Jean Carrière, Retour à Uzès

The Metropolitan Museum of Art, New York 1984.315.35 - Jean Carrière, Retour à Uzès

The Metropolitan Museum of Art, New York 1984.315.35

Si on souhaite découvrir les livres de Jean Carrière, il vaut mieux ne pas commencer par celui-ci. Ce premier roman écrit d’un jet, en l’espace de trois semaines, tend vers l’autofiction douloureuse. Sa lecture est  laborieuse. L’écriture superbe de Jean Carrière est déjà là, en latence. Des justesses, vite gâchées par des phrases inutilement compliquées au sens à déchiffrer. J’ai souvent décroché, survolé, papillonné.

Ce qui met mal à l’aise, c’est peut-être cet aspect de de confession déguisée, trop intime, trop interne. Les formes romanesques, cadre, personnages, sont floues, peu définies et manquent de solidité. Le carnet intime de Manuel et la lettre d’Isabelle ont des airs de procédés artificiels. Qui écrirait une lettre pareille à une inconnue ?

On se trouve face à une succession de souvenirs, de sensations, de pensées, de doutes existentiels. Manuel est un être indécis et flottant, étranger à la vie, hanté par l’attachement à une enfance idéalisée. Il se perd dans des abstractions prétentieuses, une certaine complaisance dans la souffrance, un narcissisme larmoyant qui provoque l’enlisement funèbre de la pensée dans ses propres replis. C’est lourd.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Jean Carrière, Un jardin pour l’éternel

Toulouse, Grand Rond - Jean Carrière, Un jardin pour l’éternel

Toulouse, Grand Rond

Il était toujours prêt à voir un signe du ciel.

On ne sait pas si Pierre-Ézechiel est inspiré ou halluciné. Folie et ouverture spirituelle. Perte des limites habituelles, des repères sociaux. Tout entier habité de lumière, de joie et d’émerveillement. Tout entier aussi habité d’effort, de patience, de persévérance et de solitude. A tel point que la compagnie des hommes lui est une perte de temps.

On retrouve Abel Reilhan, son entêtement, son impuissance. On retrouve le Père Reilhan et ses pas dans le ciel quand il laboure les champs hauts. L’intrication mystique de la nature et des élans de l’homme est une fois de plus au cœur des interrogations de Jean Carrière.

J’ai été, comme lors de ma lecture de L’épervier de Maheux, soufflée par la puissance d’écriture de cet écrivain. Elle véhicule une dimension intérieure qui me parle au fond des tripes.

Cette transformation de la réalité par ses sens comblait en lui des vides dont il n’avait jamais soupçonné l’existence. (34)

Notre grande erreur à tous est de croire que l’homme a quelque-chose à faire ici-bas. [Mgr Darboy] (231)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Hervé Bazin, Vipère au poing, lu par Pierre Vaneck

Hervé Bazin, Vipère au poing, lu par Pierre Vaneck

Pierre  Vaneck, qui ne m’avait pas emballée sur un enregistrement de Lovecraft, a ici un beau timbre de voix, une jolie rythmique. Il porte le texte avec justesse, parfois un peu rapidement, mais cela donne de la vivacité. Les dialogues sont d’une fluidité remarquable. La diction est claire même dans les passages enflammés.

Encore un classique qui s’avère être un livre merveilleux. Quelle plume ! Fine, délicate, piquante, bourrée d’humour. Hervé Bazin explique d’ailleurs dans une interview ajoutée en introduction au roman, qu’il n’a pas arrêté de rire en l’écrivant.

Ce regard lucide et sans concession d’un enfant sur les adultes vaut décidément le détour. Le roman évolue avec l’âge du narrateur. L’adolescence est plus rude, plus rugueuse que l’enfance. On finit sur des parfums de rage intérieur. Je suis curieuse de la suite.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, lu par André Dussolier

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, lu par André Dussolier

Cet été 2013 aura été bercé par l’émission Un été avec Proust de France Inter. Comment ne pas se laisser séduire par tant d’enthousiasmes cumulés, d’analyses alléchantes, comment ne pas plonger ?

Comme l’a conseillé un des intervenants, je me suis laissée allée au flot des phrases, sans chercher à m’accrocher aux mots. Et le courant m’a emportée. Proust s’écoute très bien quand on largue les amarres. André Dussolier lit au rythme de la pensée, de la rêverie. On peut se laisser aller, s’égarer, revenir vers l’écoute, on ne perd pas le fil. Ce livre audio convient merveilleusement aux longs trajets en car. Le son se fond dans le paysage.

