David Henry Keller, La chose dans la cave

David Henry Keller, La chose dans la cave

Sur ces quatre nouvelles, je n’en ai véritablement aimé que deux. La première, La chose dans la cave, est concise, efficace, lapidaire. En quelques pages tirées au cordeau, elle donne toute sa substance. C’est simple, ça tombe juste, il n’en faut pas plus pour faire turbiner l’imagination du lecteur et marquer son imagerie littéraire.
La morte n’est pas mal non plus. Je ne serai pas aussi dithyrambique que le préfacier qui la verrait bien intégrée dans les programmes scolaires, mais elle se tient.
Le chat tigre vire au baroque – elle a apparemment été écrite dans un but parodique – La bride magique est peu originale et moins bien construire que les autres.

Sans plus.

 

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Stephen Batchelor, Le bouddhisme libéré des croyances

Stephen Batchelor, Le bouddhisme libéré des croyances

Ce livre, qu’il est aujourd’hui impossible de trouver hormis en bibliothèque – appel aux éditeurs ! – est un petit bijou. Se détachant de tout le fatras bouddhoïde moraliste, consolateur et superstitieux qui s’est développé au fil des siècles autour de la pratique enseignée par Gautama, il revient à l’essentiel. Il est assez amusant de réaliser, à travers ce que nous dit Stephen Batchelor, que ce qui constituait le contexte culturel de la vie de Gautama – telle l’idée de réincarnation véhiculée par l’hindouisme – soit perçu aujourd’hui comme faisant partie intégrante de l’enseignement qu’il souhaitait transmettre.

Les idées qui appartenaient à la représentation du monde de l’Inde du VIe siècle avant notre ère se sont figées en dogme.

Car Gautama était un homme de son temps. Loin de vivre replié au sein de sa communauté spirituelle, il était bien obligé de composer avec les enjeux socio-politiques qui l’entouraient (aspect développé de manière plus fouillée dans Itinéraire d’un bouddhiste athée du même auteur). De même, il s’adressait à ses auditeurs à travers des concepts qui leur étaient familiers. C’est cette même adaptation de la pratique ici et maintenant que nous propose Stephen Batchelor. Il nous prend à bras le corps dans une étreinte musclée pour nous remettre les yeux en face des trous. C’est un texte percutant, lapidaire et direct, un essorage de tout ce que véhiculent habituellement les traditions bouddhistes. Une mise au clair indispensable à tout pratiquant soucieux de son intégrité et de son indépendance d’esprit, bases d’une spiritualité maturante.

Le propos est sec, mais il y a un curieux paradoxe entre l’austérité de la forme et l’amour de la vie qui jaillit du livre. Cet essai est aussi un éloge de la liberté et de l’imagination, une présentation de la méditation comme immédiateté sensuelle, plongée dans la présence au monde, création de soi.

Le génie du Bouddha a été son imagination. (157)

Car si les fondateurs étaient imaginatifs et créatifs, l’imagination et la créativité étaient des qualités rarement encouragées dans les écoles et les ordres qu’ils avaient eux-même fondés. (158)

 

L’angoisse naît du désir que la vie soit autrement que ce qu’elle est. (45)

L’intégrité morale requiert d’une part d’avoir l’intelligence de considérer la situation présente comme la manifestation de choix antérieurs, et, d’autre part, d’avoir le courage de s’impliquer dans de moment présent duquel le futur émerge. Elle nous permet d’embrasser l’ambiguïté d’un présent à la fois lié à un passé irrévocable et ouvert sur un futur indéterminé. (76)

Les religions peuvent s’accorder à penser que la vie continue sous une forme ou une autre après la mort mais cela ne veut pas dire pour autant que cette affirmation soit correcte. Les religions ont maintenu jusqu’à une époque encore récente que la terre était plate et cette idée très largement répandue n’a eu aucune incidence sur la forme de la planète. (58)

Il est parfaitement clair que nous ne pouvons pas atteindre l’éveil pour nous-mêmes : nous pouvons seulement participer à l’éveil de la vie. (135)

 

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René Barjavel, Ravage

René Barjavel, Ravage

Apocalyptique, flamboyant de scènes marquantes et d’images fulgurantes – le Christ et la Mort, la maison illuminée – l’effondrement de la civilisation dépeint par Barjavel prend le lecteur aux tripes. Le désarroi, l’effarement, la perte brutale de repères, la nécessité de puiser dans ses ressources intérieures pour survivre bouleverse et fascine. On ne peut pas s’identifier aux personnages, ils ne sont pas sympathiques. François est un affreux paternaliste coincé, sa copine n’a pas de cervelle. Mais le plaisir de lecture n’a pas besoin de cela, il est au contraire stimulé par la contemplation d’un monde dans lequel on ne voudrait en aucun cas se retrouver.

