Donc je savais que certaines choses étaient vraies et d’autres non. Que la forêt et les rivières étaient vraies, de plus en plus vraies à mesure que vous vous éloigniez de la maison. (23)
Ce court recueil d’un beau bleu soutenu est un concentré de l’univers de John Gierach. Il se fluidifie dans l’eau de la lecture et coule, vif et frais, comme une rivière à truites des Etats-Unis. Une rivière sauvage et secrète, où nulle âme humaine ne traîne ses tourments et ses attachements, qu’on est seul à connaître – qu’on pense être le seul à connaître… – l’essentiel étant de n’y croiser personne quand on y va.
Le retour cyclique, saison après saison, d’années en années, vers les mêmes lieux familiers et pourtant toujours différents, le fraternel savoir qu’on y développe, est le terreau de ma vie et celui de John Gierach le pêcheur. Il connaît les trous d’eau, les coins sombres, le flux, le tempo et les barrages de castor de ses refuges secrets. Il n’hésite pas à affronter la pluie, les éclairs, le vent et le brouillard, voire à pêcher dans le noir le plus complet en comptant sur les éclairs d’orage pour avoir une vue fugitive sur les gobages. Tout ça pour – au-delà du plaisir qu’il retire de l’activité en elle-même – fuir les foules, les emmerdements et le soleil ardent.
Éloge de la solitude bienheureuse… Elizabeth von Arnim avait son jardin, Chris McAncless sont rêve d’Alaska, John Gierach caresse les truites. A chacun son là-bas…