidement vers la frustration et ses violences … ! Ceci induisant potentiellement les tueries humaines[2] et autres états de guerres déclarés ou pas, et leurs cortèges de calamités indicibles … !

Ainsi les Amérindiens qui étaient en toute jouissance de leurs territoires naturels, pouvaient-ils se prévaloir de titre de “propriété absolue” ? La Cour Américaine de 1823 posait la question suivante : les Piankeshaw (ou Piankashaw) nation des Miamis*, avaient-ils un “droit” de vendre (c’est une partie fondamentale du droit de propriété) ? John Marshall (1755-1835) Président de la Cour Suprême des U.S.A., explicite en 1823, que la “conquête des territoires” donnent un titre d’appropriation que n’ont pas les autochtones qui eux ne peuvent prétendre à la vente ! Il reconnaissait que c’était injuste mais conforme à la juridiction d’État … ceci est la nature de la violence intrinsèque à la chose.

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*Les Miamis (en langue miami-illinois : Myaamiaki), sont un peuple amérindien du Sud des Grands Lacs, du sud du lac Érié et du lac Michigan, dans les États américains actuels du Michigan, de l’Indiana et de l’Ohio et qui vivent aujourd’hui majoritairement dans l’Oklahoma.

[1] Fait d’être influencé par des facteurs extérieurs, d’être soumis à des lois ou des règles dépendant d’une entité extérieure.

[2] https://www.babelio.com/livres/Lehorff-Par-les-armes/1043202/critiques/1663428

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«  Le monde et sa propriété  » I – ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022

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Ainsi dans cette première partie nous sommes mis dans la perspective d’un “monde” tel que les sociétés humaines l’ont mis en place et institué.

Le “petit de l’Homme” arrive dans ce monde-là, mais aussi il « arrive au Monde », et dès lors comment peut-il s’adapter au premier et vivre pleinement sa nature humaine dans l’autre ? La question est ardue apparemment, car en fait ces deux “mondessont un seul et même monde en Soi. L’un nous entraîne inexorablement vers « la maladie addictive de désirs frustrés du monde de l’humain » et ses égarements, ses errances, en des vies dégradées trop souvent dans un gâchis certain ; l’autre nous porte vers la résilience, la guérison en notre Humanité partagée au Monde/Univers, portant vers une plénitude intérieure d’accomplir ce qui doit l’être nous concernant, ce que le Vivant quelque part attend de nous, car nous ne venons pas de rien[1]. Il ne s’agît pas de vivre hors et sans désirs”, mais de tendre à une vie libre du désir tyranniqueet de sa dépendance, en vue d’une plénitude de maturité émotionnelle non dépendante d’autrui…

Dès lors beaucoup de choses vont se jouer dans les premières années de ce “petit de l’Homme”, parfois difficilement réversibles, mais la neuroplasticité de sa nature lui donne un atout majeur tout au long de sa vie, de pouvoir modifier la donne. Reste qu’il lui appartient d’opter entre un laisser aller vers la facilité, la pensée paresseusedont parle Boris Cyrulnik dans « La pensée totalitaire », qui généralement si elle apporte son lot de satisfactions parfois à la mécanique de frustration du désir, n’en demeure pas moins au niveau le plus souvent d’une absence de croissance intérieure en son humanité accompagnée de son mal-être, qui est donc l’autre option, celle des désirs sans fin.

En outre, être mis en relation dans une réelle dynamique d’une voie spirituelle parmi les voies possibles dans un lignage vivant avec des représentants dignes de leur missionne va pas de soi, cela reste une entreprise avec ses risques, et dans certaines contrées sur la Terre quasi impossible, voire impossible dans des dictatures avec leurs tyrans, quel qu’en soit l’étiquette et couleur de la chose …

L’histoire du bien foncier (anciennement bien-fonds) d’un “droit de propriété”, était déjà dans les mœurs en Mésopotamie il y a trois mille ans av. J.-C.

Nous avons vu précédemment l’imbrication à laquelle peut donner lieu, la notion de “propriété absolue” qui engendre la prolongation d’un “moi” tyrannique et sans partage possible, l’implication dans laquelle l’enfant* qui pour se structurer développe en toute légitimité une identité première, va être imprégnée dans cette relation plus ou moins marquée et toxique :

« Les choses de la “Propriété” dans son sens fort d’omnipotence, sont résorbées dans un état d’absorption vers les personnes propriétaires qui par extension s’identifient à elle comme faisant partie d’eux mêmes et ainsi aller jusqu’à s’y confondre … ! »

Dès lors selon le schéma engendré « la stratégie de survie »[2] va être une difficulté majeure sur laquelle va se heurter tout au long de la vie la croissance et maturation spirituelle, dans le meilleur des cas ! En effet, dans l’immense majorité cela ne dépasse pas le cadre d’un infantilisme émotionnel, quelques que puissent être par ailleurs les qualités de cognitions intellectuelles relevant des mécanismes du mental.

II – “Mon corps est à moi … !”

structures de l’identification de l’individu

dans ses rapports avec la propriété et ses déterminismes

En outre ce “petit de l’Homme” a un corps et là aussi le rapport qu’il va avoir avec celui-ci est très largement dépendant de son environnement, familial (ou ce qui en tient lieu) d’abord avant d’être en relation avec la collectivité, scolaire et sociétale, et c’est subtil et complexe bien évidemment !

Cependant il n’y a pas à proprement parler de “propriété de soi”, c’est une erreur de catégorisation juridique. En tant que “personne”, nous “appartenons” à des communautés ; (rapports de “possession” du corps et de la propriété [communautaire]) dans la définissions par exemple d’une désignation d’un “basculement” d’âge à un autre, petite enfance/enfance.

Des limites sont posées dans ce que l’on peut ou ne peut pas faire avec son corps. En fait le terme plus approprié que “propriété” serait “… y avoir un droit de regard, contrôle de sa libre jouissance et pouvoir en disposer en dernier ressort…” parce que nous avons des droits inaliénables sur notre corps.

Mais en fait dans le cadre de la “vie quotidienne” c’est plutôt finalement notre corps qui nous “possède” dans ses mécanismes que le contraire ! Ceci dit cette “propriété souveraine” n’est pas un “droit absolu” non plus … d’où un certain embarras !

Il pourrait être entendu que “le corps” ne peut être la “propriété” de quiconque, pas même de soi … !

Si nous sommes “propriétaires” de notre corps cela nous permet de l’aliéner … “je suis mon corps” et selon Merleau-Ponty (1908-1961), en conséquence je n’en suis pas le “propriétaire” car ce qui “hante” le débat à ce sujet, c’est bien la notion de réduction à l’esclavage … Le postula est que le corps de quiconque n’appartient à personne …

« Ni una menos »*, la Vie c’est beaucoup plus puissant en terme d’importance de valeurs, que celle de la “propriété”.

*(Le mouvement de 2015 « Ni Una Menos » [“pas une de moins”] en Argentine)

La “propriété” sur une valeur marchande du corps est en essence une absence totale d’intégration de la notion de dignité intrinsèque de la valeur d’une vie humaine. Le fait que chaque personne doit pouvoir avoir “droit de regard et contrôle” sur sa propre existence. Il y une profonde indignité, de la violence sociale à ne donner qu’une valeur en terme de “marchandise” à une personne ou une autre, sous-entendant que d’autres n’ont aucune “valeur-marchande”, ce qui équivaudrait à ne considérer la personne qu’en “poids économico/sociétal” parlant, quel que soit par ailleurs ses qualités humaines !

Ce concept de “propriété absolue” ne serait-il pas “un fantôme qui hante” notre rapport sociétal … celui de l’esclavage … ? Cet « esclavage » en terme d’institution est la violation la plus fondamentale du “droit de propriété” de soi d’un être humain. Et ce droit doit être défini comme beaucoup plus large que celui du droit économique. En particulier les droits de propriété moraux qui se réfèrent à la personne et son intégrité, le fait d’être une « personne humaine » à part entière, l’esclavage nous prive de cela.

À l’abolition de l’esclavage*, au nom de cette “propriété absolue” in fine ce sont les propriétaires qui seront indemnisés et non les esclaves !

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*(le deuxième décret de l’abolition de l’esclavage en France a été signé le 27 avril 1848 par le Gouvernement provisoire de la Deuxième République, 46 ans après le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte ayant rétabli l’esclavage dans les colonies françaises avec la loi du 20 mai 1802. L’esclavage avait été aboli par la Convention, une des assemblées de la Révolution française, le 4 février 1794.)

caput”, signifiant “tête”, vieux terme pour désigner la propriété dans le sens de cheptel, tête de bétail, est la racine de “capital”. En anglais “chattel slavery” est ni plus ni moins une désignation de “propriété d’humains” comme un cheptel d’animaux ! Le capitalisme entendu de la sorte n’est pas une façon astucieuse de faire de l’argent, mais un process vicié en son essence, quelques puissent être les règles du jeux en question …

Si l’esclavage est constitutionnellement prohibé, il n’en demeure pas moins que les rapports de dépendances et “d’allégeance”, entendue comme “diminution du poids d’un fardeau”, est de la servitude personnelle habillée d’autres mots, et celles-ci apparaissent comme un véritable repoussoir. Si le « contrat de travail » est l’autre bout du spectre de la condition d’esclave, il convient de prendre en compte nombre de professions qui ont des failles structurelles qui leurs sont propres, notamment le personnel de “domesticité” ce “droit de propriété privé” a toute son ambiguïtée

à lire au sujet du « contrat de travail » l’essai sur le documentaire de Gérard Mordillat : « Travail, salaire, profit  » Extraits du documentaire économique/philosophique Arte-TV, © 2019

http://camisard.hautetfort.com/media/01/02/743836790.2.pdf790.2.pdf

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[1] voir : https://versautrechose.fr/blog3/?p=531

[2] voir à partir de la page 171, « Une boussole dans le brouillard », Gilles Farcet – Éditions du Relié © 2019

https://versautrechose.fr/blog3/wp-content/uploads/2022/05/citations.pdf

*L’influence psychologique des parents sur les enfants est particulièrement forte dans

une société comme la nôtre où les familles élargies, les communautés unies et les

rituels d’initiation, qui atténuaient cet impact, ont pratiquement disparu.

p. 128 « Le Chemin de l’Amour conscient » “Une voie sacrée”, John Welwood – Éditions Le Souffle d’Or © oct. 2010

http://camisard.hautetfort.com/media/01/00/1480267140.pdf

LE PROBLÈME FONDAMENTAL : L’IDENTIFICATION PRÉ-RÉFLÉCHIE

Ce qui rend problématique notre état ordinaire de conscience, selon les traditions à la fois psychologiques et spirituelles, est l’identification inconsciente. Jeunes enfants, notre conscience est essentiellement ouverte et réceptive, toutefois notre capacité à réfléchir à notre propre expérience n’est pas totalement développée jusqu’au début de l’adolescence, durant « le stade des opérations formelles » comme le dit Piaget. Avant cela, notre structure de soi est sous la domination d’une capacité plus primitive — l’identification.

Comme, dans l’enfance, nous manquons d’une conscience réfléchissant sur nous-mêmes, nous sommes en grande partie dépendants des autres pour qu’ils nous aident à nous voir et à nous connaître — pour qu’ils fassent notre réflexion a notre place. Nous commençons donc inévitablement à intérioriser leurs réflexions — leur façon de nous voir et de nous répondre, finissant par nous considérer nous-mêmes en fonction de la manière dont les autres nous perçoivent. Nous développons ainsi une identité égotique, une image stable de nous-mêmes, composée de représentations de nous qui font partie de relations d’objet plus vastes — des schémas “soi/autre” forgés lors de nos premières transactions avec nos parents. Forger une identité signifie se prendre pour quelque chose, basé sur la manière dont les autres sont en rapport avec nous.

L’identification est comme une glu grâce à laquelle la conscience s’attache aux contenus de la conscience — les pensées, les sentiments, les images, les croyances, les souvenirs — et assume chacun d’eux : « C’est moi » ou « Ça me représente ». Forger une identité est un moyen par lequel la conscience s’objective elle-même, fait d’elle un objet. C’est comme se regarder dans un miroir et se prendre pour l’image visuelle qui nous est reflétée, tout en ignorant notre expérience vécue plus immédiate d’êtres incarnés. L’identification est une forme primitive de connaissance de soi — le mieux que nous puissions faire en tant qu’enfants, étant donné nos capacités cognitives limitées.

p. 150/51 « Psychologie de l’Éveil », John Welwood – Éditions de la Table Ronde © Gap 2003

http://camisard.hautetfort.com/media/02/01/1989754899.pdf

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III – “Breveter le vivant …”

l’appropriation d’individus,

de biens de l’ordre du Vivant”

Ses racines dans les “sociétés modernes” actuelles :

En matière de propriété il faut bien faire le distinguo entre ce qui concerne « les biens dits matériels » et ce qui concerne « les biens dits immatériels ».

La « propriété intellectuelle » c’est avoir la liberté, le “pouvoir” d’utiliser la chose que j’ai créé. C’est le © [copyright]

C’est la “marchandisation” d’un travail intellectuel ; car il faut bien entendre dans cette notion que cela ne peut pas fondamentalement être l’activité exclusive d’une seule et même personne. En effet ce “travail” est toujours déjà transit et dépendant d’un “commun” de l’imperçu, par exemple : nul ne peut se réclamer d’être “le propriétaire” d’une langue dans laquelle il s’exprime. Ainsi il y a de facto un entre-nous qui dans ce cas nous relie à notre humanité voire au-delà, qui rend possible in fine, une création qui en soi ne peut être “réduite” à une entité exclusive donc. Ceci donne une perspective plus confraternelle de la chose créé, qui est ainsi plus à considérer dans une notion du “partagé” plutôt qu’une exclusivité “privée” qui est de l’ordre de l’appropriation abusive dans son interprétation exagérée et absolutiste.

Pourquoi ces droit des “brevets” et copyright de nos jours sont-ils si puissants ? c’est parce qu’ils protègent l’investissement ; geler une création pour en faire un “actif”.

La nature différente de la propriété intellectuelle :

Ils (droits de propriété) sont donc limités dans le temps, ne sont pas totalement “permanents” comme les biens dits matériels.

Le rapport entre les droit des “brevets” et copyright de la « propriété intellectuelle » est l’indicateur qui permettraient de faire le lien actuellement entre la « propriété intellectuelle » et le facteur d’innovation …

Cette “propriété intellectuelle” opère à deux niveaux ; son extension peut inciter à la création et empêcher son utilisation par d’autres. Le fait qu’il y ait marchandisation incite à l’investissement pour créer de la propriété intellectuelle qui génère de la croissance économique, procédé des pays dits “développés”.

Mais dans les pays dits “émergents” cela a un effet inverse, et freine plutôt le développement.

Quel légitimité sur le vivant dans le cas d’un brevet sur l’animal transgénique ? (brevets sur les organismes multicellulaires) ; alors qu’en sera-t-il de l’humain ?

Le droit de réutiliser ce qui a été récolté est fortement contesté par les grandes firmes de l’agro-industriel. C’est une tentative d’expansion spectaculaire de la propriétarisation par rapport non seulement à ce qui vit aujourd’hui, mais aussi et surtout une forme d’hégémonie sur le “vivant du futur”.

Ceci est le prolongement constitutif de violence de la notion de capitalisme dans la “propriété absolue”, très brutal.

Celui qui possédera les données informatiques, dominera demain le domaine de I.A. (ou intelligence Artificielle) … l’humanité devra entrer en résistance face à cela, et poser des garde-fous institutionnels !

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IV – “Posséder la Terre”

l’appropriation sans limites,

la démesure face aux évènements factuels”

La propriété en terme de concepts juridiques remonte bien avant ce l’on entend par « l’État » au sens moderne du terme.

En ce sens, le privé” n’existe que parce qu’il y a du “public”. Il y a forcément une alliance privé/public qui permet de faire respecter les contrats “privés”, qui autrement ne peuvent pas les faire respecter hormis le recours à la “loi du plus fort”.

L’idée d’une notion de “propriété absolue”, de domination sur un bien est une idée de l’Occident dit « Moderne ».

Le « Dominium »* et la “propriété des biens communs” : Ils sont difficiles à définir, si ce n’est par contraste avec les “droits de propriété”. « Les biens communs » ont des renvois dans l’Histoire et a des échos dans “l’Ancien Régime”, (comme les marais, les bois, pâturages etc…) comme forme “d’exutoires” vers ceux qui n’ont rien, de participer à la vie de la communauté pour exister.

La « Tragédie des Communs » (Elinor Ostrom, prof. en sciences politiques ; 1933-2012, Nobel 2009 d’économie) Elle a remis en cause la doxa dominante du néo-libéralisme. Pointant du doigt son immense gâchis … dans le sens ou le “le bien commun” est traité avec négligence, alors que “le bien privé” serait l’objet d’attentions particulières … [Garett Hardin 1915-2003, prof. d’écologie et d’écologie humaine]

Ce qui caractérisera “le bien commun” sera de la nature des règles qui seront données par le collectif gestionnaire ; ce qui sous-entend des rapports hors du champ de “domination” au sein du commun.

Le bien commun”, une toute nouvelle façon de réorganiser nos sociétés modernes d’Occident ?

Certains biens indispensables à l’humanité ne devraient pas relever du domaine “privé” (l’eau potable, les écosystèmes, les mers et leurs fonds, etc …).

Les « Montagnais » (Les Innus du Lac Saint-Jean ou Pekuakamiulnuatsh) ont été réduit à décider de privatiser les “communs” suite à la disparition des castors du fait de son commerce abusif, à la fin du XIXe, pour sauver leur environnement… !

La poly-crise écologique actuelle.

a) Société décentralisée des communs, un État garantissant l’exercice et réglementation de ces “communs” avec des productions d’énergies diversifiées, décentralisées.

b) Société de “transition écologique” à fort potentiel d’injustices, basée sur un modèle chinois actuel, c’est a dire un État très centralisé autoritaire et tyrannique, profondément anti-démocratique, qui entre en alliance avec le secteur dit “privé” et son capital d’investissement.

« La pensée paresseuse » en ce qui concerne les “communs”, dans le domaine d’un élargissement, les problématiques qui se manifestent dans une petite échelle, ne se manifestent pas dans la globalité à plus grande échelle. Quand les gens se connaissent trop bien, cela crée des empêchements et impossibilités (jalousies et rivalités diverses …), l’espace vaste crée un horizon plus élaboré permettant de répondre plus efficacement à certaines problématiques humaines.

Par contre, la réorganisation demande plus de “pouvoir” dans la globalité que dans de petites parties. D’où une nécessité pour passer à une certaine réorganisation sociétale d’envisager un audit neutre plus large.

Les limites à la “propriété absolue”, et les limites du “pouvoir d’État”, dans les « biens communs de l’Humanité et du Vivant », touchent à l’alliance privé/public sans laquelle le “privé” n’existe pas. La société civile reste le recours à inventer des limitations à la gestion des communs autour de ce rapport privé/public qui tire son origine du « Dominium ». Reste à structurer ce tiers majeur et central pour le devenir du Vivant, capable institutionnellement de faire appliquer dans les faits la chose ! Car devant, c’est le règne du “tout est sujet à marchandisation” !

Le concept juridique : « les personnes se rattachent au genre Humain » tout le reste est du domaine de la “chose” … ainsi dans cette perspective le Naturel réduit à l’état de “chose” ne peut prétendre au “droit sociétal” de la « Civilisation » actuelle.

Peut-on argumenter à partir d’un continuum Nature/être humain, pour se poser en tant qu’interlocuteur qualifié, ayant ne serait-ce qu’un droit à s’exprimer ? Perspective qui inclut un “droit des génération futures” à bénéficier d’un environnement clément et viable ?

La notion d’étanchéité entre l’ensemble du Vivant et de l’Humain abolit, nous sommes renvoyés à l’origine de nos sociétés humaines pré-urbaines. Se pose alors la question d’une Humanité post-urbaine capable de réintégrer ce qui a fait le fondement de notre propre humanité pendant des dizaines de milliers d’années ? Rien n’est moins sûr !

Après quand il est question de personnalité morale “représentant l’empêché” de s’exprimer par lui-même cela doit faire parti d’un cadre défini avec contre-pouvoir structuré pour l’équilibre de la chose. Donc rien qui soit hors du champ des capacités qu’une démocratie saine ne puisse affronter …[1]

Perpétuer le « Dominium » au sein des droits de la Nature est une absurdité ! Rien ne peut au sein de la Nature être réglé isolément, d’autres facteurs interdépendants sont en prendre en compte, qui en fait est le fondement même du Vivant ! La question est bien plutôt dans les réponses pertinentes et initiatives salutaires qui peuvent être mises en place de manière réaliste et variées, et surtout en avoir la volonté dans la compétence !

Quelle est la marge de manœuvre dans ce que contient le droit actuel sortit d’une définition préalable … l’examen de la question se pose en effet, et en urgence si l’on veut avancer face aux échéances qui sont déjà là ![1]

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«  Le monde et sa propriété  » – ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022

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* Pouvoir et propriété chez Thomas D’Aquin : la notion de « dominium ».

Dans le latin classique, ce terme signifie propriété ou droit de propriété, mais il n’a presque jamais ce sens au Moyen Âge (il ne faut donc pas le traduire par propriété). Dans la langue médiévale, il désigne plus largement le fait d’être maître (dominus) de quelqu’un ou de quelque chose. Chez saint Thomas, il équivaut pratiquement au pouvoir sur les personnes ou à la possession des choses, mais non à la propriété au sens strict.

Cet usage du mot dominium entraîne un paradoxe surprenant, car le même terme désigne à la fois le pouvoir sur les personnes et sur les choses. Dans le premier cas, il s’agit soit du pouvoir politique, dans le cadre de la cité, soit du pouvoir domestique, dans le cadre de la famille : ainsi, le prince a un dominium sur ses sujets, et le père de famille, sur sa femme et ses enfants. Dans le deuxième cas, il s’agit de la possession des choses, qui peut être commune ou propre (on parle alors de proprietas). Ainsi, le mot dominium, qui semble exprimer une notion simple (le fait d’être maître), a, en réalité, deux sens très différents. L’usage de ce terme unique, qui désigne à la fois la maîtrise des personnes et des choses, explique que saint Thomas ne s’interroge pas sur les rapports entre pouvoir et propriété, car ces notions ne sont pas encore suffisamment différenciées à son époque. Pourtant, il est possible et même nécessaire de distinguer et d’examiner les deux sortes de dominium : d’abord, celui qui s’exerce sur les personnes et qu’on peut appeler le dominium-pouvoir, puis, celui qui s’applique aux choses et qu’on peut appeler le dominium-possession.

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https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2010-4-page-655.htm

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[1] « La Magpie devient une entité qui a le droit de vivre » Hélène Jouan

Dans le nord-est du Québec, la rivière Magpie a été reconnue « personnalité juridique » en 2021.

Rita Mestokosho éthnie Innu (anciennement appelés Montagnais) Québec-Labrador.

Les droits de :

Vivre, exister

Au respect des cycles naturels

D’évoluer dans sa préservation naturelle

D’y maintenir une biodiversité d’origine

Maintenir les fonctions essentielles de l’écosystème

Préservation de l’intégrité de l’écosystème

Protection des pollutions

Préservation de la régénération, et à la restauration

De pouvoir prendre l’initiative d’un procès (“Ester”) en justice

[quid de la réversibilité d’être traduit en justice ?]

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/16/au-canada-le-combat-pour-proteger-une-riviere-la-magpie-devient-une-entite-qui-a-le-droit-de-vivre_6154637_3210.html

Bien des approfondissements en matière juridique devrons être développés, le terrain est largement inconnu et “en friche”, cependant il faut bien partir d’un élan de base, et c’est le cas ici !

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[1] en particulier en finir avec la fuite en avant de … :

— “L’économie de l’industrie de guerre des états dits modernes”, et leurs applications commerciales très lucratives dans le monde dit civil des démocraties(?), voir l’affaire dernièrement :

« Dark Waters » pollution mortelle au PFOA, Rob Billott avocat.

ou encore Monsanto :

La firme américaine d’agro-alimentaire Monsanto est le leader mondial des biotechnologies, tout particulièrement des semences et organismes génétiquement modifiés (OGM). On lui doit les controversés Round Up, herbicide “total” et l’Agent Orange, massivement utilisé pendant la guerre du Vietnam par l’armée américaine. Accusé de créer des produits nocifs pour la santé et les écosystèmes, le groupe industriel fait l’objet de nombreuses actions en justice et d’enquêtes.

Et que dire des déchets nucléairesdu civil(?), toujours d’actualité !

Il ne peut y avoir une Humanité de paix sur de tels fonctionnements !

Un combat sans faiblesse sur le plan juridique est la seule alternative tant que nous ne sommes pas retombé dans l’infra-monde d’états totalitaires …

Quand au marché des armes !

https://www.babelio.com/livres/Lehorff-Par-les-armes/1043202/critiques/1663428

http://camisard.hautetfort.com/media/00/00/2751131649.jpg

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Nous avons tenté de mettre en relief à travers nos divers articles, d’objectiver, lorsque l’on parle de “libération spirituelle”, ce dont nous devons globalement et précisément “nous libérer” de la saisie identitaire relayée par le mental !

La champ d’activité à amener au plus près de la conscience est impressionnant, le chantier à mettre en œuvre engage une vie entière dans ses fondements, en nous et hors de nous qui sont étroitement imbriqués et même certainement intriqués* ; cela ne peut donc être envisagé sous forme de passe-temps fantaisiste, une occupation en dilettante ![1]

Lorsque la Conscience se développe ainsi, un état de plénitude d’une “vacuité” nous inonde d’un vertige, nous en prenons conscience dans notre corps de “chair”, et de cet imperçu vivant à travers nous qui modifie la perception que nous pouvons avoir de la Vie, où elle prend vraiment tout son sens. À la fois si fragile et éphémère, ce “corps de chair” est une fenêtre pouvant laisser passer la lumière d’une autre perception, la clé d’une porte qui ouvre sur un autre horizon dont nous sommes imprégnés, mais dont nous négligeons trop souvent d’y prêter attention, et qui se rappelle à nous à travers nos expériences quand elles nous touchent dans le tréfonds de notre intériorité dans des situations de “crises” de ce qui veut croître, notre « être réel », non séparé, diaphane, en l’absorption d’une “vision limpide”.

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« L’acceptation de ce monde tel quel. »

Vouloir que les choses ne changent pas est vain. L’erreur est d’attendre une permanence de ce qui n’en possède aucune. Comprendre cela aide à se réconcilier avec le changement, la perte, le deuil.

Dernier point, c’est cette acceptation de l’impermanence qui ouvre une voie vers la découverte de l’Absolu et du Soi. Supprimons tout ce qui est changeant, que reste-t-il ? Ce qui est permanent. À force de regarder la réalité relative dans son impermanence, on perd toute fascination, toute complaisance, toute illusion vis-à-vis d’elle et l’Absolu peut se révéler. C’est un aspect essentiel de ce qui sera plus tard son enseignement qui cherche le silence doit d’abord s’intéresser au bruit. Faisons disparaître le bruit et le silence se révélera ; qui cherche le bonheur doit d’abord s’intéresser à la souffrance ; le bonheur se révélera par la disparition de la souffrance. Et ainsi de suite. pages 57/58

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[1] SE “DÉSÉDUQUER”

Nous sommes tous victimes de conditionnements divers en fonction de notre histoire, de notre éducation, de la société dans laquelle nous vivons. Nous perdons facilement contact avec qui nous sommes vraiment, étant soumis à tant d’influences et d’expériences qui nous “déforment”. D’où la nécessité pour Swâmi Prajnânpad de se “déséduquer” :

« Nos pensées sont des citations, nos émotions des imitations. Nous absorbons les idées, les opinions, les préjugés, les attirances et les répulsions, les ambiances et les comportements qui se trouvent dans notre entourage sans les examiner, sans les vérifier. Il s’ensuit que nous devons d’abord nous défaire de tous les ouï-dire, préjugés, superstitions, attirances, répulsions, croyances, etc., pour commencer une nouvelle vie.

Un adulte doit examiner attentivement ses pensées, ses émotions, ses croyances et ses superstitions, ses habitudes et ses méthodes de travail. Il doit examiner, voir ce qui est favorable et ce qui ne l’est pas. Il doit devenir conscient de chacune de ses pensées, de chacune de ses émotions, de chacune de ses actions. Il faut tout tester et vérifier si c’est compatible avec la raison. Cette pensée, cette émotion est-elle vraie ? Cette action est-elle juste ? Cette méthode est-elle la meilleure ? Si c’est le cas, très bien. Sinon, il faut faire quelque chose pour les rectifier. Ainsi, on devient capable de penser par soi-même et d’agir selon ce que l’on est. Il faut tout remettre en question, les grandes comme les petites choses, et agir en fonction de ce que l’on est. Le premier pas consiste à se défaire de toutes les pensées, émotions et actions qui viennent de l’extérieur. Se “déséduquer”. Se débarrasser carrément d’un objet cher ou d’une répulsion ou d’une croyance en un Dieu personnel, au paradis, à l’enfer, ou d’une respectable pratique religieuse quelle qu’elle soit. »

Cet aspect de l’enseignement rappelle ce que la modernité a apporté à l’Europe : une remise en cause de toute autorité, de toute croyance, de tout ordre établi. Tout peut être remis en cause. En fait, il ne s’agit pas tant de remettre en cause des autorités extérieures comme l’Église ou la tradition que son propre système de valeurs, de goûts et d’opinions. Qu’est-ce qui me vient de mes parents ? De l’école ? De la société ? Pensées, opinions et idéologies doivent être passées au crible. Les opinions politiques, bien sûr : j’ai des idées de gauche ou de droite, pourquoi ? Mais aussi tout ce que je considère comme bien ou mal. Il n’y a plus de certitudes protégées : tout doit être examiné, tout peut être remis en cause.

p.p. 153 et 154

« Vivre », “La guérison spirituelle selon Swàmi Prajnànpad”,

Emmanuel Desjardins – Éditions du Relié © 2019

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* voir : l’intrication quantique …

« De tout, il resta trois choses :

La certitude que tout était en train de commencer,

la certitude qu’il fallait continuer,

la certitude que cela serait interrompu avant que d’être terminé.

Faire de l’interruption, un nouveau chemin,

Faire de la chute, un pas de danse,

Faire de la peur, un escalier,

Du rêve, un pont,

De la recherche…

Une rencontre. »

Fernando Pessoa

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« La Vision Limpide », “Le sens profond”

« Les lents mouvements de la Terre semblent se produire dans un autre monde, séparés de la vie par un abîme de temps et d’échelle physique. C’est déjà un sacré défi lancé à notre faculté de compréhension. Mais il y a dans cet abîme une réalité plus insondable encore, c’est le fil qui le traverse, le lien ténu entre la brièveté de la vie et l’incroyable longévité de la pierre. Ce fil est tissé par la fécondité tenace de la vie. Mis bout à bout, les minuscules brins d’hérédité qui relient la mère et l’enfant remontent à des milliards d’années.

Ils s’enroulent année après année, se ramifient parfois en nouveaux fils, parfois se rompent définitivement. Jusqu’ici, la diversification à l’intérieur du fil a marché du même pas que l’extinction, et les puces mortelles qui s’agitent sur les dieux de pierre immortels ont acquis une immortalité contingente bien à elles. Mais chaque toron de la corde est engagé dans une course entre la procréation et la mort. La puissance générative de la vie a été assez grande pour gagner la course année après année depuis des millénaires, mais la victoire finale n’est jamais assurée.

(Hozho, « Déités de l’Arc-en-Ciel » dans la “Voie de l’Eau” peuples Navajo)

Le mandala ne représente qu’un point le long de ce fil. Le reste de l’abîme est enjambé par les ancêtres et les descendants des espèces présentes ici. Aucun de ces êtres vivants ne connaîtra jamais vraiment l’immensité du temps géologique. Il est donc facile d’oublier ou d’ignorer cette immensité et de supposer que notre cadre de vie physique est immuable, “fixé dans la pierre” »

« Un an dans la Vie d’une forêt », David G. Haskell, Éditions Flammarion© 2014

– p. 134/35

Première partie

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Des rapports de la proprioception
avec
“l’esprit-résidant”

Proprioception* et “l’esprit-résidant”** d’un organisme ; organisation et communication de l’un à l’autre.

Les phénomènes organiques et leur nécessaire “vacuité”, leur inséparabilité dans la coémergence ?

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*

Proprioception :

Perception qu’a l’homme de son propre corps, par les sensations kinesthésiques et posturales en relation avec la situation du corps par rapport à l’intensité de l’attraction terrestre.

Kinesthésie :

Sens du mouvement ; forme de sensibilité qui, indépendamment de la vue et du toucher, renseigne d’une manière spécifique sur la position et les déplacements des différentes parties du corps.

**

“l’esprit-résidant” : il est par nature “paisible dans sa stabilité” (voir p. 135 [« L’Espace du Tantra » ; Lama T.Yéshé])

(Lama Thoubten Yéshé)

Conscience de fondation (ou fondamentale) ; fonction remplie : pénétrer la nature universelle de la réalité. Celle-ci est le plus souvent empêchée par le surgissement continuel de multitudes d’états d’esprit grossiers, suscitant l’émergence répétée de projections distordues et de confusion, dans l’expérience d’une vie ordinaire, qui ne communique pas avec l’expérience “du grand silence” intérieur, recueillement. Dans la sérénité qui en résulte, alors seulement se révèle cette conscience originelle fondamentale, “l’esprit-résidant”.

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Le cosmos et les origines de la vie

Au sein du cosmos la vie a ses origines dans un brassage de : calcium – fer – souffre, trois éléments indispensables au développement de la Vie, répartis sur d’immenses distances à travers l’univers.

La Terre est dans « une zone galactique habitable » [zone à faible rayonnement cosmique] qui est favorable au développement de la Vie.

(la nébuleuse Veil)

La vie n’est pas apparu au “hasard”, elle est une donnée de base cosmologique.

— eau et molécules organiques* sont essentielles au développement de la vie telle que nous la connaissons, or il se trouve que certaines météorites portent les deux !

— les astéroïdes sont tous constitués d’éléments essentiels à la vie.

(chondrites – cristaux de sel bleu)

Ainsi, ces astéroïdes peuvent atteindre en l’état intact, la surface de la Terre ; entre 60 et 100 tonnes de météorites parviennent quotidiennement sur la Terre.

Le vivant est composé de cellules séparées par des membranes (longues chaînes carbonées) qui se retrouvent dans l’ADN et l’ARN (L’acide ribonucléique (ARN) est un acide nucléique présent chez pratiquement tous les êtres vivants, et aussi chez certains virus. L’ARN est très proche chimiquement de l’ADN), celles observées dans ces météorites sont de nature comparables.

— Les éléments stables sont constitutifs de la vie, et naissent d’un brassage. Les creusets matriciels réceptifs dans le cosmos sont donc envisageables (exoplanètes ?) … !

* (Une molécule est dite organique si elle est composée essentiellement d’atomes de carbone et d’hydrogène.)

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« Le cosmos et les origines de la vie » ZDF/Autentic Arte © 2020

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Les étapes de la conscience humaine (1)

Le corps humain se compose de 80 éléments différents, principalement : l’oxygène, le carbone, l’hydrogène et l’azote, quatre éléments issus du cosmos.

Ces éléments essentiels à la vie sont répartis de façon relativement homogène dans l’univers.

— La vie organique a une origine :

L.U.C.A. acronyme de Last Universal Common Ancestor.

Ce « Buisson-sphérique » recense l’entièreté du vivant sur la Terre

LUCA (dernier ancêtre commun universel) n’était probablement pas une cellule isolée, beaucoup d’autres devaient exister sur la Terre, sauf que c’est la seule qui ait donné “une descendance” , “descendance” de LUCA qui a éliminé toutes les autres …

L’embranchement des hominidés et l’embryogenèse se structurent dans les eucaryotes, une des trois branches principales du règne du vivant. Une autre branche, sont les bactéries, et enfin les archaea représentant la troisième branche.

— Si l’homme ne représente finalement que l’aboutissement d’une toute petite branche particulière* de l’évolution parmi tant d’autres, il n’empêche qu’il est le seul à pouvoir raconter son déroulement ! Ce qui quand même le démarque singulièrement du reste du vivant, du fait d’une telle opportunité il serait de bon aloi de mettre cela généreusement à profit !

* (Australopithèques et Paranthrope : – 2,5 millions d’années … [ doc. ; enfants de Kromdraai 49mn12s. ; « Kromdraai – à la découverte du premier humain », Ex Nihilo production – © 2021]

[« … des recherches ont permis d’établir un lien direct entre la cuisson de la nourriture, le raccourcissement de nos intestins et l’augmentation de la taille de nos cerveaux. Cuisiner sa viande aurait permis à Homo erectus de la digérer plus vite et d’absorber plus rapidement ses calories. Toute l’énergie que devaient utiliser ses intestins pour transformer une nourriture crue a ainsi profité à son cerveau, dont le nombre de neurones a pu augmenter. En gros, nos cerveaux n’auraient pas autant de neurones si nos ancêtres n’avaient pas eu l’idée de cuire leur nourriture. » (p. 43) — « La Diagonale de la Joie » – Corine Sombrun – éditions Albin Michel © mars 2021]

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« Espèces d’espèces » Ex Nihilo France 5/Arte © 2008

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Les étapes de la conscience humaine (2)

Nous autres Humains, appartenons aux espèces en symétrie bilatérale ou animaux bilatériens (groupe de l’ensemble le plus large des métazoaires : les organismes bilatéraux) qui sont essentiellement conçus pour aller de l’avant.

La complexité des organes (oculaires par exemple) se construit sur des périodes de temps longues (il y a 4 à 500 millions d’années) où se développe le premier modèle d’œil primitif. L’oreille moyenne des mammifères elle, résulte d’une transformation majeure (l’organe de la mâchoire reptilienne [200 millions d’années + ou -] qui c’est muté en organe de l’audition). L’ouïe est un organe précieux chez le mammifère, il donne l’alerte dans le cas de dangers, etc …, organe donc primordial pour cette espèce dont nous faisons partie.

Les gènes qui se développent chez les vertébrés à l’état embryonnaire, sont les mêmes, en outre les programmes génétiques sont recyclés et peuvent avoir des origines très anciennes.

Il existe une grande plasticité des structures organiques dans leur évolution, par exemple chez l’humain, à l’état embryonnaire le sexe est indifférencié, et porte le programme des deux sexes.

L’ovulation cyclique de l’organe reproducteur femelle, n’est apparu que récemment dans notre évolution. Par le passé c’est l’accouplement lui-même qui était déclencheur de cette ovulation, quand les racines du clitoris féminin étaient à l’intérieur du vagin, à la différence des espèces ultérieures dont l’ovulation cyclique n’était plus dépendante de l’accouplement pour se déclencher.

Il existe aussi des “organes vestigiaux”, ce sont des organes qui se perdent dans une évolution donnée, mais peuvent potentiellement remplir encore une fonction.

L’origine de la main humaine remonte à 20 millions d’années … elle est finalement restée largement dans un état “primitif”, ou du moins très ancien, 3 millions d’années.

(Peintures rupestres Cueva de las Manos Patagonie [-13 000 ans.])

A cette période il n’y avait pas vraiment de grandes différences de volume du cerveau entre ces prè-hominiens et les grand singes, c’est le rapport cognitif induit entre cerveau et habileté des mains qui a probablement été déterminant dans son évolution.

Chaque organe sort d’un moule commun à tous les vertébrés. Ceci dit au fil du temps qui passe, ceux-ci ce sont adaptés en permanence au changement de l’environnement.

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« L’histoire secrète de notre corps » – Mona Lisa Production, Arte France/© 2018

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Les étapes de la conscience humaine

et

La chronobiologie de l’homme et ses rythmes

La vie sur la Terre est scandée par la diffusion de l’astre solaire.

(Vendres plage au lever … Hérault)

Le tempo des temps modernes depuis le XIXe siècle nous impose à nous humains, son propre rythme … dans quelle mesure pouvons-nous, nous y adapter ?

La puberté chez l’homme modifie l’horloge interne de son organisme. Le fuseau horaire de l’adolescence est par nature différent des autres tranches d’âges.

Le temps interne de l’organisme humain est synchronisé avec la luminosité du temps externe du corps.

Le manque important de lumière naturelle sur l’organisme humain a un impact négatif plus ou moins marqué selon les personnes.

La vie quotidienne est menée par trois horloges :

La première, l’horloge interne qui décide de tout ce qui se passe dans la journée dans notre corps.

Cette horloge interne suit elle-même le cycle des “heures solaires”, entre clarté et obscurité, ce qui la lie à l’horloge interne.

La troisième horloge (récente dans l’histoire de l’homme – 1884), c’est “l’horloge sociétale”.

Ainsi le temps biologique qui doit être “relancé” chaque jour, est souvent en décalage avec “le temps sociétal” et l’horloge interne se désynchronise, et selon son importance quand il n’y a plus de régularité entre le jour/clarté et la nuit/obscurité, notre organisme est dépassé !

Chronotype et puberté :

Chez l’homme, la puberté est un facteur de perturbation de l’horloge interne ; « apprendre c’est modifier notre esprit par l’usage que nous en faisons …! »

“Dormir n’est pas perdre son temps”, il se passe beaucoup de choses pendant le sommeil qui impliquent les phases de l’état d’éveil actif. Il est important d’avoir un temps de sommeil suffisant pour avoir une qualité en état éveillé (active ou pas d’ailleurs, nous verrons plus loin dans le chapitre de « la méditation »).

Nous nous laissons envahir par tout un tas de choses et d’attitudes qui nous volent “notre temps” ! Le sociétal est trop souvent un dévoreur de “notre temps”, les personnes se porteraient mieux, avec une meilleure santé, en tenant compte de cet aspect de notre équilibre organique. Or nous faisons le contraire, nous nous imposons des contraintes contre-productives aux prétextes d’un chaos menaçant si nous tenions compte des rythmes naturels … !

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« Chronobiologie – L’homme et ses rythmes » MDR-Hanfgarn/UFER Arte © 2012

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Les états de la conscience humaine

Notre véritable 6ème sens

(la proprioception)

La proprioception est en relation avec nos cinq autres sens familiers, sollicitée en permanence pour le maintien de notre équilibre, elle est difficilement perceptible, ce “6e sens” est mystérieux.

Cependant sans cette proprioception nous ne pourrions pas faire grand-chose ! Marcher sans regarder le sol, nous ne pourrions ni courir, ni sauter, sans elle nous n’aurions pas de liberté de mouvements et tout deviendrait très compliqué !

Impossible de se retrouver dans un espace donné sans le voir et s’y voir. Autant nous pouvons imaginer ce que c’est que de perdre la vue, en fermant les yeux, autant il est très délicat de s’imaginer avoir perdu le sens interne de la proprioception.

Sans la proprioception, les yeux fermés, un personne dépourvue de ce “6e sens” est perdue, tout mouvement devient aléatoire, le moindre de nos gestes s’y rattache, sans que nous ayons conscience de la complexité de mise en œuvre pour y parvenir.

Ce “6e sens” de la proprioception est fondamental, les cinq autres sens en sont dépendants. C’est ce tuteur sensoriel qui nous permet d’avoir conscience du ressenti de notre corps dans le temps et l’espace, il induit donc le sens de notre propre corporéité en tant que personne autonome.

(Ainsi l’on peut dire que la proprioception est un facteur pragmatique d’une conscience liée à notre corps)

Un récepteur proprioceptif génère des impulsions électriques.

Dans une posture allongée (plusieurs semaines), la personne n’est plus orientée verticalement avec la gravité, perdant alors coordination entre les informations visuelles et proprioceptives.

