— inspiré des travaux de Gérard Mordillat
« Le monde et sa propriété »
ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022
« Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l’Homme, mais pas assez pour assouvir son avidité. »
Mohandas Karamchand Gandhi
En “venant au monde”[1], nous sommes propulsés dans ses rapports avec la propriété et leurs déterminismes, dans lesquels la personne va peu ou prou devoir développer son identification, on pourrait dire avant même le début de sa conception, pour s’adapter et assurer sa pérennité … !
Dès lors “le désir naturel du vivre” va s’inscrire dans ce schéma, et il va être plus ou moins complexe selon les lieux géographiques, les situations et les époques, et nous nous bornerons à la nôtre, même si d’autres époques et lieux peuvent venir donner leurs éclairages en ce temps présent .
Ce que propose cet essai, c’est de mettre en parallèle et dans leurs perspectives réciproques, le monde de « la propriété » et “une démarche spirituelle maturante” et innovante [2].
Cette proposition nécessite une bonne connaissance du sujet pour la première perspective et une suffisante pratique des fonctionnements de l’Humain pour aborder la seconde perspective.
L’objet de la recherche serait de voir et comprendre comment ces deux perspectives peuvent s’imbriquer, voire s’articuler autour d’une vie d’Homme vers son accomplissement.
Une alternative au “droit absolu” du pouvoir dans la “propriété privée” qui met en danger actuellement le Vivant sur la Terre de tous, est devenu un impératif dont la jeune génération ne pourra faire l’économie d’un investissement et une lutte acharnée face à la violence prédatrice du néo-libéralisme régnant, destructeur de propriétés (notamment “les [biens] communs”) au nom de la croissance économique.
Car il y a un grand risque d’une organisation de société en ce qui concerne la “transition écologique” à fort potentiel d’injustices, tels que basés sur des modèles comme la Chine actuelle, c’est à dire un État très centralisé autoritaire et tyrannique, profondément anti-démocratique, qui entre en alliance avec le secteur dit “privé” et son capital d’investissement.
Ainsi pour soutenir une lutte d’une telle ampleur, l’Homme investi d’une dignité renouvelée va nécessairement devoir se maturer et “ne plus se raconter d’histoires”, se situer et se vivre surtout, dans sa plénitude d’être humain s’accomplissant dans la détermination de sa responsabilité de son Humanité là où il a vu le jour.
Car « si nous ne faisons rien, procrastinons à longueur de temps, nous serons emportés et submergés par le flot surgissant d’évènements de tous ordres qui nous engloutirons », c’est aussi simple que cela, la Terre restera ce qu’elle a toujours été une puissance régénératrice et féconde, avec ou sans notre espèce !
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[1] Nous autres humains sommes « l’animal inachevé ». Notre nature est ouverte et malléable à souhait et nous ne cessons de découvrir ce dont nous sommes capables. Bien que pourvus d’un corps humain à la naissance, nous n’avons pas encore toute notre humanité. Devenir humain signifie découvrir tout notre potentiel et apprendre à vivre avec. Pour cela, “nous devons mettre au monde”* plus que ce que nous sommes vraiment, et devenir plus ouverts à ce que la vie nous offre.
Toute la gamme des capacités humaines est à exploiter. Nous avons besoin de force, d’ardeur et de ténacité pour persévérer et faire avancer les choses …
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* dans le sens de “maïeuticien(e)” [“d’accoucher” de notre propre Humanité.]
p. 27, « Le Chemin de l’Amour conscient » “Une voie sacrée”, John Welwood – Éditions Le Souffle d’Or © oct. 2010
http://camisard.hautetfort.com/media/01/00/1480267140.pdf
et …
« Psychologie de l’Éveil », John Welwood – Éditions de la Table Ronde © Gap 2003
http://camisard.hautetfort.com/media/02/01/1989754899.pdf
« Entre ciel et Terre » Échappatoire Spirituelle
« Les enfants au cours de leurs premières années, quand ils ne peuvent pas encore reconnaître ni exploiter pleinement la puissance de leur être plus vaste, “l’ego” est alors une structure de contrôle que nous développons pour des raisons de survie et de protection. Ce moi pense qu’il est le maître et cette croyance procure un sentiment de stabilité et de sécurité nécessaire au développement de l’enfant.
L’“ego”sert donc un but utile de développement, telle une sorte d’homme d’affaires ou de gestionnaire qui apprend et maîtrise les méthodes ayant cours dans le monde. Cependant, la tragédie de l’ego est que nous commençons à croire que ce manager — ce “je/soi”de façade qui est en interface avec le monde — est qui nous sommes. On peut comparer cela au gérant d’une société qui prétend en être le propriétaire. Cette prétention crée de la confusion vis-à-vis de qui nous sommes réellement.
Il y a là un côté poignant. En tant qu’imitation de notre véritable nature, l’ego est un moyen d’essayer d’être. Si la vraie force pour faire face aux circonstances difficiles nous fait défaut, nous essayons d’être forts — en nous crispant et en nous renfermant. Comme nous manquons de véritable confiance, nous tentons de prendre de l’avance ou d’avoir le dessus — en faisant du forcing et en bousculant. N’ayant pas directement connaissance de notre valeur, nous essayons d’être aimés — en nous compromettant, en essayant de sauver nos parents ou de faire plaisir aux gens. Toutes ces tentatives peuvent être des moyens d’adaptation utiles durant l’enfance, car elles procurent un semblant des réelles ressources intérieures avec lesquelles nous ne sommes pas encore totalement en contact. »
p. 70
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[2] La voie et les voies — « Une boussole dans le brouillard », Gilles Farcet – Éditions du Relié © 2019
« Si je devais m’en tenir à une phrase et une seule, je dirais ceci : La voie a pour objet de faire émerger un sujet responsable et aimant capable de participer selon sa vocation propre à la guérison plutôt qu’à la maladie du monde.
