Daniel Pennac, Journal d’un corps

Daniel Pennac, Journal d’un corps

Daniel et moi nous nous étions quittés chez les Malaussène il y a une quinzaine d’années. C’est par l’unanimité des critiques du Masque et la Plume que nous nous sommes retrouvés. Comment résister en effet aux élans enthousiastes qui ont fusé lors de l’évocation de ce livre, indices d’un plaisir sans ombre ?

Sperme, mucus, comédons, merde lourde et collante, crottes de nez de la consistance élastique d’une pâte à pizza, quel délice que cette histoire ! Je me suis pourléchée les paupières de cette générosité littéraire chaleureuse et douce comme un oreiller. Daniel Pennac a pris le parti de parler du corps, sac à surprises et pompe à déjections, il parle du corps! Ne rechigne devant rien. Qui d’autre que lui aurait pu évoquer les étrons irréprochables et les couilles empathiques en nous caressant le fond du cœur avec tendresse ? Car sa grande force c’est le sens aigu de son interlocuteur, l’attention pétillante portée à son lecteur. En matou malicieux, il temporise et joue du timing pour répondre aux questions qu’il sait avoir provoquées, pour mettre de la confiture là où le beurre a déjà pris.

Le corps cet inconnu, le corps qui se dérobe, le corps qui s’étiole. Que d’émotion, que de larmes, que de sourires, que de connivence.

Robert, qui a mon âge, vit en amitié avec son corps, c’est tout. Son corps et son esprit ont été élevés ensemble, ils sont bons camarades. Ils n’ont pas besoin de refaire connaissance à chaque surprise. Si le corps de Robert saigne, ça ne le surprend pas. Si le mien saigne, la surprise me fait m’évanouir. Robert sait bien, lui, qu’il est rempli de sang ! Il saigne parce qu’il vit dans un corps. Comme saigne le cochon qu’on saigne ! Moi, chaque fois qu’il m’arrive quelque-chose de nouveau, j’apprends que j’ai un corps. (59)

L’index vaut le détour.

Testicules, siège de l’âme ? Comment ai-je pu vivre si longtemps sans Daniel ?

 

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