J’ai aimé la scène du couple de vieux hors du temps : Qué catastrophe ?

Par contre, comme cela a été exprimé par nombre de babéliotes, on peut s’abstenir de lire la fin. Elle gâche tout. Curieuse conclusion – qui semble comme surajoutée au roman, tant le ton est différent – qui prône le repliement intégriste autour d’une communauté fermée et orthodoxe au lieu d’une démarche menant à l’éducation et à la culture. Ces hommes et ces femmes sombrent dans une pensée utilitaire qui est celle-là même qui a causé la perte de l’humanité, le progrès technique en moins. Est-ce suffisant pour faire grandir des êtres humains ?

 

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Stephen King, Juste avant le crépuscule, lu par Michel Raimbault

Stephen King, Juste avant le crépuscule, lu par Michel Raimbault

Stephen King nous dit dans sa préface, en parlant de ses nouvelles : … si vous les écoutez en version audio, je l’espère vivement, car quand ça marche, c’est comme si on était sous le coup d’un charme magique. Je suis bien d’accord avec lui… un charme magique… quand ça marche… Ici, on a beau grattouiller le cou du chat, le charme magique ne ronronne pas.

A noter en passant que le traducteur a écorché les paroles de l’excellente chanson de Steve Waring dont s’inspirent deux histoires et qui est citée à un moment donné. Il s’agit du matou revient et non pas du chat, Ô outrage !

Des thèmes banals traités sans surprise, de longues élucubrations, des larmoiements de paumés, qu’est-ce qu’on s’ennuie ! Michel Raimbault lui-même n’a pas l’air très fixé sur le ton à adopter. Il semble raconter une bonne virée de pêche entre copains, avec bière et franche rigolade. Parfois il se rend compte que la situation est vraiment dramatique, alors il adopte momentanément un débit plus sérieux, avant de revenir à son attitude nonchalante et complice, légèrement ironique. Au début, cela m’a agacée, je me suis dit qu’il gâchait mes retrouvailles avec Stephen King que je n’avais pas lu depuis quinze ans. Puis je me suis rendue compte que le texte lui-même était bavard et vide de tout intérêt. Un livre audio à éviter.

 

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Henri Bosco, L’enfant et la rivière

Henri Bosco, L’enfant et la rivière

Ce livre me fascinait quand j’étais enfant. Je l’ouvrais, le feuilletais, admirais du bout des yeux les illustrations de Georges Lemoine, mais n’arrivais pas à le lire. C’est un des livres mythiques que j’ai croisé dans ma vie sans l’aborder vraiment mais tout en gardant un œil dessus. J’ai profité de cet été et des trente années d’expérience de lecture qui se sont ajoutées depuis mes premières tentatives pour l’ouvrir franchement et le parcourir de bout en bout.

Je comprends maintenant ce qui me rebutait. Ces longues évocations de la nature  passaient au-dessus de la tête de la petite citadine que j’étais. Tous ces noms d’oiseaux et de plantes inconnus découragent. Même aujourd’hui, il n’y en a pas la moitié qui évoquent directement une image vivante dans mon esprit et cela gêne la lecture.

J’ai aimé cet enfant qui tombe amoureux d’une rivière et se laisse porter par elle jusqu’à s’oublier et n’être plus qu’air et eau. Ce nouveau rapport au temps qu’il découvre, le rythme régulier, la respiration du monde lacustre. Mais ce roman se dérobe toujours un peu à mes attentions. Je n’arrive pas à me lier complètement à lui sans vraiment savoir pourquoi. A relire dans trente ans…

Quand on a une arme, on s’en sert, fatalement. On tire pour tirer. Par malheur on n’aime pas tirer sur rien. On cherche vite un but. Je n’en sais pas de plus tentant qu’un bel oiseau. (88)

 

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François Garde, Pour trois couronnes

François Garde, Pour trois couronnes

Maladresse… c’est le terme qui me vient naturellement à l’esprit à l’évocation de ce roman.

La narration est maladroite et juvénile : des fils grossiers parcourent la trame pour essayer de lui donner plus de consistance.