J’ajouterais qu’il existe des degrés de maturation intérieure : depuis l’émergence d’un sujet digne de ce nom jusqu’à ce que diverses traditions considèrent comme l’ultime libération. On notera que je définis l’objet de la voie du point de vue de la relation et non d’un état de conscience particulier. La qualité de relation procède en effet du degré de conscience, et le plus sublime des états de conscience est vain s’il ne se traduit pas en qualité de relation. Cela dit, un ermite — vocation exceptionnelle — peut, de par sa qualité de communion silencieuse, être davantage en relation qu’un attaché de presse…
La voie n’est pas une religion, en cela qu’elle transcende les religions et traditions spirituelles. Elle est présente à l’origine de toute religion ou tradition spirituelle dont elle est le cœur caché et, avec le temps, oublié, mais aucune religion ou tradition n’en détient le monopole. Elle s’y manifeste sous différentes formes.
Je parle ici de “la voie”, on pourrait bien entendu parler aussi “des voies”. Chaque voie spécifique est une déclinaison, une manifestation de “la voie”, un possible chemin vers un but qui transcende toutes les voies. »
p. 17/18
https://versautrechose.fr/blog3/wp-content/uploads/2022/05/citations.pdf
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Ses racines dans les sociétés actuelles, dites “modernes” :
I – « Inviolable et sacrée »
la Révolution de 1789, « La propriété “sacrée” » et le contexte qui l’a vu naître …
« La propriété “sacrée” » : ici il faut entendre la chose “sacrée” sans rapport avec de la “sainteté”, ce qui est mis en avant c’est la notion séculière, celle d’un droit humain. Ce droit est entendu comme “inaliénable” en ce sens qu’il ne se réfère pas spécialement au cadre social, qui ne serait donc qu’un droit du citoyen, mais bien plutôt un droit “naturel”.
De fait, une certaine noblesse ayant rejoint le Tiers-État, celle-ci était soucieuse d’obtenir une indemnisation pour les biens dont la Révolution la dépouillait …
L’article II (de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) garantit les “droits naturels”. Cet article renvoie à autre chose que la seule propriété matérielle.
La propriété du travail de la terre vient dans le mixage de l’un par l’autre et le fruit des efforts justifiant l’appropriation et devient un droit exclusif d’exploitation.
Le fruit du “travail”, des efforts, devient en ce sens un droit exclusif de propriété.
John Locke (1632 – 1704) considère que les êtres humains ont la “propriété” d’eux-même, pour lui c’est un principe fondamental. Cette idée nourrit la Révolution et se propage dans le continent européen fondé sur “trois piliers” : désacralisation du pouvoir temporel, l’état de droit (la séparation des pouvoirs et “égalité” [de principe du moins] devant la Loi), et le troisième axiome, la “propriété privée”, ces “idées révolutionnaires” étaient essentiellement promues par la bourgeoisie. Cela s’articule autour de la vision que le squelette juridique sera “mis en chair” par la propriété privée établissant l’état de droit. L’hétéronomie[1] du vivre ensemble ne relevant plus d’un ordre théocratique et créant ainsi un “vide” (ou une absence), celui-ci doit trouver à se combler dans le champ de l’expression des libertés soumises aux débats, une cohérence autour de la “propriété privée” devenue dès lors en ce sens, le “bien” ambigu du tissu social.
— “propriété privée” et “droit naturel” relèvent-ils d’une absurdité de fond ?
John Locke serait-il dans l’erreur … ? La confusion entre ce qui entre en “possession” et ce qui est de la “propriété privée” … et après lui ce confusionnisme n’a fait que se répandre et se développer.
— (prise de possession et la propriété) la notion de “propriété privée” est une relation entre des personnes à propos des “choses”, et non pas le “saisir des choses” pour se nourrir, élaborer des structures au moyen d’outils, etc … propriété et possession se réfèrent à des notions très différentes.
Le profond du paradoxe des « déclarations d’indépendance » des U.S.A., une société esclavagiste s’appropriant par la violence [en fait un génocide toujours dénié aujourd’hui, comme en Australie] les terres des populations autochtones alors qu’ils étaient de fait “en pleine propriété” du point de vu du “droit naturel”, celui des peuples premiers sur leurs terres ; comment “sacraliser” les uns tout en dépossédant les autres ! Ainsi, dans le droit des U.S.A. le droit de “propriété privée” n’est pas “sacralisé”.
La “propriété” a une Histoire … sa source en Occident vient des juristes romains, la “propriété privée” en se sens ce structure dans l’exclusivisme du rapport à la “chose” dans la dynamique économique de l’époque, basée en partie sur l’esclavage.
Tombé en désuétude dans l’effondrement de l’empire romain, le XIme siècle verra resurgir “propriété privée” dans le “droit canon” sous le Pape Grégoire VII, à travers le premier état européen qu’est l’Église Catholique avec ses clercs, calqué sur le droit romain.
Sous la Révolution de 1789 est énoncé que : le propriétaire « ne peut pas faire ce qu’il veut ». La libre utilisation de la “propriété privée” est bornée aux libertés et droits des autres.
Ceci disparaît sous l’Empire en la personne de Napoléon Bonaparte, qui réduit cet aspect dans un contenu pur du positivisme matérialiste Comtien. C’est l’avènement du “propriétaire souverain”, d’un droit “absolu” (art. 544 sur la “Propriété”). La “Propriété” est l’âme de la législation (Portalis 1746-1807), le fondement de l’ordre social, pierre angulaire de la mentalité de la société qui se met en place.
Le dominium* (droit romain de propriété) est différent du droit d’usage.
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* (le dominium ex iure quiritium correspond à une quasi souveraineté, il est davantage une puissance qu’un droit d’appropriation au sens moderne du mot ; et la propriété n’a jamais été considérée à Rome comme un pouvoir illimité dans le temps et dans l’espace.)