Le personnage de la tante est cocasse, voire parfois franchement drôle, dans un passage évoquant les chiens étrangers au village notamment. Mme Verdurin est aussi un personnage haut en couleur, juchée sur son perchoir comme une perruche et qui s’efforce de ne pas trop rire pour éviter de se décrocher la mâchoire – au sens propre ! La langue est superbe mais le narcissisme larmoyant de Swann a finit par avoir raison de moi. J’ai finis par n’avoir plus aucune envie de côtoyer ces gens vains et superficiels, leur société est lassante au bout d’un moment.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

François Mauriac, Le désert de l’amour

François Mauriac, Le désert de l’amour

J’ai trouvé ce livre plus ampoulé, moins fluide que Le mystère Frontenac lu quelques temps auparavant. Il est souvent sentencieux – on pourrait d’ailleurs y piocher une multitude de citations. L’écriture est raide. François Mauriac appuie lourdement sur ce qui sépare les protagonistes :

Le désert qui sépare les classes comme il sépare les êtres. (62)

Ce fils d’une autre race puisqu’il est d’un autre sexe.

Le contexte social paraît dépassé, désuet, le texte a vieilli. Le roman se lit pourtant facilement et avec plaisir car le caractère des personnages est précis, mis en valeur sans lourdeur. Le docteur est finement campé dans sa vie à moitié vécue, à moitié rêvée. L’esprit de famille qui est en fait esprit de conservation, la vie sociale qui ne laisse que peu de possibilités à la vie intérieure de s’exprimer, ressortent avec force. Chacun est face à son néant.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Jack Vance, Le dernier château

Jack Vance, Le dernier château

Les éditions du Bélial publient de bien beaux livres. Le format est parfait, le papier sensuel, la couverture superbe. Elle ouvre immédiatement une fenêtre sur un univers différent.

Ce roman est un curieux mélange de trouvailles brillantes et de récits qui manquent d’envergure. Le macérateur, les yeux segmentés des izmiens, les variations sur les arbres – refuges à apprivoiser ou ogres féroces – m’ont enchantées. Les héros animés par des émotions basiques et sans finesse – amour, haine, avidité, attirance – m’ont tout à fait ennuyée. Les descriptions manquent de précisions et de développements, n’inspirent que laborieusement l’image mentale. La trame du récit, mélange de série noire et de SF décontractée est souvent molle et mal ficelée.  Seule la dernière nouvelle, Le dernier château, plus classique tant dans ses personnages que dans sa forme, m’a semblé offrir un souffle réel, une vision construite. Jack Vance y développe une mise en scène des luttes sociales et de la colonisation originale et parlante.

Jack Vance n’a pas su m’emporter dans les mondes qu’il a pourtant imaginés avec brio.

[Lu dans le cadre de ces fabuleuses masses critiques]

Omon Bojd reporta une partie de ses yeux sur Kindy. (83)

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Karin Serres, Monde sans oiseaux

Plateau du Lévézou, puech Monseigne - Karin Serres, Monde sans oiseaux

Plateau du Lévézou, puech Monseigne

Picturale, poétique. Une écriture qui laisse la part belle à l’imagination du lecteur. Parfois glauque (les cochons sanguinolents), dérangeant (les modes de séduction des hommes envers les petites filles), la violence sous-jacente n’altère pas le charme et la force de l’ensemble. C’est très court, mais je l’ai quand même lu sur plusieurs jours. Ce surréalisme se digère lentement.

Finit sur une grande tristesse. La lourdeur de la vie et son insignifiance.

 

 

 

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Honoré de Balzac, Le père Goriot, lu par Michel Vuillermoz

Pages:«1...39404142434445...68» Jack Vance, Le dernier château Publié le 27 décembre 2013 par Sandrine Bluetit DSCF5206 Cugnaux  Les éditions du Bélial publient de bien beaux livres. Le format est parfait, le papier sensuel, la couverture superbe. Elle ouvre immédiatement une fenêtre sur un univers différent.  Ce roman est un curieux mélange de trouvailles brillantes et de récits qui manquent d’envergure. Le macérateur, les yeux segmentés des izmiens, les variations sur les arbres – refuges à apprivoiser ou ogres féroces – m’ont enchantées. Les héros animés par des émotions basiques et sans finesse – amour, haine, avidité, attirance – m’ont tout à fait ennuyée. Les descriptions manquent de précisions et de développements, n’inspirent que laborieusement l’image mentale. La trame du récit, mélange de série noire et de SF décontractée est souvent molle et mal ficelée.  Seule la dernière nouvelle, Le dernier château, plus classique tant dans ses personnages que dans sa forme, m’a semblé offrir un souffle réel, une vision construite. Jack Vance y développe une mise en scène des luttes sociales et de la colonisation originale et parlante.  Jack Vance n’a pas su m’emporter dans les mondes qu’il a pourtant imaginés avec brio.  [Lu dans le cadre de l’une de ces gargantuesques Masses Critiques]     Publié dans Explorations littéraires	| Laisser un commentaire | Modifier Karin Serres, Monde sans oiseaux Publié le 19 décembre 2013 par Sandrine Bluetit DSC_5216 Plateau du Lévézou, puech Monseigne  Picturale, poétique. Une écriture qui laisse la part belle à l’imagination du lecteur. Parfois glauque (les cochons sanguinolents), dérangeant (les modes de séduction des hommes envers les petites filles), la violence sous-jacente n’altère pas le charme et la force de l’ensemble. C’est très court, mais je l’ai quand même lu sur plusieurs jours. Ce surréalisme se digère lentement.  Finit sur une grande tristesse. La lourdeur de la vie et son insignifiance.           Publié dans Explorations littéraires	| Laisser un commentaire | Modifier Honoré de Balzac, Le père Goriot, lu par Michel Vuillermoz

Michel Vuillermoz offre une lecture patiente, humble et claire. Il donne tout de ce qu’il y a à tirer du texte. À la fois pédagogue, sobre et agréable, sa mise en perspective permet une approche complète de ce beau roman.

Du mystère, de l’intrigue policière, des rebondissements sentimentaux et financiers, un peu de mélo mais point trop s’en faut. Je comprends que ce soit l’un des romans d’Honoré de Balzac les plus lus et les plus étudiés. On ne peut pas dire, c’est super bien écrit, super bien construit. Je me suis laissée happer par les mystères,  instruire sur le champ de bataille de la vie parisienne, émouvoir par les aspects sordides de la vie du Père Goriot. Quand le père agonise, les souris dansent sur son cadavre…

Il faut mourir pour savoir ce que c’est que des enfants.

Voilà un livre qui va m’encourager à fonder une famille  !

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

Daniel Pennac, Chagrin d’école, lu par l’auteur

Daniel Pennac, Chagrin d’école, lu par l’auteur

C’est à croire que Daniel Pennac écrit des livres volontairement destinés à être lus à haute voix. Le débit est tellement naturel, tellement fluide… L’orateur s’épanouit, s’envole, avec chaleur et humanisme.

Le sujet ne m’intéressait pas outre mesure, je n’avais pas spécialement envie de retourner à l’école. J’ai apprécie ses digressions sur l’être là. Mémé Marketing, la grande ogresse qui squatte les esprits vaut le détour. J’ai glané des anecdotes, savouré les extraits littéraires qui prennent un sens neuf et savoureux dans la bouche de Daniel Pennac. Mais qu’attend l’édition du livre audio pour l’embaucher à tour de bras comme lecteur ?

Je me croyais étrangère à l’esprit du cancre – assidue à l’étude que j’ai toujours été – mais je me suis aperçue, tentant une énième fois de me remettre à une broderie en peinture à l’aiguille, que j’expérimentais moi aussi cet état d’esprit, à l’occasion… Ce livre m’aura toujours appris cela…

Une interview courte mais apportant un éclairage sur la lecture à haute voix vue par Daniel Pennac clôt le livre audio.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire

François Mauriac, Le mystère Frontenac

François Mauriac, Le mystère Frontenac

Une écriture fluide pour un roman qui se lit tout seul. C’est le premier livre de François Mauriac que j’aborde, je n’ai donc pas d’éléments de comparaison (je vois dans les critiques précédentes que plusieurs babélioteurs trouvent que ce n’est pas le meilleur). Dans mon innocence naïve, j’ai beaucoup apprécié cette lecture.

Cette famille bourgeoise qui place le nom et la fidélité aux principes au-dessus de tout a suscité chez moi une certaine fascination. Monde inconnu et exotique… Les arbres, les joncs, le ruisseau sont très présents, liés au patrimoine mais aussi aux découvertes de l’enfance. Le livre est court, mais mine de rien parcoure l’existence de cinq enfants, de leur liberté bienheureuse aux responsabilités de l’âge adulte. Les sauts dans le temps se font sans transition, mais en harmonie, sans brusquerie. L’écoulement de l’écriture permet ce manque de raccords. La famille est à la fois présentée comme aliénante et sacralisée, ce qui donne de la profondeur au propos, lui évite un point de vue trop orienté dans une seule direction. Très en phase avec les réalités, le délitement, les trahisons, les abandons.

 

Publié dans Explorations littéraires | Laisser un commentaire