Tony Hillerman, Là où dansent les morts

Mont Aigoual, arboretum de l'Hort de Dieu - Tony Hillerman, Là où dansent les morts

Massif de l’Aigoual, arboretum de l’Hort de Dieu

Tony Hillerman m’a donné le goût des cailloux, des genévriers et de la poussière qui s’élève d’une terre sèche. Il me fait lever la tête pour observer les mouvements du ciel. Il a attiré ma curiosité vers la quête des traces sur le sol et m’a incitée à m’initier à celles des blaireaux, chevreuil et autres renards.

La mythologie est très présente et nourrit le noyau de l’intrigue. Les courants qui régissent les interactions entre les êtres, leurs croyances, leurs pratiques spirituelles et les éléments naturels forment une globalité d’une grande justesse. Le paysage fait partie intégrante de l’enquête. Joe Leaphorn parcourt des kilomètres et des kilomètres dans sa voiture – et il faut voir sur quelles routes ! – pour rencontrer des gens. Dans ces contrées où la solitude est un composant naturel de la vie, la parole acquiert une densité particulière.

À toujours vouloir trouver une logique, il a tendance à passer à côté de certaines possibilités. J’ai compris bien avant lui le coup du mot dans la boîte à déjeuner… Mais même si la lectrice a un temps d’avance, Ernesto Cata et George Bowlegs sont des personnages touchants dans leur vulnérabilité adolescente. Et La fin est flamboyante.

Hêtre pourpre

Massif de l’Aigoual

Rhododendron

Arboretum

Séquoia géant

Arboretum

Ensanglantée de l’oseille

Massif de l’Aigoual

Mont Aigoual

Massif de l’Aigoual

Lys martagon

 

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Jean Giono, Un de Beaumugnes

Plateau du Lévézou, chemin des éoliennes - Jean Giono, Un de Beaumugnes

Plateau du Lévézou

 

Il y avait de la fesse. (10)

… de la sensualité, oui, mais aussi une liberté d’écriture affolante, la magie de la phrase qui fait tournicoter les sens. Sans un mot de trop, ce texte est un petit bijou. J’y ai trouvé le même éblouissement qu’à la lecture de Raboliot ou de L’épervier de Maheux. Cette densité terrienne, ces racines qui rejoignent celles des arbres et des plantes parmi les insectes, redonnent une dignité à l’être humain.

Lui en vouloir ? Pensez un peu si je lui en voulais ! Ah, pauvre ! Depuis la soupe de la veille, cette rage de douleur, ça m’avait donné ma maladie ordinaire : mon mal d’aider. (71)

Voilà comment je les aime, les hommes. Ah, il y en a bien encore quelques-uns de de ce genre par ici. Ça console des autres. (83)

Pas de ces bons sentiments qui sucrent à outrance la littérature de caddie, pas de morale de pacotille, mais une vision authentique de la bonté, du service aux autres. On se prendrait à rêver à cette belle idée, on serait tentée de se donner un nouveau souffle.

L’homme Giono se laisse disparaître derrière l’inventivité de la langue qui acquiert une vie propre et s’égaille sur les plateaux en souffles imprévisibles, à l’image du vent de Regain.

Les choses de la terre, mon vieux, j’ai tant vécu avec elles, j’ai tant fait ma vie dans l’espace qu’elles laissaient, j’ai tant eu d’amis arbres, le vent s’est tant frotté contre moi que, quand j’ai de la peine, c’est à elles que je pense pour la consolation. (15)

 

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Abigail Padgett, L’enfant du silence

Causse du Larzac, roc du Mérigou

Il n’y avait rien entre elle et ce fantôme omniprésent, rien d’autre que sa lucidité durement gagnée. (108)

J’ai déjà lu toute la série il y a quelques années et j’avais peur de ne pas retrouver mon amour d’antan. Le revivre bonifié a été une agréable surprise. Il est rare de rencontrer un auteur qui donne des troubles psychiques – ici en l’occurrence, des troubles bipolaires – une vue concrète et simplement humaine. Bo Bradley assume les aléas de son cerveau avec lucidité et responsabilité. Habitée par un doute récurent sur la justesse de ses perceptions, elle est obligée de se discipliner par une présence accrue au monde, un constant réajustement face à ceux qui [tiennent] les rênes de la réalité. Défendre son intégrité est une priorité.

Du punch, de l’énergie, un équilibre réussi entre cultures irlandaise et amérindienne… et bien je vais tout relire alors !

Roc du Mérigou

Roc du Mérigou

Monticole

Causse du Larzac

Roc du Mérigou

Roc du Mérigou

Causse du Larzac

Eresus

Lézards verts

Lézard vert

Causse du Larzac

Minis iris

Roc du Mérigou

 

Bo se gardait bien de confier que pas une seule fois, son délire n’avait été plus qu’une vérité amplifiée que les gens normaux peuvent nier, atténuer, filtrer pour la ramener à un niveau tolérable.
« Les cyclothymiques perdent la faculté de ne pas savoir », lui avait expliqué le docteur Bittner.
Le monde pourrait être très différent, avait-elle songé une fois, en regardant par la fenêtre de son bureau par un maussade après-midi de février, si tout le monde perdait un peu cette faculté. (122)

 

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Alice Munro, Trop de bonheur

Causse Noir, Roquesaltes - Alice Munro, Trop de bonheur

Causse Noir, Roquesaltes

Il y a quelque chose en tout cas, dans le fait d’avoir traversé cette journée sans qu’elle soit un désastre complet. (123)

Alice Munro part à la rencontre des âges de la vie à travers ses nouvelles, accordant la même bienveillance à l’enfant qu’à la personne en fin de vie. Mais si on lit, détendue, croyant suivre un fil romanesque qui se déroule en toute quiétude, le bateau tangue pourtant, d’abord imperceptiblement, puis franchement. Les personnages font de leur mieux, la lectrice fait de son mieux, mais le malaise s’installe, les situations glissent, nous échappent, alors que rien ne le laissait présager. L’invraisemblable, le drame, sont sous nos yeux alors même que le monde alentour n’a pas changé.

Alice Munro écrit au-delà de toute morale. Ni bien, ni mal, juste l’interaction entre des mondes intérieurs et la vie sociale. Elle se situe habilement à ce point de rencontre. Ce qui donne à chaque nouvelle sa dynamique singulière. Les kimonos, la rhubarbe et les chatouilles peuvent s’inviter dans différentes histoires sans en étioler la fraîcheur. À l’aise, elle manie le temps et l’espace comme des cubes.

Elle lisait aussi des romans modernes. Toujours des romans. Elle détestait entendre le mot « évasion » appliqué à la fiction. Elle aurait pu soutenir, et pas seulement pour rire, que c’était la vraie vie qui était l’évasion. (131)

Toujours un immense plaisir de lecture, la joie de découvrir des mots qui définissent certaines expériences de nos vies, l’envie d’y revenir, plus tard…

Roquesaltes

Anémones pulsatilles

Zygène

Roquesaltes

Crave à bec rouge

Causse Noir

Roquesaltes

Orchis militaris

Roquesaltes

Grand corbeau

Vautour fauve

 

 

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Paul G. Zolbrod, Le livre des indiens navajos

Causse Noir, Mas Maury - Paul G. Zolbrod, Le livre des indiens navajos

Causse Noir, Mas Maury

Allez et cheminez dans la beauté. (248)

Comment lire ce texte ? La question se pose d’emblée car la forme n’est pas immédiatement naturelle à notre cerveau nourri de romans et d’essais. J’ai tourné autour pendant un certain temps, le flairant comme un coyote, en espérant qu’une facette de ma personne réagisse. Par quelle grâce le déclic s’est-il fait ? Une conscience plus aiguisée du chaos du monde ? Une tournure d’esprit soudainement ouverte aux transmissions orales ? Je ne sais. Toujours est-il que le mythe de la création navajo a fin par me parler.

Sa dynamique tout entière est contenue dans les notions d’harmonie (hozho) et de chaos (hoxho).

L’émergence des insectes du monde inférieur (toute pleine d’une vérité biologique : que serions-nous sans les vers de terre et autres habitants minuscules ?) se fait par alternance d’ordre et de désordre. À chaque fois qu’ils brisent la confiance de ceux qui les accueillent, ils sont obligés de quitter le monde dans lequel ils sont pour traverser le ciel et aller plus loin, ceci par quatre fois. La construction du cinquième monde, dans lequel ils vont finalement s’établir, se fait sur la base du quatre (quatre vents, quatre dieux, quatre montagnes…) Mais elle est sans cesse contrariée par Coyote, « Premier trouble-fête ».

Plus que tout autre personnage du cycle, le Coyote incarne l’instinct de survie, l’obstination à vivre, le refus de disparaître. De manière symbolique, il est vu comme la force qui transcende en chacun toutes les dispositions à l’autodestruction, à la négation, à la folie, aux conduites antisociales. (460)

Coyote… la grande star des récits amérindiens… cet enthousiaste à la Gaston Lagaffe, créateur d’une nouvelle réalité par ses frasques, qui nous rappelle sans cesse de ne pas trop croire au confort et aux histoires qu’on se raconte. Passionnante opposition entre l’esprit rationnel et les mouvements d’un monde incertain.

Monstres, empoignades avec les forces telluriques, équilibre homme-femme, les fondamentaux de la culture navajo incitent à plonger dans les profondeurs pour rétablir l’harmonie.

Lorsque j’ai commencé à lire les récits écrits de la tradition navajo et d’autres traditions amérindiennes, j’ai eu le plus grand mal à reconnaître parmi les personnages ceux qui étaient physiquement et essentiellement humains et ceux qui ne l’étaient pas. Peu à peu, cependant, je me suis rendu compte que la distinction ne devait pas nécessairement être faite selon des critères propres à notre mode de pensée occidental. La relation entre l’humain et le non-humain dans les narrations navajos est bien vue par Luckert, qui introduit le terme de « flux préhumain » et explique comment il doit être compris. Cette expression, écrit-il, « se réfère à la parenté originelle de l’homme et de toutes les créatures du monde vivant, et au lien qui existe entre tous les êtres animés. » Dans le monde malléable « des temps mythiques préhumains, tous les êtres vivants existaient en état de flux, avec des formes extérieures interchangeables ». Le monde des créatures animées comprenait « tout ce qui se déplace dans l’air et dans le ciel, sur terre, sous la terre et dans la mer. » Même les dieux faisaient partie de ce monde et de sa population bigarrée d’êtres vivants n’ayant pas encore de forme stable. (450)

 

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Nina Berberova, C’est moi qui souligne

Causse du Larzac, la Couvertoirade - Nina Berberova, C’est moi qui souligne

Causse du Larzac, la Couvertoirade

La connaissance de soi a été une donnée constante de ma vie. (24)

J’ai voulu me connaître et aussi me transformer. (25)

Pas d’idées préconçues sur ce livre et une histoire personnelle jusque-là très ténue avec Nina Berberova, le ton singulier de ses premiers mots m’a vite happée. L’écriture fine, exigeante, racée, est au service d’une incroyable clarté d’esprit. Sa mémoire est précise, son regard lucide. Si on y perd en chaleur, ce dépassement de la sentimentalité fait gagner en force mentale. On se sent parfois petit face à elle. Face à ce caractère qui a transcendé famine, vie de catacombe, visions d’Apocalypse.

Nous avions une émigration minable, triste, provinciale, des livres, des bordels, des histoires russes : il n’en reste rien. Ma génération sera tuée à la guerre et les vieux disparaîtront sans tarder. (421)

Née russe en 1901, il fallait se la manger, cette première moitié de XXe siècle ! J’en retiens essentiellement l’effervescence littéraire qui liait ces gens dont elle dresse le portrait d’une manière bien à elle, en guise d’hommage contre l’oubli. Ces écrivains, ces peintres, tous exilés, qui se côtoient, se stimulent, se perdent de vue à travers des relations dictées par l’Histoire. Le sérieux avec lequel ils considèrent la littérature, lui dédient leur vie, dans un bras de fer violent avec un pouvoir politique destructeur et sournois. Une littérature pleinement vécue, dans la chair, dans le réel, comme partie intégrante de l’expérience quotidienne. Accessible aux fous, aux déséquilibrés, aux mal-adaptés.

J’ai aspiré à la solitude dès mon jeune âge. Rien n’était plus affreux pour moi que de passer une journée entière en compagnie d’une autre personne sans pouvoir être seule avec mes pensées, rester libre de mes actes, lire ce qui me tombait sous la main. (43)

Mais aussi le récit d’un enfance décliné avec la conscience de la globalité intérieure de sa vie. D’une manière dont j’aimerai pouvoir reconsidérer la mienne. Mais aussi des carnets d’occupation torpillés de solitude et de tristesse. Mais aussi la vaste plénitude de l’espace américain.

J’ai toujours rêvé de parvenir à la maturité avant de mourir. (245)

C’est une autobiographie d’une grande maturité humaine, d’une dignité intérieure à l’aise dans le monde, témoignage d’une vie authentique et responsable. Au-delà de la dureté des faits, de la poigne parfois intimidante de l’auteur, j’espère y avoir puisé un peu de cette force transcendante, de ce sens aigu du réel.