Les choses de la “Propriété” dans son sens fort d’omnipotence, sont résorbées dans un état d’absorption vers le/s personnes propriétaires qui par extension s’identifient à lui/eux comme faisant partie de lui/eux mêmes et ainsi aller jusqu’à s’y confondre … !
Démocratie et “propriété absolue” sont donc assez contradictoires. La “propriété absolue” est excluante de toute forme de débats. La démocratie elle, est le lieu même des possibilités de dialogues et d’éventuels changements si cela s’avère constructif dans le vivre ensemble, donc de la fonction sociale de la propriété. La propriété se doit d’être englobée dans l’intérêt de la communauté.
Deux perceptions de la propriété s’affrontent donc, d’une part la “propriété absolue” avec un/des propriétaire(s) “souverains”, d’autre part un droit de propriété qui s’insère dans le jeu des relations sociales. Octobre 2020, nous passons d’une perspective subjectiviste de la propriété comme étant une “émanation de la/les personnes(s)” à une vision plus objective dans laquelle cette propriété devient une affectation à un objectif, un but. Cette vision de la propriété requiers une notion fraternelle de solidarité, et non plus une attitude despotique d’un “droit quasi divin, d’un « moi/ego omnipotent »” !
Pierre-J. Proudhon (1809-1865) – La propriété est multiple, elle est universelle dans le concept de la Révolution Française de 1789, mais dans sa pratique, elle est individualisante. Elle prétend protéger les petites gens tout en garantissant la domination des puissants ! Proudhon qui y voit une liberté, la dénonce ainsi élaborée comme un “vol”…
La définition possible de la propriété ; s’il n’y a pas une définition universelle de la chose, chaque société produit “sa définition” de la propriété : cette propriété est la relation d’appartenance entre des personnes relativement aux choses dont elles disposent. Après tout est question de conception de ladite chose …
Nous ne sommes pas tout seuls propriétaires des choses ! Nous sommes dans une dimension intertemporelle de la propriété en ce sens que les chose ne viennent pas de rien pour retourner à rien, il y a une forme de continuité dans ces choses.
… le concept propriété entendu comme tel n’a pas toujours existé, les sociétés dites “premières” avaient une perception très différente de celle actuellement globale, et avaient une tout autre notion que celle en somme réductrice de “propriété absolue” dans leur façon d’utiliser les biens de la communauté et des personnes la constituant.
Dans le droit féodal, il n’existait pas de distinction entre “impérium” (pouvoir juridique politique sur les personnes) et “domium” (pouvoir juridique civil de la propriété), la propriété était enserrée dans des règles générales.
Dans sa vision fondamentale le capitalisme vise à l’augmentation constante de ses ressources ce qui dans nos sociétés actuelles génère au moins deux problèmes majeurs. Premièrement, l’Anthropocène et les limites des ressources de notre planète Terre, et l’avidité qui vont dépasser le point de rupture de la régénération naturelle si nous restons dans la dynamique actuelle ; en outre deuxièmement cela génère un gouffre grandissant d’inégalités d’une minorité au détriment non seulement des populations, mais qui plus est des équilibres naturels de la Terre. En effet le produit du Capital augmente sans cesse en se reproduisant, bien plus rapidement que ce que le travail par lui-même peut engendrer dans le même laps de temps.
Le Capital lui-même détruit violemment, par la nécessité du changement de sa propre essence, des paramètres de la sacro-sainte propriété (voir les “mouvement des enclosures” [Pays de Galles et d’Écosse], fin du XVIe siècle au XVIIe siècle) : des droits de propriété ont été détruits au nom de la croissance économique.
Autour donc de cette notion réductionniste de “propriété absolue”, la violence est factuelle.
Le principe même de l’économie est induit dans la notion de “rareté”. La possession d’une chose par nature est dans un mode d’exclusion, mais peut dans le cadre sociétal donner lieu à plusieurs déclinaisons, dont le partage … Par contre, dans la notion de “propriété absolue” plus rien de tout cela, c’est un vase clôt hermétique, de la prolongation d’un « moi » tyrannique et sans partage possible, laissant juste la possibilité éventuelle d’un “don”, plus ou moins généreux, intéressé, équivoque en tous cas.
Quand nous instituons une exclusion sur l’arbitraire, nous générons une dynamique qui glisse très rapidement vers la frustration et ses violences … ! Ceci induisant potentiellement les tueries humaines[2] et autres états de guerres déclarés ou pas, et leurs cortèges de calamités indicibles … !
Ainsi les Amérindiens qui étaient en toute jouissance de leurs territoires naturels, pouvaient-ils se prévaloir de titre de “propriété absolue” ? La Cour Américaine de 1823 posait la question suivante : les Piankeshaw (ou Piankashaw) nation des Miamis*, avaient-ils un “droit” de vendre (c’est une partie fondamentale du droit de propriété) ? John Marshall (1755-1835) Président de la Cour Suprême des U.S.A., explicite en 1823, que la “conquête des territoires” donnent un titre d’appropriation que n’ont pas les autochtones qui eux ne peuvent prétendre à la vente ! Il reconnaissait que c’était injuste mais conforme à la juridiction d’État … ceci est la nature de la violence intrinsèque à la chose.
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*Les Miamis (en langue miami-illinois : Myaamiaki), sont un peuple amérindien du Sud des Grands Lacs, du sud du lac Érié et du lac Michigan, dans les États américains actuels du Michigan, de l’Indiana et de l’Ohio et qui vivent aujourd’hui majoritairement dans l’Oklahoma.
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[1] Fait d’être influencé par des facteurs extérieurs, d’être soumis à des lois ou des règles dépendant d’une entité extérieure.
[2] https://www.babelio.com/livres/Lehorff-Par-les-armes/1043202/critiques/1663428
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« Le monde et sa propriété » I – ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022
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Ainsi dans cette première partie nous sommes mis dans la perspective d’un “monde” tel que les sociétés humaines l’ont mis en place et institué.
