L’Obsolète – Alain Duchesne et Thierry Leguay

Causse Noir, champignon préhistorique

Horrible compagnonne
Dont le menton fleurit et dont le nez trognonne. (Hugo)

Notre époque, malgré les apparences, est envahie par un puritanisme souvent retors dont la langue est le reflet. Bien des mots sont rejetés comme vulgaires. Nos anciens étaient moins pudibonds. au bout du compte, c’est tout un lot de mots savoureux qui tombe dans la trappe. (12)

Je suis totalement sous le charme de ce recueil de mots de bonne compagnie. Alain Duchesne et Thierry Leguay sont des amoureux de la langue française humanistes, joyeux, dotés d’un jugement fin et d’un humour tendre et piquant à la fois. Leur sélection est de celles qui entraînent tout de suite l’imagination et font de nos plumes des ailes virevoltantes. Ni trop désuets, ni trop connus, beaucoup de ces mots nous tendent la main et ne demandent qu’à être utilisés. On découvre des subtilités psychologiques, sentimentales, émotionnelles, relationnelles qu’on aurait même pas pensé à exprimer, tant il est vrai qu’un vocabulaire élargi affine la perception. Alain Duchesne et Thierry Leguay nous offrent une invitation à la liberté, à l’amour, au goût du jeu et à l’audace que je m’empresse d’accepter. Ma petite liste de nouveautés obsolètes à placer dans les critiques frétille d’impatience…

La divagation est la disposition qui empêche l’esprit de se fixer à un objet quelconque; l’évagation, celle qui l’empêche de se fixer à l’objet qui devrait l’arrêter. (Littré)

Notre langue possédait autrefois décharmer, désamour, désentêter, désheurer, désennuyer… Le préfixe dé est nécessaire, car il montre que dans nos vies tout est sujet à se défaire et que nous balançons sans cesse au bord du vide. Je passe le temps à faire des gambades sur le bord de mon tombeau, et c’est en vérité ce que font tous les hommes, écrivait Voltaire avec une amertume lucide. (95)

 

Notre époque survalorise la franchise, corollaire de la sincérité. Comme s’il s’agissait là d’attitudes spécialement désirables ! « Pour vous parler franchement… » n’annonce jamais rien de bon… (125)

Mieux que toutes les philosophies, la littérature réussit à guérir le langage de ses affections, dans la réconciliation du verbe et du silence. (204)

 

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