Ma jeunesse, pour violente qu’elle fût, ne connaissait que les désirs nets et sains. (157)
Je ne vais pas faire ma féministe, mais tout de même, pour un roman dont l’impulsion motrice est le désir de violer une jeune-femme, la déclaration est douteuse. On est ici dans de l’animalier, le brame des cerfs qui se défient pour s’accaparer les biches, les amas de crapauds mâles qui s’agglutinent sur une femelle jusqu’à la noyer. Ce devrait être rebutant et pourtant, en excellent conteur, Joseph Kessel arrive à nous emporter dans ses bras puissants. Sa franchise désarme la désapprobation. Moi la grande prudente, j’ai été prise d’une certaine fascination pour ces mauvais garçons qui dévorent tout sur leur passage, se souciant des autres et des conséquences comme d’une guigne. Par un jour de pluie, plonger dans un livre usé et poussiéreux retrouvé au fond de la bibliothèque, pas très bon et d’un autre temps, peut procurer un plaisir douillet de mornitude générale.