Le “petit de l’Homme” arrive dans ce monde-là, mais aussi il « arrive au Monde », et dès lors comment peut-il s’adapter au premier et vivre pleinement sa nature humaine dans l’autre ? La question est ardue apparemment, car en fait ces deux “mondes” sont un seul et même monde en Soi. L’un nous entraîne inexorablement vers « la maladie addictive de désirs frustrés du monde de l’humain » et ses égarements, ses errances, en des vies dégradées trop souvent dans un gâchis certain ; l’autre nous porte vers la résilience, la guérison en notre Humanité partagée au Monde/Univers, portant vers une plénitude intérieure d’accomplir ce qui doit l’être nous concernant, ce que le Vivant quelque part attend de nous, car nous ne venons pas de “rien”[1]. Il ne s’agît pas de vivre hors et sans “désirs”, mais de tendre à une vie “libre du désir tyrannique” et de sa dépendance, en vue d’une plénitude de maturité émotionnelle non dépendante d’autrui…
Dès lors beaucoup de choses vont se jouer dans les premières années de ce “petit de l’Homme”, parfois difficilement réversibles, mais la neuroplasticité de sa nature lui donne un atout majeur tout au long de sa vie, de pouvoir modifier la donne. Reste qu’il lui appartient d’opter entre un laisser aller vers la facilité, “la pensée paresseuse” dont parle Boris Cyrulnik dans « La pensée totalitaire », qui généralement si elle apporte son lot de satisfactions parfois à la mécanique de frustration du désir, n’en demeure pas moins au niveau le plus souvent d’une absence de croissance intérieure en son humanité accompagnée de son mal-être, qui est donc l’autre option, celle des désirs sans fin.
En outre, être mis en relation dans une réelle dynamique d’une voie spirituelle parmi les voies possibles dans un lignage vivant avec des représentants dignes de leur “mission” ne va pas de soi, cela reste une entreprise avec ses risques, et dans certaines contrées sur la Terre quasi impossible, voire impossible dans des dictatures avec leurs tyrans, quel qu’en soit l’étiquette et couleur de la chose …
L’histoire du bien foncier (anciennement bien-fonds) d’un “droit de propriété”, était déjà dans les mœurs en Mésopotamie il y a trois mille ans av. J.-C.
Nous avons vu précédemment l’imbrication à laquelle peut donner lieu, la notion de “propriété absolue” qui engendre la prolongation d’un “moi” tyrannique et sans partage possible, l’implication dans laquelle l’enfant* qui pour se structurer développe en toute légitimité une identité première, va être imprégnée dans cette relation plus ou moins marquée et toxique :
« Les choses de la “Propriété” dans son sens fort d’omnipotence, sont résorbées dans un état d’absorption vers les personnes propriétaires qui par extension s’identifient à elle comme faisant partie d’eux mêmes et ainsi aller jusqu’à s’y confondre … ! »
Dès lors selon le schéma engendré « la stratégie de survie »[2] va être une difficulté majeure sur laquelle va se heurter tout au long de la vie la croissance et maturation spirituelle, dans le meilleur des cas ! En effet, dans l’immense majorité cela ne dépasse pas le cadre d’un infantilisme émotionnel, quelques que puissent être par ailleurs les qualités de cognitions intellectuelles relevant des mécanismes du mental.
II – “Mon corps est à moi … !”
“structures de l’identification de l’individu
dans ses rapports avec la propriété et ses déterminismes”
En outre ce “petit de l’Homme” a un corps et là aussi le rapport qu’il va avoir avec celui-ci est très largement dépendant de son environnement, familial (ou ce qui en tient lieu) d’abord avant d’être en relation avec la collectivité, scolaire et sociétale, et c’est subtil et complexe bien évidemment !
Cependant il n’y a pas à proprement parler de “propriété de soi”, c’est une erreur de catégorisation juridique. En tant que “personne”, nous “appartenons” à des communautés ; (rapports de “possession” du corps et de la propriété [communautaire]) dans la définissions par exemple d’une désignation d’un “basculement” d’âge à un autre, petite enfance/enfance.
Des limites sont posées dans ce que l’on peut ou ne peut pas faire avec son corps. En fait le terme plus approprié que “propriété” serait “… y avoir un droit de regard, contrôle de sa libre jouissance et pouvoir en disposer en dernier ressort…” parce que nous avons des droits inaliénables sur notre corps.
Mais en fait dans le cadre de la “vie quotidienne” c’est plutôt finalement notre corps qui nous “possède” dans ses mécanismes que le contraire ! Ceci dit cette “propriété souveraine” n’est pas un “droit absolu” non plus … d’où un certain embarras !
Il pourrait être entendu que “le corps” ne peut être la “propriété” de quiconque, pas même de soi … !
Si nous sommes “propriétaires” de notre corps cela nous permet de l’aliéner … “je suis mon corps” et selon Merleau-Ponty (1908-1961), en conséquence je n’en suis pas le “propriétaire” car ce qui “hante” le débat à ce sujet, c’est bien la notion de réduction à l’esclavage … Le postula est que le corps de quiconque n’appartient à personne …
« Ni una menos »*, la Vie c’est beaucoup plus puissant en terme d’importance de valeurs, que celle de la “propriété”.
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*(Le mouvement de 2015 « Ni Una Menos » [“pas une de moins”] en Argentine)
La “propriété” sur une valeur marchande du corps est en essence une absence totale d’intégration de la notion de dignité intrinsèque de la valeur d’une vie humaine. Le fait que chaque personne doit pouvoir avoir “droit de regard et contrôle” sur sa propre existence. Il y une profonde indignité, de la violence sociale à ne donner qu’une valeur en terme de “marchandise” à une personne ou une autre, sous-entendant que d’autres n’ont aucune “valeur-marchande”, ce qui équivaudrait à ne considérer la personne qu’en “poids économico/sociétal” parlant, quel que soit par ailleurs ses qualités humaines !