La “gravité” semble donc être un repère, une sorte de “fil à plomb” structurant la perception de notre corps dans un “espace-temps” donné. Notre corps par sa position verticale assimilée depuis la plus petite enfance est une sorte de défi à la gravitation naturelle, et pour notre cerveau elle agit comme un axe de référence autour duquel s’articule proprioception, vision et oreille interne.

Sans la proprioception nous “flottons” …, ceci nous empêchant de nous ancrer dans notre environnement. Cela induit que pouvoir toujours nous situer implique la génération du “sens” de l’existence humaine, question qui en fin de compte reste ouverte. “Exister” signifiant “sortir de …, apparaître”, et au-delà du corps discerner les limites de notre être corporel par rapport aux autres et à “notre monde”. Ainsi la proprioception nous permet d’exister parce-qu’elle crée la frontière entre ce que nous sommes et “l’espace-temps” autour de nous.

Il y a une véritable maturation de la personne depuis sa naissance, le schéma corporel met du temps à se mettre en place pour que notre cerveau arrive à intégrer toutes les informations nécessaires à ce schéma, à l’âge adulte.

La pleine maîtrise de notre schéma corporel est très étroitement liée au temps d’acquisition de notre sens proprioceptif qui est optimal autour de 23 ans, c’est à cet âge là que le jeune adulte possède naturellement une représentation mentale élaborée des possibilités de son corps.

La projection mentale en action ; exercice de sa visualisation en fermant les yeux dans une actualisation virtuelle. Ceci permet de créer des automatismes quand tout va trop rapidement en action pour avoir le temps d’y réfléchir. C’est en fait développer un effet “booster” par anticipation d’une situation à venir. Ainsi en “action” la pensée n’est plus focalisée par ce qui doit être exécutée, et laisse un champ libre à ce qui se passe.

(Solveig Dommartin, «  Les Ailes du désir »-Wim Wenders)

Nous pouvons donc avoir accès consciemment à la représentation de l’action. Associant à notre schéma corporel, notre capacité de concentration et notre proprioception nous devenons spécialisés dans la fluidité et la mobilité.

Cette proprioception, partagée également par le monde végétal dans une certaine mesure, est beaucoup plus qu’un sens qui nous permet d’être debout, elle est constitutive de notre existence, de notre interaction avec le monde. Le sens naît-il de l’interaction entre notre corps et ce qui nous entoure donnant à l’action son “sens” ? Elle nous accompagne dans chacun de nos gestes, conscients ou non, nous ne cessons de nous y référer tout en l’ayant en grande méconnaissance ! Ainsi il serait judicieux et profitable, non seulement dans la conscience de nous-même, mais aussi dans l’inter-agir altruiste et sa globalité avec le “vivant”, d’y prêter beaucoup plus d’attention …

« Notre véritable 6ème sens » (la proprioception) – Mona Lisa Production, Arte France/© 2019

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Le cerveau et ses automatismes

Le cerveau humain est un instrument capable d’accomplir à l’insu de la conscience 90 % de l’ensemble de ce qu’une personne fait ! Et ceci que ce soit en état de veille ou de sommeil …

Les automatismes du cerveau et la manipulation de l’attention : ce cerveau humain est caractérisé par tous ses signaux électro-chimiques dans le crâne, qui est une boîte fermée, et pour accéder aux informations il doit passer par les organes des sens, la mémoire et/ou “la connaissance”. A partir de cela se structure une représentation virtuelle de la réalité “objective” qui nous entoure, et de ce point de vue bien que “la réalité extérieure” soit factuelle, nous n’y sommes pas vraiment, mais dans la représentation que nous en avons, en fait nous y sommes reliés par “procuration” … en ce sens c’est un fait que c’est à l’intérieur de notre tête que nous “vivons” en quelque sorte.

Notre conscience est limitée à notre cortex cérébral — il suffit de quelques fractions de secondes pour que près de 15 milliards de neurones forment de nouvelles connections, cependant l’énergie consommée à ce stade correspond à une dépense d’énergie d’un sportif de haut niveau — aussi notre cerveau fait son possible pour faire au maximum sans cette conscience.

Le thalamus filtre en jaugeant les informations qui sont suffisamment importantes pour qu’elles soient reliées et partagées avec notre conscience. Ainsi, nous avons dans la mesure où n’y sommes pas vigilants, aussi peu d’influence sur ce que nous sommes que sur ce que nous faisons.

Nous avons dans l’ensemble une conception erronée de “notre volonté”, une attitude stoïque ou l’on “serre les dents” pour aller jusqu’au terme d’un projet donné, et c’est comme cela que l’on échoue la plupart du temps, la solution serait d’appréhender la globalité d’un environnement donné et de moduler et transformer la perception, et focaliser l’attention sur autre chose, pour mieux gérer l’ensemble de la situation et y apporter la pertinence.

Lorsque apparaît un danger nouveau, les données sont transférées vers notre conscience, plus souple dans le traitement mais plus lent. De ce fait il se trouve un décalage, dans la perception consciente, le perçu est déjà au passé… de ce fait c’est le “non-conscient” qui traite en sous-main car il est dans l’immédiateté réactionnelle du danger en question.

Par exemple ce que nous voyons avec les yeux donc, pénètre par nos pupilles sous la forme d’un faisceau lumineux, rétine/cellules codent l’image sous forme d’impulsions électriques via le nerf optique, 50 millisecondes plus tard atteignent le gardien de la conscience (le thalamus) renvoyé dans ce cas (danger) à l’amygdale cérébrale, pivot de la “peur” qui déclenchant l’activité “reflex” (150 millisecondes pour le tout !) en relation dans la mémoire de la banque de données des expériences enregistrées en renvoie vers la forme de vision consciente — pré-évaluation et anticipation du danger en 300 millisecondes — c’est ce mécanisme qui permet la sauvegarde face à la dangerosité.

Dans la perception sensorielle la mémoire est certainement “l’organe” le plus important, nous percevons en fait ce qui est déjà dans notre mémoriel à 99 % !Seul 1 % vient s’ajouter par les organes des sens dans l’expérience.

Ainsi le cerveau, peut en fait “annihiler” une certaine “réalité” objective qui nous entoure et la “transformer” avec puissance et la modeler dans une perspective qui s’accorde avec ce que nous voulons voir, une “conviction” subjective …

Le non-conscient s’occupe du présent et en est le garant, c’est “sa responsabilité”, notre conscience elle est capable de “voyager dans le temps” (se perdre dans le passé, se projeter dans un devenir …), mais en fait qui est le “gardien” pendant ce temps là ? C’est le job de l’inconscient de rester dans le présent et d’être vigilant à ce qui se passe en permanence autour de soi, car “l’immédiat” recèle potentiellement bien des dangers !

Inconsciemment nous généralisons les expériences passées que nous avons eues avec autrui, ce qui n’est évidemment pas vraiment fiable, mais très rapide ! La “raison” et l’objectivité sont court-circuités par la rapidité du processus de “la première impression” … d’où un jugement à “l’emporte-pièce” qui en découle.

— absence et sur-interprétation visuelle

La représentation perceptive que nous avons de notre corps est une construction mentale et globalement “tout ce que nous voyons”. Les sensations corporelles peuvent être de l’ordre de l’illusion dans une assimilation identitaire extérieure !

Dans la hiérarchie des perceptions corporelles le toucher et le sens de l’équilibre sont au premier plan.

Plus notre intérêt personnel grandi sur ce qui nous est donné à voir et plus il est aisé d’être berné ! 90 % de notre communication émotionnelle, elle est non-verbale. Les hormones troublent la perception et créent de la “dépendance”.

Le pouvoir de l’inconscient

« L’intuition humaine » : Le cerveau met en place des automatismes qui lui permettent d’évaluer [banque de donnée mémorielle] dans une fraction de seconde ce qui est sur le point de se passer faisant réagir par anticipation les organes musculaires sollicités. En fait si nous devions vivre pleinement concentrés et en conscience les évènements qui sont de l’ordre de l’imprévisible très souvent, nous serions complètement dépassés par ceux-ci la plupart du temps … !

Le non-conscient a souvent le dessus sur notre réflexion, car “réfléchir” fatigue le cerveau. Il faut comprendre que notre intelligence en conscience (localisée principalement dans la zone frontale du cerveau) ne peut pas gérer plus d’une pensée ou cinq unités d’informations à la fois. Les décisions conscientes (cortex orbitaux frontal) s’appuient également sur une autre forme “d’intelligence”, l’hippocampe qui stocke toutes nos expériences.

Le cortex cérébral reçoit les informations de façon condensée sans pour autant savoir d’où exactement elles viennent, ainsi le conscient a une forte tendance à éluder voire rejeter toutes les influences non-conscientes. Notre cerveau actuel et l’avènement de sa conscience, contiennent le cerveau primaire, cette conscience s’est greffée dessus et a dû composer avec le non-conscient, les choses n’arrivent pas subitement, cela procède par étapes. Ce “cerveau primaire” bien qu’archaïque a encore beaucoup d’influence.

230 millisecondes, c’est le temps que prend notre cerveau pour prendre une décision complexe si nécessaire. Donc bien avant que la réflexion consciente n’intervienne, le non-conscient a déjà pris l’initiative de ce qu’il convient de faire pour soi.

“L’intuition” n’est pas une sorte de “don inné”, mais le fait de l’expérience mémorisée et d’innombrables répétitions. Ce qui a pour effet de dépenser pour le cerveau un minimum d’énergie dans la phase de la “réalisation” factuelle.

Notre “raison” n’a pas beaucoup d’influence sur ce que nous sommes en réalité, et sur ce que nous faisons. La “luminosité” de nos pensées n’est en fait qu’un trait fugace de lumière dans la vastitude océanique de notre esprit !

Il est difficile de s’écarter des habitudes routinières car celles-ci demandent un minimum d’énergie à notre cerveau, et cela nous apparaît évidemment plus aisé.

La créativité est un acte “rebelle” qui ne se préoccupe pas des conventions.

Être “expert” dans un domaine engendre souvent une absence de créativité car paradoxalement c’est en arrêtant le stimulus du cerveau que celui-ci est le plus apte à explorer un champ d’innovations d’un regard neuf ! En voyant les choses telles qu’elles sont, dans leur état propre.

L’ocytocine et le sens du lien à autrui. (également en fonction [glande thyroïde] lors de l’état d’orgasme sexuel/allaitement maternel) L’ocytocine génère l’empathie et le sens de l’oblation, elle engendre le sens de la relation “durable”, quand bien même le conscient ne serrait pas enthousiasmé par cette perspective !

Les choix du non-conscient s’opèrent 7 à 10 seconde avant que le conscient ne s’en mêle … ce qui revient à dire que la plupart du temps quand nous avons l’impression d’avoir “décidé”, en fait tout semble déjà joué en bonne partie.

Bien avant que le langage articulé ne soit employé comme moyen de communication entre les humains, existait “le rire” qui est un élément de rapprochement avec autrui. La plupart du temps “nos idées” ne font que transiter par notre conscience, ce qui est intéressant à ce stade entre non-conscient et conscient c’est de se connaître pour percevoir ce qui se met en place, s’organiser pour engendrer “la bonne décision”, au moment où elle doit intervenir.

Jusqu’à un certain point nous sommes possiblement dans une forme d’auto-suggestion liée à notre pensée quand elle se nourrie d’a priori.

(Nucleus accumbens)

D’une façon générale nous sommes très souvent peu rationnels en matière “d’envies” et des choix qui en découlent, c’est fonction du noyau accumbens entre dopamine et sérotonine on insula (cortex insulaire). C’est en fait notre disposition intérieure du moment qui nous oriente plus ou moins à notre insu. Cet aspect de notre comportement évite de passer des heures à se décider pour telle ou telle chose !

Sur le plan de l’évolution cela n’a pas vraiment un grand intérêt de réfléchir longuement en toute chose, dans le domaine trivial il est plus opportun d’être relativement rapide, pour le reste, un temps de réflexion si cela est envisageable, semble être le mieux, et même, pour des choses importantes, passer une nuit de repos dessus ! Ou du moins dans un autre environnement où le jeu des influences sera différent, ainsi en contextes différents si le choix reste relativement le même, il est sans doute “le bon” !

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«  Le cerveau et ses automatismes  » – Westdeutscher Runfunk, in Co-Produktion mit Arte/© 2011

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Les facteurs sombres”

Le narcissisme pathologique destructeur est un parcours de vie dans le rejet et l’isolement, le sujet se sent concerné et “appelé” à agir pour participer et « accomplir l’histoire » !

La situation du sujet est dans une problématique transgénérationnelle de carences structurelles des affects et de la construction de personnalité, évoluant dans un environnent dysfonctionnel.

Le germe d’une variante génétique dans le corps ne fait pas tout ! Il est quasiment inexistant le cas d’enfant ayant eu une enfance équilibrée en affect et structure de cadre, devenir à l’âge adulte un redoutable criminel. En outre le gène en lui-même ne pose pas vraiment “problème”, ce qui importe est qu’il soit actif ou pas, soit l’étude de l’épigénétique. Ce que l’on peut dire c’est qu’il peut y avoir des “gènes à risques” et en quoi l’environnement peut jouer un rôle déclencheur.

Ainsi il est parfois nécessaire et souhaitable de soustraire de son milieu, à un environnement “toxique”, un jeune sujet adolescent, afin qu’il puisse se construire un nouvel environnement structurant. L’enfance est une période cruciale pour la construction d’une personnalité, là se construisent les fondations d’une existence future. Il faut bien considérer que le “malheur” ne sort jamais de nulle part !

Par le meurtre il peut y avoir un acte de “rassurance” en ce sens qu’il donne un sentiment de réappropriation d’une existence déséquilibrée en errance … dans une non-valeur, l’acte de meurtre annihile la valeur de l’autre et restaure la sienne, dans ce cas de figure.

Il y a à tout le moins statistiquement parlant, un rôle indéniable du devenir ultérieur, dans la petite enfance. À ce stade lorsque l’enfant a un renvoi, un écho d’un être qui est “désiré”, apprécié, cela le stabilise dans la valorisation de son image.

L’accumulation de facteurs à risques vont dans le sens du déclenchement. Quel que soit le cocktail dans ce sens, les facteurs de comportements problématiques en découlent.

L‘exclusion sociale à l’adolescence est une expérience très pénalisante, dans la mesure ou elle ne vient pas être contrebalancée par d’autres éléments valorisants, et ceci s’aggrave dans un environnent familial fragile.

Dans son principe l’énergie qui sous-tend l’agressivité (testostérone) est “structurante”, elle permet de s’affirmer dans un contexte donné, de poser des limites. L’absence totale de cette faculté met en péril la survie dans un ensemble où une hiérarchie de jeu de force est en place. Cela permet l’élaboration de stratégie d’évolution d’une espèce donnée.

Par contre lorsque il y a une offensive agressive qui enfreint les frontières de la vie communautaire, cela provoque la sidération dans la violence désinhibée donnant une satisfaction dans le domaine du désir d’exprimer “un pouvoir” !

On pourrait dire que “le mal”, ensemble de comportements destructeurs, ne se pense pas en tant que tel. “Le mal” se déclamant comme tel est quasi inexistant statistiquement, ceci-ci dit il existe “un facteur sombre” chez l’humain.

Les dispositions sombres d’une personnalité (ou d’un groupe) possèdent un dénominateur commun, et ce dénominateur commun est de toujours considérer son intérêt propre comme étant premier, le plus important, et donc au détriment d’une objectivité altruiste, une vision plus élargie et globale. Le plus souvent, ceci en négligeant des conséquences dommageables, voire en les provoquant dans une certaine perspective.

C’est dans l’égocentrisme excessif et la surestimation, que la situation d’échec réel (ou sentiment d’échec) peut devenir très problématique !

Vient alors le temps de la rancœur, combattre et détruire l’origine de ce qui a été considéré, de façon justifiée ou pas, exagérée certainement, comme humiliant. Il y a dans “le facteur sombre” la démesure de l’orgueil d’un narcissisme exacerbé.

La radicalisation idéologique (qui “simplifie” la complexité d’un monde, ce qui est séduisant !) apporte de la force et de l’importance, fournit un but, une ligne à suivre ; on redevient “acteur de sa vie” avec une identification liée à des “valeurs sacrées” et on intègre une communauté (plus ou moins visible) avec un “retour sur investissement” !

Dans le processus mental lié à une valeur dite “sacrée” la fonction cognitive du raisonnement s’affaiblit notoirement dans le cerveau qui met en veille la capacité du discernement objectif !

Il y a une notion très puissante d’un sentiment de médiocrité profonde, et dans l’absence d’empathie vers le but, la pensée envers les victimes est éludée, l’objectif seul importe.

“Le mal” est peu visible dans la multiplicité de ses nombreux visages, ses “adeptes” tantôt se rassemblent dans l’ombre, tantôt se radicalisent en solitaire ou en un groupe, s’isolant du “monde” avant de réémerger dans la sauvagerie.

Quelles solutions une société démocratique peut mettre en place contre “le mal” ?

Donner aux personnes, en premier lieu dans l’éducation, les moyens d’affronter cette complexité de notre monde et de s’y retrouver, et d’y avoir une place , “sa place” pourrait-on dire. Pour ce faire il est nécessaire de promouvoir la dynamique d’une maturité émotionnelle ! Apprendre à être soi-même avec pugnacité sans se dissoudre dans le tissu social ; il existe des leviers pour interagir à temps face “aux facteurs sombres” de quelques ordres qu’ils soient, pour ce faire il est nécessaire d’intervenir sur le champ d’action le plus tôt possible, car le laisser-aller en l’espèce mène toujours au pire, “les histoires” et l’Histoire humaines en sont jonchées !

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“Les facteurs sombres” – Film/documentaire de Amrei Topçu et Gerrit Jöns-Anders

Intervenants : Dr. Nahlah Saimeh, Dr. Daniel Zagury, Eva Unternährer (psychologue), Prof. Hannelore Ehrenreich, Svenja Taubner (spécialiste prévention psychosociaux), Dr. Anke Köbach, Prof. Benjamin Hilbig, Nafees Hamid (spécialiste de la radicalisation)

«  Les racines du mal  », in Zusammenarbeit mit Arte/© 2020

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Je n’ai pas beaucoup parlé du plaisir. La douleur et le plaisir ne sont pas des jumeaux ou des images en miroir l’un de l’autre, du moins en ce qui concerne leur rôle comme ressort déclencheur des mécanismes de survie. D’une façon ou d’une autre, le plus souvent, ce sont les signaux liés à la douleur qui nous conduisent à nous écarter d’un problème ennuyeux qui se profile, que ce soit sur le moment ou dans un avenir prévisible. Il est difficile d’imaginer que les individus et les sociétés gouvernés par la recherche du plaisir, au moins autant sinon plus que par l’évitement de la douleur, puissent arriver tout simplement à survivre. Certains phénomènes sociaux actuels, découlant d’un contexte culturel de plus en plus hédoniste, tendent à confirmer cette opinion, et les travaux que mes collègues et moi-même sommes en train de mener sur les corrélats neuraux de diverses émotions vont également dans ce sens.

Il semble y avoir bien plus de diversité dans les émotions négatives que positives, et il est clair que le cerveau prend en compte ces deux catégories d’émotions par le biais de systèmes neuraux différents.

« L’erreur de Descartes » – Antonio R. DAMASIO, éd. Odile Jacob © oct. 2010

“Post-Scriptum” p. 358/59

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Comment agir sur nos souvenirs

“La peur” est un élément qui facilite la survie d’une espèce. En fait c’est un signal d’alarme qui nous permet d’adopter le comportement adéquat en cas de danger. Le sentiment de peur lié au danger potentiel reste dans la mémoire à long terme qui n’enregistre que les données reçues comme étant “importantes” ; (enzyme et souvenir traumatique).

Les “souvenirs” ne sont pas rangés dans un seul et même endroit (hippocampe et amygdale et autres systèmes mnésiques). Le souvenir est multiple ; lors du souvenir par exemple d’un accident, il y a d’un côté le factuel et de l’autre l’émotionnel, et les deux zones mémorielles du cerveau sont simplement activées en simultané.

Les pensées liées aux drames qui nous concernent surgissent de façon inopinée, hors d’un processus volontaire.

Le stress post traumatique ; lors de ces évènements, l’afflux considérable d’informations crée une situation d’engorgement et de blocage. Ceci a pour effet un déroulement en boucles mnésiques qui est vécu au présent faute de pouvoir avoir pu être rangé dans un lieu mémoriel au “passé”, c’est le « burn-out ». Il existe une diminution sensible de la taille de l’hippocampe suite à la défaillance de la communication correcte dans le cerveau. L’information traumatique est bloquée.

Les décharges d’adrénaline se manifestent lors des situations de peur et de stress renforçant ainsi la stimulation d’émotions à connotation négative. L’émotion est un process qui renforce le souvenir.

Le trauma pris en charge thérapeutiquement rapidement (dans les heures suivantes) peut être réduit dans son impact néfaste, avant que la consolidation ne se boucle de manière irrémédiable.

Être confronté à un choc émotionnel épouvantable, c’est comparable pour le cerveau à un effet foudroyant. Cependant le souvenir peut être réactivé afin d’éventuellement en modifier le stress de blocage, et d’en faire une “reconsolidation”.

Le contenu du souvenir traumatisant reste le même, le changement c’est le rapport à “l’image” que nous en avons. Le point crucial est que dans ce process, ledit souvenir est enfin à sa place, dans un passé et non plus dans un présent émotionnel claustrophobique factice et obsédant !

Les souvenir “auto-biographiques” se structurent environ à l’âge de trois ans, et ce toujours dans une interaction avec “autre”. C’est la base structurante de notre personne originale en tant que telle. Cette histoire personnelle perdue, nous nous retrouvons “évidés” de ce qui nous constitue.

(Alain Brunet [psychologue clinicien] – Roger Schmidt [neurologue psychiatre])

ACDK5 ; Enzyme du stockage de la peur : les “monstres déchaînés” qui habitent notre mental, et qui y restent ! Comment s’en débarrasser ?

Quand la peur “l’angoisse” détruit notre vie, il est nécessaire qu’intervienne une aide … Ouvrir de nouvelles perspectives entre la psychologie et les neurosciences, afin de dépouiller les souvenirs de leurs caractères parfois trop angoissants et encombrants !

Le traitement médicamenteux traite des symptômes en le cas d’espèce, la problématique intérieure elle reste !

Les souvenirs qui constituent pour une bonne part ce que nous considérons comme “notre identité”, sont stockés avec une appréciation émotionnelle et morale, ce qui détermine pour beaucoup nos actions personnelles et celles du sociétal. L’enjeu est donc de taille, c’est de notre capacité de maturité à aborder ce passé que nous pourrons dans un présent définir un devenir viable et stable.

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«  En finir avec la peur  », in Zusammenarbeit mit Arte/© 2010 ZDF

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Voyage dans l’étoffe de nos pensées

Être présent et “conscient”, c’est ressentir à l’instant donné à vivre ce qui se passe à l’intérieur de notre manifestation corporelle et en son extérieur, si nous n’avons pas le sens de notre “intériorité” il ne peut y avoir à proprement parler une “conscience humaine”.

Nous sommes fait de “matière”, nos cellules, nos chairs, (particules, atomes, molécules) dont l’organisation est extrêmement complexe, et arrivé à un certain niveau de complexité, quelque chose de nouveau est en émergence …

Comment comprendre que cette “matière” produit de “l’esprit” ?

Il s’agit d’emporter à l’intérieur de l’organisme une représentation du “monde extérieur”.

L’esprit/conscience serait ainsi la capacité biologique développée au fil de notre évolution proprement humaine, d’intégrer dans sa perception cognitive le sens de son intériorité dans une représentation de plus en plus sophistiquée d’un monde perçu.

Pour comprendre cet “esprit/conscience” en son origine il est nécessaire d’appréhender le travail de représentation, d’interprétation et de reconstruction exécuté par notre cerveau. Ce que nous “voyons” est en permanence une reconstruction de la “réalité” extérieure indépendamment de celui qui perçoit.

La représentation consciente dans notre cerveau, visuelle en l’occurrence, met 200 millisecondes + 100 et trois étapes pour devenir vraiment “consciente”, soit un peu moins qu’un tiers de seconde, et s’embrase ! Cet “embrasement” et la signature neuronale de la conscience qui nous habite.

La “première conscience” du petit de l’homme reste inconnue en l’état des connaissances.

Ce que l’on sait, c’est que dès cinq mois, le petit d’homme est conscient de ses propres perceptions.

Le petit d’homme est au “cœur du réacteur”, puis les couches de représentations arrivent, l’image de soi, avec sa part des réalités qui nous sont propres et une imprégnation de système de valeurs qui ne sont pas “de nous” mais qui entre dans la conformité des attentes d’un monde qui nous entoure, car le moteur de tout cela, c’est de “retenir l’attention” en vu d’en être apprécié, aimé…

Nous nous racontons des histoires pour entrer dans notre propre histoire et la vivre sans forcément se rendre compte du récit que nous nous adressons en fait … !

Lorsque nous percevons le monde, cette représentation du monde en nous, c’est un récit qui a l’étoffe d’une histoire

On pourrait dire au fond que ce dont il est question, c’est de savoir si il y a une vie “à la première personne” (du singulier, s’entend !).

— test : (l’idée est que lorsque nous sommes conscients, c’est toujours de quelque chose)

Amplitude et vigilance de nos états de conscience :

— chaque endormissement le soir, correspond à “une mort” car en sommeil profond notre conscience de veille disparaît … et ce n’est pas un “pur silence” ou “des ténèbres absolues”, mais tout disparaît … que se passe-t-il dans notre cerveau quand cela ce produit ?

« exister, ne pas exister » ? où est la frange de cette certitude ?

Nous passons d’un état du cerveau riche en échange et communication, à un court monologue lorsque c’est l’état de sommeil profond ; la communication est ennuyeuse, locale, sans aucune richesse d’échange. C’est un cerveau actif, mais qui n’a plus tout son aspect d’échanges d’information complexe. Prendre la dimension de cette complexité c’est prendre la dimension de notre état de conscience. Un cerveau dans le coma est moins complexe qu’un cerveau éveillé en fonction classique. Si nous ne pouvons pas encore donner une “explication de la conscience”, nous pouvons néanmoins en mesurer l’écho de sa complexité …

L’état onirique, est un état de conscience. Il existe donc des états de « rêves lucides » (état onirique en toute connaissance du fait).

Le « rêve lucide » est un terrain privilégié pour déchiffrer la conscience. En fait « la conscience » n’est ni plus ni moins qu’une forme de « rêve » particulier !

Dans le rêve, le cerveau est en activité et produit naturellement la simulation d’une réalité, avec les matériaux qui sont stockés dans ledit cerveau. Percevoir la réalité objective, c’est en fait faire “un rêve vrai”, la conscience est contrainte par la réalité physique, alors que l’état onirique c’est un état de perception débridé, sans autres contraintes que ce qui nous habite. Les “rêves” sont libres des lois régissant le monde de la physique, du sociétal, seul ce qui nous habite à force loi !

Conscience et Royaume des Illusions ! La conscience est-elle « pur esprit » ? Quel rôle tient le corps physique dans la conscience ? Et le sentiment de soi, ne serait-il pas lui aussi une illusion ? Cette conscience de nous-même fait généralement référence à notre corps manifesté palpable, on pourrait dire que « nous habitons notre corps » et plus particulièrement nous résiderions dans notre boîte crânienne !

Mais ce n’est pas si simple, notre rapport au “réel” est fort complexe, car en fait cela tient beaucoup plus à une forme de “création” ! Plus exactement une forme d’expérience structurée par notre cerveau. Ainsi, la conscience et la pensée ne sont pas séparées du corps physique, corps et conscience sont intimement liés.

La conscience n’a aucune influence causale sur les évènements décisionnels qui se passent, elle mémorise éventuellement ou informe. Le “libre arbitre” est une vue de l’esprit qui ne correspond à aucune réalité (aucune décision ne peut être prise en toute indépendance de ce qui constitue les imprégnations de notre cerveau).

Il faut se rendre compte que 90 à 95 % de l’activité de notre cerveau est en fait dans le non-conscient. Ce que nous estimons être nous-même est une structure qui agit à notre insu, ce qui ne veut pas dire que la conscience en tant que telle n’a aucun rôle à jouer sur nos process de cet inconscient. Notre cerveau déborde d’une activité biologique, qui, ce n’est pas banal, se transforme en permanence sous l’effet de sa propre activité ! Plus une informations circule en fréquence dans notre cerveau plus elle grave profondément des sillons nerveux ; ces chemins non-conscients sont le terreau de nos pensées, car la fonction essentielle du cerveau humain sert à produire et faire circuler de la pensée !

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tout cela se fait en fonction d’un tempérament et d’un patrimoine génétique, d’un passé vécu et que finalement la part consciente décisionnelle de « valeurs de Vie », est en définitive peu, ou pas assez convoquée. Ainsi la dimension d’un espace de “liberté” se développe dans la vigilance et l’attention de nos expériences de vie vécues qui, orientées vers une organisation harmonieuse, fluidifient les comportements.

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«  Déchiffrer la conscience  », Scientifilms Arte France/© 2015

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« méditations, contemplation, recueillement, leurs étonnantes vertus »

En fait le corps et “l’esprit” sont dans un permanent échange en réciprocité, ainsi être en recueillement, méditation, contemplation, en bref stopper “l’agitation ordinaire” dont notre quotidien est empli, souvent par des obligations diverses, c’est arrêter ce flux pour se poser. Et ce n’est pas si évident que cela !

Pour se “poser l’esprit” doit se maîtriser en apportant une véritable relation à soi et possiblement nettement améliorer nos instabilités d’humeurs.

L’amygdale (partie du cerveau limbique ou émotionnel, groupe de structures de l’encéphale) ; celle-ci peut augmenter de volume et d’intensité fonctionnelle (suite à des traumas par exemple) mais aussi diminuer dans une discipline méditative.

Une des caractéristiques de troubles dépressifs est la prolongation excessive de l’action de l’amygdale sur l’ensemble d’une personne.

« L’activité méditative » engendre une modification notable (et bénéfique) de certaine parties fonctionnelles du cerveau, lorsqu’elle est bien conduite.

En fait, le recueillement, méditation, ou contemplation, stimulent les process de la neuroplasticité de tout un chacun. Ainsi “ne pas faire”, c’est mettre en action bien autre chose !

Le stress négatif est un énorme problème de la santé des humains au niveau global. La contemplation méditative a une dimension d’apaisement sur l’irritation dû au stress négatif et modère les réactions vers l’excès de l’organisme.

Le stress nocif induit des changement dans le métabolisme ; dans une atmosphère de “menace”, le corps sécrète et libère des hormones dans l’organisme pour dynamiser un surplus d’énergie. L’une d’elle est le cortisol (hormone stéroïde sécrétée par des glandes situées au-dessus des reins [les glandes corticosurrénales], sécrétion sous la dépendance d’une autre hormone, l’adrénocorticotrophine produite par l’hypophyse dans le cerveau).

La surproduction de cortisol produit un affaiblissement général de l’immunitaire favorisant ainsi les réactions inflammatoires.

L’état de pondération contemplatif non seulement modère l’inflation mais surtout augmente très significativement le process de résilience. Ainsi la réponse physiologique au stress toxique est modulée en profondeur et limite les aspects potentiellement délétères.

La douleur est un mécanisme vital à notre survie et notre capacité d’adaptation à l’environnement donné. La complexité de l’interaction entre nos sens et le cerveau est très important.

Le maillage matriciel de la “douleur” est géré par le cerveau et le ressenti est pour beaucoup impliqué par notre disposition d’humeur, le contenu d’expériences déjà vécues et l’anticipation imaginative de craintes. Les projections mentales non proportionnées à la réalité d’une situation ont pour effet d’augmenter considérablement le ressenti douloureux.

Ce qui est paradoxal de prime abord, c’est que “l’activité” contemplative de la méditation affine notoirement la sensibilité mais que par ailleurs le retour à la stabilité est aussi bref que prompt.

La présence d’un volume important de l’insula — terme latin signifiant île — (une partie du cortex cérébral constituant l’un des lobes du cerveau). C’est une région du cortex préfrontal, elle est très développée chez les contemplatifs. En fait ce qui se passe c’est qu’il n’y pas en l’espèce un surajouté émotionnel crispé, d’une pénibilité objective par ailleurs, il y a juste ce qui est.

Le télomère (région d’ADN à l’extrémité d’un chromosome) s’amenuise avec le temps, en fin de course les tissus ne peuvent plus se renouveler, engendrant maladies et en au stade terminal, la mort de l’organisme corporel. Si c’est un processus naturel pour tout un chacun, d’une personne à l’autre il y a des variantes dans le rythme. Ainsi une vie bien gérée émotionnellement permet une dégradation plus progressive.

Corps et esprit forment un tout et l’ensemble des composantes psychologiques, physiologiques, neurologiques, devraient être traitées avec autant de soin et d’attention que notre apparence physique du corps et son hygiène … !

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«  Les étonnantes vertus de la méditation  », PROCIREP Arte France/© 2017

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La Respiration

(une savante mécanique)

Ce qui nous relie tous, les uns et les autres c’est en quelque sorte la respiration, la nature, les humains, sur cette Terre. (Prof. Thomas H. Loew – Psychothérapeute)

(Lilly Winwood, fille de Steve Winwood)
http://www.elmoremagazine.com/wp-content/uploads/2018/03/BM5O6372_0805-M.jpg

Les alvéoles pulmonaires sont constituées de très fines membranes qui représentent 40 fois la surface du corps humain. C’est par ces fines membranes que les échanges d’oxygène avec le sang ont lieu.

Ainsi la balade en forêt, lors des inspirations calmes et profondes, active le système parasympathique (la division du système nerveux responsable du repos et de la régénération), et fait baisser la pression artérielle de même que la fréquence cardiaque.

« macrophage » (cellules phagocytaires chargées de détruire les microbes)

C’est le seul organe interne en constant contact avec l’extérieur et le système immunitaire des poumons relève un défi en permanence.

Fonction cardiaque et circulation sanguine, mais aussi la régulation du stress, le tout réagit à chaque souffle, comme le vent dans la vie de la nature, on s’adapte et tout est replacé à chaque fois dans une disposition quelque peu différente. La respiration est la seule voie d’accès consciente par laquelle on peut influencer ce système.

« La Respiration » (une savante mécanique) 2DF Produktion arte © ZDF 2021

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“La médecine aux frontières de la vie”

Par défaut d’apport d’oxygène* de quelques minutes, les cellules du cerveau commencent rapidement à se nécroser et entament un processus d’auto-destruction.

Ainsi l’état de « mort » n’est ni soudain, ni instantané, c’est un processus dans une frontière mouvante.

La mort cellulaire est une nécessité absolue, pas seulement pour la Vie, mais aussi pour le développement normal de l’organisme. En effet si nous conservions nos cellules au cours de notre vie, nous pèserions des millions de tonnes !

Les mesures clinicométriques de la conscience sont difficiles à réaliser à l’IRM fonctionnelle devant l’impalpable de la conscience humaine !

L’inter-connexion entre lieux et stimuli d’émotions sollicitent la mémoire.

Le cerveau est un organe au fonctionnement également électrique, produisant l’établissement structurant dans la continuité de la vie « au passé » et « présente » et « en devenir ».

Les connexions du cerveau sont semblables à un arbre avec ses branches et racines, d’une densité phénoménale !

Le coma est un état frontière, avec une issue éventuellement ouverte .

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«  Dernier souffle  », National Géographic Television in Zusammenarbeit mit Arte/© 2008

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* Le réflexe d’immersion est déclenché par un séjour dans l’eau, plus elle est froide, plus l’effet est intense.

Des récepteurs au niveau du visage relaient les information au système autonome ; le système nerveux parasympathique apaise l’organisme et abaisse la fréquence cardiaque.

Les facteurs induit par l’hypoxie (apport en oxygène au niveau des tissus de l’organisme)

— Existe-t-il un système de sauvegarde des cellules cardiaques et cérébrales en l’absence d’oxygène ?

Dans le changement de métabolisme du glucose au fructose, qui est un glucide que l’on trouve majoritairement dans les fruits et le miel sous sa forme naturelle.

(« La Respiration » 2DF Produktion arte © ZDF 2021)

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Les phénomènes mentaux véritablement intégrés dans le corps, tels que je les envisage, sont tout à fait capables de donner lieu aux plus hautes opérations, comme celles relevant de l’âme et du niveau spirituel. De mon point de vue, nonobstant tout le respect que l’on doit accorder à la notion d’âme, on peut dire que cette dernière reflète seulement un état particulier et complexe de l’organisme. La chose la plus indispensable, en tant qu’êtres humains, que nous puissions faire, chaque jour dans notre vie, est de nous rappeler et de rappeler aux autres notre complexité, notre fragilité, notre finitude et notre unicité.

(Vemdalen, Suède)

Et la difficulté, c’est, bien sûr, ceci : faire passer l’esprit de sa position élevée dans “l’éther” à celle d’une localisation matérielle, tout en lui conservant une grande considération ; reconnaître son origine humble et sa vulnérabilité, et cependant continuer à lui attribuer un rôle de direction.

« L’ erreur de Descartes » – Antonio R. DAMASIO, éd. Odile Jacob © oct. 2010

“La Passion Fondant la Raison” p. 339/40

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Seconde partie
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« l’esprit-résidant »

Nous allons essayer de développer et préciser le contenu de cette approche “spirituelle” de Lama Thoubten Yéshé (1)

en nous inspirant directement d’enseignements disponibles en vidéo.

Précédemment, à l’appui de récents travaux scientifiques, en particulier sur les neurosciences, nous avons tenté de mettre dans une perspective non exhaustive, “l’odyssée de notre espèce humaine”.

Pour L. Thoubten Y. tout est affaire de niveaux de communication*, et de nous expliquer :

— « Lorsque nous sommes à un niveau grossier de communication de l’esprit, alors nous communiquons exclusivement au travers de ces niveaux ; nous communiquons aux niveaux des phénomènes les plus bruts. Ce faisant, dans cette approche réductrice, celle-ci nous empêche de pénétrer dans notre réalité la plus profonde.

Ce n’est pas que cette “réalité profonde” se cache, non, cette réalité est bien là, mais l’exclusivisme du regard grossier en voile la compréhension. Méditation, recueillement, contemplation, portent “l’esprit” qui nous anime vers plus de subtilité, de finesse et une perception beaucoup plus holistique et permettant par ailleurs une vision sur les choses plus en détail, comme avec un zoom de caméra qui cible … c’est similaire. Ainsi, cela permettant de mettre en perspective en premier lieu les structures brutes, et en s’en éloignant, s’exercer à une pénétration de plus en plus concrète vers une expérience intérieure signifiante dans un état d’unité puissant, métamorphose indestructible. Auparavant existait bien quelque chose dans la conscience, mais sans vraiment de profondeur, cela restait très périphérique et volatil, notre réalité fondamentale restait dissimulé derrière les flous et autres structures opaques de notre perception étroite, bornée et dans un champs d’expérience très limité pour tout dire.

De ce fait, ayant réalisé une certaine clarté sur le mode de notre fonctionnement, l’emprise de gravitation des champs émotionnels est moins forte, et va s’amenuisant au fil de la constance de l’évolution des aspects subtils de l’esprit. Conscient de ce qui se produit au-delà d’une dualité apparente dans l’interdépendance co-émergente des phénomènes, nous ne sommes plus en mode erroné du “réactionnel” mais bien plutôt “inspiré” et innovant.

Nous ne créons rien de superflu … juste conscient et attentif sans objet de désignation ou qualification, plutôt une écoute, nous pouvons recevoir et apprendre dans une perception ouverte fluide, sans jugement.

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* Lama Yeshe – la nature de l’esprit semblable à un miroir (Grizzly Lodge, Californie – Lama Yeshe Wisdom Archive © 1980)

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Dharma et Karma-Vipaka

ou

l’action et son résultat”

L’Extrême-Orient nourrit parfois des croyances excessives comme considérer que le “karma” régit les évènements, que rien ne peut modifier le cours des choses, en découle une forme d’acceptation fataliste de son existence. Accepter la situation telle qu’elle est, ce n’est pas considérer que tout soit pour autant figé ! La possibilité d’influer sur la situation présente est déterminante dans une perspective d’un devenir toujours aléatoire et en mouvement. Accepter avec fatalisme sa situation c’est adhérer à une philosophie de vie rendant l’esprit obtus, sans ouverture, ce qui est dangereux à terme !

« Nous avons le mot “karma” ; si nous ne comprenons pas le vrai sens de ce mot alors nous croyons en cette philosophie de la pensée étriquée, nous devenons fanatiques. Donc c’est important de comprendre la signification juste de ce mot désignant le “karma” »

Les données à notre naissance sont un fait, mais ce que sera notre propre style de vie lui est tout à fait ouvert !

« … le “karma” ne doit pas être une idée fixe ; le “karma” nous pouvons influer vers un changement d’attitudes …  »

Quand bien même nous serions affligés d’habitudes comportementales les plus toxiques qui soient pour autrui et nous-mêmes, rien n’est inéluctable !

Avec le développement actif de la “sagesse authentique”, dans la détermination sur le long terme les nouvelles options structurantes se mettrons en place.

A ce propos L. Thoubten Y. nous recommande la matinée pour stimuler avec force l’énergie nécessaire à ce genre d’entreprise dans la stabilité …

Ce pourquoi il recommande de ne pas s’égarer dans des fantasmagories de “méditations supérieures”, qui n’auront pour effets que de nous rendre la pluspart du temps incapables de gérer de façon pragmatique notre quotidien ! Nous nourrissant d’illusions à notre sujet et nous prenant pour une personne “spéciale”, un(e) “méditant(e) du mahayana”, pour être finalement une personne qui pratique l’arrogance ! La “sagesse authentique” est tout en profondeur, rien dans l’apparence extérieure ne l’indique, une certaine simplicité d’être peut-être … certes c’est psychologiquement parlant un exercice parfois difficile ! Tout ce que la vie nous offre à vivre est susceptible de rentrer dans le champ de cette transformation intérieure.

Ainsi, être assis sur le coussin de méditation ne signifie pas que l’on fasse rien, de manière passive, mais consiste à développer notre profondeur intérieure, une attention vigilante, consciente et sans tensions ; être une personne faite de simplicité et d’une grande profondeur humaine.

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Shunyata”

ou

vacuité des choses

Sans la proprioception nous “flottons” … !

« Il y a une réalité absolue, qui englobe tous les phénomènes »

Les sciences modernes affirment que toute matière apparaissant sous diverses formes a une énergie essentielle qui a la qualité d’englober toute matière existante ; une certaine qualité.

Ici le bouddhisme entend sortir l’esprit de la pensée binaire avec son apparente logique du “jour” s’opposant à la “nuit”, le blanc s’opposant au noir etc …, d’un pragmatisme simpliste qui permet de catégoriser les choses et pouvoir agir sur elles dans un découpage qui rend le monde clair et intelligible et qui par voie de conséquences est organisateur de conduites, et insidieusement induit des notions de valeurs et de morales en corollaire.

Si ce dualisme, qui aide l’enfant à structurer sa pensée et qui a sa fonction légitime dans ce cadre, se fige dans une représentation fragmentaire en certitudes, qui alors renforce les convictions, le chemin étriqué qui mène vers la “croyance” puis le fanatisme est ouvert …

Si bien que l’on peut dire que la pensée binaire est une pensée paresseuse menant à la superstition des rapports “in fine” de domination, dans un raisonnement linéaire d’apparence logique, qui fait l’économie de chercher à comprendre en dernière analyse que les convergences de causes produisent un ou des résultats, et que se faisant la violence inutile peut être évitée très souvent …

Ce que l’on peut donc qualifier de vues erronées.

La mise en place d’une discipline spirituelle de méditation, de périodes de recueillement et de contemplation, permet un réel travail sur l’esprit et la conscience, vers une centration dans les profondeurs de ce qui nous anime. Ce faisant les vues erronées se détendent, se dissipent dans l’espace du grand silence intérieur, et nous pouvons faire l’expérience de la réalité authentique, holistique, voire universelle.