 

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Kathleen Jamie, L’œil du faucon

Monts de Lacaune, lac du Laouzas - Kathleen Jamie, L’œil du faucon

Monts de Lacaune, lac du Laouzas

Si vous avez vu le faucon, vous pouvez être sûr que le faucon vous a vu. (45)

La voix est singulière… elle ne cherche pas à plaire, ne sort aucun artifice de séduction de son chapeau. Elle est distante, comme dans l’attente d’un signe d’intérêt du lecteur pour en dire plus. Ses accroches, en début de chapitres, sont irrésistibles. Quand je me trouve face à phrase telle que :

J’ai cisaillé la tête du fou de Bassan, à l’aide de mon canif, et la besogne est devenue de celles dans lesquelles on regrette amèrement de s’être lancé. (66)

Je fonds de bonheur. Moi aussi je ramasse des cailloux, des bois flottés et des crânes, mais je n’en suis jamais arrivée à de telles extrémités ! J’attends que les intempéries et le petit peuple de l’humus fasse son travail…

N’est-ce pas une espèce de prière ? Le soin et l’entretien du réseau de notre attention, l’habitude de remarquer les choses ? (143)

Kathleen Jamie ne raconte rien d’extraordinaire, mais part sur des angles de vue décalé. Et s’excuse même auprès du lecteur quand elle utilise une image convenue. J’aime sa simplicité portée par une cohérence intérieure où les éléments se répondent. On sent parfois une peu trop la technique d’écriture transparaître. Les phrases de tête de chapitre sont soignées. Les dernières forment une boucle en un élément du début. On y perd en naturel ce qu’on gagne en construction impeccable, concentrée, concise. Là où on regrette un charme, une chaleur, une accolade, on goutte avec délice son regard frontal sur la réalité, son sang-froid, particulièrement significatif lors de sa contemplation des bocaux… Elle explore, fouisse, cherche à poursuivre les négociations avec le monde » « par le truchement du langage. Fièvre est très beau de sensibilité retenue, de pudeur et d’amour.

Lu au bord d’un lac, puis d’une rivière, et enfin, par ces journées caniculaires de juillet, affalée sur mon lit comme une baleine échouée, j’ai trouvé que c’était avec le bruit de l’eau glissant entre les rochers que ce livre s’accordait le mieux. Sous des dehors austères, sa fluidité se révèle dans l’écoulement du temps et le passage des instants fugaces.

Le ciel est très couvert, les coups de chien menacent, la bise est trop froide. Or, si le vent dépasse les trois nœuds, les râles n’ont pas envie de sortir. Ils n’aiment pas voler, le vent et la pluie leur déplaisent, et ils n’ont aucune envie de se donner en spectacle – c’est le genre d’oiseau qui demande à être dispensé des activités sportives. (126)

Lac du Laouzas

Grèbe huppé

Nid de petit gravelot

Lac du Laouzas

 

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Nicole Lombard, Étrangers sur l’Aubrac

Nicole Lombard, Étrangers sur l’Aubrac

Nous sommes des naïfs. Malgré toutes nos vicissitudes, nous sommes restés des naïfs. (128)

J’ai beaucoup d’amitié pour ce livre. Il me parle de pays connus : Nasbinals, Anduze, Florac, le Lévezou, les Monts de Lacaune. Il me donne des nouvelles du petit peuple : troglodyte, libellules bleues, carabes, merles du pays d’Aubrac. Il évoque des écrivains chers au cœur de Jean Carrière : Julien Gracq et Jean Giono… ultime surprise, voilà Jean lui-même dans les derniers chapitres, aux prises avec l’univers des fourmis !

En un mot comme en cent, me voilà chez moi, à l’aise comme une pâquerette dans un pré. La géographie se calque sur celle des acacias et de leurs floraisons. L’existence est de celles qui connaissent le fond de la survie, les gestes qui tentent d’apprivoiser les désastres et une curiosité toujours alerte. Quand on a plus rien, que nous reste-t-il ? Quand il fait -1 dans sa tente, Nicole Lombard se désole de voir ses pauvres petites feuilles de hêtre toutes neuves, toutes fraîches, brutalisées par le gel et la neige. Les humains se mêlent aux vents, aux vaches, aux chiens et aux lis martagon sur un pied d’égalité.