Ce concept de “propriété absolue” ne serait-il pas “un fantôme qui hante” notre rapport sociétal … celui de l’esclavage … ? Cet « esclavage » en terme d’institution est la violation la plus fondamentale du “droit de propriété” de soi d’un être humain. Et ce droit doit être défini comme beaucoup plus large que celui du droit économique. En particulier les droits de propriété moraux qui se réfèrent à la personne et son intégrité, le fait d’être une « personne humaine » à part entière, l’esclavage nous prive de cela.
À l’abolition de l’esclavage*, au nom de cette “propriété absolue” in fine ce sont les propriétaires qui seront indemnisés et non les esclaves !
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*(le deuxième décret de l’abolition de l’esclavage en France a été signé le 27 avril 1848 par le Gouvernement provisoire de la Deuxième République, 46 ans après le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte ayant rétabli l’esclavage dans les colonies françaises avec la loi du 20 mai 1802. L’esclavage avait été aboli par la Convention, une des assemblées de la Révolution française, le 4 février 1794.)
“caput”, signifiant “tête”, vieux terme pour désigner la propriété dans le sens de cheptel, tête de bétail, est la racine de “capital”. En anglais “chattel slavery” est ni plus ni moins une désignation de “propriété d’humains” comme un cheptel d’animaux ! Le capitalisme entendu de la sorte n’est pas une façon astucieuse de faire de l’argent, mais un process vicié en son essence, quelques puissent être les règles du jeux en question …
Si l’esclavage est constitutionnellement prohibé, il n’en demeure pas moins que les rapports de dépendances et “d’allégeance”, entendue comme “diminution du poids d’un fardeau”, est de la servitude personnelle habillée d’autres mots, et celles-ci apparaissent comme un véritable repoussoir. Si le « contrat de travail » est l’autre bout du spectre de la condition d’esclave, il convient de prendre en compte nombre de professions qui ont des failles structurelles qui leurs sont propres, notamment le personnel de “domesticité” où ce “droit de propriété privé” a toute son ambiguïtée…
… à lire au sujet du « contrat de travail » l’essai sur le documentaire de Gérard Mordillat : « Travail, salaire, profit » Extraits du documentaire économique/philosophique Arte-TV, © 2019
http://camisard.hautetfort.com/media/01/02/743836790.2.pdf790.2.pdf
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[1] voir : https://versautrechose.fr/blog3/?p=531
[2] voir à partir de la page 171, « Une boussole dans le brouillard », Gilles Farcet – Éditions du Relié © 2019
https://versautrechose.fr/blog3/wp-content/uploads/2022/05/citations.pdf
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*L’influence psychologique des parents sur les enfants est particulièrement forte dans
une société comme la nôtre où les familles élargies, les communautés unies et les
rituels d’initiation, qui atténuaient cet impact, ont pratiquement disparu.
p. 128 « Le Chemin de l’Amour conscient » “Une voie sacrée”, John Welwood – Éditions Le Souffle d’Or © oct. 2010
http://camisard.hautetfort.com/media/01/00/1480267140.pdf
LE PROBLÈME FONDAMENTAL : L’IDENTIFICATION PRÉ-RÉFLÉCHIE
Ce qui rend problématique notre état ordinaire de conscience, selon les traditions à la fois psychologiques et spirituelles, est l’identification inconsciente. Jeunes enfants, notre conscience est essentiellement ouverte et réceptive, toutefois notre capacité à réfléchir à notre propre expérience n’est pas totalement développée jusqu’au début de l’adolescence, durant « le stade des opérations formelles » comme le dit Piaget. Avant cela, notre structure de soi est sous la domination d’une capacité plus primitive — l’identification.
Comme, dans l’enfance, nous manquons d’une conscience réfléchissant sur nous-mêmes, nous sommes en grande partie dépendants des autres pour qu’ils nous aident à nous voir et à nous connaître — pour qu’ils fassent notre réflexion a notre place. Nous commençons donc inévitablement à intérioriser leurs réflexions — leur façon de nous voir et de nous répondre, finissant par nous considérer nous-mêmes en fonction de la manière dont les autres nous perçoivent. Nous développons ainsi une identité égotique, une image stable de nous-mêmes, composée de représentations de nous qui font partie de relations d’objet plus vastes — des schémas “soi/autre” forgés lors de nos premières transactions avec nos parents. Forger une identité signifie se prendre pour quelque chose, basé sur la manière dont les autres sont en rapport avec nous.
L’identification est comme une glu grâce à laquelle la conscience s’attache aux contenus de la conscience — les pensées, les sentiments, les images, les croyances, les souvenirs — et assume chacun d’eux : « C’est moi » ou « Ça me représente ». Forger une identité est un moyen par lequel la conscience s’objective elle-même, fait d’elle un objet. C’est comme se regarder dans un miroir et se prendre pour l’image visuelle qui nous est reflétée, tout en ignorant notre expérience vécue plus immédiate d’êtres incarnés. L’identification est une forme primitive de connaissance de soi — le mieux que nous puissions faire en tant qu’enfants, étant donné nos capacités cognitives limitées.
p. 150/51 « Psychologie de l’Éveil », John Welwood – Éditions de la Table Ronde © Gap 2003
http://camisard.hautetfort.com/media/02/01/1989754899.pdf
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III – “Breveter le vivant …”
“l’appropriation d’individus,
de biens de l’ordre du Vivant”
Ses racines dans les “sociétés modernes” actuelles :
En matière de propriété il faut bien faire le distinguo entre ce qui concerne « les biens dits matériels » et ce qui concerne « les biens dits immatériels ».
