Nicole Lombard, Un père que j’avais

Causse Noir, Roquesaltes - Nicole Lombard, Un père que j’avais

Causse Noir, Roquesaltes

Le premier démarrage a eu des ratés. Un refeuilletage face aux cailloux de Roquesaltes a amorcé ma seconde tentative, qui fut la bonne. Un père que j’avais est de ces romans flottants qu’on lit d’une traite ou qu’on abandonne. L’atmosphère y est forte, mais ténue, vite effilochée par un souffle de préoccupation, d’activité, de mouvement. Il tire sa substance d’un espace du cerveau entre mémoire et construction de soi, réalité des faits et récits. Reflet vivant des travaux que Boris Cyrulnik a pu faire à ce sujet ( voir Autobiographie d’un épouvantail), il y manque un éclat ou une grâce  pour satisfaire vraiment le cœur romanesque de la lectrice, tandis que sa plongée l’entraîne, par un magnétisme de ces zones de l’esprit en constante construction, vers les tréfonds.

Ce fut un moment important de ma vie, et je n’en finis pas de me désoler de ce que ma mémoire en ait si peu retenu. Je n’arrive pas à faire le compte de ce que j’ai perdu. (22)

Le caractère intime de ce qui est dit est parfois déstabilisant, puis le travail de broderie, fait de petit bouts de rien, renforcé par le côté artisanal de l’objet, redonne de la vivacité. J’aime cette démarche, mêlant autobiographie et romanesque, que j’ai déjà croisée chez des auteur anglo-saxonnes qui en semblent friandes. Du côté de Castle Rock d’Alice Munro ou Pourquoi être heureux quand on peut être normal de Jeanette Winterson m’avaient enchantée.

Ici on sent que Proust a soufflé sur les phrases. J’en soupçonne même une ou deux de ne jamais aboutir, partant à l’aventure sur sa lancée propre… Elles rendent parfois de jolies sonorités.

Mais qu’était-il allé faire, avec les idées qu’il avait, les convictions qu’il affichait, dans une école militaire ? (86)

Leur rythme, en tout cas, a un caractère singulier qui roule sur les pierres.

J’ai goûté tout du long cet esprit de fraternité qui met à égalité les vivants et les morts, dans une dimension où ni l’âge ni le statut ne comptent plus tant que le fait d’être humain, liés momentanément et selon des modalités qui ne sont pas toujours élucidées. L’histoire qu’on se raconte vient alors à notre secours, subtil équilibre d’objectivité et d’imagination. Un beau travail sur la mémoire qui n’a pas peur de perdre pied.

Causse Noir - Roquesaltes

Causse Noir – Roquesaltes

Causse Noir - Roquesaltes

Causse Noir – Roquesaltes

Causse Noir - Roquesaltes

Causse Noir – Roquesaltes

 

Qui donc, nous demandions-nous, a parlé le premier d’un appétit d’oiseau ? La sittelle torchepot, par contre, mérite bien son nom : quand elles sont plusieurs à s’attaquer au silo, le contenu de celui-ci ne fait pas la journée. (184)

 

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