Peintures de sable des indiens navajo : La voie de la beauté, Collectif

Massif de l'Aigoual - Vallée de la Dourbie - Peintures de sable des indiens navajos

Massif de l’Aigoual, vallée de la Dourbie

« Par bonheur, je recouvre la santé. Par bonheur, mon calme intérieur revient. Par bonheur, mes yeux retrouvent leur pouvoir. Par bonheur, ma tête s’apaise », dit une des prières finales de la Voie de la nuit. (34)

Ce catalogue d’exposition est émouvant. Il nous parle d’une tradition qui peine à se maintenir, dont le cadre vacille, s’effrite, destabilisé par les grands bouleversements sociaux, économiques et géographiques que connaît la région des Four Corners.

Il est axé sur deux chanteurs : Hosteen Klah et Fred Stevens II. Ils ont été les premiers à avoir eu l’audace de sortir les peintures de sable de leur contexte cérémoniel et de les offrir aux cœurs et aux regards des non-navajos. Hosteen Klah a repris les motifs des peintures sèches sous forme de tissages à la fin du XIXe siècle, tandis que Fred Stevens II a été le premier à les fixer sur support, vers 1946. Ils ont ouvert la voie pour faire de la peinture de sable un art et non plus seulement une pratique spirituelle.

S’inspirant de l’exemple d’Hosteen Klah, Stevens prit des précautions tant spirituelles que techniques afin d’empêcher le mécontentement des Surnaturels. (…) Stevens décida d’apporter quelques changements mineurs dans le rendu des motifs – intervertir deux couleurs par exemple – et même d’omettre des détails critiques – en supprimant l’arc-en-ciel protecteur autour d’un personnage -; ces clins d’œils devaient signaler aux Êtres Sacrés que ces peintures étaient conçues pour éduquer le public, pour être une source de joie et non pour guérir au sens propre. Ainsi ces œuvres n’auraient pas le caractère sacré ni dangereux des compositions réalisées lors des cérémonies, dans l’enceinte des quatre montagnes sacrées. (63)

On ne trouve pas beaucoup de détails sur le symbolisme des peintures, mais la mise en contexte apporte des bases non négligeables pour qui s’y intéresse avec sincérité. La voie de la grêle, dont la transmission s’est apparemment éteinte, est exposée à travers sept représentations où l’on peut glaner quelques explications.

Avec joie, je guéris
Avec joie, la fraîcheur me pénètre
Avec joie, mes yeux retrouvent leur pouvoir
Avec joie, la fraîcheur pénètre ma tête
Avec joie, mes membres retrouvent leur pouvoir,
Avec joie, je retrouve le pouvoir d’entendre
Avec joie, le sortilège a fui
Avec joie, je retrouve le pouvoir de marcher
Insensible à la douleur je marche,
Les sens aiguisés, je marche.

[Chant de la guérison]

Mont Aigoual - Neige

Mont Aigoual

 

Dans la beauté je marche
Avec la beauté devant moi, je marche
Avec la beauté derrière moi, je marche
Avec la beauté au-dessus de moi, je marche
Avec la beauté autour de moi, je marche
La beauté est revenue
La beauté est revenue
La beauté est revenue
La beauté est revenue.

[Chant de la beauté]

Les premiers à avoir “reçu” ces cérémonies furent les Héros. Leur conduite en avait fait des “asociaux”, ainsi le Rêveur – il n’a aucun sens pratique, n’est pas bon chasseur -, le Garçon-pluie – joueur invétéré, il va jusqu’à risquer l’insigne de commandement de son père -, le Blaireau – il est trop attiré par les fruits matériels. Il faut compter aussi les Héroïnes, comme Femme-serpent, trop sensible aux apparences. La “maladie” est bien d’abord le résultat d’un comportement en rupture avec l’ordre navajo. Mais les Êtres Sacrés choisissent de venir en aide à ces êtres dont ils vont tester à la fois le courage, l’esprit d’entreprise et la capacité à endurer la souffrance. Pour les guérir, ils les soumettent à des cérémonies. Chaque Héros eut la sienne, adéquate à son problème : le Rêveur, la Voie de la nuit; le Garçon-pluie, la Voie de la grêle; le Blaireau, la Voie de la grande étoile… Sauvés, les Héros laissèrent ces cérémonies en héritage aux Navajos avant de regagner le monde des dieux auquel ils appartiennent désormais. Aujourd’hui, on en dénombre une trentaine, et chacune demeure associée au personnage mythique qui en bénéficia le premier. (30)

Que le pollen arrête tes pieds,
Que le pollen immobilise tes mains,
Que le pollen fasse baisser ta tête !
Alors, tes pieds deviendront pollen,
Tes mains, pollen
Ton corps, pollen
Ton esprit, pollen
Ta voix, pollen ;
Le chemin est beau,
Sois en paix.

[Chant du pollen]

La mission du hataalii est de veiller à ce que le monde, lorsqu’il perd son équilibre, le retrouve grâce à la mise en scène du rituel qui convient. Cet état reconquis s’appelle hozho – que l’on peut traduire, très imparfaitement, par état de beauté, d’harmonie, de bénédiction et de plaisir. Par l’usage correct de son savoir, le hataalii instaure entre les différents pouvoirs de l’univers une relation harmonieuse. Il faut des années pour maîtriser les rituels hautement détaillées et complexes qui assurent l’équilibre du monde. (60)

Serpent noir, je me servirai
Du pouvoir que possèdent mes pieds,
Je me servirai
Du pouvoir que possèdent mes jambes,
Je me servirai
Du pouvoir que possède ton corps,
Je me servirai
Du pouvoir que possède ta cervelle
Je me servirai
Du pouvoir que possède ton esprit.

[Chant du serpent]

Les Navajos sont seuls responsables de ce qui leur arrive; ils ont pour mission de maintenir l’ordre et la beauté tels qu’ils furent dictés – autrement dit, de respecter ces critères d’organisation sociale et culturelle. Tout écart de conduite de leur part entraîne, de façon quasi mécanique, une maladie. L’homme navajo a son destin entre les mains; il ne conçoit pas de causalité qui lui soit extérieure; si la maladie n’est pas une vengeance survenant par hasard par quelque divinité toute-puissante, elle n’est pas non plus un dérèglement survenant par hasard dans un univers rationaliste, géré par des lois scientifiques, connues ou inconnues. (85)

 

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