La « propriété intellectuelle » c’est avoir la liberté, le “pouvoir” d’utiliser la chose que j’ai créé. C’est le © [copyright]
C’est la “marchandisation” d’un travail intellectuel ; car il faut bien entendre dans cette notion que cela ne peut pas fondamentalement être l’activité exclusive d’une seule et même personne. En effet ce “travail” est toujours déjà transit et dépendant d’un “commun” de l’imperçu, par exemple : nul ne peut se réclamer d’être “le propriétaire” d’une langue dans laquelle il s’exprime. Ainsi il y a de facto un entre-nous qui dans ce cas nous relie à notre humanité voire au-delà, qui rend possible in fine, une création qui en soi ne peut être “réduite” à une entité exclusive donc. Ceci donne une perspective plus confraternelle de la chose créé, qui est ainsi plus à considérer dans une notion du “partagé” plutôt qu’une exclusivité “privée” qui est de l’ordre de l’appropriation abusive dans son interprétation exagérée et absolutiste.
Pourquoi ces droit des “brevets” et copyright de nos jours sont-ils si puissants ? c’est parce qu’ils protègent l’investissement ; geler une création pour en faire un “actif”.
La nature différente de la propriété intellectuelle :
Ils (droits de propriété) sont donc limités dans le temps, ne sont pas totalement “permanents” comme les biens dits matériels.
Le rapport entre les droit des “brevets” et copyright de la « propriété intellectuelle » est l’indicateur qui permettraient de faire le lien actuellement entre la « propriété intellectuelle » et le facteur d’innovation …
Cette “propriété intellectuelle” opère à deux niveaux ; son extension peut inciter à la création et empêcher son utilisation par d’autres. Le fait qu’il y ait marchandisation incite à l’investissement pour créer de la propriété intellectuelle qui génère de la croissance économique, procédé des pays dits “développés”.
Mais dans les pays dits “émergents” cela a un effet inverse, et freine plutôt le développement.
Quel légitimité sur le vivant dans le cas d’un brevet sur l’animal transgénique ? (brevets sur les organismes multicellulaires) ; alors qu’en sera-t-il de l’humain ?
Le droit de réutiliser ce qui a été récolté est fortement contesté par les grandes firmes de l’agro-industriel. C’est une tentative d’expansion spectaculaire de la propriétarisation par rapport non seulement à ce qui vit aujourd’hui, mais aussi et surtout une forme d’hégémonie sur le “vivant du futur”.
Ceci est le prolongement constitutif de violence de la notion de capitalisme dans la “propriété absolue”, très brutal.
Celui qui possédera les données informatiques, dominera demain le domaine de I.A. (ou intelligence Artificielle) … l’humanité devra entrer en résistance face à cela, et poser des garde-fous institutionnels !
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IV – “Posséder la Terre”
“l’appropriation sans limites,
la démesure face aux évènements factuels”
La propriété en terme de concepts juridiques remonte bien avant ce l’on entend par « l’État » au sens moderne du terme.
En ce sens, “le privé” n’existe que parce qu’il y a du “public”. Il y a forcément une alliance privé/public qui permet de faire respecter les contrats “privés”, qui autrement ne peuvent pas les faire respecter hormis le recours à la “loi du plus fort”.
L’idée d’une notion de “propriété absolue”, de domination sur un bien est une idée de l’Occident dit « Moderne ».
Le « Dominium »* et la “propriété des biens communs” : Ils sont difficiles à définir, si ce n’est par contraste avec les “droits de propriété”. « Les biens communs » ont des renvois dans l’Histoire et a des échos dans “l’Ancien Régime”, (comme les marais, les bois, pâturages etc…) comme forme “d’exutoires” vers ceux qui n’ont rien, de participer à la vie de la communauté pour exister.
La « Tragédie des Communs » (Elinor Ostrom, prof. en sciences politiques ; 1933-2012, Nobel 2009 d’économie) Elle a remis en cause la doxa dominante du néo-libéralisme. Pointant du doigt son immense gâchis … dans le sens ou le “le bien commun” est traité avec négligence, alors que “le bien privé” serait l’objet d’attentions particulières … [Garett Hardin 1915-2003, prof. d’écologie et d’écologie humaine]
Ce qui caractérisera “le bien commun” sera de la nature des règles qui seront données par le collectif gestionnaire ; ce qui sous-entend des rapports hors du champ de “domination” au sein du commun.
“Le bien commun”, une toute nouvelle façon de réorganiser nos sociétés modernes d’Occident ?
Certains biens indispensables à l’humanité ne devraient pas relever du domaine “privé” (l’eau potable, les écosystèmes, les mers et leurs fonds, etc …).
Les « Montagnais » (Les Innus du Lac Saint-Jean ou Pekuakamiulnuatsh) ont été réduit à décider de privatiser les “communs” suite à la disparition des castors du fait de son commerce abusif, à la fin du XIXe, pour sauver leur environnement… !
La poly-crise écologique actuelle.
a) Société décentralisée des communs, un État garantissant l’exercice et réglementation de ces “communs” avec des productions d’énergies diversifiées, décentralisées.
b) Société de “transition écologique” à fort potentiel d’injustices, basée sur un modèle chinois actuel, c’est a dire un État très centralisé autoritaire et tyrannique, profondément anti-démocratique, qui entre en alliance avec le secteur dit “privé” et son capital d’investissement.
« La pensée paresseuse » en ce qui concerne les “communs”, dans le domaine d’un élargissement, les problématiques qui se manifestent dans une petite échelle, ne se manifestent pas dans la globalité à plus grande échelle. Quand les gens se connaissent trop bien, cela crée des empêchements et impossibilités (jalousies et rivalités diverses …), l’espace vaste crée un horizon plus élaboré permettant de répondre plus efficacement à certaines problématiques humaines.
Par contre, la réorganisation demande plus de “pouvoir” dans la globalité que dans de petites parties. D’où une nécessité pour passer à une certaine réorganisation sociétale d’envisager un audit neutre plus large.
Les limites à la “propriété absolue”, et les limites du “pouvoir d’État”, dans les « biens communs de l’Humanité et du Vivant », touchent à l’alliance privé/public sans laquelle le “privé” n’existe pas. La société civile reste le recours à inventer des limitations à la gestion des communs autour de ce rapport privé/public qui tire son origine du « Dominium ». Reste à structurer ce tiers majeur et central pour le devenir du Vivant, capable institutionnellement de faire appliquer dans les faits la chose ! Car devant, c’est le règne du “tout est sujet à marchandisation” !
