Il y a quelque chose en tout cas, dans le fait d’avoir traversé cette journée sans qu’elle soit un désastre complet. (123)
Alice Munro part à la rencontre des âges de la vie à travers ses nouvelles, accordant la même bienveillance à l’enfant qu’à la personne en fin de vie. Mais si on lit, détendue, croyant suivre un fil romanesque qui se déroule en toute quiétude, le bateau tangue pourtant, d’abord imperceptiblement, puis franchement. Les personnages font de leur mieux, la lectrice fait de son mieux, mais le malaise s’installe, les situations glissent, nous échappent, alors que rien ne le laissait présager. L’invraisemblable, le drame, sont sous nos yeux alors même que le monde alentour n’a pas changé.
Alice Munro écrit au-delà de toute morale. Ni bien, ni mal, juste l’interaction entre des mondes intérieurs et la vie sociale. Elle se situe habilement à ce point de rencontre. Ce qui donne à chaque nouvelle sa dynamique singulière. Les kimonos, la rhubarbe et les chatouilles peuvent s’inviter dans différentes histoires sans en étioler la fraîcheur. À l’aise, elle manie le temps et l’espace comme des cubes.
Elle lisait aussi des romans modernes. Toujours des romans. Elle détestait entendre le mot « évasion » appliqué à la fiction. Elle aurait pu soutenir, et pas seulement pour rire, que c’était la vraie vie qui était l’évasion. (131)
Toujours un immense plaisir de lecture, la joie de découvrir des mots qui définissent certaines expériences de nos vies, l’envie d’y revenir, plus tard…