Quelle compréhension l’être humain a-t-il de la réalité de son existence ?

Dans ce cadre avoir un maître spirituel omniprésent physiquement parlant n’est pas d’une nécessité absolue ; ceci est largement une question de dispositions personnelles. En fait il est délicat de dire comment les choses peuvent se passer dans ce cadre de figure, les situations sont tellement variées ! Cela dépend largement de notre façon d’appréhender la chose spirituelle si il y a lieu !

Il y a en tout état de cause ce qui est dénommé comme : maître relatif et maître dans l’absolu des choses. Dans le domaine relatif, il/elle est présent dans son inspiration pour orienter la démarche de façon cohérente en maïeuticien(ne) averti, ceci dit, du point de vue de l’aboutissement il s’agit de la sagesse propre de chaque personne en elle-même qui doit éclore. Ce qui nous amène à considérer qu’en dernier ressort il en revient à soi-même de faire la part des choses …

La sensation du “je” et la notion du “moi” ;

Il est important de faire attention à la nuance subtile entre un “je” pragmatique dans son expression conventionnelle, qui existe également dans les stades de l’Éveil, avec toutes sortes de déclinaisons possibles, autant qu’il y a d’êtres humains, colorations sans consistances réelles en soi, et les couches successives de ces caractéristiques que l’on identifierait à une notion de “moi” toute subjective donc.

Nos “qualités”, quelles qu’elles soient dans leurs appréciations, sont modelées par nos expériences et deviennent encombrantes et problématiques dans la mesures où elles sont accompagnées de constructions mentales galopantes vers une large amplification exagérée …

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Lama Yeshe – Dandenong, Melbourne, Australie

Lama Yeshe Wisdom Archive © juillet 1976

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Comprendre le processus de la mort

le « Chikhai Bardo » ou l’état intervalle de “fin de vie”

Nos expériences accumulées et accompagnées de constructions mentales figées, solidifiées, encombrantes et problématiques durant notre vie, arrivées au terme de celle-ci produisent une réaction engendrant encore plus de confusion.

Quand la tradition parle de “l’élément terre qui se dissout”, il faut avoir à l’esprit qu’il s’agit d’une expression, une image ; ce sont juste des mots. En fait cela signifie que les éléments structurés du corps se détériorent. Les agrégats se détériorant la confusion se développe tout comme lors des états de maladies ou d’accident important, la structure sensorielle se modifie et les modes de satisfactions et d’agréments n’ont plus du tout le même rendu ! Le champ du ressenti est profondément perturbé, voire altéré, pouvant créer des phénomènes de mirages qui sont sans consistances, tout ceci est vécu en interne. De ce vécu se dégage un sentiment de perte dans la relation identitaire à soi qui s’estompe, engendrant de l’appréhension, crispation et peur. En temps ordinaire la relation à notre corporéité nous rassure, son absence nous mène vers la panique. À travers la contemplation, la méditation bien dirigée, nous avons la possibilité de nous “éduquer” vers une intelligence de notre propre fin inéluctable, et de notre évanescence, notre structure organique étant en permanente modification et renouvellement cellulaire incessant, l’approche de la subtile vacuité nous devient plus familière. La dissolution de l’identification, d’ordinaire figée, se fait plus naturellement, et il ne s’agit pas là d’une compréhension cérébrale, ceci est de l’ordre d’un réel processus. Nous sommes habituellement dans la peur de perdre, de perdre quelque chose sur lequel par le jeu de l’éthos nous sommes dans une forme d’addiction aux idées toutes faites, ces certitudes commencent à être ébranlées, mais au final qu’en est-t-il de notre nature profonde ?

En fait c’est dans l’abstraction de nos fonctionnements gravitationnels journaliers que notre nature authentique a des possibilités de se révéler en toute conscience. Car plus nous nous définissons en à priori, plus nous nous engluons dans une image fictive de nous-même. Hors ce faisant cela induit par voie de conséquences une projection solidifiée, faite de certitudes sur le monde alentour ! Il s’ensuit des vues distordues d’une attente d’un monde qui ne correspond jamais vraiment aux idées auxquelles nous nous sommes attachés et nous définissant, nous évoluons dans la rigidité nous heurtant sur l’inconstance de la vie en soi … Dans cette identification en soi nous ne faisons que nous poser des limites, cette attitude en est la racine.

Quand la tradition nous dit : « L’élément air se dissout dans la conscience », ce sont tout ces vains concepts duels discriminant qui se résorbent et disparaissent permettant une approche plus vaste pour toucher la réalité. En temps normal l’énergie développée dans la proprioception gravitationnelle de notre corps physique nous renvoie une image erronée du mental et de ses constructions qui sont dès lors dans ce cas de figure déconstruites.

Les pratiquant(e)s des yoga-tantra mettent en mouvement ces processus naturels au moment de la mort, en actualisant par avance la maîtrise des flux d’énergies, aux fins d’accéder à l’expérience d’une grande paix intérieure de la vacuité.

Nous avons plus souvent que nous nous pouvons l’imaginer de “belles expérience intérieures” de grande valeur, que nous nous dissimulons à nous-même, nous ne voulons pas les voir ni les connaître ! Négligeant ce que nous sommes dans la qualité de ces expériences précieuses, nous les laissons se désagréger dans du laisser aller, essayant par ailleurs de nous affubler dans des travestissements douteux le plus souvent.

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Lama T. Yéshé – Genève, Suisse (I)

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Les êtres humains ont les qualités

de

l’intuition et de l’intelligence conceptuelle

Toute la problématique de l’être humain réside en grande partie au sein de son “esprit”, qui est d’une certaine manière capable de rendre sa vie chaotique et lamentable, de la rendre confuse, et qui a aussi par la réciprocité la capacité du contraire.

La saisie du mental, dans l’amplification d’une gravitation identitaire figée, est le vrai problème.

(Nous avons déjà dans des travaux précédant* développé ce processus.)

“L’esprit” de l’Homme est bien différent de sa réduction au corps humain et de son cerveau. Cet “esprit” est parfois trop abstrait, et la force gravitationnelle identitaire nuit insidieusement à la perception intuitive, qui est elle innée. Elle se situe hors du champ du mental qui contrôle, cette perception intuitive n’est pas enfermée dans cette servitude, et quelque part, elle est protégée pour garder son dynamisme fonctionnel. La difficulté à la percevoir est fondamentalement et proprement d’ordre de l’humain. L’encombrement des pensées du mental et de l’incessant bruit de fond qui lui est lié crée un voile perturbant faisant obstacle au grand silence intérieur qui seul permet l’expression de la clarté de “l’esprit”. La mort naturelle survenant, ce bruitage qui parasite l’expression de cette clarté, va cesser de lui-même, et disparaître, laissant place à un espace de Grand Silence.

24:06 L. T.-Yéshé : « Toute cette attitude égoïste, de tirer profit des gens, va disparaître dans la paix au moment de la mort. »

Nous avons généralement une perception négative de la mort en ce sens qu’elle nous prive “du vivre”, et cela génère par projection anticipée un sentiment de frustration lié à nos attachements familiers, ce faisant nous nous fermons possiblement “l’esprit” à l’immensité d’une expérience de béatitude dans sa propre paix.

29 : 29 L. T.-Yéshé : « au moment de l’expérience de la mort, l’angoisse, l’émotion, dans sa totalité est coupée nette. Et durant le processus de la mort naturelle, c’est très lent en vérité. » (lent processus de dissolution des divers éléments)

Nous avons habituellement un important sentiment d’appropriation de ce que nous pensons en terme de sensations liées à “la forme” et son/notre ressenti et en quelque sorte sa nécessité ; l’idée émise dans l’approche spirituelle bien conduite, est de se distancier de l’objet des sens, renoncer à leur identification comme partie intégrante de nous-mêmes, pour laisser éclore l’état naturel de “l’esprit”. Laisser librement se manifester les choses telles qu’elles sont et non pas projeter sur elles les idées préconçues que nous pouvons en avoir, être ouvert dans une écoute profonde née dans le silence, hors du brouhaha de l’insatisfaction de nos fixations mentales. Cette “vacuité” de la saisie mentale nous est naturelle en fait, c’est le souci, la projection d’avoir à manquer qui pose problème. C’est de cela dont nous devons arriver à nous libérer. Au lieu de quoi nous sommes la pluspart du temps dans un état d’accumulation addictif grossier ou subtil, mais quoi qu’il en soit, au bout de compte, dans cet ordre de chose nous n’allons rien pouvoir conserver par devers nous lors de l’inévitable, notre fin corporelle.

Lors de notre cessation/dissolution perdure une conscience subtile(?) au-delà de l’état de mort clinique, qui dans la tradition bouddhiste se décline avec “les trois visions”.

38:35 L. T.-Yéshé : « On parle des “visions blanche, rouge, noire et la vision de claire lumière”. Ces quatre “visions” émergent lorsque la respiration cesse totalement. »

Le “méditant” peut possiblement rester dans cet état de béatitude de la claire lumière, et être ainsi en contact avec la réalité spacieuse plutôt que dans l’étroitesse d’un conditionnement. Ceci est une expérience humaine.

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Suite à la conférence, parmi les questions :

43 : 50 — sur la différence confessionnelle, par exemple pour une personne de culture chrétienne qui s’intéresse à la méditation bouddhiste plus particulièrement.

L. T.-Yéshé : « Ce n’est pas un problème »

Si il y a “problème”, c’est de l’ordre du mental, c’est tout, et rien d’autre. Au-delà de l’évidence des différences entre les deux traditions en question qui ne sont que deux habillages culturels d’un même sujet, la spiritualité de l’Homme elle reste une globalité universelle.

« Le bouddhisme parle des problèmes réels de l’être humain, les problèmes de tous les jours. »

On peut dire là encore que nous créons et que nous attirons les difficultés à nous-mêmes.

47 : 55 — L. T.-Yéshé : « De mon point de vue, l’essence du christianisme et l’essence du bouddhisme, vont de pair sans aucune contradiction.

[…] les bouddhistes européens pensent que… : “le bouddhisme a la méditation ; j’aime ça. Les chrétiens eux n’ont pas la méditation”.

C’est une mauvaise compréhension ! […] Leur “égo” se renforce car “ils ont trouvé le bouddhisme”. C’est erroné !

[…] le noyau de l’être humain c’est la conscience, l’esprit humain … »

Les états du sommeil et du rêve sont différents, ce sont des phénomènes qu’il ne faut pas confondre […] lorsque survient la mort, l’état intermédiaire (tib.bardö) vers lequel va la conscience subtile, est approchant de l’état du rêve. Il y a des expériences similaires dans les deux états. […] dans l’état de sommeil, une forme de claire lumière apparaît et il y a manifestation du corps subtil de l’état de rêve. Le “méditant” peut avoir des expériences très signifiantes dans ces états particuliers, plus lumineux et plus nets, et du point de vue du pratiquant l’un et l’autre de ces états ont leur part de “réalité” de la conscience humaine.

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Lama Yeshe – Genève, Suisse(II) – septembre

Lama Yeshe Wisdom Archive © 1983

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*Professeur Henri LABORIT* (travaux sur le comportement humain – https://versautrechose.fr/blog3/2014/03/spiritualite-de-quoi-sagit-il-exactement/)

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Commentaire sur la pratique tantrique

Le tantrisme est une méthodologie habile utilisant la vie comme un champ d’expérience en vue de sa transcendance.

La voie du Tantrayana*, c’est reconnaître que ; pour agir à un niveau relatif nous exprimons notre potentialité effective à la perception, vision de l’état de “bouddhéité” au moyen de supports. Le socle en est une attitude généreuse guidée par un altruisme ouvert aux fins d’engendrer en nous-mêmes l’éclosion de la quintessence de notre humanité.

L’émanation irradiante du « yidam »** a la potentialité d’un appui, d’une aide efficace pour l’ensemble du vivant. Dans ce processus la conscience originelle se métamorphose dans la manifestation pure du yidam.

Nous pouvons dire que la raison en est que nous partageons un même organisme, psyché, consciences et structure moléculaire d’un corps tangible. De ce point de vue, cet aspect de notre manifestation physique ne va pas se transformer en le “yidam”, cela va de soi ! Cependant il va bénéficier de l’évolution de ce qui se passe en terme de modification dans le courant plus subtil de la conscience et psyché, “lung-sem” [tib. ཪླུང་སེམས​། ] (l’indivision souffle-esprit). Ainsi il peut être considéré qu’un des aspect de cette conscience aura les qualités de tel ou tel “yidam”, tout comme au fil des jours qui passent, se manifestent en nous divers états d’être. Ce faisant nous orientons tout cela dans une formulation de don généreux envers tout ce qui concerne la manifestation du vivant. Ce qu’il y a d’inspirant dans notre “humanité partagée” c’est tout l’éventail des aspects et qualités diverses qui la singularisent et se manifestent … dans la sensibilité peut se dégager une forme de “son”, de vibration ondulatoire de qualité.

Le Tantrayana est un protocole rigoureux dans sa fonctionnalité ne relevant en rien de fantasmagories, mais lié profondément en et dans nos vies.

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* sanskrit : devanāgarī – तन्त्र ou « traité/système d’enseignement »

** le terme tibétain yi-dam est dit être la contraction de yid-kyi-dam-tshig, c’est-à-dire « samaya[lien] de l’esprit »[ tib. དམ་ (dam) ཚིག​། (tshig)] — en d’autres mots, l’état d’être lié de façon indéfectible à l’inhérente nature pure et libérée de l’esprit. Yidam est souvent traduit par les termes : “déité de méditation”, ou “déité tutélaire”. Le sanskrit exprime le lien de dévotion, alors que le terme tibétain insiste sur la fermeté du lien psychologique et moral (samaya) avec la déité.

Lama Yeshe – Californie, U.S.A.

Lama Yeshe Wisdom Archive © 1983

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En guise de conclusion à ce développement il nous semble être d’une réelle nécessité d’apporter le témoignage de Lama Thoubten Yéshé dans la façon dont il envisageait de promouvoir dans les cultures occidentales le Tantrayana, cela nous est apparu comme très important et signifiant au regard de ce qu’il en est aujourd’hui en 2022 !

Apporter le Dharma en Occident

Questionnements sur le développement des “centres lamaïstes” et direction sur la façon dont les choses peuvent être entrevues.

L’édification de ces “centres lamaïste” s’est faite sur l’initiative de groupes de personnes très motivées dans la années 70/80 avec l’agrément de maîtres de Lignées.

L’objectif était d’offrir aux personnes qui en exprimaient le souhait, des lieux où ils puissent pratiquer la méditation en toute sérénité, d’où leur utilité dans un protocole de développement dans la continuité sur les générations en devenir. Il semblait nécessaire d’établir une forme de communauté de pratiquant(e)s, du vivre ensemble dans un partage des perspectives du Mahayana au travers d’une vie quotidienne dans un environnement sociétal consumériste difficile et peu favorable, voire hostile !

Il fallait trouver les moyens de reformulations des concepts étriqués individualistes nés autour du mercantilisme exacerbé, prenant appui sur l’indispensable partage fraternel de la condition humaine, fondement de notre propre humanité. Transformer donc cette dynamique vers l’expérience possible de la paix intérieure, d’un esprit en transcendance.

Pour ce faire il était nécessaire que soient donnés les enseignements, instructions claires par des maîtres qualifiés en la tradition.

Question à Lama Thoubten Yéshé :

« Concernant la responsabilité des enseignants dans les centres, comment pensez-vous que les membres de la communauté doivent les considérer, sur la question de la responsabilité du programme en général, les activités générales des centres ? »

“Je pense que c’est un sujet important pour avoir une vision plus large et pour avoir une orientation forte dans l’échange d’idées entre les enseignants, les géshés, les Lamas, Tülkus et autres … et les directeurs spirituels occidentaux.

Donc sans cette connexion forte, sans compréhension de l’autre, il est très difficile de faire des programmes, des présentations, donc tout cela est important. La communication entre les membres de la communauté sur leurs activités et leurs projets futurs, la planification et autres devraient être liés de façon proche avec les enseignants eux-mêmes.

En effet, si les enseignants ou étudiants, les directeurs du planning ne communiquent pas, je pense, qu’il n’y aura pas un bon contacts d’échanges ; donc on ne pourra pas mettre en œuvre la pensée du Mahayana, oui, car c’est conflictuel. S’il y a un conflit, par exemple si vous êtes le directeur, que je suis l’étudiant et qu’un différent conflictuel s’installe entre nous, c’est le désastre ! Comprenez-vous bien ce que je veux dire ?

Le fait d’avoir apporté le Dharma en Occident, c’est quelque chose de vraiment spécial, n’est-ce pas ? Dans cette perspective une part de votre personnalité doit s’effacer, s’oublier et disparaître, et nous devons lier cette démarche à la spécificité de la personnalité occidentale et de cette façon nous mettons en commun cette grande énergie ; alors nous réussirons. ”

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Lama Yeshe – Lama Tsong Khapa Institute, Pomaia – Italie.

Lama Yeshe Wisdom Archive © 25 octobre 1982

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(1) Lama Thoubten Yéshé (1935-1984) fut un maître de méditation exceptionnel qui conseilla de nombreux ermites tibétains notamment autour de Dharamsala en Inde. En 1971, il consacra le monastère de Kopan dans la vallée de Kathamandou et commença à enseigner à un nombre toujours croissant d’Occidentaux attirés par son incroyable personnalité. Il révéla non seulement l’essence du bouddhisme tibétain, mais également la dimension universelle de la pratique spirituelle, la puissance de l’esprit par delà les dogmes. Maître à la renommée internationale, il créa la Fondation pour la Préservation de la Tradition du Mahayana (FPMT) qui regroupe aujourd’hui des centres d’études, des centres de soins, des maisons d’éditions, etc., dans plus de quarante pays.

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«  Tulku s » du Tibet …

“Autobiographie d’un lama réincarné en Occident” Elijah Ary – éditions Philippe Rey © 17/01/2019

https://www.babelio.com/livres/Ary-Tulkou–Autobiographie-dun-lama-reincarne-en-Occ/1104872/critiques/2905558

Samten G. Karmay

Religion et politique tibétaines – September 2008

http://camisard.hautetfort.com/archive/2008/09/13/religion-tibetaine-et-politique-de-samten-karmay.html

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Troisième partie

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« La fraternité doit sans cesse se régénérer

car elle est sans cesse menacée par la rivalité. »

Edgar Morin

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Réflexions

Patrick Lemoine nous brosse un factuel de notre condition humaine … :

« La conscience de notre propre mort est étroitement liée à notre capacité à anticiper ; l’incertitude du moment de notre mort, qui peut survenir à tout moment, est très douloureuse.

Voilà la base des ingrédients qui font de l’homme un animal anxieux, une proie désignée de toutes les drogues, tous les alcools, toutes les conduites à risque, tous les sports extrêmes. En d’autres termes, l’homme essaie par tous les moyens (normaux ou pathologiques) d’oublier sa condition ou de penser à autre chose.

Au contraire, rares sont les animaux capables de conceptualiser la mort. Les éléphants probablement, les chimpanzés sans doute aussi, mais anticipent-ils la mort de leurs proches, ou la leur ? La conscience du futur existe chez l’animal mais il est fort probable que la conscience de sa propre disparition soit le véritable propre de l’homme. De ce fait je propose de rebaptiser l’Homo sapiens en Homo anxius. »

(p. 92 « Rêves, Transes » Robert Laffont © 2020)

Ainsi nous avons tenté d’établir des passerelles entre des disciplines d’une approche mettant en parallèle des travaux scientifiques récents et l’héritage de connaissances traditionnelles, afin d’essayer de dégager ce qui aujourd’hui pourrait donner un horizon viable à une quête spirituelle ouverte à l’humanité de demain.

Afin d’éclaircir un peu le propos qui est l’objet de ces réflexions, nous allons nous appuyer sur trois ouvrages, deux parus il y a peu, et un troisième qui date un peu plus.

Le pourquoi de ces choix est essentiellement, outre la qualité des auteurs, lié à des perspectives réellement révolutionnaires quant à la façon dont notre humanité peut se penser en terme de “vision” dans son avenir proche et plus lointain par voie de conséquences.

C’est pour le plus ancien, en terme de date d’édition :

«  L’ erreur de Descartes  » – Antonio R. DAMASIO, éd. Odile Jacob © oct. 2010,

pour ses travaux sur “l’hypothèse des marqueurs somatiques”,

https://www.babelio.com/livres/Damasio-Lerreur-de-Descartes–La-raison-des-emotions/38598/critiques/2772680

puis :

«  Des âmes et des saisons  » –Psycho-Écologie, Boris Cyrulnik, éd. Odile Jacob © 2021,

https://www.babelio.com/livres/Cyrulnik-Des-ames-et-des-saisons/1293636/critiques/2813716

pour son approche globale de la condition humaine dans son environnement,

et :

« La Diagonale de la Joie » – Corine Sombrun – éditions Albin Michel © mars 2021,

https://www.babelio.com/livres/Sombrun-La-diagonale-de-la-joie/1304168/critiques/2828285

Dont le Dr Patrick Lemoine nous dit :

«… j’ai donc eu la chance de l’entendre… et d’être fasciné !

Corine Sombrun est une chamane. Une udgan pour être précis. On ne fait pas plus exotique… même si elle est aussi parfaitement occidentale, dans son look comme dans sa tête. Avant de la rencontrer j’étais — et je reste d’ailleurs — d’une méfiance extrême vis-à-vis de ce genre de personnages quand il est sorti de son contexte culturel, car j’ai toujours peur des dérives, notamment pécuniaires. Pourtant, j’ai tout de suite compris que j’avais affaire à une personne rayonnante, droite, honnête et, surtout, rigoureuse dans son approche de la culture chamanique. »

(p. 222 « Rêves, Transes », “et autres états modifiés de conscience” Dr Patrick Lemoine – éditions Robert Laffont © janvier 2020)

ceci pour l’innovation d’un champ de recherche scientifique où tout est à découvrir sur la nature d’une “intelligence perceptive ”, très souvent embourbée dans des traditions plus ou moins sclérosées et donnant parfois dans de la superstition de surface, ou un charlatanisme mercantile assez douteux, voir parfois misérable.

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Dans la thèse de « l’Erreur de Descartes » d’A. R. Damasio*, sont réconciliées la réflexion et la perception, dans la relation intime et complexe entre la pensée consciente d’elle-même et la non-pensée d’une intelligence perceptive qui se dispense du raisonnement analytique. (D. p. III)

« La logique peut être sujette à caution lorsqu’elle se nourrit dans la paresse d’une pensée binaire de l’évidence ! Le jour s’oppose à la nuit, la droite à la gauche, le corps à l’esprit et le masculin au féminin etc …

La pensée dualiste qui permet à l’enfant d’évoluer dans un cadre structurant, rassurant et donnant une vision simple du monde, si elle n’évolue pas en termes de causalité linéaires vers la complexité de systèmes et de perceptions élaborées, elle se développe dans un fixisme fragmentant, sclérose les certitudes vers du jugement moral” ; le haut est supérieur au bas, le devant est plus noble que le derrière, le dedans plus intelligent que le dehors etc … Cette paresse intellectuelle à l’évidence abusive, se complaît dans le psittacisme conformiste, ce qui n’est pas le fait de l’inconfort des réflexions en termes de systèmes … » (B. p. 8/9 et 40/41)

« Lorsque l’émotion est laissée totalement à l’écart du raisonnement, comme cela arrive dans certains troubles neurologiques, la raison se fourvoie encore plus que lorsque l’émotion nous joue des mauvais tours dans le processus de prise de décision. » (D. p. IV)

« À partir de cette constatation, j’ai pensé que l’expression et la perception des émotions faisaient sans doute partie intégrante des mécanismes de la faculté de raisonnement. » (D. p. 8)

Ainsi nous pouvons dès lors avancer que la forme “d’intelligence” de notre espèce ne se réduit pas à ses fonctions mentales aussi performantes soient-elles, la chose est beaucoup plus subtile.

« Citant Jacques Martinerie, sur le fonctionnement cérébral et les rythmes bêta et gamma à travers différentes analyses, y est établi une comparaison avec les rythmes d’ouverture de conscience enregistrés sur les grands méditants, un état où n’existent plus le doute ou l’autocensure.

[…] Elle confirme les résultats d’Edmonton et prouve bien que cette forme de transe modifie le fonctionnement cérébral. Je dois terminer l’analyse, mais il semble y avoir une élévation globale des rythmes bêta et gamma à travers les différents contrôles des resting states(1).

Ce qui serait comparable aux rythmes d’ouverture de conscience enregistrés sur les grands méditants ?

Tout à fait. » (S. p. 136)

(1)(méthode d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle)

*(pour plus commodité dans les références de pages, nous mettrons D. pour Damasio ; C. pour Cyrulnik et S. pour Sombrun, des ouvrages dont il question.)

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Nous pouvons donc considérer que notre manière d’interpréter les choses et son mode usuel de cognition ne valent que pour la perspective utilitaire, pragmatique et finalement ayant ses limites contraignantes, négligeant d’autres ressources perceptives, de possibilités à découvrir en soi.

Sous cet angle Patrick Lemoine nous précise :

« Les résultats sont clairs, l’état de transe chamanique implique une double bascule :

une bascule d’un mode normal dominant gauche, et donc analytique, à un mode dominant droit, de perception de soi ; – une bascule d’un mode normal dominant antérieur préfrontal à un mode postérieur, et donc sensorimoteur.

Autrement dit, au lieu d’être un humain qui raisonne, on devient une créature qui ressent.

Cette conclusion a eu des conséquences dans le domaine de la psychobiologie, de la conscience de soi mais aussi dans le domaine des processus de dissociation, de psychose et d’états modifiés de conscience. Ces résultats peuvent être vus comme la base théorique du pont à jeter entre les techniques de soin occidentales et les techniques utilisées par les tradithérapeutes. Cette découverte, selon moi majeure, c’est bien à Corine qu’on la doit. »

(p. 222/23 « Rêves, Transes » Robert Laffont © 2020)

Ainsi ici ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est de savoir si il existe l’éventualité d’un champ de conscience dont le siège ne serait pas réduit aux fonctionnalités du mental, mais élargi en quelque chose à la fois de plus global, plus décentré et précis que la fonction de contrôle centralisé du cerveau, vers un champ perceptif lié à l’épigénétique.

Dans cette perspective s’ouvre un vaste horizon, celui qui nous constitue depuis l’origine (voir précédemment ; L.U.C.A. [Last Universal Common Ancestor – Les étapes de la conscience humaine]).

Une communication directe est-elle possible avec ce qui la constitue ?

« Tout se met à parler autour de nous. Une information arrive sans qu’on sache comment, un geste nous montre la direction à suivre, ce que nous savons sans savoir que nous le savons. Une autre intelligence est à l’œuvre, dont nous avons l’impression d’être le témoin. Elle est commune à tous, à tout le vivant. L’intelligence de la vie ? » (S. p. 164)

«  Nous pensons que notre corps nous appartient, mais il est colonisé par des milliards de bactéries et de virus, me dit Marc Henry. Et comme un seul gène sur cent dans notre génome provient de notre propre ADN, on peut dire que 99 % des gènes de notre corps ne sont pas des gènes humains.

Ce sont des gènes de ces bactéries et de ces virus ?

Qui constituent aussi le génome de tout le vivant.

Ainsi nous aurions en nous un génome commun à tout le vivant ?

Nous formons si l’on peut dire un « assemblage bio-politique d’espèces multiples ».

Cela veut dire que notre ADN est en partie commun avec celui du loup, de l’abeille, du brin d’herbe ou du chêne ?

Oui.

Cela pourrait expliquer que pendant la transe…

Il n’est pas impossible que, par le biais des processus d’épigénétique qui sont connus pour être réversibles, les caractéristiques de ces gènes puissent s’exprimer pour nous faire vivre temporairement un autre état. ». (S. p. 250/51)

« Ce dont nous pouvons être sûrs, c’est que ce que nous percevons du monde, ce que nous en “voyons”, n’est pas le Monde, mais un modèle de ce Monde crée par notre cerveau »

https://www.youtube.com/watch?v=Ym0kIECFi0U&t=22s

« J’avais déjà vécu le phénomène de “dissolution” pendant une transe, avec l’impression de devenir rien, de me fondre dans le tout et d’en ressentir la puissance. L’une des plus fortes expériences de ma vie. Mais là… Une présence dans un halo blanc. D’une telle beauté que j’ai immédiatement pensé à ce que les religions appellent Dieu, Divinité. Tout aurait pu s’arrêter à une vision d’image pieuse, si ne s’était imposé un immense sentiment de foi. D’amour ? Je ne sais pas. Réduire ce que je ressentais à un mot n’est pas possible. (S. p. 255/56)

la “réincarnation” : la résonance d’une fréquence qui perdure comme un écho dans un autre corps(2) ?

Avec mon approche des sciences dures, la “présence”, la manifestation d’un être dans sa multiplicité d’états est encore une terra incognita. Mais pour un chercheur, c’est une source potentielle de motivation pour tenter d’établir des cohérences nouvelles. Je ne peux pas être trop surpris que la séparabilité entre phénomènes ne soit jamais totale. Pour autant, la façon dont ces couplages “faibles” se font, leur diversité, leur détectabilité, leur reproductibilité restent encore aujourd’hui à la limite de ce qu’il nous est possible de postuler. Peut-être que dans un avenir pas forcément lointain, cette respiration du monde, où on apprend à se distinguer du « reste du monde » tout en se construisant en symbiose forte avec lui, se révélera dans le domaine d’une physique des résonances dont nous capturerons progressivement les composantes. Se trouver exposé à de tels phénomènes, comme l’état de transe, pourra être une chance formidable de découverte, ou au contraire l’occasion de se perdre dans des myriades d’illusions de nos perceptions. Cette physique des résonances devra donc justement pouvoir un jour nous éclairer là-dessus. Elle décrira des grands systèmes contenant des sous-ensembles en couplages très forts, de type quantique, et d’autres en couplages plus faibles, de type classique. Mais tous sont couplés, interdépendants. La dynamique de ces résonances fonctionne dans mon imaginaire comme une partition où les harmoniques des résonances fondamentales, ensemble, génèrent un timbre donnant naissance à l’identification d’un nouvel instrument dans l’orchestre symphonique du monde. »

(S. p. 281)

https://trancescience.org/fr/evenements-a-venir-et-passes/

(2)“La biodynamique”

A l’instar de toute structure mécanique, le corps humain possède des fréquences de résonance qui entraînent une réponse mécanique maximale. La réponse humaine aux vibrations ne peut pas s’expliquer seulement en termes de fréquence de résonance unique ; il existe de nombreuses résonances dans le corps et les fréquences de résonance varient d’une personne à l’autre et en fonction de la posture. Deux réponses mécaniques du corps sont souvent utilisées pour décrire la manière dont les vibrations provoquent un mouvement du corps : la transmissibilité et l’impédance.

La transmissibilité indique la fraction des vibrations transmises, par exemple, du siège à la tête. La transmissibilité du corps dépend fortement de la fréquence et de l’axe des vibrations, ainsi que de la posture du corps. Des vibrations verticales du siège provoquent des vibrations de la tête suivant plusieurs axes. Dans le cas d’un mouvement vertical de la tête, la transmissibilité tend à être la plus forte dans la plage de 3 à 10 Hz environ.

L’impédance mécanique du corps caractérise la force nécessaire pour provoquer un mouvement du corps à chaque fréquence. Bien que l’impédance dépende de la masse du corps, l’impédance verticale du corps humain présente généralement une résonance à 5 Hz environ. L’impédance mécanique du corps humain, y compris cette résonance, influence fortement la manière dont les vibrations sont transmises par les sièges. Pour finir : tous les systèmes, montages, pièces mécaniques sont soumis au phénomène de résonance. Les systèmes abstraits sont également soumis à des résonances : on peut, à titre d’exemple, citer la dynamique des populations. Dans le domaine du génie civil, on peut observer ce phénomène principalement dans les passerelles piétonnes soumises à des marches militaires, par exemple, ou, de façon plus générale, dans les constructions soumises à un séisme.

La cymatique” : permet de visualiser le son par la mise en vibration d’un corps, comme le sable ou l’eau. En vibrant, celui-ci se déplace en fonction de la fréquence des oscillations, dessinant les mouvements qu’il subit.

John Stuart Reid, chercheur en physique acoustique : Le son est au cœur de toute matière, tout vibre dans l’univers.

« Da Vinci Code » doc. Arte – © ZDF 2012 (44mn)

« J’appris beaucoup de lui [G. Gurdjieff] sur les tapis, qui représentaient, me disait-il, une des formes les plus archaïques de l’art. Il parlait des anciennes coutumes relatives à leur fabrication, toujours en vigueur en certaines localités de l’Asie. Tout un village travaille sur le même tapis ; tous, jeunes et vieux, se rassemblent, pour les longues veillées d’hiver, dans une grande maison où ils se répartissent en groupes, assis ou debout, selon un ordre préalablement connu et fixé par la tradition. Chaque groupe commence alors son travail. Les uns retirent de la laine les petites pierres ou les éclats de bois. D’autres l’assouplissent avec des bâtons. Un troisième groupe la peigne. Un quatrième la file. Un cinquième la teint. Un sixième, ou peut-être le vingt-sixième, tisse le véritable tapis. Hommes, femmes, enfants, tous ont leur propre travail traditionnel. Et, d’un bout à l’autre, le travail s’accompagne de musique et de chants. Les fileuses, tout en maniant leurs fuseaux, exécutent une danse spéciale, et, dans leur diversité, les gestes de tous font comme un seul et même mouvement, sur un seul et même rythme. En outre, chaque localité a son air de musique propre, ses propres chants, ses propres danses, associés depuis un temps immémorial à la fabrication des tapis.

Et, tandis qu’il me parlait, cette pensée traversa mon esprit que peut-être le dessin et le coloris des tapis n’étaient pas sans correspondance avec la musique, qu’ils étaient son expression dans la ligne et la couleur ; que les tapis pouvaient bien être des enregistrements de cette musique, les partitions qui permettaient la reproduction des airs. Il n’y avait pour moi rien d’étrange dans cette idée parce qu’il m’arrivait souvent de “voir” la musique sous la forme de dessins coloriés et complexes. »

p. 73-74, « Fragments d’un enseignement inconnu », Ouspendsky – Éditions J‘AI-LU © 2021

Les Fractales” : structures similaires à toutes les échelles.

(Broderie au point de croix [47 cm x 31] ,

Sandrine Grillet – © 2013, « La Vague » d’Hokusai)

L’auto-similarité des fractales ; plus on avance dans la vision de détails (zoom) plus on a la sensation d’être rendu là où on était avant … !

Les “fractales” en biologie se reproduisent sans cesse dans les schémas de l’évolution.

Ces schémas par exemple, correspondent aux rythmes cardiaques normal dans une architecture “fractale” similaire à une structure rocheuse de montagne ! Le mouvement brownien.

Quand on se tient en équilibre, que fait-on en réalité ? Nous faisons quelque chose de pas vraiment conscient mais efficace (c’est la proprioception). Toute ces oscillations sont-elles en structure de schémas fractales ? Oui, nous découvrons que les processus physiologiques sont d’architectures fractales.

– 43: 00 Système sanguin, respiratoire, rénaux, neurologiques, sont de toute évidence des structures fractales.

– 48: 00 L’aspect d’une forêt peut sembler aléatoire et chaotique, mais en fait elle est structurée en fractales. Par exemple, l’étude d’un seul arbre dans une forêt donnée, permet de connaître la quantité absorbé de CO2 de la forêt en son entier !

Ainsi les fractales participent de la compréhension de la complexité qui régit la Nature.

à la recherche de la dimension cachée”

© 2008 WGBH Educational Foundation and The Catticus Corporation

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Si dans les concept symboliques de :

« Pacha-mama » – peuples de l’Altiplano, ou dans les peuples amérindiens du Nord :

«  Mitakuyé Oyasin » Lakota du Dakota (Je fais partie de la grande famille du vivant)

ou encore dans “L’Espace du Tantra” tibétain tel que la sadhana de Milarépa :

« Avec tous les êtres emplissant l’espace, qui “furent nos mères successives”* […]

… voire dans la tradition chrétienne, la relation au culte marital lui-même prenant source jusqu’au Paléolithique, nous développons cette perspective, alors nous pouvons “entendre” cela, oui, et ce dans un sens d’une appartenance commune respectueuse et globale, de la gratitude en dehors de tout sentimentalisme dans l’ordre naturel du monde et son fonctionnement qui est ce qu’il est !

« Ce que vous aurez délié sur Terre » La disparition d’une mère, Véronique Loiseleur/Desjardins – Les Éditions Plon © 2013

“le coin des Citations”

http://camisard.hautetfort.com/media/01/02/1480267140.pdf

https://www.babelio.com/livres/Desjardins-Ce-que-vous-aurez-delie-sur-terre/781096/critiques/3693803

* Il est à noter que Lama Thoubten Yéshé précise tout de même l’idée de la chose dans le cadre de la tradition du Vajrayana, qui généralement est très mal interprétée et comprise :

« Je vous le dis, les êtres, nos mères, sur cette Terre sont vraiment stupides*.
[…]
C’est très drôle. L’esprit humain est tellement bizarre…, et très stupide*, si vous vérifiez bien. »

p. 45  « Ego, attachement et libération », Lama Thoubten Yéshé – éditions Vajra Yogini © 2008

* nous devons entendre cela comme une “opacité émotionnelle/mentale” très réactionnelle, et non une clarté d’actions inspirées. Il ne s’agit pas là, à proprement parler des facultés humaines, de sentiments et intellectuelles en tant que telles, bien évidemment !  

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Nous voyons se dégager dans ce qui vient d’être énoncé d’une part notre dynamique de résonances et d’autre part dans “notre assemblage bio-ADN d’espèces multiples” » le biais de processus d’épigénétique qui sont connus pour être réversibles, les caractéristiques de ces gènes qui peuvent s’exprimer pour nous faire vivre temporairement un autre état.

Dans les mises en conditions de notre organisme corporel à travers des pratiques spirituelles et techniques ayant fait déjà dans les traditions diverses “leurs preuves”, la réalité d’une intelligence perceptive semble bien accessible, “palpable”.

Ainsi l’être humain porterait bien en lui une structure qui convenablement orientée pourrait ouvrir l’accès à une “connaissance” qui n’emploierait pas les processus cognitifs et mentaux classiques, mais une ressource intarissable, disponible, qui est en suspension dans une “présence”, une “immanence” hors des champs de la dualité ?

« Il ne s’agit pas de nier que les émotions puissent perturber les processus du raisonnement dans certaines circonstances. Depuis des temps immémoriaux, on sait bien qu’elles le peuvent, et de récentes recherches ont bien montré comment les émotions pouvaient influencer de façon désastreuse le raisonnement. Il est donc d’autant plus surprenant et c’est là une découverte que l’incapacité d’exprimer et ressentir des émotions soit susceptible d’avoir des conséquences tout aussi graves, dans la mesure où elle peut handicaper la mise en œuvre de cette raison qui nous caractérise tout particulièrement en tant qu’êtres humains et nous permet de prendre des décisions en accord avec nos projets personnels, les conventions sociales et les principes moraux.

Il ne s’agit pas non plus de dire que, lorsque les émotions interviennent de façon positive, elles décident pour nous ; ni de dire que nous ne sommes pas des êtres rationnels. Je suggère seulement que, par certains côtés, la capacité d’exprimer et ressentir des émotions est indispensable à la mise en œuvre des comportements rationnels. Et lorsqu’elle intervient, elle a pour rôle de nous indiquer la bonne direction, de nous placer au bon endroit dans l’espace où se joue la prise de décision, en un endroit où nous pouvons mettre en œuvre correctement les principes de la logique. » (D. p. 9 )

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« Et les perceptions d’émotions ne sont ni fugitives ni insaisissables. Contrairement à l’opinion traditionnelle, je pense qu’elles ont une valeur cognitive, tout autant que les autres percepts. Elles découlent, d’ailleurs, d’un agencement physiologique des plus curieux, puisque celui-ci a mis le cerveau dans l’obligation “d’écouter” le corps.

Les perceptions d’émotions nous donnent un aperçu instantané sur l’organisme en pleine activité biologique ; elles captent le reflet de la vie elle-même, en train de s’accomplir. S’il n’était pas possible de percevoir les états du corps programmés pour être douloureux ou agréables, il n’y aurait ni souffrance ni félicité, ni désir ni satisfaction ni tragédie, ni bonheur, dans la vie humaine. » (D. p. 13)

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Cela peut sembler surprenant, mais le psychisme n’existe que par et pour un organisme intégré ; notre fonctionnement mental ne serait pas ce qu’il est s’il n’y avait pas eu cette interaction du corps et du cerveau pendant l’évolution, si elle ne s’était pas poursuivie durant le développement individuel et ne continuait pas à chaque instant de notre vie. Le psychisme a dû en premier lieu se rapporter au corps, faute de quoi il n’aurait pu être. À partir de la référence fondamentale fournie en permanence par le corps, l’esprit peut ensuite se rapporter à beaucoup d’autres choses, réelles et imaginaires. »

(D. p. 14)

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Qu’est ce que nous pouvons donc entendre par “esprit” ?

Ici nous voyons bien qu’il y a “esprit” là où se manifeste un support tangible. Dans l’exemple de la cymatique nous constatons que la vibration d’un son, non visible, impalpable, si il rencontre le support adéquat, se manifestent des structures géométriques fractales pré-existantes, en quelque sorte dans la vibration du son lui-même. Dans l’univers tout vibre ; se pourrait-il que la symphonie de cet univers, sa structure même, soit en définitive l’Esprit en toute chose, chacune ayant sa résonance propre ? Dans quelle mesure cet “Esprit” peut-il rencontrer les conditions de son expression dans “l’esprit” de l’Humain ? Quelle serait la nature de ces manifestations inintelligibles pour l’Homme ?

« Quand je parle de “l’esprit”, ce n’est pas juste à “mon esprit, mon affaire perso” que je fais référence. Quand je parle de “l’esprit”, je parle de l’esprit de tous les êtres vivants de l’univers. » Lama Thoubten Yéshé (« Faites de votre esprit un océan » – Votre esprit est votre religion, p. 13, éditions Vajra Yogini © 2014)

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Roberte Hamayon, dans « Fondements et pratiques d’une forme religieuse d’hier et d’aujourd’hui »* stipule : “l’évidence que l’humanité a commencé par vivre de chasse” et “le caractère structurel du lien entre chamanisme et chasse rend plausible l’idée de l’universalité du chamanisme. Il rend compte de la présence d’éléments chamaniques dans toutes sortes de sociétés” (p. 68)

« Enfants de la nature »

Les humains, une espèce parmi d’autres dans la forêt

En forêt, les humains sont une espèce parmi d’autres. Leurs huttes, couvertes selon les saisons de peaux fourrées ou de plaques d’écorce, tiennent pour eux le rôle que tiennent nids, tanières et terriers pour d’autres espèces. Comme les espèces animales qu’ils y voient vivre, les peuples chasseurs sibériens se sentent partie prenante de la chaîne alimentaire qui permet à toutes d’y vivre. Ils en ont généralement une grande conscience” (p. 73/74)

« Une conception animiste du monde naturel »

L’évidence de la chaîne alimentaire est le fondement empirique de la démarche qui conduit les humains à établir des relations avec les espèces gibier pour pouvoir vivre de chasse.

Ce qui rend possible d’établir de telles relations est la conception animiste inhérente au chamanisme. Selon cette conception, le corps animal est “animé” par une composante spirituelle individuelle ou “âme” semblable à celle qui anime le corps humain. Les âmes animales sont pensées homologues des âmes humaines en nature et en fonction, et spécifiques de chaque espèce. La notion d’être animé couvre à la fois celle « d’avoir une âme » et celle « d’être en vie ». Mais l’âme est conçue à la fois comme nécessaire à la vie du corps et survivant à sa mort.” (p. 74/75)

Nous avons donc ici dans ces études d’anthropologie de sciences religieuses, l’énoncé clair que dès les fondements de l’humanité, la notion “spirituelle” de l’Humain dans son appartenance à une dimension beaucoup plus vaste que sa manifestation individuée, était intrinsèquement présente à son espèce.

Que cette notion “spirituelle” de l’Humain est une donnée originelle non séparable de sa nature essentielle et de son fondement, quelles que puissent en prendre les formes au cours des temps et des évènements ; la spiritualité est de l’ordre de l’Humanité, les religions en sont des relais eux d’ordres culturels, il faut bien en cerner toute la réalité.

Dés lors, quels pourraient être les chemins et accessoirement les critères qui rendrait cet aspect de notre humanité intelligible ?

En outre dans quelle mesure cela ne reviendrait-il pas à chaque personne aujourd’hui de faire l’effort de cette profonde compréhension de sa nature d’intelligence proprement humaine exempte du dualisme cartésien, dont Antonio R. DAMASIO a démontré la perspective erronée.

Quel pourraient en être les méthodologies et “outils” dans notre monde contemporain en proie à ses difficultés propres qui donnent le vertige ! Pour autant des “matériaux” sont plus ou moins disponibles, encore faut-il avoir une idée aussi claire que possible de la chose, car dans ce domaine les charlatans ne manquent pas, non plus que les abus de confiance institutionnels. Ce pourquoi les travaux des neurosciences sont à suivre au plus près nous semble-t-il !

En outre il ne serait probablement pas superflu d’introduire dans l’éducation publique laïque** du parcours scolaire de la jeunesse une discipline introduisant à la fois dans l’historique de ces matières, un esprit “critique” et informé de ce qu’il en est aujourd’hui, avec éventuellement des plateformes ouvertes aux intervenants des sujets abordés. Ainsi notre jeunesse pourrait-elle se faire une plus juste idée de ce dont il retourne, et faire des choix en connaissance de cause, ce qui éviterait probablement bien des malentendus et égarements fâcheux !

« N’allez pas penser que cette démarche — examiner la nature de son esprit, chercher à la connaître — soit juste un trait culturel oriental ; ce serait une conception erronée. Je parle de quelque chose qui VOUS concerne. Comment peut-on dissocier le corps, ou l’image de soi, de l’esprit ? C’est impossible. Vous croyez que vous êtes une personne indépendante, libre de voyager à travers le monde, de profiter de tout. Mais vous n’êtes pas libre du tout, quoi que vous en pensiez. Je ne dis pas que vous êtes sous le contrôle de quelqu’un d’autre. C’est votre propre esprit incontrôlé, votre propre attachement qui vous tyrannise. Si vous découvrez comment vous vous opprimez vous-mêmes, votre esprit incontrôlé disparaîtra. Connaître votre esprit est la solution à tous vos problèmes.

[…]

Si vous n’avez pas la moindre idée de votre propre fonctionnement psychologique, vous pouvez ignorer ce qui se passe dans votre esprit jusqu’au moment où vous craquez et devenez complètement fou. Les gens deviennent fous par manque de sagesse intérieure, par incapacité à examiner leur propre esprit. Ils n’arrivent pas à comprendre ce qui se passe en eux, ils ne savent pas comment se parler à eux-mêmes. Alors ils sont constamment préoccupés par tous ces objets extérieurs, tandis qu’à l’intérieur, leur esprit se dégrade, ce qui finalement les amène à la dépression. Ils ignorent leur monde intérieur ; leur esprit est totalement immergé dans l’ignorance, au lieu d’être en alerte et occupé à s’analyser soi-même. Examinez vos propres attitudes mentales. Devenez votre propre thérapeute.

Vous êtes intelligents ; vous savez bien que les objets matériels seuls ne peuvent pas vous apporter satisfaction. Pour autant, il n’est pas nécessaire de vous engager dans une aventure d’ordre religieux ou émotionnel pour vous adonner à l’examen de votre esprit. Certains le croient cependant. Ils s’imaginent que cette sorte d’auto-analyse est quelque chose de religieux ou de spirituel. Non, il n’est pas nécessaire de vous positionner vous-mêmes en tant qu’adepte de telle ou telle religion ou philosophie, de vous ranger dans une catégorie religieuse. Mais si vous voulez être heureux, ce qui est absolument nécessaire, c’est de vérifier comment vous conduisez votre vie. Votre esprit, c’est là votre religion. »

p. 14/15 Lama Thoubten Yéshé (« Faites de votre esprit un océan » – Votre esprit est votre religion, p. 13, éditions Vajra Yogini © 2014)

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*« Le Chamanisme » – “Fondements et pratiques d’une forme religieuse d’hier et aujourd’hui”, Roberte Hamayon, Éditeur : EYROLLES © 07/05/2015

https://www.babelio.com/livres/Hamayon-Le-chamanisme–Fondements-et-pratiques-dune-form/719630/critiques/2870809

** Le “privé” devrait être lui aussi soumis à un programme au minimum sur l’historique des religions et traditions, ainsi que des avancées scientifiques dans ce domaine.

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Dans « Rêves, Transes » (p. 240), Dr Patrick Lemoine énonce une position assez abrupte :

« Selon moi, les concepts de dieu, de religion, de paradis et d’anges ne proviendraient donc que de notre capacité à fabriquer des endomorphines, des endo-cannabinoïdes, de l’endo-cocaïne, de l’endo-LSD et probablement des tas d’autres endos, lors de notre entrée en agonie. Karl Marx ne s’en doutait pas, mais, d’un point de vue neuroscientifique, il avait drôlement raison de dire en son temps que « la religion est l’opium du peuple », sacrée prémonition neurobiologique.

Cette hypothèse est assez décevante pour celles et ceux qui redoutent l’absence de vie après la mort. Et loin de moi l’idée de laisser sans espoir ceux qui en ont besoin mais, si le poids de la religion pouvait être affaibli, je ne peux pas m’empêcher de penser que cela réduirait considérablement le nombre de guerres… »

Dans « Tsaloung »*, (p. 23) l’auteur exprime le fait que :

« En réalité, l’esprit existe indépendamment du corps et la nature des deux est absolument distincte. »

Ce qui reprend une conception assez “cartésienne”, à savoir que l’esprit serait une substance essentiellement distincte du corps, dont la pensée est l’attribut principal et dont les diverses pensées sont des modes.

Poursuivant plus avant page 24 ;

« Les sages bouddhistes affirment que la fonction claire et limpide de notre continuum psychique existe donc indépendamment du corps et que le processus de leur apparition résulte d’une interconnexion extraordinaire. »

et p. 25

« Le sentiment d’un “je” qui migre du bardö(1) vers la naissance est extrêmement subtil. »

Nous avons quelques perplexités devant un énoncé faisant appel à “l’extraordinaire”, “l’extrêmement subtil” et le “sentiment d’un « je » désincarné”, qui chez le petit de l’Homme est sans aucune consistance avant ses dix-huit mois(2)… !

Sans aller dans le point de vue assez tranché de P. Lemoine, il faut bien reconnaître que là dans cet énoncé, la notion de “lung-sem” (l’indivision souffle-esprit) et l’esprit des “énergies” (ici le “flux du karma/vipaka” en tant que force gravitationnelle), le courant de la pensée conceptuelle, ainsi que les courants d’énergies dans le corps, “énergies” dans la conscience dualiste, énergie mentale d’un être classique, est très opaque dans son descriptif, pour ne pas dire du charabia de la plus belle eau !

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* “Les techniques tibétaines de contrôle des canaux et souffles subtils”

Lama Kunga Kunchok — éditions Yogi Ling © 2011

(1) État intermédiaire entre deux vies consécutives(?)… dans la tradition du bouddhisme tibétain.

(2) Les souvenir “auto-biographiques” se structurent environs à l’âge de trois ans, et ce toujours dans une interaction avec “autre”. C’est la base structurante de notre personne originale en tant que telle. Cette histoire personnelle perdue, nous nous retrouvons “évidé” de ce qui nous constitue.

(Alain Brunet [psychologue clinicien] – Roger Schmidt [neurologue psychiatre])

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En forme “d’épilogue” à ces diverses réflexions, nous nous appuierons sur l’idée, hélas restée pour l’heure unique dans son épanouissement, « d’Auroville » en Inde*, dont la vocation originelle était d’être une invitation innovante à reproduire en d’autres lieux de la Terre avec ses particularités géographiques et ethniques, mais dont l’inspiration eut été la même.

Il est évident que ce choix n’est pas de notre part “apologie” du lieu où probablement bien des choses sont à parfaire, mais c’est l’idée en elle-même et sa tentative de mise en “vivre” qui nous intéresse, cette “aube” d’une Humanité toujours possible, et cela également en soi.

Auroville ou Aurore, en Inde

(Habiter le monde, ou une “utopie” réalisée)

Crée en 1968 en un endroit désertique elle représente ce que cette génération d’après guerre aura produit de plus original et peut être de meilleur ; cité dite “utopique” car dérangeante d’un point de vue conformiste de l’état conflictuel voir belliqueux(1) de l’humanité en général, mais cependant réalisée et toujours très vivante dans l’actualité.

Fondée autour d’une perspective de recherche en l’unité spirituelle de l’Homme, elle s’affranchit du religiosisme culturel en accointance avec le politique, pour valoriser et favoriser dans les meilleures conditions possibles la quête spirituelle intérieure des personnes dans une osmose avec son environnement tel qu’il se trouve là où il vit en opérant les métamorphoses induites par une telle orientation de vie.

La structuration “matérielle” est en association avec la spiritualité, liant les matériaux à travers son évolution dans la perspective de “sublimer” l’intériorité de l’existence de êtres qui y participent.

C’est une démarche personnelle qui s’offre en quelque sorte dans une dimension au profit de l’ensemble. Le « Matrimandir » est l’énergie d’Unité, le Cœur rayonnant ;

c’est un lieu ouvert de recueillement, de contemplation silencieuse, il n’y ni a “religion” ni clergé, absence de “rituels” et de cultes et donc ce n’est pas à proprement parler un “temple”, c’est une “vacuité riche” de présence, un endroit privilégié pour se rencontrer, y méditer, s’orienter vers son intériorité.

Un vivre ensemble ne signifie pas un nivellement, des goût, des besoins, etc. l’idée maîtresse est la simplicité, l’essentialité qui n’exclue nullement la beauté, de l’harmonie.

La remise en question du droit de propriété exclusif est ici pour restaurer le fondement de l’habitat et de son sens, être un lieu d’accueil et d’hospitalité, et ce hors du champ d’investissement en rentabilité, pour privilégier notamment l’aspect de créativité. Il y a aussi l’idée que les choses sont temporaires, ne durent qu’une période … donc éviter la saisie d’attachement à l’excès.

Il y est aussi question de mieux se connaître à travers les rencontres et ce que l’on en accepte.

Les dynamiques de projets divers sont toujours en mouvement, c’est une vie qui n’est pas fondée sur du dogme mais des expérimentations faisant la preuve de leurs viabilités, vivre en soi tout en étant relié au autres, dans un horizon partagé d’une sagesse et bienveillance commune porteuse de paix vivifiante.

« Habiter le monde », Inde, Auroville — “La cité utopique”, Film Fred Cebron © Arte France – Cinétévé – 2017

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* Sri Aurobindo (Ghose) « L’aventure de la conscience » – Buchet Chastel, (p. 177)

« Je vécus jour et nuit dans ce Nirvana avant qu’il ne commence à admettre autre chose en lui ou à se modifier tant soit peu… puis il commença à disparaître dans une Supraconscience plus grande, en haut… L’aspect illusoire du monde cédait la place à un autre aspect où l’illusion n’était plus qu’un petit phénomène de surface, avec une immense réalité divine par derrière, une suprême Réalité divine au-dessus et une intense Réalité divine au cœur de toutes les choses qui, tout d’abord, m’étaient apparues comme des formes vides ou des ombres cinématographiques. »

« L’homme est un être de transition ; il n’est pas ultime. Car, dans l’homme et bien au-dessus de lui, s’élèvent les degrés radieux qui mènent à une “suprahumanité divine”. C’est là que résident notre destinée et la clef qui nous libérera de notre existence mondaine, pleine de promesses, mais inquiète et limitée… […] Ce passage est inévitable parce qu’il est à la fois l’intention de l’Esprit intérieur et la logique du processus naturel. »

« La vie sans mort » – Luc Venet, Robert Lafont, (p.25)

« Autrefois le corps était considéré par les chercheurs spirituels comme un obstacle, quelque chose qui devait être vaincu, rejeté, et non comme un instrument de la perfection spirituelle et le terrain même du changement spirituel. »

« … c’est seulement en développant un corps, ou du moins un fonctionnement de l’instrument physique capable de recevoir et de servir une illumination plus haute encore qu’il pourra s’élever au-dessus de lui-même et réaliser, non seulement dans sa pensée et dans son être intérieur mais dans la vie, une humanité parfaitement divine ».

« La vie sans mort » – Luc Venet, Robert Lafont, (p.30-31)

« Toutes les méthodes groupées sous le nom commun de “yoga” sont des procédés psychologiques spéciaux fondés sur une vérité établie de la Nature et qui font apparaître, à partir de fonctions normales, des pouvoirs et des résultats qui étaient toujours là, latents, mais que les mouvements ordinaires de la Nature ne manifestent pas facilement ni souvent ».

« La Synthèse des yogas », Buchet Chastel, tome I, (p.5)

« La vie, la vie seule est le champ de notre yoga, et non quelque au-delà lointain, silencieux et extatique»

https://fr.wikipedia.org/wiki/Auroville

 

(1)https://www.babelio.com/livres/Lehorff-Par-les-armes/1043202/critiques/1663428

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Auroville

(Histoire d’une utopie*)

Avec la “contre-culture de 68”, il était déjà perçu la nécessité d’une évolution dans la nature humaine quant à l’orientation de sens de sa destinée, et que les évènements allaient l’y contraindre. L’on pourrait dire que ce projet d’Auroville est le ferment de cette conscience humaine en devenir, et qu’il serait souhaitable que l’idée fasse son chemin vers ces innovations, adaptation aux bouleversements des défis de toutes sortes qui assaillent l’humanité et son milieu de vie.

Pris dans ce sens, la mise en œuvre d’Auroville à accomplir dans le travail qui chaque jour est une sorte de “challenge”, prend et donne le sens d’une forme d’autodiscipline si l’on veut aboutir à quelque chose, avec la satisfaction de son accomplissement.

Cette expérience-là n’est pas structurée par la saisie mentale mais sur un perçu, une perception qui vient de l’inspiration intérieure dans la maîtrise des savoirs et des techniques. C’est un vécu expérimenté, pas une abstraction élaborée.

Dans l’objectif de l’éducation en particulier vers l’enfant, ce qui est avant tout recherché ce ne sont pas tant des “cerveaux brillants”, mais bien plutôt “des âmes vivantes” ! (citation reproduite de “la Mère”, proche de Sri Aurobindo). Nous pourrions dire « un accomplissement de soi » en quelque sorte, dans la “symphonie” du vivant ; la tradition Lakota l’exprime très bien dans « Mitakuyé Oyasin » .

(Jashaun St John)

En fait, ce qui est en vue c’est non seulement l’aspect “spirituel” mais aussi une “connaissance de et en soi” ; la psyché de la personne contient « la vérité de son être », cet “être de spiritualité” étant approché, révélé, tout ce qui est de l’ordre des “problématiques” du mental, tout cela va s’effacer progressivement derrière ce pourquoi nous sommes là présent en cette vie, ce que nous devons y faire, ce qui doit s’y manifester naturellement et simplement comme une évidence, lorsque bien évidemment ce lien contact est réellement établi.

Dans le mental est le doute, qui en est une des caractéristiques de son cheminement habituel, alors que “l’être de spiritualité” en nous, une fois approché conduit progressivement dans l’établissement de l’absence du “doute”, le mental de la raison cartésienne et son dualisme s’éloignant peu à peu comme un brouillard qui se dissipe(1).

Le dualisme du mental qui cherche à comprendre la nature d’être de la “spiritualité” se heurte à un mur invisible, car, ce comprendre-là est dans la “saisie” d’appropriation de savoir de la nature limitée à son individualité, il ne s’ouvre pas au “connaître” de l’être en soi qui lui va au-delà de la nature de l’individué.

Il s’agit d’une expérience vécue qui porte vers la métamorphose de la perception qui ne porte plus vers la force gravitationnelle d’énergies émotionnelles identitaires, mais vers un espace ouvert fluide, attentif. Il y a ébrasement des points de frictions qui s’atténuent, la luminosité se manifeste plus aisément.

L’émergence d’Auroville en “68” portait quelque chose de “prophétique” en renvoi de la ressemblance à l’époque actuelle, une dynamique du respect et de l’environnement naturel, une prise de conscience sur la nécessité de revenir à une existence plus simple, dans un investissement de vie plus soucieux du lieu où l’on vit, le refus des gâchis de toutes sortes. Revenir à plus de sobriété et valoriser la discrétion, l’authenticité au service d’une fraternité limitant les rivalités toujours rôdant et porteuses de conflits au détriment d’une bienveillance porteuse de Paix.

Auroville, Histoire d’une utopie © Coproduction LCPAN -INA – décembre 2021

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* “Histoire d’une utopie” est ici à considérer sous deux aspects, l’un condescendant du point de vue du “matérialisme cartésien” d’Occident recouvrant un domaine de l’irréalisable ; l’autre, d’ouvrage qui conceptualise une société “idéale” à construire ; mais en fait il s’agit ici de bien autre chose, la remise en question de l’orientation de nos sociétés qui peu ou prou véhiculent l’idéologie de “guerres structurantes”, et ce dans l’expérimentation d’une autre vision de l’Humanité, plus sereine et vers des orientations plus réfléchies, plus tournées vers l’intériorité des êtres.

Nous en avons des réalités, tel que par exemple dans les Îles des Princes près d’Istanbul, et en particulier à l’île de Burgazadas où les Halévys (communauté musulmane) vit en harmonie et en échanges fraternels avec les chrétiens et le judaïsme des lieux ; d’ailleurs leur “cemevi” (maison ou lieu du rassemblement à la prière mixte comme à l’époque du prophète Mahomet) n’est pas sans rappeler à certains égards le symbolisme du « Matrimandir » toute proportion gardée …

Et il sévit aujourd’hui “l’infection nationaliste” du fondamentalisme hindouiste de Narendra Modī Premier ministre de l’Inde depuis 2014 : https://www.lejdd.fr/International/en-inde-auroville-la-cite-ideale-se-voit-confisquee-par-la-droite-hindoue-4127053

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(1)

Que peut nous dire Gilles Farcet trente ans plus tard après la parution de : « La voie et ses pièges », d’Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur* ?

Cet ouvrage est un regard lucide, pertinent, sur un sujet très délicat, car galvaudé jusqu’à l’outrance ; le “cheminement spirituel” dans un monde séculier, et énonce dans son sous-titre « Un chemin spirituel pourquoi ? Comment et dans quel but », ce à quoi les questionnements vont avoir des réponses spécifiques.

Ici est bien posé et différencié ce qui est de l’ordre du “travail sur soi” dans un engagement de toute une vie et ce qui relève à proprement parler de la “croyance religieuse”**, les deux peuvent s’entrecroiser, mais pas nécessairement et en tout cas ils ne sont pas à mettre comme trop souvent dans un amalgame préjudiciable donnant lieu au “brouillard” dont il est question, actuellement fort épais, dont même les boussoles semblent avoir perdu le pôle magnétique !

En outre ce livre fait office d’une “cartographie” précise et précieuse pour toute personne qui souhaite s’engager dans cette aventure (pas “qu’intérieure”) de nos jours et en nos contrées ! Car en effet il y règne la confusion des genres, qui font les “choux gras” de toute une faune douteuse, parfois redoutable, y compris dans nombre d’institutions ayant pignon sur rue … d’où les fourvoiements et télescopages dommageables et fréquents hélas !

L’auteur nous donne dans une lecture exempte de fards, en toute clarté dans un écrit naturel, des éléments d’une grande profondeur qui sont parfois susceptibles de “déranger” et de mettre dans “l’inconfort” ne nous y trompons pas, le sujet traité n’étant pas du tout anodin ! Il y est question d’une dynamique de dénuement, de quête vers notre essentiel passant par un dépouillement de tout ce qui encombre la clarté de l’esprit, de son horizon et de sa perspective.

Le paragraphe « La relation au maître après sa mort » m’a particulièrement touché. Le développement qui suit, l’analyse de l’emprise dissimulée d’un fort besoin de reconnaissance, voire refoulé, masquant une pseudo équanimité est bien cernée, c’est la “peinture piège” imageant nombre de ces milieux de business spirituels.

Le chapitre consacré aux processus de crispations du mental liés à notre construction de “personnalité” précise bien qu’il s’agit ici d’éroder, d’user, laminer cette tendance, cette habitude erronée, et ce avec toute la sollicitude que cela requiert, faute de quoi il n’est plus question de “travail” mais de “boucherie psychologique” (p. 192/93)

Tout ceci n’est donc pas sans risque, il importe donc, et G. Farcet insiste tout au long de ce livre, sur l’indispensable sens des responsabilités, et la maturité compassionnelle qui doivent impérativement être présents tout au long du chemin.

Et ceci conduit à un développement très clair dans le chapitre suivant consacré à la nature du sangha très bien explicitée dans son articulation autour de cette empoignade.

Possible épilogue ; « Si vous cherchez l’éveil, allez voir ailleurs ; et au fait, grandissez un peu »…

La “réalisation” ou “libération” au sens traditionnel du terme est sans doute la plus haute possibilité de l’être humain ; mais c’est tout autre chose que “l’éveil” dont il est tant question. L’éveil est un non-événement qui n’advient à personne et nulle part.

(p. 245)

Amusé, j’ai pu constater que Gilles Farcet est lui aussi un utilisateur intense des guillemets dans l’écrit, ce qui me conforte dans cette forme de style !

* https://www.babelio.com/livres/Desjardins-La-Voie-et-ses-pieges/128135/critiques/743493

** https://www.babelio.com/livres/Cyrulnik-Psychotherapie-de-Dieu/982135/critiques/1494008

Si je devais m’en tenir à une phrase et une seule, je dirais ceci : La voie a pour objet de faire émerger un sujet responsable et aimant capable de participer selon sa vocation propre à la guérison plutôt qu’à la maladie du monde.

J’ajouterais qu’il existe des degrés de maturation intérieure : depuis l’émergence d’un sujet digne de ce nom jusqu’à ce que diverses traditions considèrent comme l’ultime libération. On notera que je définis l’objet de la voie du point de vue de la relation et non d’un état de conscience particulier. La qualité de relation procède en effet du degré de conscience, et le plus sublime des états de conscience est vain s’il ne se traduit pas en qualité de relation. Cela dit, un ermite — vocation exceptionnelle — peut, de par sa qualité de communion silencieuse, être davantage en relation qu’un attaché de presse…

p. 17

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La voie et les voies

La voie n’est pas une religion, en cela qu’elle transcende les religions et traditions spirituelles. Elle est présente à l’origine de toute religion ou tradition spirituelle dont elle est le cœur caché et, avec le temps, oublié, mais aucune religion ou tradition n’en détient le monopole. Elle s’y manifeste sous différentes formes.

Je parle ici de “la voie”, on pourrait bien entendu parler aussi “des voies”. Chaque voie spécifique est une déclinaison, une manifestation de “la voie”, un possible chemin vers un but qui transcende toutes les voies.

[…]

De même que toute forme de musique participe de la musique, toute voie spécifique participe de “La voie ”, de l’immémoriale aspiration de l’être humain à se relier, à se connaître lui-même en tant que partie du Tout.

p. 18

citations

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RECHERCHE DU SENS DE SA VIE

« En nous, grâce à une activité inséparable de nous, mais qui n’est pas que de nous comme les actions qui sont à notre disposition, émerge du Monde de la matière et de la vie, un réel qui n’est pas totalement assujetti aux lois que les sciences peuvent préciser. Ce réel est propre à chacun, et en tous il s’efforce de naître et de grandir.

Par sa nature il relève de “l’universel”, qui est d’un ordre radicalement autre que le “général” atteint par les sciences.

L’approche du sens de sa vie permet d’accéder à une communion réelle avec autrui.

Ce réel, au plus secret de ce qu’on a vécu, au plus intime de ce qu’on est, dont le pressentiment rend présent à soi, est le lieu où peut s’exercer la communion avec autrui : nous nous y retrouvons tous en dépit de nos différences, et même de nos oppositions, si chacun sait s’atteindre en soi et s’y maintenir avec quelque stabilité. »

p. 24/25 « Devenir Soi » “… et rechercher le sens de sa propre Vie”

Marcel Légaut – Éditions du CERF © 2001 (édition originale – 1980 Aubier)

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« Le Gardeur de Troupeaux »*

 



Gueules de loups/mufliers sauvages

(Vers le Pas de l’Escalette, flanc sud du Causse du Larzac)

Lorsque viendra le printemps, si je suis déjà mort, les fleurs fleuriront de la même manière et les arbres ne seront pas moins verts qu’au printemps passé. La réalité n’a pas besoin de moi.

Jonquilles aux sources de la Dourbie (Mt Aïgoual en Cévennes)



J’éprouve une joie énorme à la pensée que ma mort n’a aucune importance.

Si je savais que demain je dois mourir et que le printemps est pour après-demain, je serais content de ce qu’il soit pour après-demain. Si c’est là son temps, quand viendrait-il sinon en son temps ?

Cascades de l’Hérault (Mt Aïgoual)



J’aime que tout soit réel et que tout soit précis ; et je l’aime parce qu’il en serait ainsi, même si je ne l’aimais pas. C’est pourquoi, si je meurs sur-le-champ, je meurs content, parce que tout est réel et que tout est précis.

Soucis d’eau (« Mère l’Aïgue » Mt Lozère)

On peut, si l’on veut, prier en latin sur mon cercueil. On peut, si l’on veut, danser et chanter tout autour. Je n’ai pas de préférences pour un temps où je ne pourrai plus avoir de préférences. Ce qui sera, quand cela sera, c’est cela qui sera ce qui est.

iris autochtones, Causse du Larzac vers le Roc du Mérigou



Fernando Pessoa

(extrait, Gallimard)

mains au « Roc du Mérigou » – Causse du Larzac

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* Le gardeur de troupeaux est l’œuvre majeure d’Alberto Caeiro, le maître naturaliste des hétéronymes inventés par Fernando Pessoa. Berger imaginaire qui mène le troupeau de ses idées, homme sans grande éducation, ce n’est pas un intellectuel raffiné. Sa poésie est simple et directe, il est le poète des sens, du monde et de la nature, pas de la pensée.

Merci à Sandrine Grillet pour ses relectures attentives et inspirées !

 

 

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Le cheminement vers une toute autre chose en nous-même

Vautour fauve

Vautour fauve dans les Gorges du Trèvezel, Massif de l’Aigoual – printemps 2014

Le cheminement vers une toute autre chose en nous-même

Il importe, avant d’aller plus profondément dans cette aventure intérieure*, de clarifier, s’il se peut, quelques aspects à bien garder à l’esprit, sous peine de se fourvoyer plus ou moins dangereusement selon notre degré d’investissement, dans des impasses douloureuses, voire fatales !

Il n’est donc pas superflu de revenir sur des sujets déjà abordés dans les articles précédents.

— Bien définir, d’une part ce qui pose problème dans le comportement humain dont le siège principal est le mental, sa saisie gravitationnelle, et d’autre part l’ampleur de la tâche et ce que nous nous proposons d’y investir en énergie, en disponibilité, afin de réduire, voire d’expurger cette nuisance qui nous imprègne au quotidien.

— Dans cette perspective, et pour s’en donner les moyens, bien définir la stratégie que nous envisageons pour entreprendre cette dissolution de scories inopportunes qui encombrent le mental. Car cela ne s’improvise pas !

— « Lorsque nous envisageons de nous joindre à une communauté, en évaluant ce que nous pouvons donner et la manière dont la communauté s’attache à éveiller ses membres, nous devrions considérer aussi les anciens. Comment les disciples acquièrent-ils de la maturité dans cette communauté ? Sont-ils respectés, leur donne-t-on des pratiques plus avancées, des opportunités de servir ou d’enseigner ? Y a-t-il une possibilité d’atteindre à la plénitude de l’enseignement comme l’a fait le maître ? Les élèves les plus anciens sont-ils heureux, font-ils preuve de sagesse ? » nous dit Jack Kornfield.

Il nous faut aussi considérer et nous assurer que nous ne nous retrouvons pas dans un climat de « mise à mort » de notre personne. Tout, bien évidemment, ne va pas être éliminé ! Il ne s’agit aucunement de la destruction de notre personnalité originale ! Nous devons veiller à ce qu’il ne s’agisse nullement de dépersonnalisation sous prétexte d’une soi-disante « obéissance » ou sous couvert du bon esprit de « règles et de disciplines » organisationnelles tout en extérieur !

Il est impératif de s’assurer que dans l’inévitable « empoignade » qui va s’engager, tout ne va pas être éradiqué, ce qui est authentique en nous n’a aucune vocation à disparaître, bien au contraire ! Ce sont les processus d’interprétations déformés qui auront vocations à être « redressés ». Et dans cette lutte au jour le jour, nous devons avoir constamment présent à l’esprit que quelque part nous sommes notre « meilleur ami ». En ce sens, si il y a « maître(s) », ou « aîné(e-s) », compagnonnage, il est impératif d’observer si ce corps-à-corps n’est pas mené contre nous, mais plutôt mené ensemble contre cet encodage du mental, qui pose problème. Donc s’assurer de la compétence et de la disponibilité sans faille du compagnon dans cette relation.

— Ainsi, il est donc de la plus haute importance de s’assurer de la réalité vécue à ce niveau, par la ou les personnes avec qui vous envisagez, au moins pour une période, de faire un brin de chemin (sadhana en sanskrit). Que le « protocole » soit bien clair et établi dans la relation. Cette amitié, ce respect, la disponibilité et le dévouement, cette estime réciproque, ne peuvent souffrir le manque de confiance. C’est comme avec un médecin, il y a une compétence, reste à l’expérience du vécu d’en apporter la confirmation, et d’amener l’établissement d’une relation saine vers l’objectif, ici la bonne santé physique ; pour notre sujet spirituel, la bonne santé liée à la plénitude mentale !

Il faudra également déceler si l’objectif avancé du protocole est bien la priorité des priorités ! Qu’il ne recèle pas d’autres ambitions détournées vers le mondain, par exemple, ne dissimule pas tout autre chose de perverti comme le fondamentalisme .., n’utilise pas pour d’autres objectifs, d’autres fins, les techniques mises en place. Si nous faisons l’impasse sur ces prérogatives, nous prenons le risque d’être impliqué dans un processus qui s’oppose gravement au développement de la vie spirituelle. Cela doit donner à réfléchir … il ne s’agit aucunement d’une « promenade de santé », d’agréments du style « new-age » ou d’une méditation de yoga de relaxation ! D’un bien être à bon marché, vendu en kit-emballage dans un « club » plus ou moins friqué ! … Non, il s’agit de révolutionner notre approche de la Vie ! Rien à voir donc avec des rêveries fantasmagoriques ou des « paradis » en promesse, qui peuvent finir dans l’infernal …

Et il reste toujours la possibilité de faire de sa vie quelque chose qui nous motive, dans le respect « du vivant », et d’être au mieux dans cet horizon, sans avoir nécessairement d’autre motivation que cela. C’est respectable en soi.

Dans « Dernier Journal » © 1987 (ici les éditions du Seuil 1993), Jiddu Krishnamurti, dans ses dernières années, nous livre ses ultimes confidences … :

 

« On se demande si l’être humain vivra jamais en paix sur cette terre. Sa vie a été un conflit tant dans son for intérieur, le domaine psychique, qu’à l’extérieur, dans la société créée par la psyché.

L’amour a probablement totalement disparu de ce monde. L’amour implique la générosité, la sollicitude, ne pas faire de mal à autrui, ne pas le faire se sentir coupable, être généreux, courtois, se comporter de telle sorte que la compassion inspire nos paroles et nos actes. Il est bien sûr impossible d’avoir de la compassion quand on appartient aux institutions religieuses organisées. Celles-ci sont étendues, puissantes, traditionnelles et dogmatiques, elles insistent sur la foi**. Pour aimer, il faut être libre. Cet amour n’est pas le plaisir, le désir, le souvenir des choses passées. L’amour n’est pas l’opposé de la jalousie, de la haine et de la colère.

Tout cela peut paraître utopique, idéaliste, un état auquel l’homme ne peut qu’aspirer. Mais si vous croyez cela, vous continuerez à tuer. L’amour est aussi vrai, aussi fort que la mort. Il n’a rien en commun avec l’imagination, le sentiment ou le romantisme ; pas plus, naturellement, qu’avec le pouvoir, la situation, ou le prestige. Il est aussi puissant que la mer, aussi immobile que ses eaux. Il est aussi abondant et fort que le courant d’un fleuve qui se déverse a l’infini et coule sans fin, sans commencement.

p. 112

C’est peut-être là une des raisons pour laquelle la vie de l’homme est fragmentée ; il ne semble jamais aimer ce qu’il fait — sauf certains, peut-être. Si l’on vivait d’un travail que l’on aime, ce serait très différent, on comprendrait la vie dans sa plénitude. Nous avons séparé la vie en fragments : le monde des affaires, celui des arts, celui des sciences, le monde politique et le monde religieux. Nous semblons considérer qu’ils sont distincts et doivent le rester. C’est ainsi que nous devenons hypocrites, que nous faisons des choses laides, nous livrant à la corruption dans le monde des affaires puis rentrons dans notre foyer pour vivre paisiblement notre vie de famille ; cela engendre l’hypocrisie, une vie à deux mesures.

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Rouge gorge et hirondelle (Marie-Thérèse Saint-Aubin), à la Dourbie, Aigoual – broderie au point de croix (13cm x 13), de Sandrine Grillet – © 2011

Cette terre est vraiment merveilleuse. Cet oiseau, perché sur l’arbre le plus haut, y revient chaque matin. Il domine le monde, mais reste en alerte, car un oiseau plus grand pourrait le tuer ; il regarde les nuages, l’ombre qui passe et l’étendue immense de cette riche terre, ses rivières et ses forêts, avec tous ces hommes qui travaillent du matin au soir. Dans le monde psychologique, toute pensée provoque fatalement la tristesse. On se demande si l’homme changera jamais, sinon quelques êtres très, très rares. Ces êtres exceptionnels connaissent la relation (1). Quelle est alors la relation du plus grand nombre avec ces quelques- uns ? La plupart des hommes n’ont pas de relation avec ceux-ci. Mais ces derniers se sentent reliés à l’ensemble de l’humanité.

 

(1.) Eux seuls sont conscients d’appartenir à un tout et n’ont pas l’illusion d’être des entités séparées. À ce niveau, la relation prend une signification universelle.

p. 113

______________________________

* Nous reprendrons éventuellement nos articles avec plus ou moins de régularité probablement vers la fin de l’été ou plus certainement à l’automne de cette année …

** Ici le terme doit être entendu par Krishnamurti comme l’équivalent de « croyance » ; A. Desjardins et V. Loiseleur dans « En relisant les évangiles » (Éd. La Table Ronde © 1990) donnent pages 139 à 142 avec les termes grecs « pistis » (foi, confiance) et « pisteuein » (persuader, convaincre) une toute autre envergure à la réelle définition, complètement galvaudée aujourd’hui, de ce que recouvre la profondeur de ce terme.

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Wendigos des peuples Algonquiens du Canada

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Broderie au point de croix (10cm x 10) – Sandrine Grillet – © 2011

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« Spiritualité, traditions religieuses … »

« Spiritualité, traditions religieuses … »

Ayant « brossé » l’ensemble de ce que nous nous proposions d’investiguer, et ayant également cerné au plus près ce dont il s’agissait à nos yeux en nous appuyant sur les travaux et disciplines de personnes à la notoriété reconnue par leurs confrères en leur époque, nous allons maintenant envisager un aspect délicat, « qui fâche » … mais que de notre point de vue, il est nécessaire d’aborder avant d’aller vers les cheminements plus spécifiques d’une (ou de voies) spirituelle(s).

Les traditions, le monde clérical religieux, et … le spirituel.

Commençons par lire Jack Kornfield :

— « Toute cosmologie peut être employée de façon saine ou perverse et malsaine. »

(p. 228 « Bouddha mode d’emploi » “Le cœur sage ”, ed. Belfond © 2011)

… « Le monde spirituel peut malheureusement devenir aussi réducteur et borné que le reste de notre culture ; il apparaît que pratiquement toutes les communautés religieuses ou spirituelles ont plus ou moins consciemment leurs mode de pensées et de comportements spécifiques.

(et citant E.E. Cummings)

“ N’être personne d’autre que nous-même, dans un monde qui fait tout pour que nous soyons quelqu’un d’autre, implique le combat humain le plus sur-humain et le plus dur qui soit et le fait que nous cesserons jamais de lutter pour cela.” »…

(p. 317, « Après l’extase, la lessive. » Jack Kornfield, © 2010)

« A toutes les époques, les grandes traditions spirituelles ont proposé divers véhicules pour atteindre l’éveil. Parmi ceux-ci, on trouve les disciplines corporelles, la prière, la méditation, le service désintéressé, les pratiques rituelles et « dévotionnelles », voire certaines formes modernes de psychothérapie. Tous visent à nous faire mûrir, à nous faire assumer la responsabilité de notre vie, et à nous aider à porter un regard neuf sur les choses en développant le calme mental et la force du cœur. Pour entreprendre l’une ou l’autre de ces pratiques, il faut s’engager sincèrement à mettre fin au conflit, à cesser de fuir la vie. Chacune d’elles nous ramène au présent dans un état de conscience plus clair, plus réceptif, plus honnête — , mais il nous faut choisir.

En choisissant parmi les différentes pratiques qui nous sont proposées, nous sommes souvent amenés à rencontrer des personnes qui essaient de nous convertir à leur voie. Chez les bouddhistes comme chez les chrétiens ou les soufis, on trouve des gens qui se disent régénérés par leur foi. Chaque religion a ses missionnaires qui maintiennent que la voie qu’ils ont découverte est la seule qui mène à Dieu, à l’éveil, à l’amour. Cependant, il est extrêmement important de comprendre qu’il existe de nombreuses façons de gravir la montagne – il n’y a pas et il n’y aura jamais une seule et unique voie juste. »

« Périls et promesses de la vie spirituelle », p. 66/67, Jack Kornfield, © édition Pocket oct. 2003

— En outre, tout massif montagneux, aussi différent qu’il puisse être d’un autre, aura toujours la même structure de captation des « eaux célestes », sourcera toujours ces eaux du ciel sur ses flancs, d’une manière ou d’une autre, et apportera l’étanchement de toute soif au vivant !

Randjung Kunkhyab, yogi tibétain de renom (1er Khyabjè Kalu), est plus précis et sans équivoque :

« J’ai fait plusieurs fois le tour du monde et j’ai donné refuge à des milliers de personnes. J’ai chaque fois expliqué aux personnes qui prenaient refuge, que cela signifiait exprimer sa confiance en les « Trois Joyaux »*. Cela ne signifie pas renoncer à une autre tradition. Elles gardent non seulement le droit de conserver leur foi en d’autres traditions, mais aussi celui de pratiquer une autre tradition quelle qu’elle soit, Bouddhisme ou autre religion : c’est le même chemin qui est enseigné. On peut prendre une tasse de thé d’un côté, une tasse de lait d’un autre côté, on peut mélanger les deux, de toute façon, cela étanche la soif, le résultat est identique. De la même manière, il existe différentes traditions, on peut en pratiquer plusieurs, on peut en pratiquer une. Le but est le même, c’est de venir en aide aux êtres, maintenant, en cette vie, et après cette vie.

On me pose cette question : « Mais si toutes les religions ont un même but, si toutes fondamentalement se valent, pourquoi y-en-a-t-il plusieurs, à quoi bon cette multiplicité ?

Je réponds toujours que la pluralité des traditions spirituelles est nécessaire. Pourquoi ? Supposons que vous alliez dans un restaurant : on ne vous propose pas qu’un seul plat, mais la carte qui vous offre un plus grand choix de mets. Tous les plats auront le même but, c’est-à-dire vous nourrir, mais certains préfèrent se nourrir avec tel aliment, d’autres avec tel autre aliment. De même, dans le domaine spirituel, certains préfèrent telle ou telle approche. Toutes les traditions sont nécessaires, que ce soit dans un lieu comme celui-ci ou un autre.

Les difficultés ou les facilités que rencontrent les centres spirituels viennent principalement des personnes qui dirigent l’administration du lieu. »

(« Foi et AmourRencontre Chrétien-Bouddhiste », p. 8 et 9, © 1986, éd. Kagyu Yiga Tcheu Dzin)

Thich Nhat Hanh, quant à lui, précise encore un peu plus la perception juste de ce qu’il en est à ce sujet :

« Nous ne cherchons pas à dire que le bouddhisme est une forme de christianisme ou le christianisme une forme de bouddhisme. Une mangue n’est pas une orange. Je ne peux pas dire qu’une mangue est une orange. Il y a des différences. Il faut préserver les différences. C’est bien d’avoir des différences. Vive la différence ! Mais quand vous observez profondément la mangue et l’orange, vous voyez que bien que différentes, elles sont toutes deux des fruits. Si vous analysez encore plus profondément la mangue et l’orange, vous verrez qu’elles contiennent les mêmes éléments, comme le soleil, les nuages, du sucre et de l’acidité. Si vous passez encore plus de temps à les regarder profondément, vous découvrirez que la seule différence entre elles tient au degré, à l’accentuation. A première vue, vous voyez les différences entre l’orange et la mangue ; mais un examen approfondi vous révèle tout ce qu’elles ont en commun. Dans l’orange vous trouvez de l’acidité et du sucre, qui sont aussi présents dans la mangue. Même deux oranges ont un goût différent, l’une étant plus acide ou plus sucrée que l’autre.

(« BOUDDHA et JÉSUS sont des frères », p. 17 et 18, Éditions Le Relié © mai 2001)

— Ainsi, bien que nous agréions largement, mais seulement jusqu’à un certain point, la prudence tout à fait recevable et légitime de J. Kornfield dans « Périls et promesses de la vie spirituelle » (p. 69), ou celle de A. Desjardins et V. Loiseleur dans « En relisant les Évangiles » (p. 64), par rapport aux risques potentiels d’un « papillonnage » spirituel pouvant receler des attitudes perverties, il n’en demeure pas moins que notre époque plus que toute autre (note-2) est aussi amenée à receler des êtres matures d’envergures capables d’esprit de synthèse. Hélas, ces trois dernières décennies, nous n’avons pu que douloureusement constater que quand bien même de tels êtres avaient reçu l’aval de maîtres prestigieux dans leur lignée traditionnelle et/ou même évêque, ils ont eu affaire à des attitudes particulièrement destructrices de la part de la hiérarchie ecclésiale en place, plus ou moins incompétente dans l’évaluation, crispée, et dans « l’insupportation » la plus totale qu’il puisse exister de telles consciences humaines, et ce jusqu’à trahir leur propre maître par leur incapacité avérée à entrevoir la chose possible, ou parce-que celle-ci « leur faisait de l’ombre » quant à leur statut de cacique « cadre héritier » supposé. Cette attitude de mise à l’index, tantôt sournoise, parfois plus violemment affirmée, aura eu comme conséquences graves l’enferment de communautés dans des « getthos » à tendances fondamentalistes, et leur prospérité en nos pays d’occident de la « vielle Europe ». Les dégâts sont sans doute considérables, inimaginables et probablement irréversibles et ce pour une période indéterminée … !