Le concept juridique : « les personnes se rattachent au genre Humain » tout le reste est du domaine de la “chose” … ainsi dans cette perspective le Naturel réduit à l’état de “chose” ne peut prétendre au “droit sociétal” de la « Civilisation » actuelle.
Peut-on argumenter à partir d’un continuum Nature/être humain, pour se poser en tant qu’interlocuteur qualifié, ayant ne serait-ce qu’un droit à s’exprimer ? Perspective qui inclut un “droit des génération futures” à bénéficier d’un environnement clément et viable ?
La notion d’étanchéité entre l’ensemble du Vivant et de l’Humain abolit, nous sommes renvoyés à l’origine de nos sociétés humaines pré-urbaines. Se pose alors la question d’une Humanité post-urbaine capable de réintégrer ce qui a fait le fondement de notre propre humanité pendant des dizaines de milliers d’années ? Rien n’est moins sûr !
Après quand il est question de personnalité morale “représentant l’empêché” de s’exprimer par lui-même cela doit faire parti d’un cadre défini avec contre-pouvoir structuré pour l’équilibre de la chose. Donc rien qui soit hors du champ des capacités qu’une démocratie saine ne puisse affronter …[1]
Perpétuer le « Dominium » au sein des droits de la Nature est une absurdité ! Rien ne peut au sein de la Nature être réglé isolément, d’autres facteurs interdépendants sont en prendre en compte, qui en fait est le fondement même du Vivant ! La question est bien plutôt dans les réponses pertinentes et initiatives salutaires qui peuvent être mises en place de manière réaliste et variées, et surtout en avoir la volonté dans la compétence !
Quelle est la marge de manœuvre dans ce que contient le droit actuel sortit d’une définition préalable … l’examen de la question se pose en effet, et en urgence si l’on veut avancer face aux échéances qui sont déjà là ![1]
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« Le monde et sa propriété » – ARTE France – ARCHIPEL 33 © 2022
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* Pouvoir et propriété chez Thomas D’Aquin : la notion de « dominium ».
Dans le latin classique, ce terme signifie propriété ou droit de propriété, mais il n’a presque jamais ce sens au Moyen Âge (il ne faut donc pas le traduire par propriété). Dans la langue médiévale, il désigne plus largement le fait d’être maître (dominus) de quelqu’un ou de quelque chose. Chez saint Thomas, il équivaut pratiquement au pouvoir sur les personnes ou à la possession des choses, mais non à la propriété au sens strict.
Cet usage du mot dominium entraîne un paradoxe surprenant, car le même terme désigne à la fois le pouvoir sur les personnes et sur les choses. Dans le premier cas, il s’agit soit du pouvoir politique, dans le cadre de la cité, soit du pouvoir domestique, dans le cadre de la famille : ainsi, le prince a un dominium sur ses sujets, et le père de famille, sur sa femme et ses enfants. Dans le deuxième cas, il s’agit de la possession des choses, qui peut être commune ou propre (on parle alors de proprietas). Ainsi, le mot dominium, qui semble exprimer une notion simple (le fait d’être maître), a, en réalité, deux sens très différents. L’usage de ce terme unique, qui désigne à la fois la maîtrise des personnes et des choses, explique que saint Thomas ne s’interroge pas sur les rapports entre pouvoir et propriété, car ces notions ne sont pas encore suffisamment différenciées à son époque. Pourtant, il est possible et même nécessaire de distinguer et d’examiner les deux sortes de dominium : d’abord, celui qui s’exerce sur les personnes et qu’on peut appeler le dominium-pouvoir, puis, celui qui s’applique aux choses et qu’on peut appeler le dominium-possession.
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https://www.cairn.info/revue-des-sciences-philosophiques-et-theologiques-2010-4-page-655.htm
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[1] « La Magpie devient une entité qui a le droit de vivre » Hélène Jouan
Dans le nord-est du Québec, la rivière Magpie a été reconnue « personnalité juridique » en 2021.
Rita Mestokosho éthnie Innu (anciennement appelés Montagnais) Québec-Labrador.
Les droits de :
— Vivre, exister
Au respect des cycles naturels
D’évoluer dans sa préservation naturelle
D’y maintenir une biodiversité d’origine
Maintenir les fonctions essentielles de l’écosystème
Préservation de l’intégrité de l’écosystème
Protection des pollutions
Préservation de la régénération, et à la restauration
De pouvoir prendre l’initiative d’un procès (“Ester”) en justice
[quid de la réversibilité d’être traduit en justice ?]
Bien des approfondissements en matière juridique devrons être développés, le terrain est largement inconnu et “en friche”, cependant il faut bien partir d’un élan de base, et c’est le cas ici !
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[1] en particulier en finir avec la fuite en avant de … :
— “L’économie de l’industrie de guerre des états dits modernes”, et leurs applications commerciales très lucratives dans le monde dit “civil des démocraties”(?), voir l’affaire dernièrement :
« Dark Waters » pollution mortelle au PFOA, Rob Billott avocat.
ou encore Monsanto :
— La firme américaine d’agro-alimentaire Monsanto est le leader mondial des biotechnologies, tout particulièrement des semences et organismes génétiquement modifiés (OGM). On lui doit les controversés Round Up, herbicide “total” et l’Agent Orange, massivement utilisé pendant la guerre du Vietnam par l’armée américaine. Accusé de créer des produits nocifs pour la santé et les écosystèmes, le groupe industriel fait l’objet de nombreuses actions en justice et d’enquêtes.
— Et que dire des “déchets nucléaires” du civil(?), toujours d’actualité !
Il ne peut y avoir une Humanité de paix sur de tels fonctionnements !
