Jean-Luc Barré, François Mauriac. Biographie intime. Tome 1 : 1885-1940

Ardèche, Mont Mézenc

La médiathèque du Saint-affricain propose une fort alliciante étagère consacrée aux biographies et au sein de laquelle j’avais depuis longtemps envie de puiser. Au premier creux de la vague qui s’est présenté dans mes projets de lecture, je suis allée l’explorer pour en émerger assez rapidement avec ce volume. Tels des poissons tirés hors de l’eau de leur époque, beaucoup de romans de François Mauriac vieillissent mal. J’aime bien cependant en ouvrir un de temps à autre, le mordant des peintures familiales restant jubilatoire. On les glane assez facilement dans les boîtes à livres. Ces lectures défraîchies ont trouvé tout leur sens à travers cette biographie.

Mais, pour le jeune écrivain qui rentre d’Italie en novembre 1910, l’équivoque n’est pas loin d’être devenue, dans tous les domaines, une règle de vie. Et le meilleur garant de sa liberté d’être. (180)

Suivre la pensée de François Mauriac n’est pas une mince affaire. Il y faut beaucoup de souplesse d’esprit. Jean-Luc Barré se prête à l’exercice avec habileté. Il ne s’attache pas à donner une image définie mais suit les les inspirations, les liens, les résonances, déniche les documents significatifs. du jeune François Mauriac élevé dans un climat de piété anxieuse et obsessionnelle qui communie avec les chênes et chipe de la culture en douce jusqu’à l’adulte conservateur, abonné à l’Action française, tenté par le totalitarisme, mais toujours en quête de lumière, il suit le flot, ne juge jamais, mêle faits établis et construction intérieure de l’homme avec fluidité, honnêteté et clarté. Les paradoxes de l’homme confronté à sa représentation sociale et aux turbulences de son temps rendent le récit passionnant.

C’est vrai que le choix d’une doctrine nous oblige, dans les instants où les forces en nous la renient, à continuer de la professer des lèvres, jusqu’au retour de la Grâce. (323)

(…) il n’est pas mauvais (…) de tirer de soi un monstre, de le poser sur une table et de contempler cette bête méchante et trop caressée que nous aurions pu devenir. (390)

Les paradoxes et une aspiration à la grâce en constant renouvellement. François Mauriac est un chercheur qui a toujours été habité par une grande lucidité. Son œil acéré sur la vie et les êtres le poussent à l’ironie et plus douloureusement, vers la déception. Elle fait tanguer sa foi, contrarie l’image qu’il veut donner de lui, il s’empêtre dans son identité catholique. le début de la quarantaine marque un tournant vers une expérience spirituelle plus autonome, vers le respect d’une complexe richesse à utiliser plutôt que vers le rejet des noirceurs intérieures. Il tente d’être un mystique initié par ses propres métamorphoses. Turbulent, malicieux, rétif, adorable, subversif, il est de plain-pied dans son temps. La vie littéraire française du début du XXe siècle, très marquée par la religion, les troubles et menaçantes années d’entre-deux-guerres, qui ne sont pas sans rappeler notre époque actuelle, prennent vie et réalité sous la plume vibrante de Jean-Luc Barré.

Mais il ne lui faudra que quelques semaines pour rallier la seule famille d’esprit qu’il ait jamais reconnue comme sienne depuis l’adolescence, celle des réfractaires et des insurgés, et entrer à leurs côtés dans une nouvelle période de sa vie. (574)

Mont Gerbier-de-Jonc

Mont Mézenc

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