C’est fou ce qu’une paire de gants neufs peut changer vos relations avec les orties. (139)

Sur cette terre de planteurs de croix où Saint François d’Assise, un saint étranger, et pauvre de surcroît, n’a pas son mot à dire, Nicole Lombard et son compagnon s’inventent une vie habitée de leprechauns, menacée par la manivelle de l’affreuse machine à broyer les petits et les humbles, dans une précarité digne et intègre. C’est tout un art de préserver nos petites vies de rien du froid, de l’enivrement administratif (Dostoïevski) et de l’arnaque normalisée. Recevoir des nouvelles de frères humains de la précarité libre et digne redonne du cœur à l’ouvrage.

Enfin, tant que nous aurons des livres, nous ne nous pendrons pas » affirmait déjà Mme de Sévigné, qui avait sans doute aussi froid. (189)

La pluie est parfois effrayante, mais c’est avec indifférence : elle s’en prend à vous comme à n’importe qui d’autre. Quand il s’agit du vent et que ce vent s’acharne comme en certaines nuits de ce premier hiver, on se sent personnellement visé, désigné, agressé. On voudrait s’expliquer d’homme à homme, mais quel langage utiliser ? (226)

 

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Richard Erdoes, Et Coyote créa le monde

Richard Erdoes, Et Coyote créa le monde

Les décepteurs sont les acteurs les plus stimulants des contes : pleinement vivants, malmenés, couillons ou malins, intéressés et gourmands, ils mettent la vie en valeur dans ce qu’elle à de plus acide et de plus incertain. Ils nous rappellent d’où l’on vient, d’un temps sans feu, sans vêtements et sans nourriture. Ils nous remettent en face des yeux l’aspect chaotique et imprévisible de l’existence, où parfois les grosses bêtises sont créatrices et les arnaqueurs source de dynamisme. Dupeurs et dupés existent depuis la nuit des temps, savoir reconnaître les offres de Coyote mérite un apprentissage.

Coyote… la grande star du recueil ! Doté d’un courage désordonné, il ne sait jamais s’arrêter à temps. Il ne craint ni les anus, ni les pets, ni les vagins dentés, ni d’aspirer une soupe directement dans un intestin.  Entre crudité et mythologie fondatrice, ce recueil de contes inspiré et compilé par des auteur habités par les cultures amérindiennes nous invite à redéfinir notre relation au temps présent.

Le décepteur ne parvient jamais à adopter totalement le comportement des humains, de même qu’il est incapable de prendre véritablement leur apparence. Il ne peut hériter du passé de l’espèce humaine, et n’espère aucun futur. Il est la personnification du temps présent. (14)

Howard Norman a parfaitement décrit cette relation originelle entre les êtres humains et leur environnement naturel : « Ces contes enseignent à leurs auditoires le caractère sacré de toute vie. Leur forme étant extrêmement simple, ils tournent le dos aux idées toutes faites, animent et représentent, organisent et réorganisent le monde. » (16)

 

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Elizabeth Goudge, Le jardin de Belmaray

Elizabeth Goudge, Le jardin de Belmaray

C’est de cette façon que mon âme la suivait, avec légèreté et bonheur, et je serais débarrassé de tous mes grands tourments. (319)

Les romans d’Elizabeth Goudge sont mes Harlequins à moi, mon pays des Bisounours. Il s’en dégage un charme ancien, une morale élégante. John, Margary ou Winkle sont des êtres fragiles et sensibles qu’un romarin peut émouvoir. Simples passants, leur existence suit la course des nuages. On jardine, on bine, on plante des géraniums, on arrache des orties. L’entretien des sentiments humains passe avant tout autre chose. Elizabeth Goudge a l’art de rendre compte des affinités de cœur.

Je vendrai mon âme au diable qui est en moi. (183)

Le jardin de Belmaray est un endroit où les bonnes intentions ont des effets immédiats et porteurs, où l’intégrité et l’intelligence du cœur sont valorisés, où les incompétents de la vie peuvent s’épanouir, où en somme l’être humain peut recouvrer sa pleine dignité… Et de temps en temps ça fait du bien d’y aller !

On ne peut traverser la vie sans une certaine forme d’assurance extérieure, de même qu’on ne peut circuler sans vêtements, mais il faut beaucoup de pratique avant d’être capable de cacher son manque intérieur d’assurance. (319)

Les méditations de tout le monde sont maladroites. La nature humaine l’est, et toutes nos aspirations sont aussi frustes que notre nature; mais qu’importe si elles provoquent notre développement ? (361)

 

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