Avec ses yeux cuits persillés de cils ras, son gros foie d’oie balancé sur des pieds plats, sa voix cacardée du fond de la gorge, Mme Caroux manquait d’allure et le savait. (47)
J’ai retrouvé avec une gourmandise enjouée la gouaille irrespectueuse de Vipère au poing. On sent le rire derrière le stylo, la jubilation de la phrase mordante. Hervé Bazin y va de bon cœur, ressuscite Folcoche dans la pure tradition de l’utérus héroïque. Les scènes de rituels collectifs – enterrements, visites chez le notaire – pétillent d’outrance, de sans-gêne et d’humour. Sur la longueur, le roman est marqué par son époque, les nouvelles conceptions en matière d’éducation sont appuyées, mais on cela ne suscite qu’un léger ralentissement dont on peut s’accommoder sans peine.
Raide en lucidité, Hervé Bazin fouisse l’absurdité des comportements comme leur versant humaniste. Le grotesque de nos existences, où nous sommes empêtrés de nous-mêmes autant que des autres, contraints d’être là par la naissance, n’empêche pas la fraternité entre habitants du même pétrin. Avec la conclusion de sa trilogie, et sans qu’on s’y attende, il atteint avec finesse l’essence de cette étrange partenariat qu’est la relation mère-enfant.
Nous ne nous sommes pas aimés, ma mère, mais j’étais là pour votre dernier soupir, comme vous le fûtes pour mon premier. (263)