Dans cette vallée que je croyais morte, m’est révélé pourquoi le vent est à l’origine de la création du monde. (76)
Le vent gouverne l’archipel, bien qu’officiellement l’autorité française ait la maîtrise de ce district. Voilà pourquoi la France a tant tardé à exercer sa souveraineté aux Kerguelen. Face au vent, on ne domine rien. (…) Le vent proclame aux Kerguelen l’absolue fluidité des choses. L’instant n’a pas d’épaisseur, le futur n’a pas d’avenir. (90)
Par un très grand hasard, au moment où j’ai ouvert ce livre pour la première fois, j’étais en train de broder un personnage symbolique de la mythologie navajo : Homme Vent Gris. Inspiré des peintures de sables exécutées au cours des voies chamaniques, il porte à la fois le souffle du monde et celui du corps. Comme en écho avec le vent libre et primitif des Kerguelen.
Ni humaines ni inhumaines : a-humaines. (169)
Notre présence n’est pas déplacée, elle est inexistante. Nous sommes absents de ce monde apparemment sans limites. Les lignes et les volumes, la couleur de la roche sont là pour eux-mêmes. Les nuages, l’eau, la lumière qui d’ordinaire procurent un sentiment de sécurité ne suggèrent rien. (71)
Jean-Paul Kaufmann nous raconte l’espace non peuplé, non nommé, non exploité, où la soupe originelle sent la bière et où on peut attraper un arc-en-ciel à main nue. Les êtres passent et s’effacent. Ses inspirations sont bibliquement très marquées, mais il a une relation si intime avec ses sources qu’il reste ouvert à l’inconnu. Aller vers autre chose ne le rebute pas. Il pioche des citations qui entrent en résonance avec l’essentiel, avec ma proche recherche profonde. Des brumes se dissipent qui laissent la place à d’autres brumes. La justesse de ses réflexions aspire au dépouillement.
Quand on a tout perdu, on peut s’inventer l’abondance; posséder n’a toujours été qu’une histoire d’imagination. (127)