Ce texte est du même acabit que Boule de Suif de Guy de Maupassant. Ce sont tous deux des petits bijoux d’écriture. Pas un mot de trop, personnages et récit précisément dosés, une merveille d’équilibre, un cadrage photographique. Léon Tolstoï a réussi à concocter un texte littérairement fin et soigné, offrant de multiples niveaux de lecture, avec des personnages épais et rugueux.
Le maître est irresponsable, condescendant envers son serviteur, inconscient des réalités. Il réprouvait toujours, d’ailleurs, l’ignorance et la bêtise des paysans. Leur errance dans le vent et la neige frise la fantasmagorie. Ils tournent en rond en un cercle glaçant, cernés de menaces de plus en plus palpables. Les refuges chauds et rassurants, par deux fois proposés, par deux fois refusés, ajoutent du contraste et du tragique à cet entêtement absurde.
Claude Lesko a une voix douce, posée et paisible qui s’enfonce dans la neige en compagnie des personnages. Sa lecture enrichit l’ambiance pour un chemin vers le dépouillement où l’homme se retrouve face à lui-même en-dehors de tout secours. Christique et magnifique.