Linda Lê, Le complexe de Caliban

Linda Lê, Le complexe de Caliban

Linda Lê est une dévoreuse de livres. Roman, théâtre, philo, rien ne semble sortir du cadre de ses curiosités tant qu’il s’agit de mots. Érudite à juste dose, de cette érudition affamée, chaleureuse et constamment remise en question, elle nous parle de Victor Hugo, de Lautréamont, de Fernando Pessoa, de Joseph Conrad… Les écrivains et leurs personnages – quasiment considérés au même niveau d’existence – sont ses compagnons de routes, la Babel des mots est son refuge.

Elle invite et fait dialoguer les auteurs entre eux. On se perd un peu mais quel plaisir tout de même que de suivre ces échanges improvisés. Évidemment, quand je lis des phrases comme : Et la poésie de Dickinson, roman d’une âme en incandescence, se lit aussi comme une maïeutique par laquelle les variations sur la solitude donnent naissance à une pensée élégiaque (144), je suis perdue. Mais elle aborde tous ces auteurs avec tant de naturel qu’on a envie de se ruer sur leurs livres. Il y a des pages superbes sur Cioran (que je n’ai jamais abordé). Fascinant pour moi qui ne possède pas ces capacités d’analyse.

Linda Lê discute avec les écrivains pour mieux nous parler d’écriture. Les quelques chapitres qui abordent cette question sont passionnants par leur mise en abîme, leur plongée aux tréfonds de l’être, leur analyse du passage de l’indicible à la parole écrite. L’écriture comme ébullition, éruption organique.

Puissant, noueux comme un chêne. Un livre de chevet.

La première fois où je pénétrai dans la bibliothèque du lycée Claude Monet, perché sur les hauteurs du Havre, et que je pus caresser du doigt les livres, alignés tels les soldats d’une armée morte qui attendaient de révéler leur secret, je me sentis riche de toutes les possibilités. (35)

Caliban le monstre, le Minotaure, l’enfant qui rêve, est la part obscure avec laquelle l’écrivain conclut un pacte de coexistence. C’est l’écheveau de fil qui le relient à l’inexprimé, à la vie d’avant les mots. (104)

 

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