Nicole Lombard, Étrangers sur l’Aubrac

Nicole Lombard, Étrangers sur l’Aubrac

Nous sommes des naïfs. Malgré toutes nos vicissitudes, nous sommes restés des naïfs. (128)

J’ai beaucoup d’amitié pour ce livre. Il me parle de pays connus : Nasbinals, Anduze, Florac, le Lévezou, les Monts de Lacaune. Il me donne des nouvelles du petit peuple : troglodyte, libellules bleues, carabes, merles du pays d’Aubrac. Il évoque des écrivains chers au cœur de Jean Carrière : Julien Gracq et Jean Giono… ultime surprise, voilà Jean lui-même dans les derniers chapitres, aux prises avec l’univers des fourmis !

En un mot comme en cent, me voilà chez moi, à l’aise comme une pâquerette dans un pré. La géographie se calque sur celle des acacias et de leurs floraisons. L’existence est de celles qui connaissent le fond de la survie, les gestes qui tentent d’apprivoiser les désastres et une curiosité toujours alerte. Quand on a plus rien, que nous reste-t-il ? Quand il fait -1 dans sa tente, Nicole Lombard se désole de voir ses pauvres petites feuilles de hêtre toutes neuves, toutes fraîches, brutalisées par le gel et la neige. Les humains se mêlent aux vents, aux vaches, aux chiens et aux lis martagon sur un pied d’égalité.

C’est fou ce qu’une paire de gants neufs peut changer vos relations avec les orties. (139)

Sur cette terre de planteurs de croix où Saint François d’Assise, un saint étranger, et pauvre de surcroît, n’a pas son mot à dire, Nicole Lombard et son compagnon s’inventent une vie habitée de leprechauns, menacée par la manivelle de l’affreuse machine à broyer les petits et les humbles, dans une précarité digne et intègre. C’est tout un art de préserver nos petites vies de rien du froid, de l’enivrement administratif (Dostoïevski) et de l’arnaque normalisée. Recevoir des nouvelles de frères humains de la précarité libre et digne redonne du cœur à l’ouvrage.

Enfin, tant que nous aurons des livres, nous ne nous pendrons pas » affirmait déjà Mme de Sévigné, qui avait sans doute aussi froid. (189)

La pluie est parfois effrayante, mais c’est avec indifférence : elle s’en prend à vous comme à n’importe qui d’autre. Quand il s’agit du vent et que ce vent s’acharne comme en certaines nuits de ce premier hiver, on se sent personnellement visé, désigné, agressé. On voudrait s’expliquer d’homme à homme, mais quel langage utiliser ? (226)

 

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *