Cette habileté à se duper soi-même, qui aide à vivre la plupart des hommes, m’a toujours fait défaut. Je n’ai jamais rien éprouvé de vil que je n’en aie d’abord connaissance… (17)
Étant moi-même présentement tourmentée par des sentiments ambivalents, j’ai particulièrement goûté la voix puissante de cet homme seul tenté par la haine des siens : le bloc inentamable, le troupeau chuchotant, la meute familiale assise en rond devant la porte haletante qui guette la fortune cachée. C’est délicieux de lucidité, de franchise, de violence contenue.
Il faut oser regarder en face ce que l’on hait. (273)
J’ai craint un instant que les choses ne s’arrangent après le radoucissement, l’épisode du renoncement à la fortune. Mais fort heureusement et pour mon plus grand bonheur, François Mauriac a eu le bon goût de faire perdurer préjugés et vide d’amour, et même de les porter au plus haut de l’hypocrisie dans la lettre finale d’Hubert, gardien de la morale et de la religion raisonnable qui dénonce le mysticisme fuligineux de son père. Le nœud de vipères intérieur tranché, la clarté spirituelle entrevue, l’environnement extérieur reste égal à lui-même. On ne peut véritablement travailler que sur soi-même et accepter d’être le fou de l’histoire…