Quelque-chose dans ma vie venait de basculer.  (28)

Par quelle alchimie entrais-je en résonance avec cette histoire ? […] Et moi, quand aurais-je à mon tour le droit de faire rouler les dés sur la table du destin ?  (62)

Je jubilais. Enfin le rocher se fendait en deux, enfin le secret allait m’être complètement révélé. (73)

… alors qu’aucune révélation transcendante n’a été faite.

L’histoire est brinquebalante. Le narrateur passe son temps en vaines recherches et en lointains voyages (qu’on lui paye sans rechigner) pour des résultats assez mitigés et finalement peu consistants, tout en se laissant dériver sur ses petits nuages personnels.

Malgré tout se dégage un certain charme vaporeux de ces poussières d’archives.

 

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Éric Chevillard, L’autofictif père et fils

Éric Chevillard, L’autofictif père et fils

Après la lecture de mon premier Autofictif, j’étais très enthousiaste à l’idée que je pouvais le retrouver quotidiennement, guillerettement et gratuitement sur internet. Mais je me suis vite rendue compte que je prenais beaucoup plus de plaisir à lire les livres. Le charme de la page pleine de promesse, le chatouillement de plaisir à la taquiner, à faire durer le plaisir avant de la tourner. Le Chevillard de papier est beaucoup plus jouissif.

J’admire son art de la critique littéraire et du haïku, sa mauvaise foi assumée concernant son succès commercial. La concision est chez lui une seconde nature. Ce recueil est plus amer et plus dur. De jolies saillies en pages : 28 / 85 / 93 / 135 / 168 / 172 / 175 / 200 / 204 / 216 / 239 / 240.

(Et oui, il faudra ouvrir le livre pour les découvrir !)

À l’âge de 17 ans, ma soif de lecture était telle que la plupart des écrivains ne pouvaient pas fournir et que seul Balzac alors parvenait à l’étancher, mais cela au prix hélas d’un travail de forçat qui finit par lui coûter la vie. (28)

 

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Karen Blixen, Les perles et autres contes, lu par Anne Brochet

Karen Blixen, Les perles et autres contes, lu par Anne Brochet

J’ai trouvé ces histoires poétiques et pleines de charme. La plume de Karen Blixen est délicate, ses personnages sont riches et fouillés. Mais je n’ai pas vraiment compris le sens caché derrière les paraboles de la perle, de l’anneau. Je n’ai pas non plus d’affinités avec ces jeunes mariés qui ne se sentent pas tout à fait à leur place, même si leur sentiment intérieur ne m’est pas inconnu. Anne Brochet est posée, a un rythme de lecture parfait. J’aime ces interprètes qui ne sont pas pressés et donnent à goûter les mots. C’est un audiolivre qui reste plein de mystères à mes yeux et plein de beauté à mes sens.

 

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Barbara Constantine, Et puis Paulette…, lu par Daniel Nicomède

Barbara Constantine, Et puis Paulette…, lu par Daniel Nicomède

Voici le genre de roman dont le scénario de base semble tout droit sorti d’un livre pour enfants :  Ferdinand vivait seul dans sa grande maison. Il invita Marceline et Guy, qui étaient seuls et tristes aussi. L’âne, le chien et les chats habitent avec eux. Ils boivent de la tisane et mangent des langues de chat et sont très heureux maintenant qu’ils vivent ensemble. Des phrases courtes, des paragraphes vite parcourus, une solution aux problèmes de société à peu de frais, des kilos de guimauve au centimètre carré, en bref, un gros doudou sans aspérités : succès ! L’édition française a de beaux jours devant elle !

Heureusement que Daniel Nicomède, vif, plein d’allant, enjoué, à l’aise avec les voix, rythme le texte et frappe sur la phrase comme sur un tambour. On n’aurait pas pu mieux exploiter ce marshmallow collant.

 

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Donna Leon, Les joyaux du paradis, lu par Sabrina Marchese

Donna Leon, Les joyaux du paradis, lu par Sabrina Marchese

J’ai beaucoup aimé ce court polar contenu tout entier dans deux malles anciennes pleines de paperasses poussiéreuses. Point d’action bondissante ni de suspens frémissant, mais une intrigue de bibliothèque et de vieilles lettres aussi bien ficelée que ces dernières. La chute m’a beaucoup amusée.

Sabrina Marchese met une attention particulière aux relations amicales que nouent Caterina et Roseanna et donne la mesure de la sympathie qui naît entre elles avec brio. De sa voix douce et calme, posant les mots avec clarté, elle parcoure l’histoire d’une manière juste et agréable, accompagnée d’une musique qui sied à merveille.

 

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