– C’est sur elle que ma mère plaisantait toujours quand il fallait qu’elle recommence partiellement une tapisserie. Elle m’a expliqué qu’elle contribue à résoudre les complications imprévues de l’existence, qu’elle démêle les situations embrouillées . (62)
Je saurai désormais à qui penser quand je m’emmêlerai les aiguilles dans mes points de broderie : Fille de Femme-Araignée ! Du reste je ne fais jamais de mal aux araignées et elles tissent allègrement leurs toiles dans les recoins de ma maison…
Anne Hillerman reprend le stylo de son père d’une manière émouvante et respectueuse, tendre et créative. De nombreux clins d’œil parsèment le récit, ceux qui ont tout lu se régalent dans la réminiscence des enquêtes passées, entre hommage et remise à plat. Alors, évidemment, quand on ne voit pas de petite note associée au nom de Maxie Davis, qui nous est pourtant bien familier, on se dit qu’il y a serpent sous roche. Bonne idée d’avoir prolongé ce Voleur de temps ! À la fois un des meilleurs romans et celui qui laissait le plus de mystère en suspend. Il faut croire qu’Anne Hillerman n’avait pas apprécié le personnage – assez insupportable – lors de sa première lecture !
Une écriture plus ronde, plus portée sur les sentiments et les émotions. Une attention plus grande envers les éléments de culture navajo. Jim Chee nourrit toujours aussi mal les chats. Les ficelles déclencheuses sont parfois un peu grosses et peu convaincantes (la femme témoin du Canyon de Chaco rencontrée comme par hasard) mais il y a du charme dans cette passation. La magie, cependant, s’est éventée. Chez le père, cailloux et genévriers formaient le socle de l’écriture, le paysage était le générateur de l’intrigue, l’essence vitale des personnages, le souffle même qui animait les mots. Chez la fille, ce n’est plus qu’un décor où se meuvent Bernadette Manuelito, Jim Chee et Joe Leaphorn.