De leur côté D. J. Bohm et J. Krishnamurti ont dans leurs dialogues un regard perplexe et assez sévère sur le « monde sacerdotal religieux » en tant qu’institution ecclésiale :

« K. : Non, ce n’est pas cela. Les religions y sont peut-être pour quelque chose, elles qui toutes incitent à devenir, à atteindre un certain but.

D.B. : Mais dans ce cas, qu’est-ce qui a poussé les gens dans cette voie ? Pourquoi n’ont-ils pas pu se contenter d’être ce qu’ils étaient ? A mon avis, voyez-vous, la religion n’aurait pas eu de prise sur eux s’ils n’étaient pas tellement séduits par l’idée de se dépasser.

K. : Alors, il s’agirait d’une fuite, d’une incapacité à affronter la réalité ? Et donc, on se tourne vers autre chose, quelque chose de plus, toujours plus ?

KRISHNAMURTI : Nous disions que le temps psychologique est conflit, que le temps est l’ennemi de l’homme, et que cet ennemi existe depuis l’aube de l’humanité. Nous avons alors cherché à savoir pourquoi, dès l’origine, l’homme avait « fait fausse route », s’était « fourvoyé ». Et s’il était possible, dans ce cas, d’ouvrir à l’homme une voie où il puisse vivre sans conflit. Car, ainsi que nous le faisions remarquer hier, le mouvement extérieur est identique au mouvement intérieur. Il n’y a pas de clivage entre l’intérieur et l’extérieur. C’est le même mouvement. Et la question était de savoir si nous étions profondément, passionnément attachés à orienter l’homme vers une voie différente, afin qu’il ne vive plus dans le réseau du temps, à la seule lumière de la connaissance des réalités extérieures. Les religions, les hommes politiques, les éducateurs ont échoué, faute de s’y être jamais vraiment impliqués. Partagez-vous ce point de vue ?

DAVID BOHM : Oui. Je crois que les religions ont entrepris une amorce de débat sur les valeurs éternelles qui transcendent le temps, mais apparemment sans succès.

K. : Les hommes utilisent les merveilles de leur technologie pour s’entre-tuer. Mais nous parlons des problèmes relationnels, des problèmes d’absence de liberté, de ce sentiment perpétuel d’incertitude et de peur, de la lutte pour le travail et la subsistance tout au long de notre existence. Tout cela semble un extraordinaire non-sens.

D.B. : A mon avis, les gens ne sont plus assez lucides pour le voir. Dans la majorité des cas, ils acceptent la situation dans laquelle ils se trouvent, et s’efforcent de s’en accommoder, de résoudre quelques petits problèmes pour rendre leur sort plus tolérable. Mais jamais ils n’iront jusqu’à reconsidérer sérieusement la situation d’ensemble.

K. : Les hommes de religion ont légué à l’humanité un problème considérable.

D.B. : Oui. Eux aussi essaient de résoudre des problèmes. On dirait que tout le monde est aux prises avec son petit fragment personnel, occupé à résoudre ce qu’il croit soluble, mais cela ne fait qu’aggraver le chaos.

K. : Le chaos et les guerres ! …

(« Le Temps Aboli », Dialogues, pages 8, 39 et 387, David Joseph Bohm et Jiddu Krishnamurti, ed. Du Rocher © 1987)

D. B. : Toute tradition, bonne ou mauvaise, nous incite à accepter un certain type d’organisation du réel, et ce, de manière très subtile, sans même qu’on s’en aperçoive : cela passe par l’imitation ou par l’exemple, ou par les mots, par de simples déclarations. C’est ainsi que l’enfant se forge très progressivement un type d’approche qui fait que le cerveau rend responsable la réalité — indépendante de la tradition — de choses qui sont en fait imputables aux traditions. Et cela en renforce énormément l’impact. Je crois que ce phénomène est commun à toutes les cultures. La tradition a toutes sortes d’effets tangibles, dont certains, en un sens, sont peut-être même valables. Mais en même temps elle conditionne l’esprit, lui inculquant une certaine vision, rigide et figée, de la réalité.

Dans notre culture, on nous inculque la notion de ce qui doit être considéré comme authentique et nécessaire, la notion de ce qu’il faut faire de sa vie du genre de personne qu’il faut être, de nos obligations, et ainsi de suite. Tout cela s’imprime en nous grâce à d’imperceptibles signes qui n’ont pas l’air de faire partie de la pensée mais semblent correspondre au contraire a une vraie perception du réel. Le cerveau traite la pensée comme s’il s’agissait d’une réalité distincte d’elle-même, et c’est ainsi que la pensée se fragmente. On a beau regarder la réalité et dire : « C’est la réalité. Je dois garder les pieds sur terre, m’appuyer sur des bases solides », ces bases sont nées de la tradition, de la pensée : ce ne sont que des bases creuses, sans fondement réel, nourries et soutenues par ce cerveau infime, incapable d’échapper à ce cercle vicieux.

La culture a pourtant à son actif certaines valeurs qui méritent d’être préservées, …

« Les Limites de la pensée » p. 169/170, David J. Bohm et Jiddu Krishnamurti ed. Stock © 1999 (préface D. Bohm © 1982)

— Revenant vers les propos de Jack Kornfield, poursuivons :

Isolement et reniement.

« Lorsqu’une communauté s’établit à l’écart du monde ou a tendance à s’enfermer dans un semblant de culte il n’y a plus de possibilités réelles pour un regard critique. De la même manière, quand des enseignants sont portés et considéré comme des êtres parfaits, ils peuvent devenir isolé et coupés de leur semblables intègres, de leurs partenaires et de leurs amis spirituels. Les membres de la communauté peuvent dans cette situation perdre de vue ce qui se passe réellement. Les enseignants entourés d’étudiants qui les idolâtrent plus que des pairs peuvent être en proie à la solitude et au manque de reconnaissance de leur besoin de véritable intimité ; pire encore, ils risquent de tomber sous l’emprise d’une confiance aveugle en eux-même ou de l’arrogance et de l’intolérance. L’isolement doublé d’inflation devient le terreau fertile de l’illusion trompeuse, de la manipulation mentale et de la transformation d’une pratique communautaire en secte.

Souvent des tendances culturelles contribuent aussi à ces problèmes. Nos cultures patriarcales nous ont conditionnés à considérer les autorités comme étant supérieures, à ne faire confiance ni à nos corps ni à nos sensations et à suivre ceux qui “savent mieux”. Nous n’avons pas été encouragés ou initiés à penser par nous-même. Le désir d’être secourus, de trouver quelqu’un qui connaît la vérité au milieu de ce monde de confusion, et est à la base de nombreuses communauté de disciples aveugles.

L’idéalisation et l’isolement mènent à une culture de reniement partagés. En idéalisant, nous devenons aveugle face à l’évidence qui est sous nos yeux, tandis que l’isolement interdit à toute personne de mettre en évidence les faits. A un certain stade, le degré de reniement dans certaines communautés spirituelles est choquant, en particulier pour celui qui regarde cela de l’extérieur, les yeux ouverts. On est aveugle à propos du leader, aveugle devant les tendances sectaires des enseignements, aveugle face au nombre de membres de la communauté qui se sont perdu dans ce système spirituel et ont oublié leur propre sagesse naturelle.

« Notre capacité humaine à nous tromper nous-même est pratiquement aussi vaste que notre capacité à nous éveiller. Comme la remise en question des enseignants nous met en contact avec notre propre obscurité et nos douleurs, les étudiants refusent d’admettre que les abus existent et ils continuent comme avant, en dépit de la vérité douloureuse évidente. Même lorsque l’on parle clairement aux étudiants de problèmes avec leurs enseignants ou qu’il y a des campagnes nationales sur le contrôle des sectes ou les abus de pouvoir dans un mouvement spirituel, financiers, sexuels, les étudiants ne peuvent y croire. »…

Les tentations du pouvoir mondain

« Des croisades aux djihads, des saints hommes corrompus et évêques tyranniques à la vente d’indulgences — l’histoire des abus de pouvoir de nos religions occidentales institutionnalisées est bien connue. Nous avons, d’une certaine manière, imaginé que les religions orientales et les traditions méditatives étaient exemptes de cette forme de corruption. Mais la Corée, le Japon, le Sri Lanka, la Chine, le Tibet et la Birmanie ont tous une histoire religieuse qui comporte de graves périodes d’abus de pouvoir. Dans The Zen of War (1), Brian Victoria décrit avec de douloureux détails comment de nombreux maîtres zen japonais d’un grand charisme, comme Sawaki Kodo Roshi et Harada Daiun Roshi, violèrent et dénaturèrent les enseignements zen pendant la Seconde Guerre mondiale à seule fin d’encourager cette guerre et ses tueries. Pendant de nombreux siècles, des maîtres zen, parlant « d’une bénéfique guerre de compassion », incitèrent les pratiquants à se joindre, au nom du bouddhisme, aux massacres de l’armée perpétrés à l’encontre de ceux qui n’étaient pas japonais. Le fait de tuer fut décrit comme une expression de l’illumination et les plus grands temples fournirent des soldats et de l’argent pour les armes ; ils bénirent les canons et les campagnes militaires. Il y eut même des cas de monastères en guerre les uns contre les autres, luttant pour accroître leurs pouvoirs.

De même, les guerres entre sectes, moines ou monastères font partie de l’histoire du Tibet. Tsipon Shuguba, …

(1. Le Zen de la guerre.)

… ancien ministre tibétain des Finances et auteur du livre « In the Presence of my Enemies »(1), parle des conflits de pouvoir et des combats qui eurent lieu pendant les décennies qui précédèrent la mainmise du communisme chinois sur le Tibet. De grands monastères comme Séra, de grands lamas comme Reting Rinpoché (le régent du Dalai-Lama) et des centaines de moines furent impliqués dans des batailles avec chevaux, fusils et canons. Durant ces combats, de nombreux moines-soldats moururent. Le sectarisme et les luttes de pouvoir continuent d’exister dans la communauté tibétaine en exil, tout ceci au nom d’une pratique religieuse « correcte »

Bon nombre de hiérarchies religieuses établies en sont arrivées à posséder de grandes propriétés, des trésors artistiques, une reconnaissance internationale et une influence morale. Il s’agit maintenant de trouver le moyen de détenir tout cela sans se laisser emporter par ses scintillants attraits. Un chef spirituel sage aura un esprit simple et un cœur libre, qu’il porte des brocards et traite avec les rois ou des guenilles et vive dans la solitude du désert. L’amour authentique pour tous les êtres considère le pouvoir politique comme une mesquinerie inutile, comparé à la richesse d’une vie au sein de la vérité.

Quand toute notre humanité n’est pas prise en compte

Renier les aspirations humaines ordinaires est une forme d’idéalisme tellement répandue dans les traditions …

(1. En présence de mes ennemis.)

… spirituelles à travers le monde que cela demande d’y regarder de plus près. Certaines traditions, tant orientales qu’occidentales, enseignent qu’i1 vaut mieux n’avoir aucun besoin ni désir personnels. Cet idéal de perfection d’un autre monde ne reconnaît aucune valeur aux relations et besoins ordinaires ; il dénie aux êtres spirituels toute possibilité d’être bénéfiques en ayant une vie sortant des étroites fonctions religieuses. Cet idéal attend des enseignants, des abbés et des maîtres qu’ils soient au-dessus du monde et demeurent dans une simplicité sainte et une pureté ascétique.

Le choix de la simplicité est d’une grande valeur certes, mais il faut faire la différence entre la pratique d’une vie ascétique et le reniement. En lui-même, l’ascétisme est 1e choix conscient d’un chemin de simplicité : simplicité de la nourriture, des vêtements et de l’action. Ce peut être une manière délibérée d’apprendre le renoncement intérieur et de se libérer des incitations externes du monde. Le célibat peut également être choisi en tant qu’expression de renoncement et de simplicité.

En se plaçant en dehors de la sphère des relations de couple et des relations sexuelles, la nonne, le prêtre ou le moine accède à un mode de vie qui peut être totalement consacré à la prière, au culte et à la communauté. Dans un tel contexte, le chemin librement choisi du célibat et de l’ascétisme peut être à la fois utile et précieux. Un signe de saine pureté sera de constater que la personne qui fait ce choix ne supprime pas simplement ses besoins et ne dénie pas non plus leur existence. La libido, les besoins intimes et toute la gamme d’émotions sont au contraire reconnus et inclus dans une vie spirituelle riche.

… « Le problème survient lorsque le reniement de notre humanité est érigé en valeur spirituelle. Pour des étudiants, cela signifie s’enfermer dans un monde puritain et craintif en se coupant de leur propre expérience. Et pour les enseignants également, les exigences prolongées de pureté non égotique, infaillible, peuvent se traduire par la répression ou l’ignorance de leurs propres ombres.

Les chefs spirituels enfermés dans une telle idéalisation dénué de fondement ne prennent pratiquement jamais en compte les besoins humains, la sexualité, le chagrin et la vulnérabilité. Leurs système spirituel idéaliste offrent donc peu d’instruction ou d’aide véritable quand à la manière de travailler sur ces réalités. Peu importe le niveau de pureté et d’exaltation, notre humanité ignorée va resurgir et tous nos besoins délaissés vont réapparaître.

Si les besoins du corps et de notre humanité ne sont pas reconnus, ils peuvent être transformés en démons et projetés sur les autres, alimentant la paranoïa, la chasse aux sorcières et l’inquisition. La communauté vivra dans la peur de nombreux aspects de la vie. »…

(p. 23 à 25, 227à 230 « Après l’extase, la lessive. » Jack Kornfield,© 2010)

— « En arrivant au monastère de la forêt, j’étais un jeune homme à l’esprit scientifique qui tait assez dubitatif à propos de la réincarnation. Ajahn Chah rit et me dit de ne pas m’inquiéter, que je pourrais trouver la liberté sans “croire aux vies successives”.

Le Bouddha Gautama montrait que vivre avec sagesse ne dépend pas de la croyance en une vie après la mort**.

… Si la croyance en la “réincarnation/transmigration” (d’une structure de conscience) peut apporter dans la vie un sens de l’ordre et une compréhension, on peut aussi en faire mauvais usage. A certaines époques, la “réincarnation/transmigration” a été utilisée pour blâmer les victimes de la souffrance ou pour justifier une complaisance à l’égard de l’injustice. Toute cosmologie peut être employée de façon saine ou perverse et malsaine. En Occident nos cosmologies religieuses des “paradis” et des “enfers” et nos cosmologies mécanistes scientifiques*** ont servi des causes aussi bien bénéfique que destructrices. »

(p. 227 et 228 « Bouddha mode d’emploi » “Le cœur sage ”, ed. Belfond © 2011)

Stephen Batchelor pages 159, 161 et 162 dans « Le bouddhisme libéré des croyances  », (© 2004 éditions Bayard), apporte un éclairage assez universel sur ce qui l’en est de la situation :

« Alors qu’elles trouvent leur origine dans des actes de l’imagination, les orthodoxies cherchent paradoxalement à contrôler l’imagination pour maintenir leur autorité. L’authenticité de la compréhension d’une personne est mesurée d’après sa conformité aux dogmes de l’école. Si de tels contrôles peuvent constituer un garde-fou nécessaire face au charlatanisme et à l’aveuglement individuel, ils peuvent aussi être utilisés pour étouffer des tentatives authentiques d’innovation créatrice qui pourraient menacer le statu-quo. L’imagination est « anarchique » et potentiellement subversive. Plus une institution religieuse est hiérarchique et autoritaire, plus elle exigera que les créations de l’imagination se conforment à ses doctrines et à ses normes esthétiques.

Cependant, en étouffant l’imagination, la vie même de la pratique du dharma est coupée à sa source. Si les orthodoxies religieuses peuvent survivre et même prospérer pendant des siècles, elles finiront par se fossiliser. Quand le monde change autour d’elles, elles n’auront pas la force imaginative de répondre avec créativité aux défis de la nouvelle situation.

Quand le bouddhisme rencontre le monde contemporain, il fait face à une situation où la créativité et l’imagination sont essentielles à la liberté individuelle et sociale. Si les traditions bouddhistes ont invariablement affirmé que la raison d’être d’une culture de l’éveil consistait à s’affranchir du désir et de l’angoisse, elles ont affirmé, avec bien moins de constance, la liberté de répondre avec créativité à l’angoisse du monde. À la fois de manière interne en devenant des orthodoxies religieuses et de manière externe en s’identifiant à des régimes autocratiques voire totalitaires, les traditions bouddhistes ont penché du côté d’un conservatisme politique. Ceci a contribué d’une part à entretenir une tendance au mysticisme, et d’autre part à reporter l’épanouissement personnel et social à une renaissance future dans un monde moins corrompu. »

Marcel Légaut n’est pas en reste dans sa vision, non seulement en ce concerne « son église », mais aussi dans ce qui touche à l’universel de traditions dites « orthodoxes ». Dans « Un homme de foi et son église » œuvre testamentaire, page 203, ( © 1988, ed. Desclée de Bouwer) il pose cette interrogation :

« Y a-t-il parmi les autorités de nos Églises beaucoup de spirituels ? Il semble qu’on soit fondé à en douter quand on voit leurs manières de juger et de décider, tout imprégnées de légalisme et de juridisme, sans charité attentive, sans aucun égard aux cas toujours particuliers qui chaque fois se présentent, dans les domaines de la vie profonde des fidèles en voie d’assumer leurs instincts fondamentaux et de les rendre proprement humains et spirituels ; voie difficile mais nécessaire, capitale entre toutes, où tant d’êtres achoppent… »

— Nous avons pu hautement apprécier sa perspective, dont nous retranscrivons ici quelques passages à notre humble avis des plus signifiants quant à notre propre réflexion.

« L’homme n’est-il pas religieux de façon structurale, comme par réaction instinctive, pour survivre et ne pas être écrasé sous le poids des conditions matérielles et psychiques où il se trouve, quand elles lui sont excessives ? Lui, l’être le plus précaire dès sa naissance, le plus improbable dans sa croissance. . .

Cependant, de nos jours, chez la plupart des hommes, du moins en Occident, cette religiosité est en voie …

p. 102

… de disparaître dans l’ordinaire de la vie, en raison du climat général de la société moderne. Elle reste d’ailleurs secrètement et puissamment tapie dans les profondeurs de tout être humain. Aussi ne manque-t-elle jamais de se manifester avec violence, et parfois sous les formes les plus extravagantes, aux heures où les êtres se sentent menacés dans leurs œuvres vives.

Les renchérissements et les outrances du moralisme, la culture de la culpabilité et ses raffinements ont énormément servi aux Églises pour développer dans leurs fidèles une affectivité qui tend chez de nombreux chrétiens à s’identifier avec la vie religieuse. Dans ce climat, la « mort à soi », dont on parle beaucoup dans l’ascétisme — ce travail important pour atteindre à la maîtrise de soi —, porte à la destruction de la personnalité plus qu’à une véritable intégrité de la personne.

C’est le drame qui est vécu trop souvent, sous le couvert du bon esprit et de la docilité, dans nombre de communautés religieuses. Elles dépersonnalisent leurs membres à force de les former. Rien n’est plus opposé au développement de la vie spirituelle que ce dressage, tant les efforts qu’il demande à celui qui s’y soumet, les satisfactions masochistes qu’il lui procure, les souffrances malsaines, ambiguës pour le moins, qu’il lui impose, se présentent à lui comme des manifestations de croissance, tandis que ce n’en sont que des succédanés pervers qui donnent le change. Trop souvent cela sert d’alibi pour qui se dérobe ainsi à des exigences autrement plus grandes, allant plus profond et plus loin dans le désert de la solitude fondamentale. En cet alibi se manifeste, sans dire son nom, l’aliénation religieuse au sens fort du terme. Celle-ci est d’autant plus néfaste qu’elle porte sur des êtres généreux, ayant des potentialités humaines relativement exceptionnelles qu’ils auraient pu mettre en œuvre si on les avait orientés convenablement et aidés à les exercer au lieu d’y faire obstacle, obnubilé par la peur qu’elles dévient. Fréquemment dans les communautés religieuses où la discipline …

p. 139

… monastique est une pratique absolutisée, cette aliénation sévit avec virulence. Quand ces communautés cherchent à réaliser leur unité dans l’uniformité, elles écrasent leurs membres, et particulièrement ceux de forte personnalité, à force de vouloir systématiquement les faire entrer dans le moule. Elles s’y emploient et y réussissent d’autant mieux que ceux-ci sont plus généreux, plus courageux et qu’ils poussent l’obéissance jusqu’au for intérieur.

A notre époque, vu la généralisation de l’instruction et la diffusion des connaissances comme cela ne fut jamais dans le passé, il est capital que les structures soient adaptées avec une grande plasticité à la diversité accrue jusqu’à l’extrême des hommes, à ce que chacun d’eux a besoin de recevoir pour mettre en œuvre toutes ses potentialités pour devenir lui-même mais aussi en retour pour aider les Églises à accomplir comme il convient leur mission. Nous en sommes loin.

Autrement, même si elles ne disparaissaient pas, comment ne deviendraient-elles pas des sectes fermées sur elles-mêmes, sans aucune ouverture sur le réel, véritables kystes dans une société qui alors, elle aussi, semblerait irrémédiablement condamnée à perdre davantage sens à mesure que croissant en science et en puissance elle prendrait mieux conscience du vide où elle s’écoule avant de s’écrouler ?

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Sans être totalement privés de résurgences spirituelles dignes des ferveurs qui se produisirent les tout premiers temps après la mort de Jésus, où n’étaient pas d’ailleurs absentes les ambiguïtés liées à la condition humaine, les vingt siècles qui nous précèdent ont été marqués continûment par des luttes doctrinales entre les Églises et par des affrontements qui les opposèrent les unes aux autres. Ces combats, où se déployaient les instincts de puissance et de domination, ont été souvent inspirés aussi par des préoccupations personnelles et des ambitions politiques. Ce fut, accompagnée de toutes les formes de la violence, une succession presque ininterrompue d’anathèmes et de schismes qui prirent de telles proportions que le christianisme comporte maintenant de multiples Églises qui se veulent étrangères les unes aux autres, de multiples confessions et sectes, de taille internationale souvent, et dont l’histoire s’étale parfois sur plusieurs siècles.

Tel est le tableau de fond de la situation où nous nous trouvons aujourd’hui et dont il est nécessaire de tenir compte afin de mesurer à leurs vraies dimensions les résistances que, dans leur ensemble les diverses Églises opposent actuellement aux changements qui pourtant leur sont nécessaires pour connaître un avenir fécond et n’être pas condamnées de façon inéluctable à la dérisoire récession des sociétés religieuses en voie de totale disparition.

Là où les préoccupations idéologiques, éthiques et théologiques, se font premières, les divisions et les oppositions naissent et se multiplient rapidement. Elles rendent impossible toute unité. Elles ont tendance à se prévaloir des institutions existantes pour s’affirmer et à les utiliser pour s’imposer. Celles-ci y trouvent une raison supplémentaire pour se justifier …

Le mot « œcuménisme » est très courant aujourd’hui sur les lèvres des chrétiens. Mais l’intérêt pour l’unité, que ce terme manifeste, traduit des sentiments de profondeur fort diverse. Il est en relation indirecte mais serrée avec la qualité de la vie spirituelle. Il la manifeste même avec plus de vérité que la pratique religieuse. C’est ainsi que les plus engagés des chrétiens dans la vie de croyant, ceux qui ont atteint le niveau de la foi et de la fidélité au-delà de la simple adhésion aux croyances et de la stricte obéissance aux lois, souffrent au fond d’eux-mêmes plus que tous les autres, relativement indifférents, des divisions qui opposent entre elles les Églises, et dont, depuis longtemps, celles-ci semblent avoir pris leur parti. Cette situation leur paraît d’autant plus contre nature qu’étant en contact fréquent avec des membres d’autres confessions, ils se sentent souvent plus proches de certains d’entre eux que de nombre de leurs coreligionnaires (1).

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… cette union que toutes les autorités ecclésiastiques disent désirer, mais qu’au vrai nulle d’entre elles ne croit tout à fait possible ! Que tout ce remue-ménage est de peu de poids à côté des inerties qui paralysent nos institutions bardées de « légitimité » et dont les responsabilités, réduites à la stricte observance des règles canoniques, ne sont pour elles que source d’atermoiements sans fin ! Toutefois cette mondanité cléricale et pieuse, où le vent souffle plus fort que l’esprit, n’aura qu’un temps, un temps certes trop long ! Toujours l’heure vient à sonner où, selon la loi de fer qui régit l’Univers et lui permet de subsister, tout ce qui n’a pas de finalité, et qui par suite s’enlise dans l’inutilité, disparaît dans la dérision de l’oubli. …

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Les êtres en recherche, qui, grâce à leur approfondissement, ne se contentent pas d’une vie au jour le …

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… jour, sont ainsi attirés par les pratiques souvent fort poussées que l’Orient préconise et qui visent à faire atteindre un état intérieur, riche de paix et de maîtrise, dont l’existence moderne rend difficile l’accès et dont sans cesse elle tend à distraire par la suractivité qu’elle impose. Heureusement, d’ordinaire, ils s’y efforcent « à l’occidentale » ! Ils ne cherchent pas à se protéger du réel, ni à s’en couper ; ils ne dénient pas au réel tout intérêt spirituel comme souvent, sur un fond de sagesse, les religions orientales peuvent y porter.

Cependant nos Églises, restées très inféodées à un intellectualisme que, pour leur compte, les sciences ont pourtant tendance de nos jours à nuancer, suspectent encore toute intériorité de subjectivité dérisoire, voire malsaine. Elles préfèrent ce qui est objectif, enseignable, imposable, cultuel et collectif jusqu’à s’y cantonner exclusivement. Aussi, ne donnant pas sa juste place à l’intériorité et à ses exigences propres, elles ne répondent pas aujourd’hui à l’attente des hommes qui vont chercher ailleurs ce dont ils ont besoin pour avoir une vie personnelle, libre de la liberté d’être soi, singulière dans sa vérité vécue, et capable de communion avec autrui au-delà de toute uniformité.

Au vrai, ce que ces croyants, détachés du dogmatisme occidental, demandent à l’Orient, ils le trouveraient chez eux, auprès des spirituels qui, à chaque génération, naissent et sont les témoins fidèles de l’essentiel dans une authentique intériorité. Il faut avouer cependant que ceux-ci sont peu nombreux et comptent rarement parmi les personnalités qui président aux destinées de nos Églises, les représentent publiquement et leur donnent un visage.

N’en doutons pas, pour découvrir dans l’Église ces ressources spirituelles qui puissent satisfaire les recherches d’intériorité, lesquelles semblent heureusement …

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… caractériser notre époque et qui permettent de vivre et non pas d’être seulement vécu, il faut atteindre le cœur de l’Église en son secret et ne pas s’arrêter à ses comportements de société visible de l’extérieur par quiconque, même par qui lui est le plus étranger. Dans l’ordre spirituel, on ne reçoit que si l’on se donne, et il ne nous est donné qu’à la mesure de l’accueil qui nous permet de recevoir. »

— Comme en écho, nous trouvons dans « En relisant les évangiles » d’Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur (Éd. La Table Ronde © 1990) une mise au point et un positionnement que nous n’avons pu que partager, nous devrions dire, hélas !

« Les milieux chrétiens montrent aujourd’hui deux attitudes nettement contradictoires en ce qui concerne la découverte des spiritualités vivantes de l’Asie. L’une est une attitude de très grand intérêt et de très grande tolérance. Le trappiste Thomas Merton en est le plus célèbre exemple mais, à cet égard, nous Français, pouvons citer les cas du Père Montchanin et surtout du Père Le Saulx, qui, tout en demeurant moine bénédictin, est allé aussi loin que possible dans la compréhension de l’hindouisme et pour qui le choc de la rencontre des deux traditions a été bouleversant. Nous savons aussi que beaucoup de membres de divers ordres religieux lisent des livres sur l’hindouisme et le bouddhisme, que certains pratiquent ouvertement le yoga ou le zazen. Je connais personnellement plusieurs dominicains, par exemple, avec qui je suis ou j’ai été en relation assez étroite et qui ont beaucoup approfondi ces techniques d’ascèse orientales. Dans cette même ligne d’ouverture, on peut citer la déclaration du Concile de Vatican II sur les religions non chrétiennes (il y a à Rome un secrétariat pour la rencontre avec les grandes religions de l’humanité) et le rassemblement œcuménique d’Assise pour la paix auquel participait le pape actuel.

Pourtant, il y a en même temps dans l’Église, c’est visible à bien des signes, un durcissement à l’égard de l’intérêt que des chrétiens portent aux religions orientales. Récemment, le Secrétariat pour la Foi a publié un communiqué qui engage le Vatican et qui met sévèrement en garde les chrétiens contre la pratique du zazen ou du yoga. Tant et si bien qu’il revient souvent à mes oreilles que dans tel monastère en France on recommande à des jeunes « en recherche » qui y font une …

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EN RELISANT LES ÉVANGILES

… retraite la lecture des livres d’Amaud Desjardins et que dans d’autres abbayes on déconseille formellement ou même on interdit la lecture de ces livres. Alors que pour certains catholiques, y compris des religieux avec qui je suis en correspondance, ces ouvrages représentent un apport spirituel bienvenu leur permettant d’approfondir certains aspects de leur propre ascèse dans les conditions du monde moderne, pour d’autres religieux le personnage Arnaud Desjardins et son œuvre sont une cause de souffrance. Ils m’accusent d’être un propagandiste d’idées erronées et — certains n’hésitent pas à employer cette expression — un ennemi de la vraie doctrine et de la vraie foi.

Car il existe des valeurs spirituelles essentielles que j’ai retrouvées dans l’ancienne tradition chrétienne mais aussi dans le soufisme, le bouddhisme tibétain ou zen et l’hindouisme et qui se trouvent certainement dans d’autres traditions que je n’ai pas approfondies comme par exemple le judaïsme. Mais je sais que mes livres sont lus par des lecteurs ayant des positions et des convictions tout à fait différentes ou même opposées, depuis le refus catégorique du christianisme jusqu’au malaise devant tout ce qui n’est pas officiellement chrétien et plus précisément d’obédience catholique. Je dis simplement qu’il est dommage que des Occidentaux s’extasient devant les richesses de l’Orient et ignorent complètement celles du christianisme.

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Au cours de mes années de recherche — lectures, questions posées à des prêtres, des moines, et des maîtres appartenant aux différentes traditions de l’Orient — j’ai donc été confronté à deux attitudes : l’une intolérante, faite souvent d’ignorance, et l’autre ouverte, celle de ceux qui n’éprouvent nul besoin de protéger leurs convictions. J’aborde là un sujet grave et qui, pour moi, a été bien souvent douloureux, celui des discordes entre êtres humains qui se réclament tous de la spiritualité et affirment tous la transcendance de l’esprit par rapport à l’existence physique et psychique. Quand on nous propose comme réponse à l’absurdité de la vie et à la souffrance la Vérité avec un V majuscule, il est cruel de constater que les tenants de cette vérité et de cette réponse ne sont pas d’accord entre eux. Ils sont peut-être munis d’un titre de shastri en Inde ou de théologien en France mais dans quelle mesure ont-ils mené à bien une transformation profonde de leur être même ? Pour parler avec une telle autorité, sont ils libres de leur inconscient, de leurs émotions, de leur égocentrisme ? On peut être docteur en théologie et se trouver moins avancé spirituellement qu’un frère convers très ignorant sur le plan doctrinal ou philosophique. »

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— Au vrai, que signifie vraiment la « communion » d’une communauté ? À partir de quel aspect pouvons-nous réellement envisager la chose. Dans « Périls et promesses de la vie spirituelle », p. 426/27 (© 2003éd. Pocket), Jack Kornfield recadre ce dont il s’agit :

« La communauté ne se crée pas lorsque des personnes se réunissent au nom d’une religion mais lorsqu’elles se réunissent, fortes de leur honnêteté, de leur respect et de leur bonté, pour exalter l’éveil du sacré. Une véritable communauté se forme quand notre parole est en accord avec la vérité et la compassion. Sur le chemin, ce sentiment de communauté spirituelle est un élément merveilleux de notre guérison et de notre transformation.

Lorsque nous envisageons de nous joindre à une communauté, en évaluant ce que nous pouvons donner et la manière dont la communauté s’attache à éveiller ses membres, nous devrions considérer aussi les anciens. Comment les disciples acquièrent-ils de la maturité dans cette communauté ? Sont-ils respectés, leur donne-t-on des pratiques plus avancées, des opportunités de servir ou d’enseigner ? Y a-t-il une possibilité d’atteindre à la plénitude de l’enseignement comme l’a fait le maître ? Les élèves les plus anciens sont-ils heureux, font-ils preuve de sagesse ? »

— Voilà ce qui devrait être notre positionnement si nous voulions nous aventurer dans cette entreprise, périlleuse à bien des égards !

Pour conclure cet article assez indigeste, riche en citations d’êtres exceptionnels en spiritualité, et envers qui nous avons une profonde gratitude pour nous avoir laissé de tels témoignages, nous citerons d’une part, Stephen BATCHELOR dans « ITINÉRAIRE D’UN BOUDDHISTE ATHÉE » p. 294, (éd. du Seuil, © février 2012) :

« Si les monastères de Sera et de Songgwangsa n’avaient pas existé depuis des siècles en bastions de leurs traditions respectives, aurais-je pu recevoir toute cette instruction qui m’a donné les bases pour écrire sur le bouddhisme comme je le fais actuellement ? J’en doute. Que je l’apprécie ou non, l’esprit qui anime la vie religieuse et son organisation formelle semblent – comme le Bouddha et Mara – inextricablement liés l’une à l’autre.

Rejeter la religion réglementée pour une « spiritualité » éclectique et nébuleuse n’est pas non plus une solution satisfaisante. En tant qu’êtres parlants, nous élaborons constamment des théories et des croyances cohérentes. En tant qu’animaux sociaux, nous nous organisons constamment en groupes ou communautés. Sans un discours rigoureux et critique envers lui-même, on risque de tomber dans de pieuses platitudes ou des généralisations superficielles. Et sans un minimum de cohésion sociale, les idées géniales risquent de dépérir. L’important n’est pas de renoncer à toutes les institutions ou à tous les dogmes, mais de s’en accommoder avec ironie, de les apprécier pour ce qu’ils sont – le jeu de l’esprit humain dans sa quête incessante de sens et de cohésion -, et non de les considérer comme des entités éternelles qu’il faut défendre sans merci ou imposer de force.

« De nos jours, la religion doit s’affranchir de la croyance, dit Don Cupitt****. Il n’y a rien en quoi croire ou espérer. C’est pourquoi la religion doit devenir un moyen immédiat et profondément ressenti de vous rattacher à la vie en général et à votre propre vie en particulier. »

— Et d’autre part, Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur, qui dans « En relisant les évangiles » pages 22 et 23, citent une situation que nous pourrions reprendre à notre compte, tellement nous en avons été proches, dans l’espace et le temps vécu :

«  A l’époque où je ressentais cruellement ce déchirement j’ai été, si l’on peut dire, sauvé par le maître des novices d’une abbaye de trappistes qui faisait autorité dans le monde cistercien à cause de ses travaux éminents sur les Pères de l’Église. Ce moine, théologien et prêtre, était donc qualifié pour que j’accorde un réel crédit à ses paroles : «  Dans chaque tradition, m’a-t-il dit, vous retrouverez le même symbole d’une eau source de vie, l’eau qui désaltère vraiment. Les contemplatifs, les ascètes, les mystiques de toutes les religions, sont penchés sur cette même source, tellement absorbés dans le fait d’en boire qu’ils n’ont pas le temps de discuter à son sujet. Et puis, suffisamment en retrait pour être sûrs qu’aucune gouttelette ne risque de les éclabousser, les théologiens de toutes les religions, sans avoir bu une seule gorgée de cette eau, discutent inlassablement pour savoir si celle-ci est alcaline, minérale, sulfatée, magnésienne ou si elle contient trop de nitrates. »

Cette réponse m’avait bouleversé, il y a bien des années de cela. Et ce père a ajouté ces paroles qui ont achevé d’apaiser mes doutes : «  la théologie catholique me permet de dire, sans me mettre en tort vis-à-vis d’elle, que bien avant la naissance de Jésus de Nazareth mais également depuis sa naissance, des hommes, des femmes qui n’ont jamais entendu parler de Jésus, jamais connu les enseignements ou les rites catholiques, ont eu une expérience intérieure du Christ, seconde personne de la Trinité, à laquelle rien ne manque. » Cette affirmation est effectivement justifiable du point de vue chrétien et elle a été soutenue depuis les premiers siècles. »

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Ours Haïda – broderie au point de croix, (H.19 x L.19), Sandrine Grillet, 2013

« Les idéaux ne sont pas des réalités »

— Les idéaux sont le reflet de notre nature profondément spirituelle. Mais comme nous le savons (où devrions le savoir et l’avoir en permanence inscrit en nous-même), ils peuvent devenir de véritables poisons corrupteurs de l’esprit, du corps et de l’Être. En effet, mal compris et mal intégrés, de façon incorrecte ou sans recul, sans espace ou discernement, en d’autres termes, si nous ne les regardons plus comme des “idéaux” mais comme des réalités et “vérités” inscrites et concrétisantes, ils deviennent alors un énorme mensonge qui s’inscrit dans le déni de la réalité, relative certes, mais bien vivante, celle qui est la nôtre dans notre quotidien, au nom d’un “ailleurs” qui n’existe pas en dehors de l’instant immédiat incarné dans les faits, dans la contraction des trois temps, passé, présent et devenir.

Ces idéaux, qui sont là pour nous amener à nous dépasser au sein de nos limites de perceptions étriquées et en devenir, tendant vers « l’Être humain » vrai, (au sens où l’entendait Jiddhu Krishnamurti et certains peuples Amérindien), ces idéaux donc, sont des outils d’inspirations mais non des réalités en eux-mêmes ! Cela “Oublié” (de façon plus ou moins volontaire ou très intéressée), ne reste que le désastre et les ruines de l’erreur érigée en dogme ostentatoire hiérarchisé d’institutions, « une illusion hanté de prédateurs », pour reprendre l’expression du naturaliste Théodore Monod, au lieu de nous nourrir au “Cœur léger” vers les sublimes inspirations au bien commun de tous les êtres ! La différence en somme essentielle entre “l’esprit et la lettre” ! Rien ne nous excusera au moment de quitter cette Terre qui nous a accueillie si généreusement, d’avoir renoncé pour quelque motif que ce soit à notre propre réflexion et « intelligence du Cœur ».

Rien ne nous oblige à succomber aux “charmes ostentatoires” et autres discours fallacieux des “prophètes du malheur” !

(ceci nous été librement inspiré de propos attribués au maître zen Norman Fisher, dans l’ouvrage de Jack Kornfield, « Après l’extase, la lessive. », p.189/90)

 

 

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note :1 « Au Village des Pruniers, où de nombreuses personnes venant de différentes traditions viennent pratiquer, il n’est pas rare qu’un bouddhiste trouve un chrétien plus bouddhiste qu’un autre bouddhiste. Je vois un bouddhiste, mais sa manière de comprendre le bouddhisme est assez différente de la mienne. Et quand je regarde un chrétien, je vois que sa façon de comprendre le christianisme et de pratiquer l’amour et la charité est plus proche de ma façon de pratiquer que celle de cet homme que l’on dit bouddhiste.

C’est tout aussi vrai du christianisme. Vous pouvez vous sentir très éloigné de votre frère chrétien. Vous pensez que le frère qui pratique dans la tradition bouddhiste est bien plus proche de vous comme chrétien. Le bouddhisme n’est donc pas le bouddhisme et le christianisme n’est donc pas le christianisme. Il existe de nombreuses formes de bouddhisme et de nombreuses façons de comprendre le bouddhisme. De même, il y a bien des manières de comprendre le christianisme. C’est pourquoi il faut se défaire de toute idée préconçue sur le christianisme et le bouddhisme. » Thich Nhat Hanh « BOUDDHA et JÉSUS sont des frères », (p. 17, Éditions Le Relié © mai 2001)

note :2

En effet, le développement de l’éducation jusqu’à un âge avancé dans les sociétés de « type occidental », les échanges culturels et les moyens de communication avec leur rapidité, ont complètement reformulé les données d’approches. Dans cette nouvelle dynamique, « la foi du charbonnier » ne trouvera plus guère sa place. L’humanité, que nous l’acception ou pas, a franchi un stade dans la sophistication et l’étendue des connaissances disponibles pour l’humain.

Par ailleurs, un vrai « maître » doit savoir qu’il n’est que l’auxiliaire référent du seul « vrai maître en soi » de chacun. Son rôle doit se borner à en être « le révélateur », si l’on peut dire, à travers les symboles actifs des « passages » : le roc de pierre, le jaillissement de l’eau et sa transformation en vin. Le « postulant » a ses propres caractéristiques, et elles varient tellement d’un être à un autre ! Ce qui est bon et valable pour les uns à une période donnée peu devenir nocif à d’autres périodes et/ou pour d’autres personnes. Il y a les grandes lignes générales, ensuite s’affine la quête et les événements font le reste … rien n’est vraiment prédéterminé. Le degré d’exigence porté au fond de soi est le principal moteur qui nous guidera au milieu des écueils.

Ce qui est vrai, c’est que lors de la mise en place de techniques élaborées à fortes dynamiques et comportant des risques importants, si les choses ne sont pas bien suivies et encadrées ; il appartient au « couple » maître/élève d’avoir la bonne relation de confiance pour qu’il n’y ait pas de « dommages collatéraux » ! C’est une co-responsabilité qui se met en place. Si il advenait que l’entourage du maître ne soit pas fiable, il vaudrait mieux ne rien entreprendre alors … les conséquences pourraient devenir absolument ingérables !

En outre, Thich Nhat Hanh émet sur ce sujet une hypothèse à base de données et de réflexions qui vont dans ce sens. Dans « Bouddha et Jésus sont des frères », p. 67 (Éd. Pocket © fév. 2013), il donne ainsi une évaluation et une perspective qui vont avec l’époque et le cycle qui se met en place de nos jours :

« On dit que le Bouddha du futur, Maitreya, est le Bouddha de l’amour. Nous pratiquons pour que son apparition devienne réalité. Nous préparons le terrain pour ce futur Bouddha. Le Bouddha du futur sera peut-être une Sangha, une communauté de pratique, une communauté de gens qui partagent les mêmes valeurs, et pas seulement une personne, parce que l’amour doit être pratiqué collectivement. Nous avons besoin les uns des autres pour que la pratique collective de l’amour devienne une réalité. »

 

 

* — « Trois Joyaux » : Ils représentent la trilogie composée par le Sakymuni Gautama soit le « Bouddha historique », le contenu de ses enseignements tels qu’ils nous sont parvenus à travers diverses sources, et par le troisième, la communauté des êtres inspirés par les deux premiers.

** Thich Nhat Hanh est quant à lui plus précis dans « BOUDDHA et JÉSUS sont des frères », p. 22 (Éditions Le Relié © mai 2001) :

— « Selon l’enseignement du Bouddha, il n’y a pas de naissance, seulement une continuation. »

*** (“positivisme comtien”, Auguste Comte 1798-1857, dans la revue Imprévue « Itinéraire du Positivisme » Michèle Soriano, ed. C.E.R.S. © 1997, Université Paul-Valéry – Montpellier)

**** Don Cupitt est né en 1934 dans le Lancashire, en Angleterre. Il est un ami de Stephen Batchelor, qui est parfois décrit comme son homologue au sein du bouddhisme.

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« Le Grand Silence intérieur »

 

« Le Grand Silence intérieur »

 

Où il est question de l’abolition de la notion de temps psychologique

 

Nous venons de voir dans l’article précédent, que la connaissance de ce que nous sommes en tant que manifestation dans un environnement donné, ne nous est finalement intelligible que dans une proportion assez faible. La constitution atomique de la matière n’intervient que dans la mesure de cinq pour cent dans ce qui nous est accessible. Actuellement, les disciplines universitaires ne nous donnent pas vraiment accès à ce qui sous-tend cette émergence.

