Animal – collectif

Causse du Larzac, falaises de Saint-Beaulize

Par-dessus tout, ce livre met les animaux à la place qu’ils méritent, au cœur même de l’histoire des hommes et de leur compréhension du monde. (9)

Voilà une introduction qui me paraît bien ambiguë, maladroite et anthropocentriste pour présenter un livre où une large part est laissée à la recherche scientifique. Elle suggère que les hommes ne sont pas des animaux. Qu’ils font partie d’un règne à part dont l’attention serait flatteuse et accorderait une existence valorisée aux êtres vivants qu’ils acceptent d’intégrer dans leur monde. le monde humain n’est pas le monde dans sa globalité. Que nous disparaissions – simple extinction d’une espèce – et de la vie perdurera l’influx et les mutations. Les animaux n’ont nullement besoin des hommes pour exister. Ce n’est pas rendre hommage à leur intégrité que de les placer sur le plan d’un mérite acquis à travers notre regard.

Bien sûr, ce très beau livre ne peut présenter que des œuvres humaines. Au-delà de l’introduction, il est fouillé, pensé, porté par un travail approfondi et une envie de transmettre des idées, des visions, des réflexions. Au premier abord, si on le feuillette machinalement, on peut se dire que le sujet est trop vaste, que la sélection est frustrante. Mais une plongée dans les textes fait ressortir les parallèles. Parfois purement graphiques, d’autres fois purement scientifiques, tout du long, artistes et naturalistes se rencontrent. On ouvre son regard. On se rend compte qu’au-delà des moyens techniques, une même curiosité anime le chercheur du XXIe siècle et l’observateur du XVIIIe, qu’entre l’imagination qui tente de représenter l’inconnu et le microscope électronique qui révèle l’infiniment minuscule, un même mystère subsiste.

L’importance écologique des nématodes est considérable, car nulle interaction au sein du monde vivant n’échappe à leur influence. Une cuillerée à café de boue marine contient jusqu’à un millier de nématodes d’au moins trente-six espèces, tandis qu’un hectare de terre agricole recèle jusqu’à sept milliards et demi de nématodes. Au vu de chiffres aussi vertigineux, le mématologiste américain Natan Cobb (1859-1932) observa : « Si toute la matière de l’Univers hormis les nématodes disparaissait, notre monde serait encore vaguement reconnaissable; et si, en esprits désincarnés, nous pouvions alors l’étudier, nous trouverions ses montagnes, ses collines, ses vallées, ses rivières, ses lacs et ses océans représentés par de nombreux nématodes. » (51)

Les nématodes, mis en parallèle avec le dreamtime des aborigènes d’Australie, éclairent le mythe d’une compréhension transcendante. La vision autochtone du kangourou se télescopant avec celle des premiers explorateurs européens, ou la représentation comparée des chevaux entre artistes sioux et colons, renvoient à cette ambiguïté relevée en introduction. Mon affinité va naturellement à ces peuples qui placent leur conscience dans une égalité animale.

Manque à mon goût le buisson du vivant, la représentation actuelle de l’évolution, qui aurait merveilleusement remis les choses à leur place s’il avait fait face à l’arbre généalogique de Ernst Haeckel. Il est porteur d’une vision souvent méconnue où l’homme se fond dans la diversité.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

Causse du Larzac – Vautour fauve

Falaises de Saint-Beaulize – Vautour fauve

 

Donneriez-vous le nom de votre défunte épouse à une nouvelle espèce de méduse dont les filaments vous rappelleraient ses cheveux s’échappant d’un bandeau ? Ernst Haeckel l’a fait. (92)

 

 

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