Un combat sans faiblesse sur le plan juridique est la seule alternative tant que nous ne sommes pas retombé dans l’infra-monde d’états totalitaires …
Quand au marché des armes !
https://www.babelio.com/livres/Lehorff-Par-les-armes/1043202/critiques/1663428
http://camisard.hautetfort.com/media/00/00/2751131649.jpg
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Nous avons tenté de mettre en relief à travers nos divers articles, d’objectiver, lorsque l’on parle de “libération spirituelle”, ce dont nous devons globalement et précisément “nous libérer” de la saisie identitaire relayée par le mental !
La champ d’activité à amener au plus près de la conscience est impressionnant, le chantier à mettre en œuvre engage une vie entière dans ses fondements, en nous et hors de nous qui sont étroitement imbriqués et même certainement intriqués* ; cela ne peut donc être envisagé sous forme de passe-temps fantaisiste, une occupation en dilettante ![1]
Lorsque la Conscience se développe ainsi, un état de plénitude d’une “vacuité” nous inonde d’un vertige, nous en prenons conscience dans notre corps de “chair”, et de cet imperçu vivant à travers nous qui modifie la perception que nous pouvons avoir de la Vie, où elle prend vraiment tout son sens. À la fois si fragile et éphémère, ce “corps de chair” est une fenêtre pouvant laisser passer la lumière d’une autre perception, la clé d’une porte qui ouvre sur un autre horizon dont nous sommes imprégnés, mais dont nous négligeons trop souvent d’y prêter attention, et qui se rappelle à nous à travers nos expériences quand elles nous touchent dans le tréfonds de notre intériorité dans des situations de “crises” de ce qui veut croître, notre « être réel », non séparé, diaphane, en l’absorption d’une “vision limpide”.
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« L’acceptation de ce monde tel quel. »
“Vouloir que les choses ne changent pas est vain. L’erreur est d’attendre une permanence de ce qui n’en possède aucune. Comprendre cela aide à se réconcilier avec le changement, la perte, le deuil.
Dernier point, c’est cette acceptation de l’impermanence qui ouvre une voie vers la découverte de l’Absolu et du Soi. Supprimons tout ce qui est changeant, que reste-t-il ? Ce qui est permanent. À force de regarder la réalité relative dans son impermanence, on perd toute fascination, toute complaisance, toute illusion vis-à-vis d’elle et l’Absolu peut se révéler. C’est un aspect essentiel de ce qui sera plus tard son enseignement qui cherche le silence doit d’abord s’intéresser au bruit. Faisons disparaître le bruit et le silence se révélera ; qui cherche le bonheur doit d’abord s’intéresser à la souffrance ; le bonheur se révélera par la disparition de la souffrance. Et ainsi de suite.” – pages 57/58
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[1] SE “DÉSÉDUQUER”
Nous sommes tous victimes de conditionnements divers en fonction de notre histoire, de notre éducation, de la société dans laquelle nous vivons. Nous perdons facilement contact avec qui nous sommes vraiment, étant soumis à tant d’influences et d’expériences qui nous “déforment”. D’où la nécessité pour Swâmi Prajnânpad de se “déséduquer” :
« Nos pensées sont des citations, nos émotions des imitations. Nous absorbons les idées, les opinions, les préjugés, les attirances et les répulsions, les ambiances et les comportements qui se trouvent dans notre entourage sans les examiner, sans les vérifier. Il s’ensuit que nous devons d’abord nous défaire de tous les ouï-dire, préjugés, superstitions, attirances, répulsions, croyances, etc., pour commencer une nouvelle vie.
Un adulte doit examiner attentivement ses pensées, ses émotions, ses croyances et ses superstitions, ses habitudes et ses méthodes de travail. Il doit examiner, voir ce qui est favorable et ce qui ne l’est pas. Il doit devenir conscient de chacune de ses pensées, de chacune de ses émotions, de chacune de ses actions. Il faut tout tester et vérifier si c’est compatible avec la raison. Cette pensée, cette émotion est-elle vraie ? Cette action est-elle juste ? Cette méthode est-elle la meilleure ? Si c’est le cas, très bien. Sinon, il faut faire quelque chose pour les rectifier. Ainsi, on devient capable de penser par soi-même et d’agir selon ce que l’on est. Il faut tout remettre en question, les grandes comme les petites choses, et agir en fonction de ce que l’on est. Le premier pas consiste à se défaire de toutes les pensées, émotions et actions qui viennent de l’extérieur. Se “déséduquer”. Se débarrasser carrément d’un objet cher ou d’une répulsion ou d’une croyance en un Dieu personnel, au paradis, à l’enfer, ou d’une respectable pratique religieuse quelle qu’elle soit. »
Cet aspect de l’enseignement rappelle ce que la modernité a apporté à l’Europe : une remise en cause de toute autorité, de toute croyance, de tout ordre établi. Tout peut être remis en cause. En fait, il ne s’agit pas tant de remettre en cause des autorités extérieures comme l’Église ou la tradition que son propre système de valeurs, de goûts et d’opinions. Qu’est-ce qui me vient de mes parents ? De l’école ? De la société ? Pensées, opinions et idéologies doivent être passées au crible. Les opinions politiques, bien sûr : j’ai des idées de gauche ou de droite, pourquoi ? Mais aussi tout ce que je considère comme bien ou mal. Il n’y a plus de certitudes protégées : tout doit être examiné, tout peut être remis en cause.
p.p. 153 et 154
« Vivre », “La guérison spirituelle selon Swàmi Prajnànpad”,
Emmanuel Desjardins – Éditions du Relié © 2019
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* voir : l’intrication quantique …
« De tout, il resta trois choses :
La certitude que tout était en train de commencer,
la certitude qu’il fallait continuer,
la certitude que cela serait interrompu avant que d’être terminé.
Faire de l’interruption, un nouveau chemin,
Faire de la chute, un pas de danse,
Faire de la peur, un escalier,
Du rêve, un pont,
De la recherche…
Une rencontre. »
Fernando Pessoa