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Point de croix, modèle : Marie-Thérèse Saint-Aubin (12×08 cm) – Sandrine Grillet 2011

Pour avancer, nous nous proposons d’investiguer sur ce qui est dénommé comme « le grand silence intérieur » et sur sa « résonance », en particulier à travers les dialogues d’une haute tenue et d’une grande rigueur entre David J. Bohm et Jiddu Krishnamurti. Ils abordent la possibilité de l’abolition du temps dans le domaine psychologique*, ainsi que les limitations du domaine de la pensée cérébrale et son « bruit de fond cosmique » incessant.

Nous avons vu dans l’article précédent que la notion d’un « temps qui passe » que nous appréhendons au niveau biologique est par ailleurs très subjective ! Cette notion du « temps qui passe » est un des aspects pragmatiques de notre mode de fonctionnement familier au quotidien, certes nécessaire à notre survie. Mais ce « temps qui passe » recouvre en fait des réalités complexes forts différentes, qui n’ont qu’un lointain rapport avec notre utilitarisme au jour le jour. Comme il le fait par automatisme – ce que nous avons déjà vu – notre cerveau se base sur cette notion pour nous donner son interprétation de la réalité. Elle a sa valeur fonctionnelle et pratique, mais elle est cependant très illusoire en ce sens qu’elle recouvre une tout autre réalité que cette « perception minimaliste », qui est en fait assez bornée.

Ainsi donc, lorsque nous abordons « l’abolition » du temps psychologique et de ses racines conflictuelles, nous le faisons en référence à la globalité de ce que ces « temps » recouvrent vraiment.

D. Bohm et J. Krishnamurti introduisent cette idée obsédante que l’humain tend à « devenir » au lieu de chercher à « être ». Cela semble être la problématique de fond sous-tendant les états conflictuels intérieurs de cet humain.

L’organisation sociétale humaine actuelle, au regard de ses objectifs, est toute tendue vers « l’attente de ce que deviendrons », vers ses buts, et n’accorde pas ou de façon négligeable, d’attention à « ce que nous sommes », voire s’en détourne. L’usage légitime du temps pragmatique est détourné de son champ d’utilité au détriment de l’être, qui n’a pas forcément besoin d’un temps en devenir pour être ce qu’il est. L’être fondamental que nous sommes a-t-il besoin d’un « demain » qui psychologiquement parlant, lui empoisonne l’instant à vivre en le « solidifiant », le figeant en quelque sorte dans des cadres et des sillons prédéterminés à l’avance au niveau du mental ? De ce point de vue, ce demain n’existe pas. Son intrusion dans notre intériorité y apporte la confusion et rend conflictuelle notre capacité à vivre de l’instant qui se présente, qui elle reste fluide dans un aléatoire non encore vraiment déterminé.

Selon D. B. et J. K., le cerveau est, dans son fonctionnement en évolution, imprégné de la notion de ce temps qui s’écoule. Il semble s’y être soumis en y fourvoyant son être dans le mouvement gravitationnel d’un centre de contrôle que rien n’étaye vraiment à l’examen, une identité solide, tangible, séparée. La question qu’ils posent avec acuité, est de savoir si notre cerveau est capable de percevoir son emprisonnement dans cette notion du temps ?

Ils affirment que le cerveau n’est pas totalement conditionné à ce temps. Bien que largement dominé par cette perception, il n’y est pas pour autant soumis de façon immuable. Ils stipulent que la pensée y est asservie, car elle exige « d’entrer dans du temps », mais que tout ce qui parvient à prendre ce temps de vitesse lui échappe !

Le silence de la pensée ouvre une brèche dans ce temps perçu. Cette ouverture dénie au temps une existence autonome, indépendante de nous-même. Nous sommes partie intégrante du « cours du temps ».

La pensée s’inscrit dans un mouvement du temps, avec un corollaire de causes et d’effets. Ce processus est purement mécanique et donc fragmentaire. Au niveau du cerveau, le phénomène de la pensée est de l’ordre du matériel, elle relève du mécanisme mental.

Si on abolit le temps psychologique, le non-mouvement instaure le Silence. La pensée produite par le mental, qui a habituellement une tendance à la « fixation », une fois mise en silence, il se produit une clarté qui permet l’observation neutre du mouvement.

Thich Nhat Hanh décrit cet aspect des choses :

« Je vis en contact permanent avec mes ancêtres génétiques et spirituels »**

Les Lakotas du Dakota expriment aussi cette « vision » dans leur tradition :

Mitakuyé Oyasin (Je fais partie de la grande famille du vivant)

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Point de croix, modèle : Marie-Thérèse Saint-Aubin (10×08 cm) – Sandrine Grillet 2011

 

La saisie du mental pose comme règle générale, qu’un vécu est (plus ou moins abusivement) promu au titre de « loi édictée », mis en projection sur l’existence. Le mental est le fruit des cogitations et « gamberges » diverses, de pensées livrées à elles-même dans le laisser-aller de danses infernales et incessantes. Son « bruit de fond » qui occupe tout l’espace, ne laissant point de fluidité, y rend tout compact. L’émotion perturbée y trouve sa source troublée, elle ne peut dans ces conditions atteindre à la turbidité claire et suivre son cours naturel. Ce processus d’agitation des fonds boueux stagnants du vécu rend toute vision directe impossible. Il amène l’être à développer une présupposition, un pré-jugement associé à un temps psychologique donné, qui se construit en référence à un passé et/ou projeté vers un devenir. En fin de compte, ce processus n’est qu’une fuite du présent immédiat. Cette fuite renvoie à l’angoisse qui naît de l’incapacité à être dans l’instant donné à vivre, l’incapacité d’être simplement attentif, sans commentaires, en acuité avec ce qui se passe.

Ce « bruit de fond » enferme la perception dans un état identitaire motivé par une « attente préconçue » ne laissant guère de possibilité d’expression à ce qui est là. D’où un état psychologique inévitablement conflictuel de sa racine à ses disfonctionnalités comportementales récurrentes. C’est la « voie du conflit » suivie depuis des siècles par le cerveau humain, au point que l’on n’y prend même plus garde ni porte plus attention ! Sauf qu’à la faveur de telle ou telle circonstance, l’horreur et l’abomination poussées jusque dans leurs outrances viennent nous heurter de plein fouet, pour ensuite retourner à l’oubli ! Nous fonctionnons ainsi, avec un horizon sans issue, irrités à l’idée même qu’il puisse y en avoir une, tant s’est émoussée notre capacité à envisager, avec courage certes, d’autres perspectives …

Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur, ce qu’ils en disent :

« Comment passer de la pensée à la vision ? Dans chaque situation que la vie vous présente, vous pouvez soit fonctionner selon vos vieux schémas, soit faire cet effort pour voir la situation telle qu’elle est. Si vous voulez évoluer, un réel travail de discrimination vous est demandé pour distinguer ce qui relève de la réalité et ce qui est pure projection de votre monde intérieur sur cette réalité. Il faut accabler le mental par la vision de la vérité pour qu’il ne puisse plus continuer à dire n’importe quoi et qu’il soit obligé de se taire, il faut confronter les pensées à la réalité. Sinon le mental n’a pas de limites, il justifie, il prouve, il explique, il dénie, il déforme, il raisonne faux, il affirme le contraire de ce qu’il vient de dire, il extrapole. Et surtout pour le mental, rien n’est jamais neutre, tout est jugé, qualifié. Ce travail de contrôle, checking, de rectification de ce qui est tordu, personne ne peut le faire à votre place et il ne s’accomplit qu’ici et maintenant. Ou vous le faites, ou vous ne le faites pas. »

( « La voie et ses pièges  » page 199, Éditions La Table Ronde © 1992)

 

La pensée et son importance chez l’humain

D.B. : … l’homme a peut-être fait fausse route, créé le mauvais conditionnement.

K. : Le mauvais conditionnement dès l’origine. Ou bien, la quête de la sécurité — la sécurité pour moi-même, pour ma famille, mon groupe, pour ma tribu — a amené cette division.

D.B. : Même dans ce cas, il faut demander pourquoi l’homme a fait fausse route dans cette recherche de la sécurité. En effet, si l’intelligence

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avait joué tant soit peu, il serait apparu clairement que tout cela n’avait pas de sens.

K. : Bien sûr, vous revenez au moment où nous avons fait fausse route. Comment allez-vous me montrer que nous avons fait fausse route ?

D.B. : Suggérez-vous qu’il faudrait le démontrer scientifiquement ?

K. : Oui. Je crois que l’homme s’est fourvoyé lorsque la pensée est devenue primordiale.

D.B. : Qu’est-ce qui lui a donné cette prépondérance ?

K. : Essayons d’examiner cela. Qu’est-ce qui a incité les êtres humains à vénérer la pensée comme étant l’unique mode de fonctionnement ?

D.B. : Il faudrait aussi expliquer pourquoi la pensée — si elle est tellement importante — est la cause de toutes les difficultés. Voilà les deux questions.

K. : C’est relativement simple. On a instauré la souveraineté de la pensée, et c’est peut-être là que les êtres humains ont fait fausse route.

D.B. : Je crois, voyez-vous, que pensée est devenue l’équivalent de vérité. On a cru que la pensée apportait la vérité, apportait ce qui est toujours vrai. Il y a cette idée que nous sommes détenteurs du savoir — ce qui peut être valable pour un temps — mais les hommes généralisent, parce que le savoir tend toujours à généraliser. Lorsqu’ils en sont arrivés à l’idée qu’il en serait toujours ainsi, cela a cristallisé la pensée comme exprimant ce qui est vrai. Cela a donné à la pensée la primauté absolue.

(p. 85)

K. : Pourquoi l’homme a-t-il accordé à la pensée une importance suprême ? A mon avis, c’est assez simple. Parce que c’est la seule chose qu’il connaisse.

D.B. : Il ne s’ensuit pas qu’il lui accorde l’importance suprême.

K. : Parce que les choses que je connais — les choses que la pensée a créées, les images et tout le reste — sont plus importantes que les choses que j’ignore.

D.B. : Mais voyons, si l’intelligence était à l’œuvre, l’homme n’en arriverait pas à cette conclusion. Il n’est pas rationnel de dire que seul compte ce que je connais.

K. : Donc, l’homme est irrationnel.

D.B. : Il a « dérapé » dans l’irrationnel pour en arriver à dire : « Seul compte ce que je connais. » Mais pourquoi l’homme a-t-il fait cela ?

K. : Pourrait-on dire qu’il a commis cette erreur parce qu’il s’accroche au connu et s’oppose à tout ce qui est inconnu ?

D.B. : C’est un fait, mais on ne voit pas très bien pourquoi il agit de la sorte.

K. : Parce que c’est la seule chose qu’il ait.*

— À travers cet échange, Bohm et Krishnamurti partent débusquer d’une façon rendue intelligible, le fourvoiement sociétal dans lequel l’humain semble s’être complètement empêtré. Au jour d’aujourd’hui nous pouvons légitimement nous demander s’il ne s’égare pas tout simplement en lui-même !

Poursuivant leur dialogue, ils se demandent si le cerveau humain peut se libérer de la « domination » de la pensée, sachant que la pensée procède du temps et que sans cette notion d’être dans un « temps qui passe », la perception d’un « moi » disparaît tout simplement !

Ils affirment que la pensée est un processus qui se déroule au sein d’une substance matérielle qui est celle du cerveau.

 

La pensée et ses limites

Nous avons donc vu que l’usure biologique et le délitement de la matière organisée sont perçues par le cerveau humain comme « temps qui passe », ou qui « se déroule », mais n’ont pas vraiment de pertinence dans le domaine psychologique de l’être. La pensée humaine est de l’ordre du mécanique, dotée d’applications fonctionnelles, mais elle trouve ses limites dans ce qui constitue la nature de cet humain, « ses qualités psychologiques ». Ce cerveau dégagé de la matérialité de la pensée, que recèle-t-il vraiment ?

Bohm et Krishnamurti affirment*** :

« K. : … Il ne peut y avoir de perception lucide sans liberté : tout est là, voyez-vous. La liberté est l’essence même de la perception — il faut être affranchi de tout préjugé, entre autres choses. Un esprit qui est libre voit. Voir et agir ne font alors plus qu’un.

D. B. : Oui, parce que l’absence de liberté est une forme de cécité.

(p. 46)

D. B. : … de toute évidence, un homme qui n’est pas libre est incapable de modifier la réalité qui est la sienne.

K. : Évidemment. Là est le danger, en fait.

(p. 47)

— L’obtention de cette liberté demande une bonne dose de courage, et ils le stipulent en poursuivant :

« D. B. : Mais il faut sortir de ce système.

K. : C’est exact, il faut en sortir — mais, pour cela, il faut de l’énergie. Et tant que je baigne dans l’univers du réel, qui a son énergie propre, cette énergie ne saurait me libérer. Mais la perception des distorsions existant dans ce plan du réel sera source d’énergie.

D. B. : Je dirai plutôt qu’il s’agit de percevoir le caractère inéluctable des distorsions. Car on pourrait les percevoir tout en gardant l’espoir de les éviter.

K. : L’énergie n’est autre que la perception du faux. »

— Nous retrouvons dans ce que décrivait Stephen Batchelor (voir le 1er article), un « agnosticisme [qui] se manifestera peut-être par le biais d’une intense perplexité qui résonne à travers tout le corps, laissant l’esprit à la recherche de certitude sans nulle part où se reposer ».

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Chats …
Point de croix, modèle : Marie-Thérèse Saint-Aubin (20×07 cm) – Sandrine Grillet 2011

 

Continuant de scruter cet aspect, Bohm et Krishnamurti stipulent :

« K. : Mettons les choses au point. Voyons : voir et agir sont une seule et même chose. La division n’a pas sa place dans cet espace-là. Par conséquent, l’espace en question, c’est la liberté du néant. Nous l’avons déjà dit.

D. B. : Le néant — qui est absence de toute chose — est identique à la liberté, car tant qu’une chose est une chose, elle n’est pas libre.

K. : Oui. Donc, la vérité, c’est le néant — le rien, la non-chose. L’action du néant, qui est l’intelligence présente dans le réelune intelligence libre de toute contingence —, s’exprime au sein de la réalité sans qu’aucune distorsion n’intervienne. Si notre esprit est dépourvu d’espace mais encombré de problèmes, d’images, de souvenirs, de connaissances, il n’est pas libre, il est donc incapable de voir et ; ne voyant rien, il est incapable d’agir. Mon esprit est trop plein pour être libre, il n’y a plus de place, plus d’espace en lui.

D. B. : Oui. Quand il n’y a plus d’espace libre, l’esprit est sous l’emprise de tous ces phénomènes.

K. : Il devient le jouet de son environnement, de ces distorsions.

D. B. : Qui ne cessent de s’ajouter les unes aux autres.

K. : Mais l’esprit qui est vide, qui n’est rien, est capable, lui, de voir et donc d’agir, et cet agir est vérité. Cet espace-là est-il limité par la faute de l’esprit ? Bien sûr que non : il ne saurait être limité. N’étant pas issu de la pensée, il en résulte qu’il n’est pas limité. »

— Ce que l’un et l’autre entendent donc, c’est que la conscience humaine abrite bel et bien une dimension hors de la matérialité de la pensée du mental et de sa « saisie gravitationnelle » ; une dimension non limitée et libre de son objet de perception.

 

Perception et pensée

Bohm et Krishnamurti abordent le champ de la perception directe au-delà de « la pensée en suspension », en proposant un questionnement sur l’importance phénoménale accordée à cette pensée par l’humain au cours des âges dont nous avons un écho.

Le monde de la pensée se fissure dès lors qu’il s’arroge une appartenance à l’ordre du « vivant ». Or, nous avons vu dans les articles précédents qu’il s’agit plutôt de processus mécaniques mémoriels divers, composés de fragments rassemblés qui forment une structure.

Ce qui est de l’ordre du vivant, c’est la perception, la « vue », et c’est dans cette direction que se manifeste la réelle intelligence de l’humain.

 

« K. : Attendez! Je commence à voir quelque chose — nous commençons tous deux à voir quelque chose. Nous disons que la perception suprême, c’est la vérité. Cette perception agit dans et sur le réel. Il y a donc perception — une perception qui est vérité — et cette chose-là ne peut agir qu’au sein du réel. Ou, pour dire les choses autrement : dès lors que je perçois une chose de manière totale, absolue, la pensée n’entre pas en jeu.

D. B. : La perception se fait directement.

K. : C’est une perception directe. La perception a un effet direct.

D. B. : Sans passer par la pensée.

K. : C’est ce que je veux savoir.

D. B. : Lorsqu’on perçoit un danger, cette perception agit de manière immédiate, sans que la pensée intervienne.

K. : Exactement. »

(p. 142)

— Le doigt est mis ici sur cet aspect de notre nature, où, dans des circonstances où la mise en place d’une vision fulgurante est nécessaire pour induire une stratégie ponctuelle de survie, les processus de la pensée sont annihilés et réduits au silence.

L’être fondamental en nous se manifeste par son intelligence humaine totale, et nous renvoie à ce qu’exprimait le Professeur Henri Laborit :

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Martin-pêcheur
Point de croix, modèle : Marie-Thérèse Saint-Aubin (09×07 cm) – Sandrine Grillet 2011

La seule raison d’être d’un être vivant, c’est de maintenir sa structure en vie, sans quoi cet être ne serait tout simplement pas !

En les instants où nous sommes mis en péril, si nous sommes capables de comprendre de façon intelligible ce que nous sommes en nous-mêmes, face à nous-mêmes, nous avons la possibilité d’avoir accès à notre intelligence fondamentale et à ses ressources. Les carcans des mécanismes de la pensée sont insuffisants pour apporter des réponses intelligibles à la réalité de la situation.

 

— « D. B. : … l’avidité est une pensée irrationnelle.

K. : Oui, l’avidité est irrationnelle.

D. B. : Il existe pourtant une pensée rationnelle — par exemple, lorsqu’on essaie de résoudre un problème.

(p. 146)

K. : Lorsque vous percevez l’avidité dans toutes ses dimensions, quelque chose se passe en vous.

D. B. : Mais vous dites qu’il n’y a plus de pensée.

K. : La pensée n’est plus nécessaire.

D. B. : Comment faites-vous alors pour retrouver votre chemin ? Pour mettre votre mémoire à contribution ?

K. : Écoutez : je ne suis plus avide. Je n’ai plus besoin de la pensée dans le domaine propre à la perception, et la pensée n’entre plus du tout sur ce territoire.

D. B. : C’est vrai pour la perception, mais la pensée a encore un rôle à jouer, apparemment.

K. : Ce que je dis, c’est qu’elle n’a plus aucun rôle à jouer pour ce qui touche à l’avidité. Quand la perception est pleine et entière, il n’y a plus de place pour la pensée.

D. B. : Dans cette perception.

K. : Pas seulement dans la perception : la pensée n’ existe plus par rapport à tout cela. Vous percevez le fait que toute croyance est irrationnelle : c’est tout l’ensemble de cette structure de la croyance qui est clairement perçu, et dans ce cas la croyance n’a plus sa place dans votre pensée, dans votre cerveau. Si je perçois en totalité la nature de la croyance, finies les croyances »

(p. 147)

— Ces dialogues mettent en lumière ce qui se passe quand le mental qui « gamberge » est terrassé, quand son bavardage incessant de commentaires etc. est réduit au silence, le mental est alors réduit à sa fonction de base mécanique. La supercherie est démasquée.

 

— « K. : Elle n’existe plus. La pensée n’a plus sa place quand il y a perception totale. Son domaine d’action est celui des nécessités urgentes — nourriture, vêtements, logement. Qu’en dites-vous ?

D. B. : Oui, C’est sans doute exact.

K. : Je veux approfondir la question, la remettre en cause.

D. B. : Mais, dans un premier temps, nous avons voulu comprendre pourquoi la pensée a fait ce qu’elle a fait. En d’autres termes, certes, lorsqu’il y a perception totale, il n’y a plus de place pour la pensée, mais par ailleurs, face à des problèmes d’ordre pratique, on pourrait dire que notre perception n’est pas globale et que nous dépendons d’informations accumulées auparavant — par conséquent, nous avons alors besoin de la pensée.

K. : Oui, j’en ai besoin pour bâtir une maison.

D. B. : Et vous dépendez de tout un capital d’informations, vous êtes incapable de savoir d’emblée comment faire pour la construire.

K. : Tout à fait.

D. B. : Mais pour tout ce qui est d’ordre psychologique…

K. : Dès lors que la perception est totale, la pensée n’entre pas dans le processus psychologique.

(p. 148)

D. B. : C’est cela. Elle ne participe pas à la perception psychologique, bien qu’elle puisse avoir un rôle à jouer dans la perception matérielle.

K. : Exactement. »

K. : Serait-ce que, lorsqu’il y a perception totale, une perception étrangère à tout mouvement de la pensée, du temps, etc., l’esprit ne recourt à la pensée qu’en cas de nécessité, Et, sinon, il est vide ?

D. B. : On pourrait peut-être dire les choses autrement : un tel esprit, lorsqu’il recourt à la pensée, réalise que c’est effectivement la pensée qui est en jeu, sans jamais rien supposer d’autre.

K. : Exactement. Il se rend compte qu’il s’agit de la pensée – et de rien d’autre.

D. B. : S’il ne s’agit de rien d’autre que de la pensée, sa portée reste limitée, et rien n’oblige à lui accorder une telle importance.

K. : C’est très juste.

(p.149)

K. : L’habitude et le conditionnement nous ont amenés à dire que la pensée est la chose essentielle dans la vie. La pensée n’a jamais compris qu’elle était limitée. C’est bien ce que nous disons, n’est-ce pas ?

D. B. : Entre autres choses, oui.

K. : Et nous disons aussi que la perception totale amène un changement dans la pensée.

(p. 150)

D. B. : À cause de cette perception, la pensée est devenue différente, bien qu’elle reste mécanique.

K. : Oui, c’est exactement ce que nous disons.

D. B. : Grâce à cette perception, le mode de fonctionnement de la pensée s’est modifié. Ce n’est donc pas dans la pensée, mais dans la perception qu’est la créativité.

K. : Autrement dit, la pensée a engendré le « moi » qui est devenu — en apparence — indépendant de la pensée ; et ce « moi », qui fait toujours partie de la pensée, constitue notre structure psychologique. Or la perception authentique ne peut avoir lieu qu’en l’absence de « moi ».

D. B. : Le « moi », cette structure imaginaire, est également réel, mais il suppose l’existence d’une espèce de noyau central, n’est-ce pas ?

K. : Oui, évidemment. Il y a donc un centre. Ce centre est-il indépendant de la pensée ?

D. B. : Il semblerait que ce centre soit la pensée.

K. : Exactement. Voilà pourquoi celle-ci est fragmentée.

D. B. : Et, selon vous, c’est parce que nous passons, pour penser, par ce centre du « moi » que cette fragmentation est inévitable.

K. : Oui, elle est inévitable. Voyez-vous, si cette fragmentation existe, c’est essentiellement en raison de ce centre à partir duquel notre pensée s’organise.

D. B. : Nous sommes persuadés que notre fonctionnement psychologique s’effectue à partir d’un centre.

(p. 151)

D. B. : … Certes, la pensée a créé ce centre, mais cette notion de centre n’existait à l’origine que pour de simples raisons pratiques. Or la pensée s’est approprié cette notion à des fins psychologiques.

K. : Oui.

D. B. : Mais pourquoi ?

K. : Pour une raison très simple. La pensée s’est dit : « Je ne saurais être que mécanique, je dois être bien plus que cela. »

D. B. : Et comment le centre répond-il à cette ambition ?

K. : Le « moi » donne à la pensée une permanence.

D. B. : Il faudrait démontrer de façon plus claire en quoi cette permanence liée au « moi » n’est que mensonge.

(p. 153)

D. B. : Une fois que la pensée a inventé ce centre, elle peut ensuite lui attribuer les qualités de son choix, telles que la faculté de penser ou de ressentir.

K. : Tout à fait.

D. B. : Et, s’il y a douleur ou plaisir, elle va les attribuer au centre lui-même, qui prend ainsi vie peu à peu. Peut-on dire que la souffrance apparaît lorsque la douleur est attribuée à ce centre ?

K. : Évidemment. Dès lors qu’il y a un centre, la souffrance est inévitable.

D. B. : Parce que, lorsqu’il n’existe pas de centre, la douleur n’existe que dans la pensée.

K. : Elle est simplement d’ordre physique.

D. B. : Soit elle est physique, soit c’est un souvenir — autrement dit, rien.

K. : Rien, en effet.

D. B. : Mais si le souvenir de la douleur est attribué à ce centre, alors celui-ci prend des apparences réelles et peut enfler démesurément.

K. : Nous faisons donc le constat suivant : si la perception est totale, la pensée n’y joue aucun rôle.

D. B. : Et cette perception agit ; la pensée peut être partie prenante dans sa mise en acte, ainsi que nous l’avons dit récemment.

K. : Oui. Mettons les choses au clair : il y a une perception totale — d’où la pensée est absente. Et c’est cette perception qui agit.

D. B. : Oui, et cette action modifie forcément la nature de la pensée, de même qu’elle modifie les cellules du cerveau.

K. : Oui. La pensée n’a qu’une fonction mécanique.

(p. 156)

D. B. : Ce qui signifie peu ou prou qu’elle manque d’intelligence — la pensée n’est pas créative, elle n’est pas intelligente.

K. : Donc, si la pensée est purement mécanique, elle a tout loisir d’agir dans tous les domaines de façon mécanique sans avoir à recourir à un centre psychologique, et dans ce cas il n’y a pas de problème.

D. B. : Je crois que dès l’origine la pensée s’est prise — à tort — pour une chose vivante et créatrice, et s’est façonné un centre pour se pérenniser.

K. : C’est tout à fait exact. Nous avons donc vu, à présent, pourquoi la pensée était fragmentaire.

D. B. : Pourquoi est-elle fragmentaire ?

K. : A cause de ce centre. La pensée a créé ce centre qui est un pôle de permanence, un pivot qui retient tout ce qui gravite autour de lui.

D. B. : Oui. Le monde entier tient grâce à ce centre. Car quiconque a l’impression d’avoir perdu son centre a aussi l’impression que tout son univers s’écroule.

K. : C’est juste.

D. B. : Le centre est donc identique au monde.

K. : C’est exact, voilà pourquoi la pensée est fragmentaire.

D. B. : Cela n’explique pas entièrement cette fragmentation.

K. : La pensée est fragmentée parce qu’elle s’est dissociée de l’objet qu’elle a créé de toutes pièces.

D. B. : Voilà l’explication : il faut l’exposer très clairement. La pensée s’est arrogé un centre, censé …

p. 157

être distinct d’elle-même, alors qu’en fait c’est elle qui l’a créé et qu’elle est identique à lui.

K. : Elle est ce centre.

D. B. : Mais elle attribue à ce centre certaines propriétés — celle d’être vivant et réel, etc. Et cela, c’est une fragmentation.

K. : Oui, la fracture essentielle est là.

D. B. : D’où une fragmentation généralisée, s’étendant forcément à tout le reste de notre existence. Car, pour maintenir cette notion de séparation entre la pensée et le centre, la pensée doit tout fractionner en conséquence. D’où la confusion, car soit elle dissocie des choses indissociables, soit elle associe des choses disparates. Et aucun effort n’est trop grand pour maintenir cette fiction d’un centre qui serait distinct de la pensée.

K. : Et l’existence doit coïncider en tout avec ce centre.

— Dans ce magistral échange, l’approche et la décortication des processus sont clairement mis en lumière.

Le yogi Vajradhara Tashi Peldjör (Kyabjé Dilgo Khyentsé), dans un de ses commentaires sur l’Esprit dans le « Trésor du cœur des êtres éveillés », de Dza Patrül du XIXe siècle au Tibet, exprima ceci en été 1990 à La Sonnerie en Dordogne ( ed. Padmakara © 1992, page 11) :

«  … Dans sa production mentale, l’esprit crée à la fois le samsara et le nirvana. Pourtant tout cela n’est pas grand-chose, ce ne sont que des pensées. Une fois que nous avons reconnu que les pensées dans notre esprit sont sans consistances réelles et vides en elles mêmes, le mental n’a plus autant de pouvoir de nous imposer ses vues, nous abusant en permanence, et nous induisant en perceptions erronées diverses …  »

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Bergeronnette « grise » …
Point de croix, modèle : Marie-Thérèse Saint-Aubin (14×07 cm) – Sandrine Grillet 2011

Et nous apporterons en conclusion de cet article, ce qu’en disent Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur, dans la dernière partie de leur livre « La voie et ses pièges  » (pages 202/03, 235 et 237, Éditions La Table Ronde © 1992) :

 — « Dans cette dissolution du mental, tout ne va pas être détruit : ce qui est vrai n’a pas de raison de s’effondrer, mais ce qui est vrai représente peu de chose à côté de tout ce qui est plus ou moins déformé, coloré, interprété.

Tant que nous vivons dans « notre » monde, tant que « c’est comme ça que nous voyons les choses », une mort à un niveau doit s’opérer pour renaître à un autre niveau.

Peu à peu vous verrez des degrés beaucoup plus subtils et intéressants de ce fonctionnement qui s’appelle « penser », vous arriverez jusqu’à l’essence du mental, de l’illusion, de l’aveuglement. Le but dépasse les normes habituelles de notre intelligence ou de la raison. Il est à proprement parler révolutionnaire par rapport à notre manière actuelle de concevoir les choses. Vous allez vers un retournement de toutes vos convictions qui seul peut vous conduire à ce qui mériterait vraiment le nom d’éveil ou de libération. N’est-ce pas révolutionnaire, pour des hommes qui autrefois voyaient de la matière solide, de savoir qu’il n’y a en fait que du vide, des protons et des neutrons ? La démarche de la destruction du mental demande une audace aussi radicale. C’est vraiment le passage dans un autre monde.

L’horreur de la situation — comme disait Gurdjieff — c’est qu’un monde d’enfant qui, en lui-même, est attendrissant règne sur le monde des adultes. Cette vérité a une valeur générale. Si nous nous apercevons que cela s’applique à nous, en voyant la puissance de nos propres émotions, nous comprendrons bien que c’est également vrai pour l’humanité qui n’est pas composée uniquement de sages.

Nous sommes entourés d’êtres humains qui, pour un oui ou pour un non, sont tout d’un coup, brusquement, envahis par le petit enfant qu’ils ont été autrefois ; dont la vision d’enfant ne correspond en rien à la réalité ; dont la manière de penser la situation actuelle est une pensée puérile et, bien entendu, dont les comportements vont être des comportements infantiles. Là réside la tragédie du monde … »

Un monde d’adultes serait complètement différent du monde ordinaire dans lequel nous vivons. En mettant l’accent sur les possibilités d’éveil ou d’illumination de l’être humain, on peut avoir l’impression de parler de sagesse à des adultes.

La vérité est d’abord beaucoup plus simple : il s’agit d’un monde d’adultes plus ou moins infantiles, c’est tout ; plus ou moins capables d’émerger hors de l’enfant en eux pour voir la réalité avec des yeux radicalement différents. Ce passage d’un monde à un autre est possible mais je ne dis pas qu’il est facile et il se peut qu’il vous faille beaucoup de temps pour modifier les fonctionnements qui se sont mis en place dans votre cerveau, dans vos engrammes, dans vos neurones. C’est une immense transformation mais une transformation à laquelle vous êtes appelés. »

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Yeii féminin et Yeii masculin, Diné’e (Navajo). Point de croix, (18×16 cm) – Sandrine Grillet – © 2012

 

* « Le Temps Aboli », Dialogues, page 15, David Joseph Bohm et Jiddu Krishnamurti, ed. Du Rocher © 1987

** Thich Nhat Hanh, « Bouddha et Jésus sont des frères », ed. Le Relié, © 2001

*** « Les Limites de la pensée » (dialogues), David J. Bohm et Jiddu Krishnamurtied. Stock © 1999 (préface D. Bohm © 1982)

 

 

 

 

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La “spiritualité” dans le monde contemporain

La “spiritualité” dans le monde contemporain

— Reconnaître en soi sa propre aspiration à une “spiritualité” ne suffit pas. Pour que nous puissions nous rendre compte et ressentir qui nous sommes vraiment il est nécessaire de bien appréhender que d’une part nous allons devoir procéder à un déconditionnement actif de ce qui nous constitue, et que d’autre part il nous faudra trouver une source d’inspiration qui nous semble fiable et authentique. Celle-ci devra nous emmener vers une conscience d’être plus ouverte et réceptive, capable de nous faire vivre un présent en prise direct avec le Grand-Mystère de la Vie !

Le challenge est d’envergure et osé ! Les écueils innombrables.

Jack Kornfield nous dit dans « Après l’extase, la lessive » pages 77/78 :
… « Les pensées et les convictions sont puissantes, nous manifestons sans cesse leurs énergies. Ces schémas de pensées associés aux tensions du corps et du cœur produisent une notion limité de nous-même. Cette trame est parfois appelée le “corps de peur”. Quand nous vivons dans ce corps de peur, notre vie est faite uniquement d’habitudes et de réactions. » …

Nous pouvons prendre conscience de l’immensité de la tâche quand nous savons que ce que nous accomplissons tout au long d’une journée et d’une nuit se passe à quatre-vingt dix pour-cent au niveau de la non-conscience dans le cerveau humain.

Dans le documentaire scientifique « Le cerveau humain et ses automatismes » (Film de Francesca D’Amicis, Peter Höfer, Freddie Röckenhaus, décembre 2011), il est démontré à quel point ce “non-conscient” nous oriente en permanence, et combien notre “conscient” a une part minimale dans notre quotidien. La plupart du temps, notre cerveau se contente d’une estimation approximative pour bien fonctionner.

Alors qu’en est-il ?

Pour accéder à l’information, notre cerveau, confiné dans sa boîte crânienne, a l’obligation de passer par les organes sensoriels, la mémoire, et la “connaissance” (dans le sens de ce qui est “connu”). À partir de ces matériaux, se construit une simulation représentative de ce qui nous entoure en tant qu’individualité corporelle. Ce n’est pas que le “monde extérieur” n’existe pas, il a bien sa propre réalité, mais en fait nous ne l’avons jamais vraiment, ni habité, ni même réellement visité ! Car en fin de compte le seul endroit où nous vivons réellement, c’est à l’intérieur de nous-même, et principalement dans notre boîte crânienne.

Nous devons bien nous rendre compte que notre pouvoir de décision conscient se limite le plus souvent aux sujets auxquels nous avons décidé de nous consacrer, pour le reste c’est le non-conscient qui prend en charge, et fait le tri dans la foule des perceptions.

Le cerveau non-conscient exécute le routinier sans solliciter la conscience qui ne se met en mouvement que pour les choses “importantes” ou inédites.

Sans vraiment nous en rendre compte, nous occultons des pans entiers du “monde extérieur” pour pouvoir nous concentrer sur un objet ou un tâche spécifique.
Le cerveau humain peut traiter jusqu’à deux cent mille données de plus que notre conscient !
La conscience humaine se limite au cortex cérébral. Jusqu’à quinze milliards de neurones du cortex peuvent former de nouvelles connections. Ce qu’il faut savoir, c’est que cela consomme une énergie considérable, supérieure à un effort de sportif de très haut niveau ; si bien que notre cerveau essaye toujours et en permanence de se défausser et de s’en sortir à moindre dépense énergétique sans le recours de la conscience du cortex cérébral humain.

Presque toute notre vie mentale est un mélange de processus conscients et inconscients qui se consolident mutuellement, en particulier lorsque la motivation rentre en jeu. Seule la conscience épuise véritablement notre énergie.
Nous vivons en permanence un décalage avec notre conscient sur les événements qui de fait se sont déjà produits dans le temps. Nous vivons sur le mode du “passé” des choses. Nous avons l’impression de vivre dans l’instant mais en définitive notre conscient est toujours en retard sur les événements. Nous ne percevons pas ce décalage car le conscient est dans une attitude de déni du non-conscient, il n’a pas la clé de communication, ou plus vraisemblablement il en a perdu l’usage au fil de son évolution*.

La mémoire (nous allons y revenir plus profondément plus loin) est l’organe sensoriel le plus important. Nous “voyons” à 99% ce qui est déjà imprimé dans notre mémoire, seul 1% vient s’ajouter par l’organe des sens, la vision en particulier.

Le cerveau a la capacité de falsifier l’information, de la modifier afin que son contenu corresponde à ce que lui croit et voit dans le non-conscient. Ce cerveau occulte tout ce qu’il considère comme peu important ou qui est déjà du domaine du “connu”.
Notre cerveau décide de ce qui doit lui être révélé ou non sans l’intervention de la conscience !
Notre non-conscient est le responsable du temps présent, alors que notre conscient est capable de voyager dans le temps, de se perdre dans le passé ou de se projeter dans un devenir hypothétique. Mais au bout du compte, qui garde vraiment “la maison” pendant ce temps-là ? Le non-conscient est le gardien du présent, et ce présent est éminemment à hauts-risques et recèle souvent de terribles dangers au quotidien.
Nous avons grand tort d’avoir totalement et “aveuglément” confiance dans les perceptions de notre corps et son ressenti.
Nous pouvons ainsi être abusés jusqu’à avoir l’impression que notre conscience est sortie de notre corps, ce qui n’est ni plus ni moins qu’une construction mentale représentative où l’illusion peut facilement se glisser.
Il est à noter que 90% de notre communication émotionnelle est non-verbale.
Avons-nous alors une issue à travers l’imbroglio de ce qui nous “habite”, (voire même ce qui nous “hante” !) ?
Oui bien sûr, puisque qu’il est en notre capacité, (pour peu que nous y consacrions le temps et que nous y mettions les moyens) d’avoir prise sur nos états de comportements par une attention constante, une observation orientée vers “ici, là où nous sommes”.
Partant d’un point de départ qui stipule que tout être, toute forme, sont constitués de particules corpusculaires quantiques et en même temps présentent les caractéristiques d’une “onde” engendrant une puissance “agissante” qui d’une manière ou d’une autre tend à “s’exprimer”, nous pouvons développer plus avant.
Percevoir ce qui se trouve au-delà de nos préoccupations quotidiennes et sortir de notre rôle habituel ainsi que de nos journées affairées vécues en “pilotage automatique”, voilà quel est l’enjeu.

Dans cette perspective, nous allons devoir mettre en œuvre une véritable stratégie, déconditionner notre être organisé de manière à survivre dans son environnement, afin de tenter de percer ce qui se trouve derrière, ce que nous sommes vraiment. Si la chose est possible, si des personnes (rares certes) ont tenté l’aventure (car c’est vraiment une grande aventure humaine que de partir à la quête de sa propre “réalité”), il n’en demeure pas moins que l’entreprisse comporte bien des risques de tous ordres, et que l’issue n’est jamais vraiment certaine, que jusqu’à un certain degré des “cimes” et au-delà, la chute est toujours une réalité. Elle est d’autant plus vertigineuse que l’i-réalisation est avancée en maturation, les “gardes-fou” du conditionnement sociétal n’existant plus vraiment, ou plus beaucoup !
Nous partons à la conquête de l’éveil sur la base de notre propre autorité spirituelle et notre savoir intérieur, en activant une confiance capable de nous soutenir face aux difficultés, voire face à la mort toujours omniprésente. À travers ce déplacement d’identité, nous pouvons dépasser la petite idée que nous avons de nous-même et nous défaire de ce que l’on appelle “le corps de peur” . Nous tentons de nous éveiller à une sagesse, un amour et à une absence de peur impérissable au centre desquels se trouvent la “rédemption” (du Latin redemptio, “rachat”) des souffrances, humaines et du monde sensible.

Cette “rédemption” est entendue sans connotation aucune de culpabilisation ou de honte, elle est désignée ici comme une simple prise de conscience d’une “perspective inadéquate” entre ce qui est de l’ordre fonctionnel de la survie, et le “sur-rajout” d’une notion d’identité exagérée voire exacerbée ou/et pervertie. C’est en fait “une mise au clair”, un “balayage de scories” de ce qui ne va pas, n’est pas pertinent. C’est essentiellement une immense vague compassionnelle équanime, sans attachement, sans exclusion, et pragmatique.
Le non-conscient, fruit d’une évolution laborieuse, est la condition sine qua non de notre capacité à assurer la vie de notre structure manifestée au quotidien. Les dernières étapes de cette évolution dans le développement du cortex cérébral sont devenues très complexes et sophistiquées, et donc dans le même temps plus vulnérables et délicates. L’humain, dans la nécessité où il est d’assurer sa survie au quotidien et la perpétuation de son espèce, se base sur la notion spatiale d’un passé mémoriel d’expériences et d’un devenir.  Cette notion des trois temps (passé, présent, avenir), même si elle reste une réalité tangible, n’a pas de réalité au niveau de la pure conscience.
L’être humain d’aujourd’hui a-t-il en encore vraiment quelque chose à voir avec celui qu’il était il y a trente ou quarante mille ans ? Oui, sur le fond c’est le même humain que présentement, mais il ne l’est plus vraiment quant à sa situation en tant qu’espèce sur Terre dans le spatio-temporel géographique.
Dès l’aube de cette humanité, la “spiritualité” l’a cependant habité à travers la conscience qu’il avait de lui-même et sa représentation dans l’espace manifesté.
Cette conscience humaine du Paléolithique supérieur liée à l’art pariétal était très probablement plus fluide et plus perméable que la nôtre, comme le soutien Jean Clottes. Les “idéaux” qui propulsaient ces humains vers le dépassement d’eux-mêmes, étaient certainement d’un autre ordre, leur environnement étant à ce point imposant que pour ne pas être complètement submergés et engloutis ils devaient trouver en eux des élans assignés par leur vulnérabilité manifeste au regard de la rudesse et du gigantisme qui les entouraient.

Les idéaux sont là pour nous amener à dépasser nos limites de perceptions étriquées, routinières et en devenir, à tendre vers « l’Être humain » vrai dans sa supra-conscience. Ce sont des outils inspirants mais non des réalités en eux-mêmes, l’objectif étant d’atteindre “une vision claire” à la fois précise et porteuse de perspectives à multiples facettes.
Lors de l’élaboration d’une existence à la fois plus pastorale et plus agraire, les équilibres ont été complètement bouleversés, et l’humanité a engagé une réelle mutation radicale.
Par le seul fait des changements induits dans sa physiologie essentiellement par son changement nutritionnel et les modifications de son habitat, l’humain, tout en restant le même, devint très différent dans son approche et son rapport à la Vie et à sa vie.
Ce fut une re-évolution totale, hormis pour les peuples qui restèrent, pour des raisons géographiques, dans des rythmes de vies ancestrales de type “bushman”. Nous y reviendrons ultérieurement dans d’autres articles.
Nous avons déjà observé dans un précédent article développant les connaissances scientifiques actuelles sur le cerveau, que la mémoire (individuelle ou collective) est le siège de l’identification, de la capacité à nous interpréter dans ce qui fait que nous sommes ce que nous sommes là où nous sommes.

