Julien ne sut que plus tard quel était le talent, spécial, de l’abbé de Frilair. Il savait amuser son évêque, vieillard aimable, fait pour le séjour de Paris, et qui regardait Besançon comme un exil. Cet évêque avait une fort mauvaise vue, et aimait passionnément le poisson. L’abbé de Frilair ôtait les arrêtes du poisson qu’on servait à Monseigneur. (212)
L’abordage a été laborieux. Stendhal est un homme à virgules. Il avance d’un pas, puis prend des chemins détournés, avant de repartir, dans la même phrase. Les psychologies m’ont donné du fil à retordre. Il m’a fallu user d’une lecture patiente pour que naissent des agrégats de personnages cohérents dans mon imagination. Mais je me suis par contre rapidement délectée du ton incisif, de l’ironie mordante, du regard acéré. Une réflexion sur la nécessité de l’hypocrisie en société et sur ambiguïté des sentiments qui portent les êtres en font un roman déniaisant. Les tâtonnements de Julien, constamment à la marge, au-dessous du ridicule, comme il le dit lui-même, aux prises avec des mondes nouveaux auxquels il confronte son ambition, sont tout à fait fascinants de finesse et de crudité. Je me suis essoufflée devant l’orgueil de Mathilde et les accents mélodramatiques de la fin. Mais une expérience marquante. Assurément pas une harpe éolienne du style !