Craig Davidson, Les bonnes âmes de Sarah Court

Ils avaient établi leur trajectoire. Une trajectoire vouée au désastre, certes, mais ils y étaient contraints par l’inertie. (44)

Ce roman est entré, de manière vaillamment impromptue et allègrement déconcertante, en résonance vibrante avec mes recherches actuelles – vécues en intériorité ou étudiées à travers les enseignements – dans les entrailles du bouddhisme. Craig Davidson excelle à mettre en scène la lourdeur de l’existence, l’errance perplexe de l’être sur le fil du néant, l’humain dans toute sa substance corporelle : sang, os, tendons, cerveau, muscles… Un humain qui malgré ses aspirations peine à naître à lui-même, à s’incarner dans la beauté de son esprit.

(…) quelque chose chez lui ne tournait pas rond et œuvrait contre toute protection qu’on pouvait lui offrir. (43)

L’angle de la lumière du soleil me permet de le voir à travers les parois de plastique bleu : un embryon à l’intérieur d’un œuf suspendu devant une flamme. (27)

Wesley, observant son fils Colin, trente-cinq ans, qui s’apprête à dévaler une cascade enfermé dans un baril, a la vision d’un embryon. Ce fils qu’il n’a jamais pu aider… Les cœurs sont remplis d’amour et d’impuissance, deux énergies intimement entrelacées. L’attachement peut se transformer en agent pathogène et les bonnes intentions mènent parfois en enfer. Dylan, lui, prend les devants sur la roue de la vie en passant d’incarnation en incarnation, de fumée noire à alpaga pour finir en vampire. Quand on lui montre comment prendre son pouls, il est déçu d’apprendre qu’il est vivant. Le voyage de la conscience, claire et connaissante, manifestée sous une forme ou une autre, pulse d’instant en instant.

La question qui se pose est alors : sommes-nous viables sous cette forme humaine ? On se dit que ça vaut le coup de fouiller et de trancher le brouillard qui enveloppe nos trajectoires jusqu’à la perception de la nature de l’esprit pour transcender, ne serait-ce qu’un instant – mais le temps n’aura alors plus de signification – nos vies fracassées !

Le karma est un chien errant. Son sang est impur et sa lignée obscure. Il mord au hasard ceux qui se trouvent à sa portée. Il tient les comptes mais ne fait aucun effort pour les rattacher aux débiteurs. Vous passez votre vie à additionner les tâches noires sur votre âme en croyant à la fin qu’il vous revient de les assumer. (147)

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

 

Ce contenu a été publié dans Explorations littéraires. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *