Le pays où l’on arrive jamais fait partie de ces romans soit disant pour enfants tellement croisés sur les rayonnages, chez les amis, dans la famille, qu’ils me sont devenus familiers sans que je puisse me rappeler vraiment si je les ai ou ne les ai pas lu. Le souvenir d’une antique déception me semble associé à celui-ci. Rouvert à la faveur de l’été, il m’a enchantée.
Le tout début est délicieux. Le rapport de mépris institué entre la bonne société et les forains incontrôlables est finement décrit.
La langue est belle, le récit construit. André Dhôtel ne cherche pas à en faire trop. Il affectionne les broussailles, les murs à franchir en secret. Il cultive le temps qui passe autant que les péripéties. Gaspard, Théodule, Hélène bataillent pour préserver leur intégrité malgré ceux qui font obstacles à leurs aspirations (souvent avec les meilleurs intentions). Le livre finit sur une ode à la vie et à une certaine idée de la liberté, n’en déplaise à ceux qui déplorent l’originalité du monde.
Je comprends finalement pourquoi je n’ai pas pu aimer ce livre quand j’avais une dizaine d’années. Ce parfum d’enfance qui émeut l’adulte ne touche pas l’enfant. Il faut avoir vécu pour apprécier ce roman.
– Tu n’as pas besoin d’avoir confiance en moi, dit Gaspard. Je ne suis bon à rien.
– Personne n’est bon à grand-chose.
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