Jack Kornfield nous dit :
« Chaque identification rend compte d’une circonstance particulière et d’une structure sociale, mais à un niveau plus profond, elle est en même temps provisoire et illusoire. Parfois, les références tribales et ethniques sont utilisées de façon saine : pour honorer notre culture, pour éveiller la dignité et le respect, pour apprécier notre lien profond avec nos semblables.
Mais ces mêmes distinctions peuvent servir des propos raciste et discriminatoires, créant d’énormes souffrances. Les identifications ethniques, religieuses et tribales sont exploitées de manière récurrente pour des raisons de pouvoir (de renommée, d’enrichissement) et de “sécurité” (intérieure), pour séparer “eux” et “nous”. Les manipulateurs utilisent cette identification pour attiser la haine (et le rejet) puissante de “l’autre” (celui/celle qui a un mode d’être autre, afin d’étendre leur emprise, “posséder” les personnes). »
(p. 113 “Bouddha mode d’emploiLe cœur sage”)
Nous nous rendons finalement bien compte de l’ambiguïté de cette identification** ; à la fois nécessaire pour un apprentissage de la vie (sociétale et personnelle) préservant une cohérence d’être, et sécrétant en même temps un poison violent en justifiant l’injustifiable dans la notion de “séparation” avec « autre » alors que nous ne sommes et ne devrions nous percevoir que comme une originalité dans la manifestation, une différenciation comportementale.
Tout le dilemme s’articule dans la capacité à jongler avec ce qui est de l’un et ce qui est à proscrire de l’autre. Mais bien évidemment le continuum de la conscience-base du collectif (l’alaya en skt. bouddhique) véhicule et imprègne toute personne. Elle devra s’en “libérer” si elle veut prétendre connaître les premières strates de la “liberté intérieure”.
Entreprise bien sûr à hauts risques divers, pour la personne elle-même et son entourage immédiat. Tout l’art du pratiquant(e) usant d’une méthodologie traditionnelle qui a déjà fait ses preuves à travers les âges dans une continuité de savoir faire ininterrompue, résidera donc dans son habileté et sa persévérance, sa capacité à trouver un juste équilibre pour dégager de sa gangue son évanescence spirituelle du “corps de peur”.
Et ce travail va être ardu, car il implique tout bonnement les structures même de notre existence présente.

Jack Kornfield cite William Blake
… « Ceux qui franchissent “la porte du ciel” ne sont pas des être dénués de passions ou les ayant réprimées, mais des individus ayant cultivé une compréhension de ces passions. »
Au lieu de condamner tous les désirs, nous les abordons avec sagesse et sensibilité. Nous voyons alors le monde comme un jeu de désirs et la différence entre ceux qui sont sensés et insensés devient évidente. Certains désirs sont causes de souffrances mais d’autres comme les besoins naturels d’amour familial, de nourriture et de refuge, sont salutaires.

Ces énergies ne sont plus des “péchés mortels” à craindre ; elles sont transformées en remède pour l’éveil. Nous sommes capables de rester dans le monde sans être emportés par lui, d’utiliser les énergies de la vie pour enseigner et éveiller partout où nous allons. »…
« Après l’extase, la lessive », p. 254

Et de Karl Gustav Jung ;
« L’instinct érotique est quelque chose de problématique et le sera toujours, quoi que puissent dire les lois sur ce sujet. D’un côté, il appartient à la nature animale originelle de l’homme et existera aussi longtemps que l’homme aura un corps animal. D’un autre côté, il est relié aux plus hautes formes de spiritualité. Mais il fleurit seulement quand l’esprit et l’instinct sont dans une véritable harmonie. Si l’un ou l’autre aspect fait défaut, il y a alors une blessure, un manque d’équilibre d’un côté, qui peut facilement dériver vers une pathologie. Un excès d’animalité défigure l’être humain, un excès de culture en fait un animal malade. »
Les formes de spiritualité les plus rigides condamne tout simplement la sexualité. Le bon sens nous montre que c’est le mauvais usage de la sexualité qui est décrit comme cause de souffrance.
… la peur de nuire en causant de la souffrance par une sexualité incorrecte, peut finir facilement par se transformer en une peur du corps et de la sexualité en général. Alors que en fait plus un être vit dans l’éveil, plus la grandeur de cette sexualité devient importante, par la présence encore plus aiguë à son corps, plus éveillé, plus vivant… »
« Après l’extase, la lessive », p. 274

Dans, « L’homme à la recherche de son humanité », Marcel Légaut, (page 212, Extraits – c. 1971), nous dit également :
… « L’homme est fondamentalement solitaire. Enfoui dans une unicité qui lui reste inconnue et qui le met à part même lorsqu’il s’approche d’autrui, il s’ignore, nul ne le connaît. Rien de ce qu’il manifeste n’exprime complètement ce qu’il est ; rien ne laisse prévoir ce qu’il pourrait devenir. Au contraire, les limitations de tous ordres que trahis son comportement le défigurent à ses yeux et aux autres et à ceux des autres. Il est enclos dans son mystère où sommeille encore sa vraie valeur. Une distance infranchissable le sépare de ses plus proches et même de lui-même.
Cependant, il ne doit pas être un isolé. L’homme replié sur lui-même, sans communication avec ses semblables, ne peut pas progresser vers son humanité. Abandonné à ses impressions et ses pensées, sans contact avec le réel, il est à la merci d’une imagination et d’une logique qui se développe suivant leurs pentes propres et qui ne lui apportent que des évidences fallacieuses pour le moins ambiguës.
Comment, à l’aide de ses seules lumières, pourrait-il “critiquer” avec une lucidité et une vigueur suffisantes ce dont la société le convainc et ce que l’hérédité lui impose à son insu ? Comment pourrait-il par ses seules forces se dégager de ces étreintes inconnues qui l’entraînent à dénaturer inconsciemment ses plus hautes aspirations ou même à les combattre ? D’autre part, le meilleur de lui même a besoin pour prendre consistance, pour se développer au-delà de l’horizon qui à chaque étape limite une vie individuelle, de découvrir par le dedans d’autres histoires humaines. Pour ne pas être la proie des déterminismes intellectuels et affectifs, pour ne pas rester l’image de son milieu et le produit de son espèce, pour devenir lui-même au-delà de ce qu’il peut concevoir et vouloir, il lui faut de toute nécessité, des présences qui, sans violer sa solitude, la peuplent et sans le distraire de lui-même, lui donne l’occasion d’entendre l’appel de son être.
La rencontre de deux êtres, qui rompt leur isolement spirituel, exige d’eux des conditions intimes convenables (ou compatibles) »…

Et nous poursuivons comme en écho avec Jiddhu Krishnamurti :
« Il y a en nous un vide, un sentiment de vacuité qui tend toujours vers l’expression personnelle et le plaisir, et qui suscite la peur de ne pas pouvoir les assouvir complètement, d’où une résistance, une agressivité. Nous nous efforçons de combler ce vide intérieur, cette vacuité, ce sentiment d’isolement total et de solitude – que vous avez déjà éprouvé, j’en suis sûr – par les livres, le savoir, les relations, et toutes formes d’artifices ; mais, au bout du compte, il y a toujours ce vide impossible à remplir.
Nous nous tournons alors vers l’ultime recours – “Dieu”.
Tant qu’existe cette vacuité, ce sentiment d’un vide insondable, la beauté, l’amour sont-ils possibles ? Si l’on a conscience de ce vide, et qu’on n’arrive pas à lui échapper, que faire alors ? Pour le combler, on a tout essayé – les dieux, le savoir, l’expérience, la musique, les tableaux, et toutes sortes de moyens technologiques d’information ; et cela nous occupe du matin au soir.
Lorsqu’on réalise que personne ne peut combler ce vide, on voit l’importance du problème. Si vous cherchez à le combler grâce à ce qu’on appelle une relation avec une autre personne, ou avec une image, il s’ensuit une dépendance, la peur de perdre, puis une possessivité agressive et de la jalousie, avec toutes leurs conséquences. Alors, se demande-t-on, ce vide pourra-t-il jamais être comblé par quoi que ce soit ? Par une activité sociale, de bonnes œuvres, la vie monastique, la méditation, les pratiques visant à affiner notre conscience ?
Quelle absurdité ! S’il est impossible de le combler, que faire alors ? Comprenez-vous l’importance de cette question ? Malgré nos efforts, rien ne réussit à combler ce vide : ni ce qu’on appelle le plaisir, ni l’expression personnelle, ni la recherche de la vérité, ni “Dieu” ; pas plus que l’image que l’on se fait de soi-même, celle qu’on s’est créée du monde, nos idéologies – rien n’y fait. On s’est donc servi de la beauté, de l’amour et du plaisir pour masquer ce vide ; mais si l’on cesse de vouloir lui échapper, et qu’on demeure avec lui, que va-t-il nous arriver ?
Qu’est-ce donc que cette solitude, ce sentiment d’un immense vide intérieur ? Qu’est-il, et pourquoi se manifeste-t-il ? Serait-ce parce que nous voulons le fuir, nous en évader, qu’il existe ? Serait-ce parce qu’il nous fait peur ? N’est-ce en fait qu’une notion abstraite du vide, auquel cas l’esprit n’est jamais en contact, jamais en relation directe avec ce qui est réellement ?
Je découvre cette vacuité en moi et je cesse de fuir, car c’est un acte tellement puéril. J’ai conscience de ce vide, il est là, et rien ne peut le remplir. Et je me demande : comment est-il né ? Toute mon existence, toutes mes activités quotidiennes, toutes mes théories, etc. – tout cela en serait-il la cause ? Serait-ce que l’ego, le « moi » – peu importe le terme – ne cesse de s’isoler dans toutes ses activités ? Le « moi », l’ego, de par sa nature même, nous isole, nous divise.
Toutes ces activités ont créé en moi cet état d’isolement, de vacuité profonde – ce vide est donc un résultat, une conséquence, et non un état naturel. Je vois que tant que mon activité restera axée sur l’ego et l’expression de l’ego, ce vide sera inévitable ; je vois aussi que, pour le combler, je fais des efforts de toute sorte, ce qui est, là encore, d’ordre égocentrique – et le vide se fait de plus en plus vaste, de plus en plus profond.
Est-il possible de transcender cet état ? Pas en voulant s’en évader, ni en disant : « Je ne serai plus égoïste. » Dire cela, c’est déjà être dans l’égoïté. Lorsqu’on mobilise sa volonté pour contrer l’activité de l’ego, cette volonté même est facteur d’isolement.
Siècle après siècle, l’esprit a été conditionné à exiger une sécurité, à vouloir être rassuré ; il s’est forgé, physiologiquement et psychologiquement, un mode d’activité égocentrique et narcissique ; et cette activité envahit la vie quotidienne – c’est ma maison, mon travail, mon bien ; voilà l’origine de ce vide, de cet isolement. Comment cette activité peut-elle prendre fin ? Est-ce envisageable, ou ne faudrait-il pas plutôt ignorer cette activité, et insuffler à l’esprit une qualité d’une tout autre nature ?
Donc, ce vide, je le vois, je vois comment il est né, je me rends compte que la volonté ou toute autre activité tendant à faire disparaître le facteur responsable de cette vacuité n’est qu’une autre forme d’activité égocentrique. Je vois tout cela très lucidement, très objectivement, et je réalise soudain que je ne peux rien y faire. Auparavant, j’essayais d’agir, en fuyant ce vide ou en tentant de le combler, de le comprendre, de l’examiner, toutes choses qui ne sont que d’autres formes d’isolement.
Mais je réalise soudain qu’il n’y a rien à faire, que plus j’agis, plus je dresse un mur d’isolement. L’esprit lui-même réalise qu’il ne peut rien faire, que la pensée est impuissante, car toucher à cette vacuité, c’est l’engendrer de nouveau. Ainsi, en observant avec le maximum de soin et d’objectivité, je perçois tout ce processus, et cette perception fine et aiguë suffit en soi. Voyez ce qui s’est produit : je gaspillais auparavant beaucoup d’énergie à m’agiter en tout sens, mais à présent j’en vois l’absurdité – l’esprit saisit très clairement à quel point c’est absurde.
Donc, je ne gaspille plus aucune énergie. La pensée se calme, se tait, l’esprit devient tout à fait immobile : tout étant décrypté, le silence s’installe. Dans ce silence, il n’est point de solitude. Avec ce silence, ce silence total de l’esprit, viennent la beauté et l’amour – qui peuvent s’exprimer, ou s’abstenir de toute expression.
(…)
Il y a donc la félicité – qui se situe bien au-delà du plaisir ; il y a la beauté, qui n’est pas l’expression d’un esprit habile, mais qui est la beauté propre à l’esprit qui est parfaitement silencieux. Il pleut, on entend tambouriner les gouttes d’eau. Vous pouvez écouter avec l’oreille, ou bien à partir de cet immense silence qui s’est fait en vous. Si vous écoutez la pluie à partir de ce silence total de votre esprit, la beauté en est telle qu’aucun mot, aucune toile, ne saurait l’exprimer, car cette beauté transcende toute forme d’expression.
L’amour, c’est évidemment la félicité suprême, qui n’est pas de l’ordre du plaisir.
« Au seuil du Silence », pages 141/144

Nous avons également d’autres expressions de ce silence-vacuitaire dans les traditions Amérindiennes :

"Buffalo" JW Baker, broderie (43cmX31cm) au point de croix, de Sandrine Grillet -2014

« Buffalo » JW Baker, broderie (43cmX31cm) au point de croix, de Sandrine Grillet – © 2014

« Les premiers Amérindiens tempéraient leur fierté d’une singulière humilité. L’arrogance spirituelle était étrangère à leur nature et à leur enseignement. Il n’ont jamais prétendu que le pouvoir de la parole articulée était une preuve de supériorité sur la création muette ; la parole était pour eux un cadeau empoisonné. Ils croient profondément au silence — signe d’une harmonie parfaite. Le Silence est l’équilibre absolu du corps, de l’Esprit et de l’Âme. L’être humain qui préserve l’unité de son être reste calme et inébranlable devant les tourments de l’existence — pas une feuille ne bouge sur l’arbre ; aucune ride à la surface de l’étang qui brille — telle est, pour le sage illettré, l’attitude idéale pour la conduite de la vie.
Si vous lui demandez : « Qu’est-ce que le silence ? » Il répondra : « C’est le Grand Mystère ! Le Silence Sacré est la voix ! » Si vous lui demandez : « Quel sont les fruits du silence ? » Il dira : « La maîtrise de soi, le vrai courage ou la persévérance, la patience, la dignité et le respect. Le Silence est la pierre angulaire du caractère ».
Ohiyesa, Tribu Santee-Dakota, XXe siècle

Et paradoxe apparent, ce Grand-Silence est l’expression d’une grande présence, car il contient tous les sons, exprimés ou “inaudibles” à l’oreille. C’est le domaine où se rejoignent l’ondulatoire et le corpusculaire, et où nous accédons à une intelligible résonance avec notre intériorité.

* Les diverses techniques “spirituelles” élaborées au cours des âges avaient et ont encore pour certaines cette fonction de préservation ou de re-connection des équilibres communicants entre le cortex cérébral lié à la conscience et le cerveau fonctionnel archaïque abritant le non-conscient, siège de notre adaptation et de notre survie au quotidien.

** Dans les stades avancés de cette distorsion, nous pouvons peut-être parler de phénomène d’intoxication, et entreprendre une véritable cure de désintoxication.

COSMOS et Sciences

( physicien Brian Greene, « Magie du Cosmos » et « Théorie des Cordes » )

I
Une relative illusion, la perception que nous avons du temps.

L’espace et le temps peuvent se déformer et se courber, c’est la gravité.
En outre, les trois dimensions qui constituent notre jeu de perceptions familier en recèlent d’autres non perceptibles pour l’humain, car plus petites au niveau du rapport de taille de nos perceptions habituelles.
Selon A. Einstein, « l’Espace-Temps » dépourvu de matière est unidimensionnel, plat et lisse.
Il se pourrait fort bien que l’univers et notre perception en trois dimension ne soient qu’un mirage !
Pourtant très familier, le « temps qui passe » gouverne notre vie. Mais ce temps n’est peut-être pas ce qu’il paraît. La distinction entre les trois temps « passé-présent-futur », existe-t-elle dans l’absolu ?
Le temps semble s’écouler d’un moment à un autre, et le flux du temps semble toujours aller dans la même direction, vers un futur. Il est possible que cela ne soit pas une réalité. Le passé n’a pas forcément disparu, quant au futur il est sans doute déjà là, dans un « présent ». Ce temps peut subir des accélérations et des ralentissements.
Le temps se défini comme non saisissable en tant qu’objet. Le temps n’a pas un sens de déroulement, le temps nous semble un mystère fuyant.

La répétition de cycles forme une horloge, et l’expérimentation du flux du temps est un des fondements de notre vie. Le temps de l’endroit où nous nous trouvons n’est pas forcément le même que celui d’un autre endroit, ce qui relativise la réalité du temps lors du mouvement produit par un déplacement dans l’espace.
En outre, la perception du temps varie d’une personne à une autre ; le temps est aussi une expérience d’un être particulier, avec le rythme qui lui est propre.
Il y a donc « des temps » et non pas « un temps universel ». Chacun est l’écoulement d’un temps en mouvement dans l’espace, dans une une direction donnée.
Se déplacer dans le temps, n’est pas forcément se déplacer dans l’espace. Sans déplacement dans l’espace, tout le mouvement se produit dans le temps.
La perception du temps peut ralentir en fonction d’un déplacement et le mouvement dans l’espace affecte l’écoulement du temps ; le mouvement ralentit l’écoulement du temps. Le temps lui-même s’écoule plus lentement pour l’être en mouvement. L’espace et le temps ne sont pas des éléments distincts.
Le temps qui se déroule est une succession d’instantanés, de « tranches de maintenant » dans l’Espace-Temps d’un univers donné . L’orientation de ces « tranches » est le fait de chaque être selon son mouvement dans l’Espace-Temps. Elle produit un « angle de coupe » qui est particulier à chacun.
Ainsi, d’un être à un autre, aucune de ces « tranches » n’est parallèle à une autre, elles s’entrecoupent en un point ou en un autre.
La perception d’un changement dans l’Espace-Temps se fait uniquement du point de vue d’un « maintenant » appréhendé subjectivement.
Toutes les potentialités sont déjà existantes par elles-mêmes. C’est notre cerveau qui perçoit un déroulement du temps, il est le projecteur d’une « bande filmée » qui contient déjà l’entièreté des informations du « film ».
Gravité et mouvements modifient l’Espace-Temps. La gravité ralentit le « passage du temps ». Plus l’attraction gravitationnelle est forte, plus le temps ralentit, et inversement. Le temps a pour le moment une dimension unidirectionnelle dont le sens nous échappe, un devenir contenant ce qui n’est pas encore arrivé.
La tendance générale de l’univers constitué va de l’ordre vers le « désordre », d’une organisation cohérente vers l’incohérence, soit l’entropie.
C’est assez simple. S’il n’y a qu’unicité dans l’ordonnance, il y a multiplicité pour le désordre. Ainsi l’entropie augmente au « fil du temps ».

II

L’espace et son mystère

La réalité de l’espace est expérimentée dans le mouvement.

L’espace et le temps sont liés dans une réalité relative, s’ajustant l’un dans l’autre avec flexibilité, fusionnant : l’Espace-Temps.

Cet Espace-Temps nous renvoie à notre ressenti illusoire de personne humaine. La gravitation est la déformation de l’Espace-Temps occasionnée par les objets qui s’y trouvent. Cette gravitation est la forme même de l’espace-Temps.
L’Espace-temps est une dynamique.

La mécanique quantique :

La mécanique quantique et les champs magnétiques fluctuants donnent le « chaos bouillonnant ».
Le vide de l’espace présente une telle activité qu’il oblige les éléments à se déplacer.
Le « boson de Higgs » et son Océan…
L’espace est une espèce d’océan dans lequel sont immergées des particules qui acquièrent leur masse en se déplaçant à travers lui.
Le champs de Higgs donne « la masse ». L’énergie noire est l’énergie même de l’espace vide qui provoque l’expansion de l’univers.

L’hologramme et l’illusion :

Notre réalité familière tridimensionnelle pourrait être une projection d’informations stockées sur une fine surface bidimensionnelle très éloignée et lointaine.
La réalité est bidimensionnelle (« trous noirs »). Le monde tridimensionnel est une « image » de l’hologramme situé à la frontière de l’espace. L’idée est que nous pouvons savoir ce qui se passe à l’intérieur en nous référant simplement à ce qui se passe à l’extérieur, aux informations qui sont « codées ».
Ainsi, cet « encodage informatique » peut reproduire ce qui s’est désintégré par ailleurs à l’intérieur du champ gravitationnel du/des « trous-noirs ».
Ce qui revient à dire que toute manifestation tangible n’est qu’une projection stockée sur la lointaine surface bidimensionnelle qui l’entoure. Autrement dit, ce que nous prenons pour la réalité n’est qu’une projection holographique objective !
La réalité est le stockage d’encodage bidimensionnel à la surface de notre univers.

III

« L’énergie-noire » et la « matière-noire »

Seul 5% de la structure de notre univers est connu, c’est le domaine des atomes.
La « matière-noire » est dotée d’une existence parallèle à « notre monde », et est une composante de la structure cohérente de notre univers connu. Cette « matière-noire » n’émet aucune lumière, elle est traversée par la lumière. Les théories physiques actuelles ne définissent donc qu’une toute petite partie de notre univers. Nous sommes constitués d’un monde d’atomes qui baignent dans une structure totalement inconnue pour le moment. Ainsi, nous ignorons pour l’essentiel la nature de notre univers. Une découverte telle que celle-ci montre la dimension de notre inconnaissance dans ce domaine.
La « matière-noire » est le catalyseur des structures de notre univers. Cette « matière-noire » est le creuset des étoiles qui elles-mêmes ont forgé les atomes de notre univers dont nous sommes tous constitués. La « matière-noire » traverse sans encombre toute structure de matière atomique.
Il y a un rapport direct entre le monde des particules et celui de la cosmologie.

Si l’on sait ce que l’on cherche et qu’on le trouve, l’on apprend pas grand chose. Par contre, trouver ce que l’on attend pas, ouvre des horizons. « L’énergie-noire » est une force qui régit les ¾ de l’univers, cet univers qui accélère son expansion.

« L’énergie-noire » est une propriété de l’espace et une force de répulsion qui s’oppose à la gravité. Si « l’énergie-noire » disperse, la « matière-noire », elle, contracte et conserve.

Atome = 5%
Matière-Noire = 23%
Energie-Noire = 72%

Nous naviguons sur l’écume du monde !

IV

La mécanique Quantique

Changeons de point de vue. Plaçons-nous au niveau de l’infiniment petit, dans la dimension des atomes et des particules.
Ce monde est régit par des lois radicalement différentes de celles qui régissent notre quotidien. Dans l’univers quantique les choses ne restent pas à un seul et même endroit ou ne suivent pas une seule direction. Une chose est en une multiplicité d’endroits en même temps !
L’électron porte en lui une multitude de possibilités. Toute la matière qui constitue notre univers est faite d’atomes et de particules sub-atomiques (les quarks) gouvernés par la probabilité aléatoire et non par la certitude. La nature des choses est intrinsèquement probabilité. Tant qu’une particule n’est pas mesurée, ses caractéristiques sont incertaines. C’est l’acte « mesurant » et « identifiant » qui force la particule à faire un choix et se définir !
La « réalité » toute relative de l’univers dépend-elle du fait que quelqu’un l’observe ?
Si l’on mesure une particule « intriquée », elle est affectée par cette mesure. Non seulement elle est elle-même affectée, mais tout ce qui est « intriqué » avec elle l’est également, et ce quelque soit la distance.
L’aléatoire du monde quantique semble cependant s’effacer à mesure de l’augmentation en taille des choses. Dans ce monde quantique chaque possibilité pourrait trouver son aboutissement, alors qu’au niveau des objets, il n’en reste qu’une.
Il se peut donc que cette réalité-là dépasse le cadre de l’univers que nous « voyons », créant des « mondes nouveaux » dans des univers latéraux où chaque possibilité peut se réaliser, ce qui donne un peu le vertige !

Il n’y a pas de frontière entre l’infiniment petit et l’infiniment grand.

V

Univers et Multivers
(unicité dans l’Univers et multiplicité dans les Multivers)

Le « big-bang » est/et gravité-répulsive donnent L’INFLATION. De cette « inflation » originelle demeure l’ultime vestige du fond-diffus cosmologique, laissé par le big-bang lui même. L’espace garde une densité d’énergie énorme dans les Multivers.
Actuellement, le Multivers semble rester une incertitude non-vérifiable. Existe-t-il ? N’existe-t-il pas ? Impasse ?
Une issue pourrait cependant se présenter au regard de la « théorie des cordes » et de « l’énergie-noire » :
La théorie des cordes donne une explication de l’univers à l’échelle du microcosme.
L’énergie-noire donne, elle, une explication basée sur l’expansion-accélérante du cosmos.

Ces deux disciplines vont ainsi lever le voile.

Le « vide » contient de l’énergie. La mécanique quantique démontre l’importance considérable de cette énergie au niveau du microcosme :
Les atomes produisent les particules que sont les protons et les neutrons, qui produisent eux-mêmes les « quarcks », particules sub-atomiques, et in-fine l’énergie vibratoire des « cordes ». Toute chose est constituée de cet élément fondamental unique.
Les « cordes » développent de multiples propriétés selon leurs vibrations, de nombreux types de particules, qui permettent l’existence de neuf dimensions. Six d’entre elles sont trop petites pour être appréhendées. Pourtant, les formes de ces dimensions influent sur les trois que nous connaissons de façon familière. C’est une sorte d’ADN de notre univers.

Dans chacun des univers possibles tout se détermine sur les différences de nature de « l’énergie-noire »

Albert Einstein :
Un être humain fait partie d’un tout qu’on appelle « l’univers » ; c’est un élément limité dans le temps et l’espace. L’être se ressent, avec ses pensées et ses sentiments, comme séparé du reste – une sorte d’illusion d’optique de sa conscience. Cette illusion est comme une prison qui nous confine à nos désirs personnels et à notre affection pour quelques personnes proches de nous.
Notre devoir est de nous libérer de cette prison en élargissant le champ de notre compréhension et de notre compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes, la totalité de la nature dans sa beauté.
« Périls et promesses de la vie spirituelle », p. 507, Jack Kornfield, © édition Pocket oct. 2003

Thich Nhat Hanh nous fait part en écho de sa perception à ce sujet :

— « … si vous observez profondément une vague, vous verrez que la vague ne provient pas de rien. Rien ne vient de rien. Avant d’être là, l’arbre était ailleurs. Il était une graine, et avant cela il faisait partie d’un autre arbre. Avant de tomber, la pluie était un nuage. La pluie ne naît pas, elle est une transformation du nuage. C’est une continuation. Si vous regardez la pluie profondément, vous y reconnaîtrez le nuage qui est la vie antérieure de la pluie.

quand je touche un arbre, quand je regarde un oiseau, quand je contemple l’eau dans la crique, je les admire non pas parce qu’ils ont été « créés par Dieu » ou qu’ils ont « la nature de Bouddha », je les admire parce qu’ils sont des arbres, des rochers, de l’eau. Je m’incline devant un rocher parce qu’il est un rocher. Je ne m’incline pas devant un rocher parce qu’il serait habité par un esprit, pas plus que je ne considère le rocher comme un être inanimé. Car pour moi, le rocher n’est rien d’autre que la conscience, l’esprit lui-même.

La vague qui regarde profondément en elle s’aperçoit qu’elle est faite de toutes les autres vagues, si bien qu’elle ne se sent plus coupée du reste du monde. Elle sait reconnaître que les autres vagues sont aussi « chez elle ». Quand vous pratiquez la marche méditative, marchez de manière à reconnaître votre demeure, ici et maintenant. Voyez les arbres comme votre demeure, l’air comme votre demeure, le ciel bleu comme votre demeure et la terre sur laquelle vous marchez comme votre demeure.

Le cosmos est notre demeure et nous pouvons toucher le fait d’être conscients de notre corps. »
(« BOUDDHA et JÉSUS sont des frères », p. 22, 26, 34 et 37, Éditions Le Relié © mai 2001)

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« Le cerveau humain, son fonctionnement »

Ce que nous en savons aujourd’hui

La genèse du féminin et du masculin

Le cas traité, en l’occurrence celui de la “patiente” Jan Johnson, nous démontre que la Vie humaine est fondamentalement “féminine”, mais pas de façon exclusive puisqu’en essence elle contient la production de la sexualité femme et homme.

Femme : chromosome XX
Homme : chromosome XY

La structure de l’ADN, porteuse des 30 000 gènes humains, est la même chez les femmes et chez les hommes, seul un gène les différencie. Sur les 46 chromosomes, seul le chromosome Y les différencie. C’est un très petit porteur d’ADN (une soixantaine de gènes). Le S.R.Y*., recevant la “pluie” de testostérone au cours de la sixième semaine de gestation dans l’utérus, oriente le fœtus vers la masculinité ; le XX (l’X à lui seul contient de deux à trois mille gènes) recevant quant à lui l’œstrogène engendre le féminin.DSC_8770 - blog

Ce qui est remarquable, c’est que lorsque le chromosome Y est pour des raisons “pathologiques” insensible à la testostérone, l’organisme retourne par défaut “d’information” à la structure féminine. (cas de la “patiente” Jan Johnson cité en référence dans le documentaire).

Ainsi, la conscience supra-humaine structure fondamentalement le féminin, qui est elle-même porteuse du masculin.

— extraits du documentaire scientifique de la BBC (2002) « Le secret des sexes », consultant scientifique professeur John Burn et intervenants Dr Roy Levin (physiologiste de la reproduction) Dr. Peter Goodfellow, réalisation David Stewart, diffusion sur Arte 5 —
*Le gène SRY (de l’anglais Sex-determining Region of Y chromosome) est un gène architecte situé sur le bras P (court) du chromosome Y en position Yp11.31 chez l’Homme
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Dans « Le cerveau humain et ses automatismes », (La magie de l’inconscient), extraits du documentaire scientifique – décembre © 2011, Film de Francesca D’Amicis, Peter Höfer, Freddie Röckenhaus, nous découvrons que :

— La sexualité de l’ardence amoureuse est le domaine où nous sommes le plus assujettis à notre cerveau.

– Les décisions importantes que nous prenons dans notre vie comme le choix d’un partenaire de vie ne se font pas sur des pensées conscientes.

Nous sommes en fait gouvernés par notre non-conscient. La conscience ne se manifeste finalement que quand tout est déjà déterminé par notre non-conscient. C’est un véritable tour de passe-passe qui nous leurre ! C’est une manœuvre d’illusionniste qui nous laisse l’impression, et seulement l’impression, que nous avons la maîtrise des choses.

Le cerveau et la relation sexuelle amoureuse fusionnelle

D’un point de vue clinique, être amoureux c’est être dans le stress. L’amygdale s’active – siège de la peur lorsque nous nous sentons menacés [objectivement ou pas] et nous met en état d’alerte – d’où l’agitation fébrile qui naît dans la relation passionnelle sexuée amoureuse.

L’état de panique lié à ce processus nous rend peu clairvoyant. Parallèlement, l’endorphine de l’hypothalamus nous met dans un état d’euphorie, tout comme la sérotonine produite par le tronc cérébral. Tout ceci agit conjointement comme une véritable addiction.

Ainsi la conscience baigne dans un état plaisant. Pendant ce temps l’hypothalamus produit la cortisole, hormone du stress, qui réduit notre perception lorsque nous sommes menacé(e)s ou sous le sentiment de cet état “amoureux”.

Pendant cette période, l’hypothalamus et la thyroïde réduisent la testostérone chez l’homme et l’augmentent chez la femme. Au bout de quelques temps l’hypothalamus sécrète l’ocytocine qui véhicule l’attachement. Elle est également produite par la thyroïde pendant l’orgasme et l’allaitement chez la femme. L’ocytocine n’engendre pas de stress mais plutôt l’empathie et le sens oblatif, qui ne sont pas du domaine de la conscience. Cette dernière a fortement tendance à rejeter ce genre d’attitude.

La relation amoureuse

L’activité du noyau accumbens (ensemble de neurones situés à l’intérieur de la zone corticale prosencéphale, petite “usine” à hormones) joue également un rôle dans les comportements d’addiction intenses et le système de “gratification”.

Même en cas de situations conflictuelles ou de désaccords, les circuits de l’inconscient sont actifs. Ils peuvent envenimer les choses à notre insu et inversement. Le rire est par exemple un facteur de rapprochement, et dans notre évolution, le non-conscient a su rire bien avant l’expression verbale ! Il en est bien évidemment de même pour le sourire.

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Le cerveau humain s’accomplit à 90% dans le non-conscient (de ce que nous faisons) et ce éveillé ou pas !

Quand nous avons une idée, la partie non-consciente de notre cerveau l’a eu bien avant la conscience émergée.

Nous sommes guidés par le non-conscient. Ainsi, la part du conscient est une illusion, elle est minimale. Généralement le cerveau se contente d’une estimation pour bien fonctionner.

L’ intuition humaine

C’est une anticipation dans le temps très bref qui puise sa source et son inspiration dans la base de données enregistrées et stockées dans le cerveau, la mémoire, constitutive de notre personnalité, (nous y reviendrons plus précisément dans les extraits d’un autre documentaire plus loin*).

Car si nous devions vivre les événements pleinement et en toute conscience, nous serions rapidement dépassés par ceux-ci !

En fait notre cerveau est très en avance sur notre conscient, en particulier via des ressentis corporels.

Pour conclure c’est le non-conscient qui de fait dirige la manœuvre. De sorte que même en cas de changement de perception des choses ou de notre comportement, c’est le non-conscient qui oriente tout.

La plupart du temps, notre non-conscient a le dessus sur notre réflexion, pour la bonne et simple raison que cette dernière fatigue le cerveau situé dans le cortex cérébral.

Le conscient situé en région frontale, ne peut gérer plus d’une pensée à la fois, ou cinq ou six unités d’informations ensemble. Le centre de décision conscient se situe dans la région au-dessus des orbites, (cortex orbito-frontal), mais ne décide pas seul. Il agit en collaboration avec l’hippocampe qui stocke toutes nos expérimentations. Or, c’est ce que nous sauvegardons et ce dont nous nous souvenons dans la mémoire qui détermine ce que nous sommes et ce que nous faisons.

Les centres de coordination

– Le centre de la peur et de la panique se situe dans le noyau amygdalien ainsi que dans les centres du plaisir et de la gratification (nous y reviendrons plus précisément dans les extraits d’un autre documentaire plus loin**).
Tous ces centres décisionnels échappent à notre conscient, et ont toujours le premier et dernier mot.

Le résultat se traduit par le sentiment.
Le cortex cérébral reçoit les informations sous forme condensée mais ne parvient pas à identifier d’où elles viennent ? Ainsi notre conscience tend à nier purement et simplement tout ce qui vient de l’inconscient !

Au cours de l’évolution humaine, le conscient est venu se greffer sur le non-conscient au niveau du cerveau primaire. Le conscient a dû apprendre à fonctionner avec l’inconscient, qui, bien que quelque peu “archaïque”, a encore une très grande influence.

La vitesse décisionnelle du cerveau dans le cadre de décisions complexes est de l’ordre de deux cent trente millièmes de seconde !

L’intuition n’est pas une fonction innée, elle se développe sur la base de l’ensemble de l’expérience et les innombrables répétitions.

L’effet d’amorçage

Notre environnement et notre passé récent influencent tous nos actes.
Notre raison a peu d’influence sur ce que nous sommes et sur ce que nous faisons.
Le cerveau humain brûle autant d’oxygène et de sucre que tous nos muscles réunis. Aussi le non-conscient prend-il rapidement le relais et les choses deviennent plus aisées, plus facile à gérer. C’est essentiellement pour cela que nous répugnons et avons beaucoup de difficultés à sortir des sillons de nos habitudes d’être, de fonctionner et de penser.

La créativité est en soit un acte de rébellion

Il faut être subversif pour aller contre les règles et les conventions établies d’un environnement, d’une époque et d’un temps humain donnés. Quand tout le monde accepte ce que vous faites, alors vous ne pouvez pas être un innovateur ou un visionnaire précurseur.

Les routines de pensées inconscientes
La créativité du cerveau se développe dans la cessation du flux continu des pensées routinières et non-conscientes.

Les quatre types de cerveau
Ils sont en rapport avec la présence des hormones dans le cerveau.
les aventuriers — la dopamine
les casaniers — la sérotonine
Ces deux types de cerveaux recherchent un équivalent à eux-mêmes et non la mixité.

les décideurs — la testostérone
les négociateurs — les œstrogènes
Ceux-ci par contre recherchent la mixité.
Et il est évident que tout ceci s’opère hors du champ de la conscience.

Le cerveau et la vitesse de décision
La décision consciente s’effectue de sept à dix secondes plus tard que le non-conscient. La conscience ne peut donc s’opposer aux décisions du non-conscient. Tout ce qu’elle peut faire c’est poser une réflexion après-coup !

Conscient et non-conscient
Le plus digne d’intérêt, ce n’est pas tant de savoir ce que sont le conscient et le non-conscient mais plutôt de prendre conscience de ce qui oriente vers la bonne décision au moment où elle doit intervenir !

Conclusion
Le cerveau change au fil des expériences qui sont vécues.

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« Recherche sur la mémoire » (Le cerveau humain)
(Extraits du documentaire scientifique – © 2010)
Film de Pétra Seeger, sur le prix Nobel de neuro-physiologie Eric Kandel

Chaque personne humaine a un cerveau qui diffère des autres selon son parcours et son “apprentissage”.

L’hippocampe est le siège de notre mémoire. Cette mémoire est le liant de notre vie mentale, c’est elle qui nous permet de trouver une continuité dans notre vie. Sans cet élément essentiel nous ne sommes pas, d’une certaine façon, nous “n’existons” pas.

Le processus “d’apprentissage” modifie le mode de communication entre les neurones appelé « transmission synaptique ». Et ce qui se passe au niveau des neurones se reflète dans le comportement ; d’où mémoire à court terme et mémoire sur le long terme.

La mémoire permet une vision cohérente du passé mettant en perspective nos expériences présentes.

Sans le liant de la mémoire notre vécu serait fragmenté en petits instants de vie. Ainsi, si nous ne pouvions pas remonter le temps mentalement, nous ne serions pas conscients de notre passé.

Nous sommes ce que nous sommes par nos “apprentissages” et nos souvenirs. Souvent un/des lieu(x), des odeurs, des sons, provoquent le souvenir.

Chaque neurone est chargé d’une énergie électrique, et notre cerveau fonctionne grâce aux signaux et impulsions électriques.

L’hippocampe est une structure profonde présente dans notre cerveau qui permet le stockage d’informations complexes de lieux, de personnes et d’objets.

L’activation d’un système de régulation du cerveau basé sur la dopamine ou sur la sérotonine libère le neurotransmetteur pour renforcer la connexion synaptique. Ainsi les synapses n’ont plus un seul terminal mais trois. C’est le processus de mémoire à long terme, qui par ailleurs modifie les gènes dans les neurones.

La psychologie et la neurologie vont vers une nouvelle discipline scientifique, les neurosciences.

La synapse chimique est la clé qui permet de comprendre comment fonctionne l’apprentissage de la mémoire. Cette synapse n’est pas fixe, elle est malléable, et peut être modifiée par l’activité dont elle est l’objet.

Ce qui nous arrive est constitutif de notre identité.

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« En finir avec la peur », Film de Sonjä Hachenberger, © 2011

La gestion de la peur émotionnelle et traumatique et le processus mémoriel appelé “consolidation”.

La peur est un signal d’alarme qui se met en route en cas de danger et qui nous permet d’assurer notre capacité de survie dans un milieu et un temps donné. C’est le sentiment de peur qui fait que le danger et sa menace (potentielle ou pas) restent en mémoire.

Car l’émotion forte ressentie imprime un “marqueur” sur notre cerveau porteur du message important. Le centre des souvenirs se concentre dans le système limbique qui est une des régions les plus archaïques du cerveau.

L’enzyme CDKS 5 qui sert à stocker les souvenirs, permet aussi de les conserver ; ce qui maintient dans la mémoire à long terme les expériences négativisantes comme un vrai poison qui peut prendre des proportions envahissant l’espace, tout l’espace de vie.
Les souvenirs ne sont pas rangés en un seul et même endroit.
Par exemple, en cas d’incident ou d’accident violent, le souvenir conscient va vers l’hypothalamus, tandis que l’émotionnel va vers l’amygdale. D’autres fragments seront stockés dans d’autres systèmes mnésiques.
Les souvenirs ne sont donc pas stockés en bloc, ils sont d’abord fragmentés avant d’être répartis dans diverses zones du cerveau.
Ainsi le souvenir est multiple. Factuel d’un côté, émotionnel d’un autre côté. L’émergence du souvenir est le produit de réactivations de zones multiples du cerveau. Ainsi il est très difficile de parler d’un lieu où seraient stockées des expériences personnelles. La structure de ce que l’on dénomme moi ou ego, est donc non pertinente de ce point de vue spécifique.

Elle est néanmoins un des noyaux du système limbique ; c’est le lieu de passage obligatoire de tout ce que nous vivons d’important, c’est là qu’échouent les émotions liées à un événement signifiant. L’amygdale joue un rôle de sélection dans ce qui doit être retenu ou pas. Si le “signal” est positif cela va vers l’hippocampe et la mémoire du long-terme.

Dans le cas d’un stress post-traumatique, les souvenirs peuvent s’imposer à notre conscient, et nous pouvons en devenir esclave. Les événements traumatiques sollicitent tellement les systèmes d’informations que l’on arrive à un blocage provoqué par saturation. Les événements, les émotions et les souvenirs liés au trauma sont comme gelés dans le cerveau et défilent en boucle. Il y a ainsi une réminiscence du temps, comme si l’événement était vécu dans un présent permanent, ne pouvant de ce fait être rangé dans un temps du passé (le conscient est du domaine du passé et du devenir, le non-conscient gère en grande partie le présent).

Si l’amygdale ordonne, l’hippocampe exécute. De sorte que si l’amygdale est hyper-activée et se retrouve de ce fait “victime” d’une saturation (burn-out), alors se dresse un mur qui fait barrage et l’hippocampe est hors-service, déconnecté.

Les décharges d’adrénalines se propagent dans les situations de stress et de peur, ce qui renforce le développement de l’émotion négative.
L’émotion renforce le souvenir ; l’adrénaline vient se loger sur les récepteurs et génère du stress.

Le processus de consolidation mémoriel se constitue en quelques heures après les événements traumatisants et une fois pour toute, comme scellé. Mais il existe un moyen pour engager un processus de re-consolidation lorsqu’un nouveau choc émotionnel se produit. Il est alors possible que l’ancien trauma remonte à la surface pour devenir un “nouveau” souvenir ; c’est la re-consolidation, qui repasse par un nouvel état d’instabilité. Car quand nous sommes confrontés à quelque chose qui nous heurte profondément, nous sommes comme frappés de stupeur par la foudre.
Les processus de verbalisation des choses ou d’écriture permettent cette reconstruction, cette re-consolidation.

Dans la mémoire autobiographique les événements ne sont pas uniquement classés en tant que pensées, ils sont aussi associés à une émotion.

Les souvenirs autobiographiques commencent à se former environ vers l’âge de trois ans, selon les sujets, et toujours en interconnexion avec “autre”. C’est ainsi que se constitue la personnalité d’une petite personne, d’un petit “moi” ou ego. Nous savons ainsi d’où nous venons, qui nous sommes, et ce qui constitue approximativement notre identité dans l’ensemble.

Si nous venons à perdre cette histoire qui nous est propre, personnelle, nous nous retrouvons “les mains vides”. Notre cerveau connaît “la touche supprimer” le souvenir, en particulier émotionnel, c’est l’amnésie, partielle ou totale.

Quand une personne est confrontée à une, ou à une répétition, d’expériences douloureuses, stressantes, dans ses jeunes années, alors il peut arriver qu’un nouvel événement douloureux fasse l’effet d’un “raz-de-marée”, et que son être tout entier soit remis en question.

Ainsi, “oublier” par quelques moyens que ce soit, tout ce qui fait être dans la douleur et la souffrance, est une forme de soulagement du pathos.

Amnésie psychogène

L’hyper-activité constitue un état d’alerte. Le cerveau peut proclamer une forme d’interdiction d’accès à des souvenirs trop pénibles à gérer.
Quand la peur détruit notre vie, nous avons besoin d’être aidés.
Les souvenirs constituent notre identité, nous les stockons avec une appréciation émotionnelle, voire “morale”, et ce sont ces appréciations qui déterminent notre comportement sociologique, et au sein du sociétal.

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Les travaux d’Elisa Epal (psychiatre à l’Université de Californie), nous révèlent aussi l’existence d’un lien direct entre l’émotionnel et le cellulaire. Ses observations lui permettent d’affirmer que nos “états d’être” engendrent une modification de notre ADN. Elle en vient ainsi à déduire que “l’humain n’est pas que le produit de sa génétique” et que “rien n’est en fin de compte vraiment irréversible”…

Quant au physicien (Université de Toronto, Canada) Aephraim Steinberg, il démontre que l’énergie lumineuse se comporte de façon non-duelle, comme particule corpusculaire quantique et en même temps comme “onde”, et que la visualisation de l’abstraction quantique est une réalité possible !

Jean Clottes*, émet une hypothèse de travail sur nos ancêtres directs, où il définit deux concepts de perception qui sont à la fois troublantes et inspirantes. Ces concepts sont ceux de fluidité et de perméabilité.

La fluidité est un état ressenti quand il y a interchangeabilité entre les “diverses manifestations” (l’ondulatoire des “consciences” en quelque sorte), qui ainsi, dans certaines conditions et circonstances peuvent “communiquer” entre-elles.

Broderie au point de croix (28 cm x 28) , Sandrine Grillet (2012), Corbeau Haïda

Broderie au point de croix (28 cm x 28) , Sandrine Grillet (© 2012), Corbeau Haïda

La perméabilité est un état sans barrières ni cloisonnement entre le corpusculaire manifesté et la “présence spirituelle”. Ainsi par exemple le chaman peut soit se projeter vers ces dimensions spirituelles, soit les inviter et se laisser pénétrer.

À partir de ces mode de perception, les lieux peuvent être accueillants ou hostiles, voire neutres.

Jean Clottes envisage la possibilité que les “artistes” ne se considéraient finalement pas comme tels, mais se pensaient plutôt “habités” par les “entités” de la supra-conscience de ce qu’ils représentaient.

* préhistorien français, spécialiste du Paléolithique supérieur et de l’art pariétal
(film documentaire « La Grotte de rêves perdus  » de Werner Herzog © 2010, (la « Grotte Chauvet » en Ardèche-France) du paléolithique de l’Aurignacien ; l’Homo-sapiens habilis (Jean Clottes, lui préférerait l’appellation de “d’Homo-spiritualis”).

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Les déterminismes

 

Les déterminismes

 

 

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Père-Ciel et Mère-Terre, Dinè (Navajo), broderie au point de croix, (H.21 x L.19), Sandrine Grillet, © 2011.

— Nous allons faire notre possible pour essayer d’y voir un peu plus clair dans ces contrées vastes, parfois touffues et inextricables, tantôt abyssales dans la « sombritude », tantôt éblouissantes d’une luminosité insoutenable, dantesques dans leurs forces telluriques et paradoxalement à l’horizon sans finitude d’un espace à perte de vue dans l’insondable, contrées vertigineuses où il n’est pas sans risque de s’aventurer sans une solide préparation à et en soi.

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— Où il est question de la base de ce que nous sommes

Dans ses « Recherches sur la mémoire* » du cerveau humain, Eric Kandel (chercheur en neurophysiologie) nous introduit à ceci :

— « Chaque personne humaine a un cerveau qui diffère selon son parcours et son “apprentissage”.

L’hippocampe est le siège de notre mémoire. Cette mémoire est le liant de notre vie mentale, c’est elle qui nous permet d’avoir une continuité dans notre vie. Sans cet élément essentiel nous ne sommes pas, nous “n’existons” pas d’une certaine façon. »

 Voilà donc l’élément essentiel, le pivot central, qui permet d’être ce que nous sommes chacun(e) en toute originalité, et ce depuis la gestation de l’espèce humaine dont nous sommes issue.

D’autre part David J. Bohm (chercheur en physique quantique et neuropsychologie) dans ses dialogues avec le grand spirituel méditant Jiddu Krishnamurti « Le Temps aboli** », avancent tous les deux que ce cerveau humain « … est très ancien … » et « … qu’en un certain sens, toute cette évolution s’est en quelque sorte condensée dans le cerveau. », qui est avant tout le cerveau du genre humain, bien plus qu’il n’est notre cerveau en tant qu’individualité manifesté.

Nous avons vu dans l’article précédant du Pr H. Laborit, que le petit de l’homme n’a pas finalement d’existence propre sans ses semblables, qu’il ne peut être proprement humain qu’au sein d’un groupe humain, représentant de l’humanité. E. Kandel nous explique que le lien identitaire référentiel d’un humain est fondamentalement lié au processus mémoriel du mental, que cela est le liant sine-qua-non, l’architecture pourrait on dire de notre originalité.

Un être est donc la conjonction d’une temporalité de circonstance en une manifestation donnée, ainsi que la somme globale de l’évolution de son espèce. En quelque sorte il est la manifestation de sa mémoire en action en même temps que le produit de l’évolution dans ses gènes. Ce sont donc deux dynamiques conjointe en une, qui donnent le socle d’une viabilité proprement humaine, avec ses déterminismes particuliers dans un environnement donné.

Nous nous rendons compte que déjà le poids des déterminismes sont extrêmement puissants, que la personne humaine est goutte d’eau pris dans le flot de l’immensité océanique de la Vie. Prendre conscience de cet aspect de notre situation est déjà en soi une potentialité d’élargir grandement de champ de l’horizon qui nous est donné de vivre.

Allons maintenant vers ce que nous rapportent les traditions de l’homme – en tant que « genre » – par l’intermédiaire de leurs personnalités actuelles les plus éclairées et ouvertes à la Vie.

La première tradition en exemple, est celle dont est issu Marcel Légaut, laïc à la sensibilité inspirée de la vie du Christ :

— « Soumise sans recours aux déterminismes qui font et défont les peuples, la société pétrit ses membres dès leur jeunesse, quelles que soient les barrières que la famille peut lui opposer pour les protéger. Celle-ci en vient à n’être plus tenue pour irremplaçable auprès de ses enfants, sauf lorsqu’elle préside à leur toute première éducation, car à cet âge, malgré des progrès techniques, la société est incapable de se substituer à elle.

La prise de conscience par l’homme du fait qu’il mourra, l’acceptation réaliste de cet événement qui transcende tous les autres, la compréhension des conséquences capitales que cela comporte dans sa vie, l’intelligence du sens de sa propre mort exigent une vitalité spirituelle vigoureuse et ne se produisent qu’aux instants d’exceptionnelle lumière. Elles ne peuvent naître qu’en la partie la plus recueillie, la plus réfléchie de son humanité. Elles sont hors d’atteinte quand l’homme fonde sa réflexion exclusivement sur l’expérience brute au niveau des évidences et des émotions, des actions et des réactions, quand il se refuse aux recherches plus personnelles qui sont exigées de chacun pour s’entrevoir dans sa totalité.

La société, en l’occurrence, n’est d’aucun secours. Tout au contraire, elle pèse sur ses membres et les distrait d’une telle connaissance qui prélude au déclin de son règne sur eux. Quand la mort s’approche, la société s’écarte, elle abandonne l’homme et le laisse à lui-même dans une solitude où elle n’a pas accès. Quand elle parle de la mort, ce n’est que statistiquement ou d’une façon générale et abstraite. Quotidiennement, elle étouffe les pleurs et les cris qui l’accompagnent sous le bruit de ses activités et de ses promesses, voire de son éloquence. Elle passe sur le corps des morts, s’en sert quand cela lui est possible, et, imperturbable, continue son chemin.

Naissance et mort s’appellent. Ne sont-elles pas les deux situations limites et au-delà desquelles toute pensée n’est qu’imagination vaine ?

L’homme est acculé aussi à penser à la mort quand il la voit de près dans les circonstances tragiques qui par leur dimension relèvent du cataclysme, lorsque l’horreur fait son œuvre dans la masse humaine avec la puissance invincible et déshumanisante des déterminismes. Mais alors, comme précédemment, malgré la profondeur des impressions reçues, à cause de leur violence qui ne lui laisse pas la possibilité de s’en dégager et d’y penser dans le recueillement, l’homme ne découvre la mort que du dehors. La mort n’est qu’une rupture et une fin. Elle ne regarde la vie qu’en la terrassant. Elle reste étrangère à ce que cette vie a été. Elle ne la conclut pas, mais la brise.

Cette mort, purement phénoménale, qui menace l’homme comme elle frappe ceux qu’il aime, ou ceux qui tombent dramatiquement à ses côtés est de l’ordre de ce qui détruit tout vivant. Elle n’est que le résultat brutal des lois aveugles qui règnent sur la matière. »

« L’homme à la recherche de son humanité », Et homo factus est – (l’homme tel qu’il est), pages (52,67 et 68) Marcel Légaut – éd. Aubier-Montaigne © 1971

 

Arnaud Desjardins (éduqué dans le Protestantisme) et Véronique Loiseleur, nous introduisent pour leur part aux sensibilités de traditions plus « orientales », essentiellement brahmanique pour Arnaud (et Denise Desjardins), proche de Swâmi Prajnânpad. Le déterminisme y est plus connu sous le terme complètement galvaudé en occident de « karma », appellation impropre car tronquée dans son énoncé traditionnel de « karma-vipaka », soit l’action et son résultat :

— « Il faut bien voir, comme corollaire immédiat, que si je ne suis pas l’auteur des actions en ce qui me concerne, l’autre ne l’est pas non plus. Du point de vue du karma, ou plutôt des karmas, je suis mené par la force des choses, mais l’autre l’est aussi ; si je me trouve inséré dans des chaînes de situations, si mon karma se déroule inexorablement dans cette interconnexion de tous les éléments de la multiplicité, il en est de même pour l’autre.

Si vous êtes convaincu que c’est vous l’auteur des actions, la question se pose avec une acuité terrible : suis-je un criminel ou des chaînes de causes et d’effets ont-elles été à l’œuvre ? Naturellement l’ego lui-même peut récupérer n’importe quel fragment de vérité à son profit pour mieux camoufler ses mensonges et justifier toutes ses faiblesses au nom d’une irresponsabilité métaphysique, dans une totale mauvaise foi. Nous ne pouvons pas nous emparer d’une idée quand elle sert notre égoïsme et la rejeter quand elle ne nous convient plus.

La vérité — délicate et dangereuse — c’est que l’autre est l’instrument de notre karma et nous sommes l’instrument du karma des autres. C’était son karma d’être blessé, selon ses propres chaînes d’actions et de réactions, et j’ai été l’instrument de son karma. Inversement, l’autre est l’instrument de mon karma ; c’était dans mes propres chaînes de causes et d’effets d’être victime de cet accident ce jour-là. Seulement tant que nous sommes ancrés dans le niveau de conscience habituel, c’est un peu facile de se dédouaner en déclarant : « Oh, c’était son karma ! » Cette manière de raisonner, reprise prématurément à notre compte, ne peut que nous faire du tort si nous sommes encore convaincus que c’est nous l’auteur des actions. On ne peut pas tricher avec des thèmes aussi graves.

Cette affirmation que nous sommes l’instrument du karma des autres et que les autres sont les instruments de notre karma, est notamment exprimée dans la si célèbre Bhagavad-Gîtâ. »

 (Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur, « La voie et ses pièges  » pages 97 et 98, Éditions La Table Ronde © 1992)

 

— Le fonctionnement du cerveau humain est abordé ici avec finesse et fermeté. Est aussi introduite la notion de co-responsabilité dans l’implication des mouvements et des déterminismes en jeu. Quels que soient les choix faits, qu’ils soient de l’ordre du réactionnel non-conscient, ou de l’inspiration actée d’une réponse en toute conscience-témoin à une situation, il y a responsabilité. Cette responsabilité se situe à des degrés divers, le jeune enfant n’ayant pas le même degrés de responsabilité que celle de l’adulte, et ainsi de suite … L’étude de la notion de déterminisme (ou karma-vipaka, donc) nous permet de comprendre les tenants et les aboutissants, de nous placer dans une perspective qui vise à établir une sagesse portée par une cohérence intelligible. Ce déterminisme est de l’ordre du fonctionnement, et non pas du choix, non pas de la responsabilité humaine qui elle relève d’une perspective qui n’est pas mécanique, quand bien même cette dimension humaine est par ailleurs profondément impliquée dans le déterminisme, mais n’y est pas soumise par nature comme le monde animal, végétal ou minéral. Ce n’est que grossier sophisme que de parler d’une prétendue « volonté d’un dieu », que d’invoquer le « karma » ou pour d’autres encore « le destin » comme acteurs de responsabilité. C’est une argumentation fallacieuse s’il en est, qui relève du comportement de fuite décrit précédemment par le Pr Laborit, une attitude d’évitement de la responsabilité qui dispense d’assumer pleinement les conséquences des choix, quels qu’ils soient. Ce qui bien évidemment ne peut être le cas d’un authentique chercheur qui justement va vers l’abolition des comportements soumis à la « domination » !

À ce sujet, les déterminismes karmiques d’un certain « bouddhisme religieux », le positionnement de Stephen Batchelor, occidental d’origine anglaise de notre génération, ayant vécu adolescent les années 68, est dès plus intéressant :

Pour que la renaissance soit possible, quelque chose doit survivre à la mort du corps et du cerveau. Pour survivre à la mort physique, ce « quelque chose » ne doit pas seulement être immatériel mais aussi être capable d’engranger les « graines » d’actes moraux antérieurs (karma) qui « germeront » lors de vies futures. Comme les bouddhistes rejettent l’existence d’un moi permanent qui persiste de vie en vie, ils considèrent que c’est un processus mental désincarné et impermanent qui se transmet à chaque renaissance. Cela mène inévitablement à un dualisme du corps et de l’esprit. « L’esprit clair et connaissant » de Dharmakarti qui habite un corps matériel ne semble pas très différent de la res cogitans (la pensée) de Descartes qui habite la res extensa (l’étendue, soit le corps).

Comment un esprit immatériel peut-il jamais se connecter à un corps matériel ? Immatériel, il ne peut être vu, entendu, senti, goûté ou touché. S’il est intouchable, comment peut-il « toucher » ou avoir un contact avec le cerveau ? Comment se connecte-t-il à un neurone, ou un neurone se connecte-t-il à lui ?

(« ITINÉRAIRE D’UN BOUDDHISTE ATHÉE »p. 57 et 58, Stephen BATCHELOR, éditions du Seuil, © février 2012)

En effet, de quel genre de substrat peut-il être question ? Et de quelles possibilités de contacts peut-il être pourvu ?

Pour notre part, et nous y reviendrons plus tard et plus précisément dans un article à venir, la problématique corps-matière et esprit/« karmique-renaissance » est bien mal posée, nous semble-t-il. C’est une interprétation très grossière née d’une ignorance bien compréhensible d’une époque, d’une culture très éloignée de nous, par la géographie et la période humaine qui nous en sépare. Il s’agit vraisemblablement de quelque chose de beaucoup plus complexe et subtil. Pour autant, le voile qui nous dissimule une certaine possibilité de « voir » ce qu’il en est réellement est probablement mince. Mais il semble être plein de résistances et de complications accumulées dans l’évolution du cerveau de l’humain, et reste très délicat d’accès !

Poursuivons avec Stephen BATCHELOR :

« L’idée de renaissance est significative pour le bouddhisme dans la mesure où elle sert à rendre compte de la doctrine métaphysique indienne des actions et de leurs résultats, doctrine connue sous le nom de « karma ». Le Bouddha acceptait l’idée de karma tout comme il acceptait celle de la renaissance, mais lorsqu’il était interrogé sur le sujet, il avait tendance à insister davantage sur ses implications psychologiques que sur ses implications cosmologiques. Le « karma », disait-il souvent, « c’est l’intention », c’est-à-dire un mouvement de l’esprit qui se produit à chaque fois que nous réfléchissons, parlons ou agissons. En étant attentifs à ce processus, nous comprenons comment les intentions nous amènent à nous comporter selon des schémas habituels qui, à leur tour, ont une incidence sur la nature de notre expérience. Contrairement à la position souvent enseignée par les bouddhistes religieux, le Bouddha nie que le karma en tant que tel suffise à expliquer l’origine de l’expérience individuelle.

Tout cela n’a rien à voir avec la compatibilité ou l’incompatibilité du bouddhisme et de la science moderne. Il est curieux qu’une pratique tournée vers l’angoisse et la fin de l’angoisse se voie contrainte d’adopter les théories métaphysiques de l’Inde ancienne et d’accepter comme article de foi l’idée que la conscience ne peut s’expliquer à partir des fonctionnalités du cerveau. La pratique du dharma ne peut jamais être en contradiction avec la science, non pas parce qu’elle offre une quelconque validation mystique à des découvertes scientifiques, mais parce qu’elle n’est tout simplement pas soucieuse de les valider ou de les invalider. Sa seule préoccupation est la nature de l’expérience existentielle.

Que devons-nous penser de tout cela ? Il y a, semble-t-il, deux possibilités : croire en la renaissance ou ne pas y croire. Mais il existe une alternative : reconnaître, en toute honnêteté, que « je ne sais pas ». Nous n’avons ni à accepter littéralement les interprétations du principe de renaissance proposées par la tradition religieuse, ni à tomber dans l’extrême inverse et considérer la mort comme une annihilation. Quelles que puissent être nos croyances, nos actions auront une incidence au-delà de notre mort.

L’héritage de nos pensées, de nos mots et de nos actions résonnera au travers des impressions laissées derrière nous dans les vies de ceux que nous aurons influencés ou touchés d’une manière ou d’une autre.

(Stephen Batchelor, « Le bouddhisme libéré des croyances », pages 61 et 62© éditions Bayard 2004)

 

Dans les Gorges de la VIS, avril 2014

Dans les Gorges de la VIS, avril 2014

Lorsque nous aborderons ce domaine dans un prochain article, notamment l’état actuel des découvertes dans les neurosciences et le domaine de « l’intrication » dans les particules de la mécanique Quantique, nous découvrirons avec stupéfaction les implications possibles de cet énoncé magistral !

 

Notes :

* Nous allons y revenir de façon plus poussée dans l’article à venir sur le fonctionnement du cerveau humain …

** « Le Temps Aboli », Dialogues, page 15, David Joseph Bohm et Jiddu Krishnamurti, ed. Du Rocher © 1987

 

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Spiritualité ; de quoi s’agit-il exactement ?

Spiritualité ; de quoi s’agit-il exactement ?

À travers ce « blog », nous nous proposons, dans le chaos de l’humain d’hier et d’aujourd’hui, d’essayer de recentrer ce dont il est question, et plus précisément, de proposer de définir les contours de ce dont il nous paraît être, et de discerner ce que cela n’est point, même si cela s’en réclame parfois !

Essai non-exhaustif, mais tentative d’assainir le propos, dans ce qu’il faut bien appeler, ce qui se donne à voir comme un véritable chaos, une « foire d’empoigne » !

Nous citerons abondamment, en y donnant toutes les références des ouvrages ou œuvres, des chercheurs de disciplines différentes mais ayant un rapport direct avec l’objet de ce que nous avons en vue.

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En premier lieu où il est question des déterminismes

Où il est question de la base commune du vivant

Professeur Henri LABORIT,

(travaux sur le comportement humain)

Introduction

… La seule raison d’être d’un être vivant, c’est de maintenir sa structure en vie, sans quoi cet être ne serait tout simplement pas !

03 : 16

— Le règne végétal :

Il se maintient en vie sans déplacement et puise sur place ce dont il a besoin et développe ses propres moyens de défense passive.

— Le règne animal (qui comprend l’humain) :

Lui se déplace pour consommer ce dont il a besoin ; il agit donc dans un espace donné, à la différence du végétal qui lui évolue dans un espace donné de façon statique.

Pour ce faire, « l’animal » doit impérativement et nécessairement être pourvu d’un système nerveux à fin de pouvoir se mouvoir dans un espace. Ce système nerveux permet d’agir en interaction avec et dans l’environnement qui est le sien, et y assurer ainsi sa survie.

06 : 40

— La pulsion du vivant s’oriente vers le maintien de l’équilibre biologique, la structure de sa manifestation le porte vers quatre comportements de base :

  • le besoin de consommation énergétique

  • les comportements d’évitement et/ou de fuite

  • les comportements de lutte, de rivalités

  • les comportements d’inhibitions

10 : 50

— L’évolution des espèces est par nature « conservatrice »

  • le premier cerveau, appelé « cerveau reptilien », déclenche les réactions qui permettent à l’ensemble de l’organisme d’assurer sa survie et sa pérennité.

  • le second cerveau, abrite et gère l’affectivité ou plus exactement l’embryologie de la mémoire (mammifères à divers degrés, certains céphalopodes comme les coléoïdes, ou encore parmi les oiseaux)

Sans la mémoire de ce qui est agréable, désagréable, il ne peut y avoir de notion de ce qui peut être « heureux », de tristesse, de connaître l’angoisse des peurs ; sont inconnues la colère, le sentiment d’un attachement ; c’est une mémoire réactionnelle qui s’exprime par des agissements fonctionnels.

— le troisième cerveau est le cortex cérébral

Dans l’espèce humaine, il a connu un développement considérable appelé « cortex associatif ». Ceci veut dire qu’il associe les voies nerveuses, sous-jacentes, qui ont gardé la trace des expériences passées. Il les associe de façon différentes de celles du moment où elles ont été « impressionnées » par l’environnement à l’instant même de l’expérience !

En clair cela signifie qu’il va pouvoir créer, réaliser, induire un processus d’imagination créative.

Dans le cerveau humain, ces « trois cerveaux » n’en forment qu’un en globalité, celui-ci existant pleinement.

Par ailleurs, nos pulsions sont, elles, toujours très primales, issues du cerveau reptilien.

15 : 38

— Ces trois cerveaux chez l’humain doivent fonctionner de concert ; pour ce faire ils sont reliés par des faisceaux.

  • l’un est le faisceau qui induit le sentiment de gratification, de « récompense » ou encore de « consolation ».

  • l’autre, à l’inverse, est le faisceau de la sanction, ou du « punitif », et c’est celui qui va déboucher sur la réaction de fuite puis/ou de lutte.

  • Un autre faisceau va aboutir à l’inhibition en action immobile

Des exemples de stimulations tels que les caresses du parent vers le jeune enfant, ou dans le sociétal, la décoration du militaire flattant son narcissisme, ou encore les applaudissements qui vont accompagner les protagonistes d’un spectacle, libèrent des influx chimiques dans les faisceaux de la récompense, aboutissant au plaisir de celui qui en est l’objet.

19 : 00

— La mémoire ; ce qu’il faut en savoir, c’est qu’au début de l’existence, ce « trois-cerveaux-en-un », est encore largement immature. Ainsi dans les deux ou trois premières années de sa vie, l’expérience qu’un humain aura du milieu qui l’entoure, sera indélébile et constituera quelque chose, constituera un aspect considérable dans l’évolution de son comportement au cours de toute son existence.

Nous devons bien nous rendre compte que ce qui pénètre dans notre cerveau depuis notre naissance, voire avant, à la fin de l’état fœtal, que les stimulus qui ont pénétré dans notre système nerveux, nous viennent essentiellement de l’extérieur, de « autre », et que quelque part nous sommes les autres … en renvoi ! Quand finalement notre corps se meurt, ce sont de fait ces « autres » que nous avons intériorisé dans notre système nerveux, qui nous ont construit ou plus exactement qui ont en quelque sorte construit notre cerveau, qui l’ont rempli, et qui finissent par mourir. Ce sont des illusions qui meurent …

22 : 50

— Ainsi nos « trois-cerveaux » sont là, mais nous sommes rarement conscient de la façon dont ils fonctionnent, en avons nous seulement une idée ! Et de fait nous ne nous rendons pas réellement compte de ce qu’ils nous font faire la plupart du temps … !

— Le monde des pulsions du premier cerveau, les automatismes d’encodages culturels divers du second cerveau, offrent au troisième cerveau la capacité de nous fournir un langage explicatif. Ces « explications » prennent la forme d’alibis et/ou excuses, réinterprétant toujours ce fonctionnement sans réelle vraie conscience des deux premiers.

DSC_8159 - Copie

Broderie au point de croix (47 cm x 31) , Sandrine Grillet (© 2013), « La Vague » d’Hokusai

 

— La représentation de notre non-conscience est un océan abyssal, et ce qui nous apparaît comme intelligible en conscience, n’est que l’écume des jours à la crête des vagues qui naissent, pour disparaître l’instant d’après et réapparaître le suivant, et ainsi de suite, partie très superficielle de cet océan effleuré tantôt par la brise ou à d’autres moments écorché et agité par des vents féroces, violents et brutaux.

27 : 00

— Nous avons donc vu quatre types de comportements majeurs chez l’homme.

  • Celui d’appropriation ou consommation et satisfaction de ses besoins fondamentaux.

  • Le second est un comportement de la gratification ; c’est la mémoire de l’action qui aboutit à la satisfaction, l’on essaye de la renouveler, ou de se mettre en situation qui permettra éventuellement ce renouvellement.

  • Le troisième comportement répond à celui ressenti comme sanction, voire dans l’identification comme punition, soit dans l’évitement, la fuite, soit par l’affrontement et la lutte qui se proposent par réaction, de réduire à l’impuissance ou de détruire, ce qui est ressenti comme objet menaçant.

  • Le quatrième est un comportement d’inhibition, c’est ne plus se mouvoir, être dans un immobilisme de tension en attente, qui rapidement risque dans son prolongement de se transformer en peur irrépressible conduisant à la panique de l’angoisse. Soit l’impossibilité d’agir sur/dans l’environnement d’une situation semblant sans issue, ou d’agir pour le dominer.

01 : 09

— Car l’action permet l’ordre, le maintien de l’équilibre biologique dans un environnement donné, dans un champ d’actions possibles. Mais dans le sociétal, les cadres et carcans rendent très complexe cet exercice, si bien qu’il est rare que la lutte réelle soit possible, lorsque la fuite n’est pas envisageable ou efficace .

01:011

— Quand par les déterminismes de la vie se produit un comportement de compétition et non pas d’émulation saine, créatrice et constructive, il y a gagnant et perdant, il y établissement d’une dominance d’un sujet sur un autre. La recherche d’une dominance dans un espace donné est « territoire », et c’est la base de tous les comportements humains et ceci en pleine inconscience, dans la quasi totalité des situations, des motivations profondes.

01 : 13

— Il n’y a donc pas à proprement parler d’un soit-disant « instinct de propriété » chez l’humain, ni « d’instinct de domination », mais simplement l’apprentissage du système nerveux d’une personne, de la nécessité pour lui de garder à disposition un objet, un être, qui est aussi désiré, envié par un autre être. Ainsi il sait par apprentissage que, si il veut garder l’objet et l’être à sa disposition, il devra le dominer.

01 : 15, 30

— Nous, notre manifestation, sommes donc en grande partie « autre » et « les autres ». Un petit d’homme, un enfant laissé livré à lui-même, sauvageon dans la nature, ne deviendra jamais à proprement parler « humain », il se conduira comme un petit animal, sans marcher ni parler, il aura une brève et courte pauvre vie …

Grâce au langage, l’humain a pu transmettre de générations en générations, toutes les expériences qui se sont faites au cours de milliers d’années dans ce monde, sur Terre. Assurer à lui seul sa survie, dans l’isolement, depuis son jeune âge, en dehors de ses proches et congénères, ne lui est plus possible depuis très longtemps. L’humain a nécessairement besoin de ses semblables pour devenir à son tour un jour proprement humain, c’est ainsi.

La survie du groupe est liée à l’apprentissage du petit de l’homme dès son plus jeune âge, de ce qui est nécessaire pour vivre « en accord » dans la société humaine qui l’entoure et la nature environnante. Il apprend rapidement comment se comporter pour que la cohésion du groupe puisse exister. Il lui est stipulé ce qu’il doit faire, sanctionné ou récompensé, quelle que puisse être sa propre recherche de ses envies, suivant que son action est conforme à la survie du groupe.

01 : 19, 40

— Par la suite nos pulsions et nos automatismes culturels seront masqués par un langage, un discours, logique en apparence, car ces langages dissimulent les causes de ces dominances laissant croire à l’individu qu’en œuvrant pour l’ensemble sociétal, il réalise sa propre condition et ses propres souhaits. Alors que la plupart du temps, il ne fait que maintenir la situation hiérarchique qui se cache sous des alibis d’expression de langages. Ces alibis sont eux-mêmes fournis par le langage, qui sert en quelque sorte d’excuse.

01 : 24

— Se profilent alors des perturbations biologiques et psychosomatiques très profondes, en relation avec l’inhibition, cheminant vers de l’angoisse, qui mettent l’organisme plus ou moins en état de vulnérabilité dans ses équilibres et défenses naturelles.

Un système nerveux ne sert qu’à une chose, agir. L’esprit de lutte, qui n’évite ni les désagréments ni n’offre vraiment de solutions, permet toutefois le maintien d’un équilibre organique et physiologique.

Or, le problème c’est que le sociétal qualifie et range l’expression de cette lutte défensive comme de « l’interdit ». Cette prétendue « agressivité », qui n’est jamais gratuite en le cas d’espèce, vient toujours en réponse suite à une inhibition de l’action. Ainsi elle débouche souvent par une véritable déflagration qui, elle, est rarement rentable ! Mais qui sur le plan du système nerveux est parfaitement explicable.

Ces inhibitions, si elles se prolongent, entraînent toute la pathologie. Les perturbations biologiques qui l’accompagnent peuvent alors se déchaîner (maladies infectieuses, maladies mentales, suicide, accidents corporels divers).

01 : 56

  • Le non-conscient constitue un instrument redoutable. Non pas tellement par son contenu refoulé parce que trop douloureux à affronter en toute lucidité, ou parce que son expression peut entraîner les « sanctions » de la « socio-culture », mais bien au contraire par tout ce qui est autorisé et parfois même souvent « gratifié » ou « récompensé » par cette socio-culture, et qui est inculqué dans le cerveau de l’humain en devenir depuis sa naissance, voire avant ?

  • Bien que n’étant pas plus conscient de « ce qui est là », c’est pourtant cela qui guide ses actes, ou plutôt devrait-on dire, le réactionnel.

    C’est cet « inconscient-là », qui n’est pas le « non-conscient » freudien, qui est éminemment le plus redoutable et dangereux.

  • En effet, ce que l’on dénomme comme la « personnalité » d’un humain est due et bâtie pour une large part, sur un « bric-à-brac », un « bricolage », de jugements de valeurs, de préjugés, et de lieux communs qu’il traîne. À mesure que l’âge avance ils sont de plus en plus rigides et de moins en moins remis en questionnements …

Dans cet édifice, ce tas informe pourrait-on dire, le retrait d’un élément de cette architecture branlante, ferait tout s’écrouler de cette structure difforme à l’apparence confortable, et c’est alors l’angoisse irrépressible* liée à un sentiment de vide « néantifiant » (une absurdité en soi, et pourtant … !) à ce jeu de dupe et d’illusions. Cette poussée d’angoisse peut aller aux extrêmes du meurtre, de soi, des « siens » ou du meurtre collectif que sont la guerre, les génocides, les maltraitances en tous genres, grandes et petites, tortures et tourments. Groupes sociaux et individus n’ont alors plus que ce recours pour exprimer leur égarement, voire une détresse pouvant les conduire à la démence.

Par la compréhension des mécanismes en jeu, du pourquoi et du comment, à travers l’histoire de l’humanité et dans l’état actuel des choses, on se rend compte que se sont établies des échelles, des hiérarchies de dominants.

Connaître les règles, les lois qui régissent la gravitation, n’est pas abolir la gravitation elle-même, mais permet de l’utiliser comme un fonctionnement vers des horizons différents, des inspirations novatrices.

Ainsi, se « libérer » du « champ gravitationnel » physiologique, légitime, de l’humain, d’une identité structurelle permanente, solide, bien illusoire, n’est pas abolir ce « champ gravitationnel », mais induit la compréhension de son fonctionnement pour l’orienter, s’en servir et l’utiliser vers autre chose, une autre dimension de notre nature humaine : la pleine conscience de ce que nous sommes « en vérité ».

Tant que l’humain n’aura pas accès, et ce de façon largement diffusée, à la façon dont fonctionne notre nature humaine, notre « trois-cerveaux-en-un » – ces trois parties essentielles en relation avec tout ce qui constitue notre corps individuel, certes, mais holistique et multiple, qui jusqu’ici a été orienté dans la finalité de relation de « domination » – il est totalement illusoire de raisonnablement voir quoi que ce soit changer dans ce que l’humanité donne à voir aujourd’hui comme hier … de ce que sera demain !

(extraits explicatifs et retranscrit par nos soins, de l’œuvre cinématographique « Mon Oncle d’Amérique », Film d’Alain Resnais © 1980

* L’angoisse naît du désir que la vie soit autrement que ce qu’elle est. Face à un monde soumis au changement, ce désir cherche à trouver une consolation dans quelque chose de permanent et de fiable, dans un soi qui a la maîtrise des choses, dans un Dieu en charge du destin. L’ironie de cette stratégie est que celle-ci se révèle être en réalité la cause de ce qu’elle cherche à dissiper. À vouloir soulager l’angoisse de cette manière, nous renforçons ce qui la crée en premier lieu, à savoir le désir que la vie soit autrement que ce qu’elle est. Nous voilà prisonniers d’un cercle vicieux : plus l’angoisse se fait sentir, plus nous voulons nous en débarrasser, et plus nous voulons nous en débarrasser, plus elle se fait sentir.

Un tel comportement n’est pas simplement une erreur stupide que nous pouvons facilement rectifier. C’est une habitude ancrée en nous, une dépendance, qui persiste même lorsque nous avons conscience de sa nature autodestructrice.

(p. 67, « Le bouddhisme libéré des croyances  », Stephen Batchelor, extraits © éditions Bayard 2004)

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L’écho explicatif d’une certaine lecture traditionnelle contemporaine

de : Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur

… Une première illusion, la plus grossière, de diriger son destin indépendamment à partir de sa « libre » volonté va tomber.

 Je m’aperçois que mes actions ont été des réactions ou, au moins dans certains cas, des réponses. Car il ne faut pas confondre une réaction et une réponse. Dans la réaction, impulsive et compulsive, nous sommes simplement emportés, dans la réponse nous demeurons conscients, établis en nous-mêmes, en possession de nous-mêmes, nous ne sommes pas identifiés. Plus vous observez votre existence, plus vous constatez qu’en fait toutes vos actions ont le plus souvent procédé de réactions mécaniques et non pas de réponses appropriées puisque l’élément de présence à soi-même, de vigilance faisait défaut.

Envisageons notre histoire personnelle depuis la conception. En quoi notre ego tel que nous le ressentons aujourd’hui a-t-il participé à la fusion de l’ovule et du spermatozoïde ? Qu’ai-je décidé en l’occurrence, en quoi ai-je été l’auteur de l’action, l’agissant ? Des chaînes de causes et d’effets très puissantes ont ordonné qu’un homme et une femme soient attirés mutuellement, s’accouplent, que cette femme soit enceinte et qu’un être humain vienne au monde. En quoi votre ego a-t-il ensuite participé au travail de multiplication et de différenciation des cellules qui produit l’embryon puis le fœtus pour constituer en neuf mois un être humain viable, avec un cerveau, un système nerveux, digestif, respiratoire. Puis, vous êtes nés, et ce n’est pas « vous » qui avez programmé l’expulsion de la matrice. L’ego n’y fut pour rien, même si, au niveau des différents constituants de notre être — l’Inde parle des koshas — des marques, des souvenirs voire même un traumatisme profond se sont imprimés lors de cette naissance.

Observons maintenant un bébé ou un petit enfant. Est-ce le sens de l’ego régnant aujourd’hui en nous en tant qu’adultes qui le fait se mouvoir ? Un bébé remue ses bras, détend ses jambes, fait des mouvements qu’il ne contrôle pas encore très bien, qui s’accomplissent d’eux-mêmes. Peu à peu il commence à être plus conscient, il reconnait sa main, la fait bouger, la regarde. Chez le petit enfant qui se met à quatre pattes ou essaie de se dresser, le sens de l’ego est à peine apparu. C’est la nature qui s’exprime à travers lui comme elle s’exprime à travers tous les autres phénomènes, la germination des plantes, la pousse des bourgeons au printemps, la chute des feuilles à l’automne. Ce n’est pas l’ego individualisé qui a programmé le développement d’un enfant selon une croissance prévue et dont les pédiatres contrôlent qu’elle se déroule bien selon les normes. D’ailleurs, les spécialistes en psychologie infantile sont convaincus que le sens de l’ego n’existe pas chez le tout petit mais se forme peu à peu a mesure que celui-ci s’identifie a son corps et à son prénom — une identification « au nom et à la forme », pour parler comme les hindous.

Le petit enfant est donc un être vivant qui peut ressentir, regarder, sourire, tourner la tête, mais qui n’a pas encore cette conscience pleinement établie chez l’adulte par séparation, différenciation et par comparaison entre le bien et le mal ou, d’abord, le bon et le mauvais. Dans les premières semaines, cette opposition est avant tout physique. Le bébé sent comme désagréable d’avoir faim et comme agréable d’aspirer le lait du sein ou du biberon, il sent comme pénible que quelque chose le gratte, le pique, le brûle et comme plaisant que cette sensation douloureuse disparaisse ou le bien-être qu’il éprouve s’il est bercé. C’est ultérieurement que, du plan de la sensation, l’être humain passe au plan des émotions et au plan des conceptions, des idées.

Poursuivons notre investigation. Plus tard, en quoi votre ego est-il intervenu pour décider : maintenant je vais m’offrir la crise de la puberté ? C’est la nature qui nous a tous fait passer par cette étape si importante, parfois difficile à vivre, qui transforme l’enfant en un adolescent. A partir de cette puberté, que nous n’avons ni choisie ni voulue, des désirs vont se lever, plus ou moins admis, plus ou moins refoulés, plus ou moins conditionnés par l’éducation. Et à cause de cette attraction dont nous ne sommes en aucun cas l’auteur, nous allons, garçon, sourire à une fille, l’aborder, lui parler, tomber amoureux d’elle, lui proposer de partir en vacances avec nous ou, fille, essayer de charmer, de séduire, nous maquiller, acheter la robe qui nous ira le mieux. Il vous semble que c’est vous qui agissez : c’est moi qui décide qu’un jeans me mettra plus en valeur qu’une jupe. En vérité, vous décidez à partir de quoi et pour quoi ? Vous vous adaptez à des pulsions et à des forces que la nature vous impose.

Nous ne survivons qu’autant que Dieu le veut bien et que l’énergie divine nous anime. Car, mis à part le suicide, nous ne choisissons pas non plus la date de notre mort. Ce n’est certainement pas notre ego qui décide d’attraper un germe ou un virus, d’être malade et de mourir. Des forces inconscientes profondes sont peut-être à l’œuvre, mais non le sens du moi avec sa conviction d’être l’auteur des actions. Nous mourrons un jour, peut-être ce soir ou demain, sans l’avoir consciemment décidé. Ce n’est pas moi qui décide qu’un automobiliste va brûler un stop au moment même où ma propre voiture franchit ce tronçon de route et que je vais périr dans un accident. Les idées les plus grossières et les plus erronées sur notre libre arbitre sont vite mises en cause. Sans aller jusqu’à des conclusions philosophiques définitives, nous commençons à admettre que cette liberté dont nous rêvions se trouve démentie par les faits, que nous sommes pris dans un immense réseau de causes et d’effets dont nous ne connaissons même pas le commencement et auquel nous sommes sans cesse contraints de nous adapter.

Mettre en cause le sens même de l’ego individualisé est une démarche qui ne s’accomplira pas en une heure de réflexion. Il vous faudra longtemps pour transformer peu a peu votre mentalité, votre vision de vous-mêmes et des choses et intégrer cette étonnante affirmation que le but d’une existence est de découvrir l’état sans-ego dans lequel le moi séparé cesse de jouer son rôle habituel.

(Arnaud Desjardins et Véronique Loiseleur, « La voie et ses pièges  » pages 91 à 94, Éditions La Table Ronde © 1992)

 

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— Nous avons donc, à travers ces deux perspectives, une ébauche de base relativement intelligible des mécanismes organisationnels qui nous animent.

Le Pr H. Laborit nous décrit une situation où ce qui sous-tendrait la Vie n’est pas de l’ordre du questionnement. Il finit par poser une autre question : que produit (ou produirait) des êtres humains « libérés » du poids de la référence à la « domination » ? Quels développements au niveau du fonctionnement de la neuroplasticité du cerveau humain cela induirait-il ?

Henri Laborit, semble assez proche finalement de ce que décrit par ailleurs Stephen Batchelor :

«  … l’agnostique fuit l’athéisme tout autant que le théisme, et il éprouve autant de réticence à considérer que l’univers est dépourvu de sens qu’à considérer qu’il en a un. Car nier l’existence d’un dieu ou d’un sens, ce n’est que poser l’antithèse de l’affirmation de leur existence. Cependant, une telle position agnostique n’est pas la marque d’un manque d’intérêt. Elle s’appuie sur la profonde reconnaissance du fait que « je ne sais pas », elle se confronte à l’énormité d’être né plutôt que de chercher le réconfort d’une croyance, elle se débarrasse les unes après les autres des idées qui occultent le mystère d’être là – en l’affirmant comme étant quelque chose ou en le niant comme n’étant rien. Ce profond agnosticisme est une manière d’aborder la vie, affinée par une conscience attentive continue. Cette conscience va peut-être nous conduire à réaliser qu’en définitive nous ne pouvons ni affirmer qu’il y a au plus profond de nous-mêmes quelque chose que nous pourrions toucher du doigt, ni affirmer qu’il n’y a rien. Ou encore, cet agnosticisme se manifestera peut-être par le biais d’une intense perplexité qui résonne à travers tout le corps, laissant l’esprit à la recherche de certitude sans nulle part où se reposer »

Le bouddhisme libéré des croyances  », p. 36, Stephen Batchelor, extraits © éditions Bayard 2004)

A.Desjardins, V. Loiseleur, font référence à « Dieu », une énergie de Vie de l’ordre du « divin ». La tradition millénaire a observé ce qui se passe dans son humanité, a expérimenté le fruit de ses observations et l’a structuré à l’aide d’un langage symbolique par défaut de connaissances scientifiques plus élaborées.

Quoi qu’il en soit, les deux perspectives nous présentent les forces puissantes d’une globalité appelées déterminismes en aléatoire. Toutes les deux proposent, chacune en fonction de leur « école », non pas l’annihilation de ces déterminismes qui vivent en chacun de nous, mais d’en comprendre les fonctionnements pour ne plus y être assujettis dans des réactionnels aveugles, d’entrevoir une utilisation vers d’autres horizons que ceux qui, à de rares exceptions près et nous y reviendrons plus tard, ont fait le lot commun de l’humanité jusqu’à ce jour, du moins dans ce qui nous est plus ou moins bien connu de notre propre histoire de l’humain.

Une autre humanité est possible, ils l’affirment, reste a s’en donner les moyens … et là visiblement, au vu de ce que nous donne à voir l’humanité d’aujourd’hui, il y a problèmes récurrents ! Or, la Vie sur Terre de l’humain développe une telle exponentielle dans son impact environnemental, qu’elle en arrive à la rupture des équilibres supportables par l’ensemble des écosystèmes.

Ainsi nous sommes en plein accord sur le fond avec ces deux perspectives que nous allons plus amplement développer, tout en nous réservant d’y apporter ce qu’il nous semblera le mieux adapté pour rendre ce propos le plus clair possible, la situation globale semble-il l’exige !

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